…mais Google leur offre une plateforme alternative

En fait. Le 16 février, soit le lendemain de l’introduction de l’abonnement sur l’App Store d’Apple, Google annonce le lancement de « One Pass » à destination des éditeurs de journaux qui pourront vendre leurs articles à l’acte ou à l’abonnement. Le géant du Net reversera, lui, 90 % environ du prix de vente.

En clair. Google est le mieux à même de concurrencer Apple sur le marché mondial des kiosques numériques. Face aux interrogations que suscite le monde fermé et contraignant de l’écosystème iTunes/App Store (voir ci-dessus), le numéro un mondial des moteurs de recherche joue la carte de la plateforme ouverte et contrôlable par les éditeurs. L’annonce a été faite à Berlin par le PDG de Google, Eric Schmidt (1). Au-delà du fait que le géant de Moutain View percevra seulement 10 % environ du prix de vente à l’acte ou à l’abonnement (au lieu des 30 % ponctionnés par Apple), One Pass se veut plus attractif. Les éditeurs gardent la maîtrise de leurs ventes et de l’identité de leurs lecteurs, qu’ils soient sur le web, les mobiles ou les tablettes. Autrement dit, Google veut être l’antithèse d’Apple. Les éditeurs déjà séduits par One Pass, tels que Le Nouvel Observateur en France (où le service s’appelle « Pass Média »), Axel Springer en Allemagne ou encore Prisa en Espagne, peuvent établir leurs propres tarifs et conditions commerciales (unité, abonnement, « freemium », packs, etc). Les contenus peuvent être aussi bien vendus à l’intérieur de l’application mobile ou sur le site web de l’éditeur. Cependant, les utilisateurs doivent passer par le mode de paiement Checkout de Google pour faire leurs achats.
« Les utilisateurs déjà abonnés peuvent bénéficier d’un accès complet en ligne en toute simplicité, via un système de coupons. L’éditeur peut choisir de proposer un article en consultation pendant une semaine ou 30 jours », indique par exemple Google. Avec
« Google Pass Média », la presse en oublierait presque les griefs envers « Google
News », accusé de ne partager les fruits de la e-pub. En Italie, ce service agrégeant
les articles des sites web d’information était soupçonné d’abus de position dominante (2) – jusqu’à ce que l’autorité de la concurrence obtienne des garanties en janvier dernier : un éditeur peut désormais décider de ne plus apparaître dans Google News sans disparaître du moteur de recherche Google. En France, l’Autorité de la concurrence a indiqué le 14 décembre dernier qu’elle veillera à ce qu’il en soit de même pour Google Actualités. Reste une pierre d’achoppement : le Syndicat national de la presse quotidienne (SPQN) n’a pas réussi à obtenir une rémunération des articles repris sur Google Actualités (3). Le géant du Net estime qu’il n’a rien à payer aux journaux qui bénéficient déjà en retour d’un afflux de trafic sur leurs sites web. @

Les médias sont de plus en plus attirés par Apple…

En fait. Le 15 février, Apple donne la possibilité aux les éditeurs présents sur iTunes Store – accessible via App Store pour les iPhone, iPod Touch et iPad –
de proposer désormais des abonnements. Comme pour les ventes à l’acte, seules proposées jusqu’alors, ils percevront 70 % du prix de vente.

En clair. Les relations ambiguës entre la presse et la marque à la pomme vont s’intensifier. Les éditeurs de journaux admirent et craignent à la fois le géant Apple et
son iTunes Store. Cette boutique en ligne, lancée en 2003 sur le marché de la musique
en ligne où elle est aujourd’hui en position dominante, est accessible non seulement à partir d’un ordinateur (PC et Mac) mais surtout – depuis juillet 2008 – via l’App Store par 160 millions de terminaux portables à ce jour dans monde dotés du système d’exploitation fermé iOS (1). En proposant ce qu’Amazon a déjà pour son Kindle Store, à savoir l’abonnement payant, Apple veut rendre encore plus attractif son écosystème pour les éditeurs (presse, musique, vidéo, jeux, gadgets, …). Par exemple, en France, Le Point est parmi les premiers à adopter l’abonnement iPad. Le partage de la valeur reste inchangé : 30 % du prix de vente pour Apple et 70 % reversé à l’éditeur. Mais comme Apple Europe basé au Luxembourg paie 9 % de TVA réduite non récupérable, l’éditeur ne touche en fin de compte que 61 %… A moins que l’éditeur ne recrute l’abonné à la même « appli » directement sur site web où il peut proposer l’abonnement « au même prix ou moins » et avec le mode de paiement de son choix. Auquel cas, Apple ne touche rien. Sinon sur App Store, payer par iTunes est obligatoire. En janvier, le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) s’était inquiété du « danger » de voir Apple imposer son système de paiement iTunes et une grille tarifaire d’abonnements. Finalement, l’éditeur aura le choix du prix et de la durée de souscription. Tandis que l’abonné recruté sur App Store aura l’option de donner ses coordonnées à l’éditeur, ce qui n’est pas le cas à l’acte où Apple garde la mainmise sur le client. « Notre philosophie est simple », a affirmé le 15 février Steve Jobs le PDG de la firme de Cupertino (2), en proposant ce compromis que l’autorité de la concurrence aux Etats- Unis – la FTC – étudie néanmois (3). Pour autant, les transactions dans l’appli (« In-App Purchases ») restent facturées par Apple. Et pour les ventes à l’unité, la grille tarifaire et le paiement par iTunes demeurent imposés. App Store compte déjà 350.000 « apps », dont 60.000 dédiées à la tablette multifonction. Presque tous les journaux sont sur l’iPad, perçu comme une « planche de salut » pour faire payer leurs articles que les internautes et les mobinautes trouvent souvent gratuitement sur le Web. Mais qui trop embrasse, mal étreint. @

