eComédie humaine

En ce mois de décembre 2025, la vie semble suivre son cours. Le monde s’agite autour de moi pour préparer les fêtes de fin d’année. Symbole de cette permanence : la place qu’occupe comme tous les trois ans, sur les écrans publicitaires de nos villes, le nouvel épisode de l’inépuisable saga Star Wars. Le numéro X de cette nouvelle trilogie utilise, pour les quelques salles nouvellement équipées, les dernières avancées du cinéma holographique : 24 images par seconde et 64 points de vue différents ! Les spectateurs sont assis tout autour d’un écran central, lequel permet une expérience immersive inégalée pour suivre le retour des héros sur la planète Naboo… Et les acteurs s’adresseront à eux pour choisir en temps réels des scénarios alternatifs. En fonction des sentiments collectifs exprimés par la salle, de nouvelles scènes seront proposées. Avec ce système, Disney estime que les fans pourraient revenir voir le film plus de dix fois en moyenne…
Cette apparente banalité, ballottée entre nos habitudes et nos étonnements, ne masque cependant pas les défis qu’affronte notre époque.

« Ce n’est pas la fin des pure players, mais un nouveau cycle de partage des positions et de la valeur avec le retour en force d’entreprises venues de l’économie traditionnelle. »

Adblockers : quand la Cnil conseillait de les utiliser…

En fait. Le 16 décembre prochain, cela fera un an que la Commission nationale
de l’informatique et des libertés (Cnil) a publié ses recommandations sur les cookies. Elle conseillait notamment aux internautes de « bloquer toutes les publicités avec un bloqueur de publicité (adblocker) ». Ce conseil a disparu…

En clair. La Cnil conseille aux internautes l’utilisation de adblockers, ces logiciels qui bloquent la publicité en ligne, au grand dam des publicitaires, des annonceurs et des éditeurs de sites web. Mais selon nos constatations, le site web de la Cnil ne développe plus ce conseil, qui a été supprimé – bien que le libellé y soit encore : « Conseil n°6 : comment bloquer toutes les publicités avec un bloqueur de publicité (adblocker) ».
Ce conseil en faveur des adblockers avait été publié le 16 décembre 2013 à la suite de la délibération sur les cookies, laquelle ne parle cependant pas de logiciel de blocage publicitaire ni de adblockers, mais seulement de l’option « Do Not Track » (1) proposée par certains navigateurs web. Nous avons voulu savoir pourquoi auprès de la Cnil, sans résultat.
L’explication est sans doute à aller chercher du côté de l’Union française du marketing direct et digital (UFMD) qui a adressé cette année un courrier à la Cnil pour regretter ce conseil prodigué aux internautes et par la même occasion lui « rappeler l’utilité de la publicité dans le développement de l’économie numérique ». L’UFMD, qui regroupe plusieurs organisations de la publicité ou du e-commerce (UDA, AACC, Fevad, SNCD, IAB France, SRI, MMA, ARPP, …), aurait donc eu gain de cause auprès de la Cnil.
Les membres de l’UFMD font par exemple savoir à la Cnil que le bloqueur Adblock Plus n’est pas neutre : les sites web qui le paient – Google en ferait partie – verraient les publicités d’afficher (2). Le Syndicat des régies Internet (SRI), l’Union des annonceurs (UDA), l’IAB, l’Udecam, et le Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste) ont constitué un groupe de travail pour trouver des alternatives. Pour l’heure, entre 15 % et 30 % des « impressions » (affichage d’e-pubs) sont bloquées.

World War Web

Si certains rêvent toujours de retrouver la liberté en ligne des premiers âges, l’Internet est encore régulièrement secoué par des guerres entre puissants qui prétendent à son contrôle. Comme ces cités antiques ou places fortes médiévales qui verrouillaient les voies de communication stratégiques, les géants actuels du Net tentent de verrouiller les portes d’accès du Web. La première bataille de cette histoire des conquêtes du Net a été celle des
« portails » que remporta Yahoo, l’un des premiers champions à imposer un modèle pour accéder aux pages web. Microsoft, lui, gagna contre Netscape celle des navigateurs avec son ultra dominant Internet Explorer.
Tandis que Google mit tout le monde d’accord, ou presque, avec son moteur de recherche. C’est ensuite l’outsider Facebook qui imposa le réseau social comme une nouvelle voie d’accès aux contenus, et c’est de nouveau Google qui prit le contrôle de l’Internet mobile en imposant Android comme l’OS (Operating System) de référence.
La décennie suivante, la nôtre, a été celle de la guerre des plateformes.

