Presse et édition tablent trop sur… la tablette

En fait. Le 12 mars, Apple a commencé à engranger les premières commandes pour sa tablette multimédia iPad, laquelle sera livrée aux Etats-Unis à partir du 3 avril et dans huit autre pays courant avril – notamment en France – au lieu de fin mars initialement annoncé par Steve Jobs.

En clair. Après l’iPhone lancé il y a moins de trois ans (juin 2007), avec une couverture médiatique mondiale sans précédent, Apple est en passe de réussir à nouveau l’exploit
de lancer l’iPad avec le même engouement des journalistes et des blogeurs. C’est particulièrement frappant dans la presse écrite, qui, après avoir fait du smartphone d’Apple son mobile fétiche, semble trouver d’emblée dans la tablette multimédia de la firme à la pomme sa nouvelle planche de salut. Lors du “2010 Media Summit”, qui s’est déroulé à New York les 10 et 11 mars derniers, les journaux américains – New York Times et Wall Street Journal en tête – étaient déjà sur les starting-blocks. Au même moment, outre-Atlantique, l’iPad était également attendu de pied ferme par des patrons de presse lors du “Abu Dhabi Media Summit”. Avec l’iPhone et l’iPad, jamais l’industrie de la presse en souffrance n’avait fondé autant d’espoirs sur des terminaux multimédias. Comme si sa survie en dépendait. La plupart des éditeurs de journaux
y voient un moyen de compenser le déclin du papier (lectorat et publicité) et de tenter de remonétiser ses articles. « Faire payer les internautes et les mobinautes » : tel est désormais le credo des journaux qui voient dans les smartphones, tablettes et liseuses des solutions pour remettre la main sur des lecteurs en ligne trop longtemps habitués – à leurs yeux – au gratuit sur le Web. Dernier candidat en date à l’iPad : Le Monde, dont la nouvelle formule web-papier est lancée ce 29 mars (1). Mais à trop embrasser, les médias papier risquent de mal étreindre et de perdre leur âme et le contact direct avec leur lectorat. Après Google, Apple est en passe de devenir l’un des grands intermédiaires entre la presse et son public. Cette désintermédiation, menée concomitamment au démantèlement de l’« oeuvre collective » qui caractérisait jusqu’alors les journaux (une Une et une quatrième de couverture),
fait entrer la presse sur des plateformes de syndication de contenus numériques : App Store, iTunes et iBook chez Apple, qui songe aussi à un “Mag Store” pour les journaux
et magazines, Kindle Store chez Amazon ou encore Google News du géant du Net.
Le marché du livre numérique lui emboîte le pas, comme l’illustre – au Salon du livre
de Paris, du 26 au 31 mars – l’engouement de certaines maisons d’édition pour des liseuses comme le Reader de Sony. Aux Etats-Unis, Hachette Livre sera présent sur l’iPad. @

Convergence télécoms-audiovisuel : où va la création de valeur

Le problème du partage de la valeur entre les « tuyaux » et les contenus se pose, alors que la convergence numérique rebat les cartes. Selon l’institut économique Coe-Rexecode, les géants américains du Net sont les grands gagnants face aux opérateurs de réseaux.

Les opérateurs de réseaux – AT&T, France Télécom, Free, Vodafone, … – sont
les premiers touchés par la création et la destruction de valeur provoquée par la convergence télécoms-audiovisuel-informatique. Cette « destruction créatrice » profite d’abord aux « fournisseurs de services et des plateformes d’intermédiation sur Internet » que sont les Google, Yahoo, Amazon, eBay, Facebook et autres acteurs du Web.
C’est ce qui ressort d’un document de travail intitulé « Les opérateurs de réseaux dans l’économie numérique » et présenté, le 12 mars dernier, par l’institut d’études économiques Coe-Rexecode (1).

Les statuts d’hébergeur et d’éditeur en question

En fait. Le 26 février, l’Association des services Internet communautaires (Asic)
a tenu à « saluer la prise de position » de la secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, laquelle affirmait la veille que « le statut des hébergeurs n’[était]
pas remis en cause » après la condamnation en cassation de Tiscali Media.

En clair. Pas de panique pour les hébergeurs du Net, les Dailymotion, Youtube et autres Facebook ; ils ne seront pas assimilés à des éditeurs de services, dont les responsabilités sur les contenus en ligne sont autrement plus lourdes. Les hébergeurs ne sont, en effet, responsables pénalement ou civilement que si, ayant été saisis par une autorité judiciaire, ils n’ont pas agi promptement pour empêcher l’accès au contenu illégal ; les éditeurs sont, eux, responsables de plein droit des contenus qu’ils mettent en ligne, excepté pour les forums, chats, blogs ou courrier des lecteurs (voir EM@8 p. 9). Il n’en reste pas moins que la frontière entre le métier d’hébergeur et celui d’éditeur peut être floue, tant les activités des acteurs du Net peuvent être amenées à s’imbriquer. Cette porosité des deux statuts a ainsi été au cœur de l’arrêt de la Cour
de cassation qui, le 14 janvier dernier, a condamné Tiscali Media (racheté en 2005
par Telecom Italia) pour contrefaçon. Et ce, après avoir été reconnu coupable d’avoir reproduit, en janvier 2002, des bandes dessinées de « Black et Mortimer » et de
« Lucky Luke », sans les autorisations des éditeurs Dargaud Lombard et Lucky Comics. La plus haute juridiction confirmait un arrêt de la cour d’appel de Paris daté du 7 juin 2006. Les œuvres numérisées étaient ainsi intégralement reproduites et accessibles sur le site web « Chez.tiscali.fr ». Condamné en appel il y a près de trois ans (1), Telecom Italia avait vu l’Association des fournisseurs d’accès et de service Internet (AFA) voler à son secours en déposant au greffe, le 25 juin 2007, un mémoire en intervention volontaire. Peine perdue, la Cour de cassation a estimé à son tour que
la société Tiscali Media ne pouvait pas se draper dans son statut d’hébergeur à responsabilité limitée, puisqu’elle a « offert à l’internaute de créer ses pages personnelles à partir de son site et proposé aux annonceurs de mettre en place, directement sur ces pages, des espaces publicitaires payants dont elle assurait la gestion ». Résultat : « Les services fournis excédaient les simples fonctions de stockage ». De quoi jeter le trouble chez les hébergeurs, même si la Cour de cassation s’est appuyée sur une loi de 2000 en vigueur à l’époque des faits et non sur la loi de 2004 sur la Confiance dans l’économie numérique (LCEN), qui est venue conforter leur statut. @

