… et le « marché unique » des contenus numériques

En fait. Le 30 septembre, s’est achevée la consultation publique de la Commission européenne sur la neutralité des réseaux. Une autre, terminée le
30 juillet, portait sur l’avenir des contenus des industries culturelles face au numérique. Car Neelie Kroes prépare aussi un « marché unique » des contenus.

En clair. Il ne suffit pas de poser des « tuyaux » partout ; encore faut-il les remplir de contenus. Parallèlement au plan (très) haut débit, la commissaire européenne Neelie Kroes, en charge de l’Agenda numérique, prépare plusieurs actions pour un « marché unique » des contenus (1). Après deux consultations publiques sur les « contenus créatifs en ligne » – en 2006 et en 2010 (EM@1, p. 4) –, la Commission européenne s’est déjà fixé l’objectif à 2015, puis à 2020, de lever les « sept obstacles les plus importants » pour décloisonner la « mosaïque de marchés en ligne nationaux ». La première action qu’a envisagée Neelie Kroes – ancienne commissaire européen en charge de la Concurrence – est de « simplifier l’acquittement et la gestion des droits d’auteur et l’octroi de licences transnationales », à commencer par « renforcer le régime et la transparence de la gestion des droits (en ligne) et l’octroi de licences paneuropéennes en proposant une directive-cadre sur la gestion collective des droits d’ici à 2010 ». Le vote du Parlement européen en faveur du rapport Gallot sur « le renforcement de l’application des droits de propriété » (avec création d’un Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage) et les négociations internationales sur le texte « anti-contrefaçon » dit ACTA (2) prévu d’ici la fin de l’année (EM@9, p. 3 et EM@ 16, p. 8) devraient complérer la réforme vis à vis des ayants droits. La musique est en première ligne mais l’audiovisuel et le cinéma se seront pas en reste. L’audiovisuel devrait faire l’objet cette année, d’un « livre vert » où « les problèmes posés par la distribution en ligne d’œuvres audiovisuelles » seront identifiés. En outre, une
« communication interprétative sur la directive européenne SMA [services de médias audiovisuels, dont ceux à la demande]» est sur le point de sortir. Et sera publiée
« d’ici à 2011 » une « recommandation sur la promotion de la numérisation du cinéma européen » et « autres contenus créatifs ». Et pour l’année 2012, Neelie Kroes proposera des mesures pour « la libération du potentiel des industries de la culture et de la création » sur la base des enseignements de la consultation publique qui s’est achevée le 30 juillet dernier. C’est dans ce contexte des contenus pour les réseaux que la Commission européenne s’apprête à mettre son grain de sel dans le débat sur la neutralité du Net, dont la consultation publique s’est terminée le 30 septembre dernier. @

Frédéric Mitterrand refuse de diaboliser Google

En fait. Le 22 septembre, le ministre de la Culture et de la Communication a déclaré qu’il voulait créer une véritable « filière numérique culturelle ». Le 9 septembre, le PDG de Google, Eric Schmidt, a annoncé – après avoir été reçu
par Nicolas Sarkozy – la création en France d’un institut culturel européen.

En clair. Tous les types de contenus culturels sont a priori concernés par le volet
« services, usages et contenus » du grand emprunt national : « L’écrit – presse et
imprimé –, la musique, le cinéma, l’audiovisuel, la photographie, mais aussi la
création et le jeu video », a énoncé Frédéric Mitterrand au vue de « la diversité des
141 contributions » apportées à la consultation publique (dont les contributions devaient être publiées fin septembre). Présente à ses côtés, Nathalie Kosciusko-Morizet –
A l’origine de la consultation avec René Ricol, commissaire général à l’investissement –
a quand même exprimé « quelques regrets ». A savoir : « Qu’il y ait eu peu de projets provenant de la musique, des jeux vidéos et de la muséographie ». Cela explique-t-il que seulement 100 millions d’euros d’ « investissements d’avenir » sur les 2,25 milliards aient été identifiés depuis le début de l’année au travers de quatre grands projets, dont deux de vidéo à la demande, une de livres numériques et une autre de kiosque numérique pour la presse ? « Au-delà du développement de l’offre légale, il s’agit de servir la création et l’offre culturelle, à travers la mise en place d’une véritable filière numérique culturelle. (…) Toutes les initiatives et tous les projets d’entreprise sont et seront les bienvenus », a tenu à préciser Frédéric Mitterrand, qui a donné rendez-vous « dans quelques mois » pour présenter d’autres projets. Interrogé par Edition Multimédi@ sur le rôle qu’il entendait faire jouer à Google, il a indiqué qu’il « souhaite que Google puisse participer à titre de partenaire et ami. Son institut culturel européen (1) défendra une exception française et européenne, ainsi que les droits d’auteurs ».
Et d’ajouter : « Nous avons des terrains d’entente en commun et j’ai toujours évité de diaboliser Google. (…) Nous avons établi un rapport différent pour continuer à discuter sereinement dans plusieurs domaines ».
Au lancement de l’appel à manifestations d’intérêt prévu à la fin de l’année, le géant du
Net devrait répondre présent, notamment pour la numérisation des livres avec la BNF présidée par Bruno Racine – favorable à Google (2). Et il ne faut pas oublier que le numéro 1 mondial des moteurs de recherche sur le Web est aussi interlocuteur de
la presse avec Google News, bientôt de la musique et de la télévision. @