Comme ces cités antiques ou places fortes médiévales,
les géants du Net tentent de verrouiller les portes
d’accès du Web.

Internet devrait tourner à la guerre des plateformes

En fait. Le 19 novembre, l’Idate a présenté – lors du DigiWorld Summit qu’il organisait à Montpellier – ses quatre scénarios pour le futur d’Internet d’ici à 2025. Son auteur, Vincent Bonneau, directeur Internet de l’institut, a indiqué
celle qui était « la plus probable : la guerre des plateformes ».

En clair. « La guerre des plateformes est déjà engagée mais pourrait être exacerbée », prévoit Vincent Bonneau, directeur des études Internet à l’Idate. Dans ce scénario « le plus probable », la guerre des plateformes n’aura pas lieu uniquement avec les acteurs du Net que l’on connaît – Google, Facebook, Amazon, … – mais aussi avec de nouveaux entrants dans le numérique tels que des géants de la distribution comme l’américain Walmart, le britannique Tesco ou encore le français Carrefour. « Ces grands retailers sont par exemple déjà les numéros deux ou trois de la VOD sur leur marché respectif, et ont commencé à faire des acquisitions dans le cloud ou la publicité en ligne ciblée », a-t-il souligné. Mais ce scénario de guerre entre les plateformes se déroule actuellement dans un monde très contrôlé : « On était parti sur un Internet assez ouvert, puis on a refermé beaucoup de chose grâce aux OS (Operating Systems) des mobiles. Avec les smartphones et les tablettes, on est revenu à un monde un peu comme “AOL” d’il y a quinze-vingt ans, avec des solutions et des écosystèmes relativement contrôlés », a fait remarquer Vincent Bonneau. Les trois autres scénarios sont : « l’innovation ouverte » (le mieux disant en terme de croissance), « les îles low-cost» (concentrés sur les services les plus disruptifs) et « la confiance contre paiement » (présenté comme un scénario de « début de chaos numérique » avec des solutions ultra-sécurisées payantes). @

4 ans d’Hadopi : moins de 150 pirates devant la justice

En fait. Le 14 octobre, Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, était auditionnée par la commission des Affaires culturelles
et de l’Education de l’Assemblée nationale. La veille au soir, le 13 octobre,
elle s’est entretenue avec la présidente de l’Hadopi, Marie-Françoise Marais.

En clair. Octobre 2010- octobre 2014 : quatre ans de lutte contre piratage aboutissent finalement à moins de 150 dossiers de « pirates récidivistes sur Internet » transmis à
la justice – le procureur de la République – par la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi). Pourtant, sur les signalements des ayants droits de la musique et du cinéma, la réponse graduée fonctionne à plein régime et, selon les calculs de Edition Multimédi@, l’Hadopi devrait franchir à la fin de cette année les 4 millions d’e-mails de premier avertissement (1) cumulés envoyés depuis le démarrage de la réponse graduée en octobre 2010. Tandis que le nombre
de lettres recommandées – expédiées en cas de récidive dans les six mois suivant l’e-mail – dépassera, lui, les 400.000 cumulées depuis quatre ans. Lors de son audition
à l’Assemblée nationale, Fleur Pellerin a laissé entendre que le maintien du budget
de l’Hadopi à 6 millions d’euros dans le projet de loi de Finances 2015 (au lieu de
8,5 millions) pourrait être revu à la hausse. D’autant que la ministre a déclaré que
« l’établissement et la publication d’une liste noire [de sites web pirates, ndlr] me paraissent rentrer parfaitement dans le cadre des compétences de l’Hadopi ».
Tous les intermédiaires du Net (2) seront alors obligés, selon elle, de prendre leurs responsabilités… @