L’Hadopi va pouvoir lancer la « riposte graduée »

En fait. Le dimanche 7 mars est paru au « Journal Officiel » un décret daté du
5 mars de la loi Hadopi sur le traitement automatisé de données à caractère personnel, lequel est baptisé « Système de gestion des mesures pour la protection des oeuvre sur Internet ». La Cnil ne rendra pas public son avis du
14 janvier.

En clair. La Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) va pouvoir commencer à établir la liste des internautes suspectés de piratage en ligne. Un autre décret, qui doit préciser la procédure de sanction à suivre par l’Hadopi vis-à-vis notamment de l’autorité judiciaire (jusqu’à coupure de l’abonnement par décision du juge), donnera le coup de la « riposte graduée ». La commission de protection des droits, composée au sein de l’Hadopi de six membres (1), va pouvoir collecter auprès des organismes représentant des ayants droit et du Centre national du cinéma (CNC) les pseudonyme et adresse IP – y compris le protocole peer-to-peer utilisé – de chaque abonné incriminé et du fournisseur d’accès
à Internet (FAI) correspondant. Quant aux nom de famille et prénom du pirate présumé, ils seront fournis par des « agents assermentés et agréés » qu’auront désignés le CNC ou des organismes de défense professionnelle comme le Snep (musique), la Sacem (musique), l’ARP (cinéma) ou encore l’Alpa (audiovisuel). Les FAI devront eux aussi coopérer en déclinant nom de famille, prénom, adresse postale et e-mail de son abonné en question. La commission de protection des droits de l’Hadopi intègre toutes ces données personnelles dans le nouveau système de gestion des mesures, dans lequel elle met également les avertissements électroniques et les lettres recommandées envoyées « sous son timbre et pour son compte » par l’intermédiaire
du FAI. Le décret prévoit en outre le croisement des fichiers des ayants droit et des opérateurs télécoms, selon une « convention » d’interconnexion, « ou à défaut » par
un arrêté. Et en matière de conservation de toutes ces informations, il est prévu de les supprimer : après deux mois s’il n’y a pas eu d’avertissement d’envoyé par e-mail à l’abonné ; après quatorze mois si un second avertissement par e-mail – « assorti » d’une lettre recommandée par la poste – n’a pas suivi le premier (en cas de récidive dans les six mois) ; après vingt mois en cas d’envoi du second e-mail avec sa lettre recommandée. Quant à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), elle indique à Edition Multimédi@ qu’elle et le gouvernement ne prévoient pas de publier l’avis rendu le 14 janvier sur ce décret, ni d’indiquer s’il est favorable avec ou sans réserves… @

Jean-Pierre Bienaimé : « Nous entrons dans l’univers du streaming audio et vidéo de très haute qualité »

Président de l’UMTS Forum depuis sept ans (1) et détaché de France Télécom-Orange où il a fait toute sa carrière, Jean-Pierre Bienaimé explique à Edition Multimédi@ ce qui attend les industries audiovisuelles et culturelles avec l’arrivée du très haut débit mobile et, ultérieurement, de la 4G.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Pensez-vous que la 3G+ soit suffisante pour la vidéo à la demande, la télévision sur mobile ou encore le streaming de musiques et de radios ?
Jean-Pierre Bienaimé (photo) : La 3G, et plus particulièrement la 3G+ avec la technologie HSPA (High Speed Packet Access)
et son évolution, offre un très bon support aux applications de l’Internet mobile, telles que la télévision sur mobile, le « streaming » audio et vidéo. Orange, par exemple, compte en France plus
de 1 million d’utilisateurs réguliers en TV mobile. A mi-mars, on compte dans le monde environ 215 millions de clients 3G+ bénéficiant du HSPA.
Cette technologie permet d’offrir jusqu’à 14 Mbits/s en réception et 6 Mbits/s en émission. Avant le milieu de l’année prochaine, la moitié des utilisateurs UMTS devraient en bénéficier. Quant aux premiers réseaux HSPA+, ils offrent jusqu’à 28 Mbits/s et, dans les prochaines étapes, ces débits doubleront, voire tripleront. Les constructeurs testent actuellement la nouvelle interface LTE (Long Term Evolution),
qui commencera à être commercialement déployée dans le monde avant la fin de l’année. Tandis que les spécifications de la quatrième génération de mobiles (4G), ou
« LTE-Advanced », seront définies au milieu de l’année prochaine. Les performances décroissent en fonction du nombre d’utilisateurs dans une cellule du réseau, ainsi que de la distance du terminal par rapport à l’émetteur, l’important étant que le débit minimum assuré reste acceptable. Plutôt que débit théorique, les utilisateurs veulent connaître le débit moyen disponible ou minimum permanent.