Search : la (re)quête du Graal

Au moment de lancer ma requête, comme cela m’arrive plusieurs fois par jour, je cherche dans ma tête la bonne phrase. C’est elle que je projette vers mon écran qui presque aussitôt affiche une sélection de réponses précises et organisées, rapportées des quatre coins du Web, mais également du fond de ma mémoire et de mes souvenirs enfouis. Bon, je suis d’accord, j’en rajoute un peu… Le nouveau moteur Brain Search, dont tout le monde parle, n’est encore disponible qu’en version Bêta, mais ses premiers pas sont vraiment aussi prometteurs… qu’inquiétants. Pas de répit dans cette course effrénée lancée très peu de temps après la naissance de l’Internet : à la suite du tout premier moteur de recherche, Archie, créé par des étudiants à la McGill University de Montréal, s’est ouverte une décennie d’incessantes innovations. Sont par exemple apparus : Aliweb et Excite dès 1993, suivis par dmoz, Webcrawler, Lycos, Infoseek et Yahoo! Directory en 1994. Alors qu’Altavista – cocréé en 1995 par le Français Louis Monier – nous donnait nos premières leçons de recherche appliquée, deux étudiants se rencontraient à Stanford pour créer trois ans plus tard une société qui allait mettre tout le monde d’accord. Google, non content de son leadership quasi-planétaire, trouva la recette d’un modèle économique original en devenant l’un des plus grands gestionnaires d’espaces publicitaires. Sa puissance lui fournit en retour les ressources nécessaires pour nourrir cet ogre insatiable qu’est le Net, à travers des initiatives visant – sans modestie – à « organiser l’information du monde » ! De la Terre avec ses villes et ses rues, à la Lune et à la planète Mars, en passant par les bibliothèques du monde et leurs livres, les musées et leurs œuvres,
les musiques et les vidéos, … Tout cela est accessible dans un très grand nombre de langues, selon un cercle vertueux qui permet
à l’outil d’être toujours plus performant.

« Les progrès du Web sémantique et des commandes vocales permettent de lancer des requêtes énoncées à voix haute. »

News Corp. préfère Apple (fermé) au Web (ouvert)

En fait. Le 2 février, le groupe de médias News Corp. annonce tout à la fois le lancement de The Daily, un premier quotidien payant créé dans un premier temps pour l’iPad, et, par ailleurs, la mise en vente de son réseau social en perte de vitesse MySpace, six ans après l’avoir acheté au prix fort.