Thierry Cammas, MTV Networks France : « La musique banalisée sur le Web renforce notre modèle exclusif »

Le PDG de MTV Networks France, filiale du géant des médias américain Viacom,
ne craint pas les sites vidéo comme YouTube. Il explique à Edition Multimédi@ comment la valeur ajoutée et l’exclusivité de ses chaînes musicales payantes
sont des gages de pérennité. Prochaine étape : la TV connectée.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : YouTube, Dailymotion, MySpace, … Les sites de partage vidéo rencontrent un large succès avec leurs vidéoclips gratuits. Trente ans après sa création (en 1981), MTV craint-il l’arrivée prochaine en Europe de Hulu ou surtout de Vevo, le « MTV du Web » ? Thierry Cammas (photo) : Plus les majors de
la musique banalisent la circulation non exclusive de vidéomusiquessur le Web de façon morcelée et non contextualisée, plus la fonction historique et incontestable d’agrégation et de tri éditorial de MTV en tant que chaîne musicale devient un confort et représente une valeur ajoutée pour le public. Vevo et Hulu qui propose en streaming du contenu « à la demande » sont sur des modèles différents de celui de MTV. Ils n’altèrent pas la valeur d’utilité du média MTV. Ainsi,
face à la promesse de Vevo, nous pouvons toujours garantir l’exclusivité de l’agrégation éditorialisée et l’exhaustivité des genres sur la musique. Et face à Hulu, nous garantissons l’exclusivité de la primo-diffusion linéaire de productions de divertissement (séries, télé-réalités).

Tous pirates ?

De tout temps, les pirates ont évolué à la marge, suscitant la peur et la fascination. Ils étaient une poignée de marins ayant largué les amarres avec la légalité, et prêts à tout.
Et il ne saurait en être autrement : comment imaginer une société largement pacifiée et pour laquelle cependant une grande partie des citoyens pourrait être qualifiée de pirates ? C’est pourtant ce qui se passa durant presque vingt ans, de l’apparition des échanges de fichiers de musique au format MP3 (grâce au site pionnier Napster en 1999) jusqu’à la lente et progressive mise en place de services et de catalogues légaux dans des cadres fixant les droits et devoirs de chacun. « Tous pirates ! » Cette simple injonction pointe à elle seule les failles du système. Bien sûr, l’Internet a, depuis son origine, rimé avec partage et ouverture tout en restant rétif aux contraintes.

« Si la licence globale n’est toujours pas en place, ce sont des systèmes très proches qui se sont peu à peu imposés :
un utilisateur peut s’abonner à une offre d’accès incluant vidéo, presse, musique et littérature. »

Le quotidien Les Echos accroît le payant en ligne

En fait. Le 9 septembre, le quotidien économique et financier Les Echos paraît
sous sa « nouvelle formule » papier mais aussi renforce son offre payante sur Internet, les tablettes et les mobiles. Le journal et son site web ne font plus
qu’un pour « produire de l’information en continu ».

En clair. Nicolas Beytout, PDG du groupe Les Echos (filiale du géant du luxe LVMH depuis 2007), est condamné à réussir la fusion web-papier s’il ne veut pas que son quotidien décline au rythme de l’érosion de la diffusion et de la chute des recettes publicitaires. La situation inquiétante de La Tribune, son concurrent en quête de 15 millions d’euros pour ne pas être en cessation de paiement l’été prochain, est révélatrice de la crise historique de la presse. Les Echos n’y échappent pas : baisse de la diffusion au premier semestre et pertes en 2009 non publiées mais pouvant atteindre 10 millions d’euros. Cette année n’augure rien de bon. « La hausse de la diffusion numérique devrait compenser à terme le recul du papier », espère-t-il (1). Objectif d’ici fin 2010 : 50.000 abonnés numériques. Mais la concurrent de l’information en contenu fait rage : « Nous subissons aussi la montée en puissance des médias numériques » (2). Cela fait neuf mois que la direction et les syndicats de journalistes ont signé un accord – le premier du genre depuis le promulgation en 2009 de la loi Hadopi – sur les droits d’auteurs et sur l’organisation web-papier des rédactions (Les Echos, Enjeux, Lesechos.fr, …). En février, la quasi-totalité des 200 journalistes du groupe ont signé individuellement un avenant à leur contrat de travail pour entériner cet accord. « [Les Echos sont] pionniers et pour l’instant les seuls en France à avoir rassemblé en une seule rédaction les journalistes qui travaillent sur le quotidien et sur le Web », affirment Nicolas Beytout et Henri Gibier dans leur édito du 9 septembre. Des postes d’« éditeurs web » ont été créés au sein des services « papier » pour amener les journalistes à produire cinq éditions par jour (7h à 22h) sur Internet et les mobiles (3). Le modèle fermé et monétisable de l’iPad, adopté par Les Echos (4) dès la sortie dans l’Hexagone en mai de la tablette d’Apple, illustre bien la volonté du groupe de faire payer de plus en plus de contenus en ligne. « L’information produite pour un journal par une rédaction professionnelle doit être payante », déclarait Nicolas Beytout dans Les Echos du 28 mai. Le PDG espère aussi un regain de la publicité grâce aux nouveaux supports online, même s’il constate que les recettes publicitaires ne sont pas « [pas] suffisantes pour financer les journaux sur le Web ».
Il témoignera de cette « mutation des médias » à Issy-les- Moulineaux le 29 septembre
à l’Hôtel de Ville… @