En clair. Le magnat australien Rupert Murdoch est plus à l’aise dans un monde payant que dans un univers gratuit. Son groupe est un véritable conglomérat des médias (Dow Jones/Wall Street Journal, The Times/SundayTimes, Fox, Twentieth Century Fox, The Sun, MySpace, HarperCollins, Sky, BSkyB à 39 %, Hulu à 32 %, …) aux 32,8 milliards
de dollars de chiffre d’affaires, pour un bénéfice net de 2,5 milliards et quelque 50.000 employés dans le monde (1). Mais le PDG fondateur, qui va fêter ses 80 ans le 11 mars prochain, n’a pas eu de chance avec Internet qu’il a eu du mal à adopter. Il a fallu que
son plus jeune fils, James Murdoch (2), entre dans le groupe en 1997 et insiste pour l’intéresser enfin au Web… juste avant l’éclatement de la bulle. Plus de dix ans plus tard, voici que le « papa » milliardaire doit se rendre à l’évidence : MySpace, le réseau social qu’il a acquis près de 600 millions de dollars en 2005 (c’était très cher pour alors deux ans d’existence), a été laminé par Facebook. Il s’agit maintenant de trouver un repreneur. Face à la baisse de la publicité sur le réseau social, dont la fréquentation a diminué faute d’avoir su convaincre les fans de musique, il a fallu déprécier, supprimer la moitié des effectifs (500 postes), restructurer Digital Media Group. Même la femme du PDG, Wendi Murdoch, fut appelée à la rescousse en mai dernier pour « apporter des conseils stratégiques pour le développement de MySpace en Chine ». Cela n’a pas suffit. MySpace a contribué à faire perdre 156 millions de dollars au groupe (3), malgré ses 100 millions d’utilisateurs.
Rupert Murdoch a déjà tourné la page : il investit 30 millions de dollars dans un nouveau quotidien en ligne, The Daily, pour lequel ont été recrutées une centaine de personnes.
Il s’agit du second journal – après le mensuel The Project de Richard Branson – à n’être produit que pour l’iPad (avant d’être décliné sur d’autres tablettes). Cette fois, ce n’est pas du gratuit financé par de la publicité mais un modèle payant (14 cents/jour, 99 cents/semaine ou 39,99 dollars/an) dans l’environnement fermé d’Apple. En avril 2010,
le magnat de la presse avait dit que l’iPad « pourrait être le salut des journaux » et que The Daily allait « se vendre à des dizaines de millions d’exemplaires dans le monde ». Depuis qu’il a acquis le Wall Street Journal mi-2007, Murdoch est devenu un militant de
la presse online payante. The Times et The Sunday Times ont aussi abandonné la gratuité l’été dernier. @

Alcatel-Lucent, Orange, la neutralité et les contenus

En fait. Le 8 février, se sont tenues à la Maison de la Chimie les 2e Rencontres parlementaires sur l’économie numérique – organisées et présidées par le député Jean Dionis. Thème majeur : la neutralité de l’Internet. Parmi les intervenants : l’équipementier Alcatel-Lucent et l’opérateur France Télécom.

En clair. Gabrielle Gauthey, directrice des relations institutionnelles d’Alcatel-Lucent,
et Pierre Louette, directeur exécutif et secrétaire général de France Télécom, étaient
sur la même longueur d’onde. Tous les deux ont prôné la « nécessité d’investir » dans
les réseaux fixes et mobiles pour « éviter la congestion » face à l’« explosion de la vidéo sur Internet ». Pour celle qui fut membre de l’Arcep, il faut trouver « un équilibre entre investissement et gestion du trafic » mais « ne pas trop légiférer » en matière de neutralité du Net – d’autant que, affirme-t-elle, « rare sont les pays qui ont légiféré ». Il s’agit donc pour elle de « définir les gestions de trafic acceptables » et même « réfléchir à une discrimination intelligente » pour optimiser la gestion des réseaux, de façon à ne pas se retrouver dans une situation de « saturation » où AT&T s’est retrouvé l’an dernier.
Le groupe franco-américain Alcatel-Lucent est l’un de 15 membres du bureau du Bitag (Broadband Internet Technical Advisory Group), où l’on retrouve Cisco, Time Warner, Disney, News Corp., Verizon, AT&T, Intel, Microsoft, Comcast ou encore Google.
Le Bitag, qui tiendra sa première réunion (1) les 23 et 24 février, s’est fixé comme
« mission de trouver un consensus sur les pratiques de management des réseaux haut débit ou autres techniques qui peuvent affecter l’expérience Internet des utilisateurs,
y compris sur les applications, les contenus et les terminaux connectés ». France Télécom n’en est pas membre mais partage les mêmes objectifs qu’Alcatel-Lucent,
l’un de ses principaux fournisseurs. « Les services gérés tels que la TV sur IP et la téléphonie sur IP doivent continuer. Il y a deux pistes de travail : la terminaison d’appel “data” qui serait payée par le fournisseurs de contenus ; la contribution des producteurs de contenus au financement du réseau », explique Pierre Louette. La terminaison d’appel Internet reviendra à généraliser le peering payant (2) entre les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pour prendre en compte l’« asymétrie croissante des flux ». Lors de ces rencontres et au moment où le Parlement discute de la transposition du Paquet télécom et de la neutralité du Net, le ministre de l’Economie numérique, Eric Besson, a indiqué qu’un groupe de travail sera constitué pour « réfléchir aux modalités permettant de faire contribuer les fournisseurs de services Internet au déploiement des réseaux et à la création culturelle ». L’APC (cinéma) et la Sacem (musique) ont été les premiers à s’en féliciter. @