Le groupe français OVH veut surfer en Bourse sur le marché ouvert du « cloud souverain » dans le monde

La souveraineté nationale et/ou européenne de l’informatique en nuage (cloud) est à géométrie variable, mais elle constitue un marché prometteur pour les fournisseurs comme le français OVHcloud qui va faire son entrée en Bourse. Mais les américains et les chinois veulent aussi leur part du gâteau.

« Souveraineté des données » (50 fois), « cloud souverain » (2 fois), mais aussi « cloud souverain européen », « souveraineté des données en Europe », « souveraineté numérique de l’Europe », « cloud de données sécurisées et souveraines », « souveraineté et de sécurité des données », « bases de données souveraines » : le document d’enregistrement boursier du groupe OVH (alias OVHcloud), approuvé le 17 septembre 2021 par l’Autorité des marchés financiers (AMF), montre que la « souveraineté » est devenue le leitmotiv dans le nuage.

Cloud et souveraineté : deux concepts flous
La souveraineté numérique appliquée au cloud et aux données est cependant un concept flou, dont on ne sait pas trop s’il s’agit d’un protectionnisme national ou d’une préférence européenne, voire extra-européenne. Une chose est sûre : tout en voulant se développer en Amérique du Nord, en Asie et en Inde, le groupe français OVH assure vouloir être « le champion européen du cloud », même si « Microsoft et Orange ont récemment annoncé leur intention de former un partenariat offrant des solutions de cloud souverain de données qui pourraient [le] concurrencer ». Tout comme Oodrive et Outscale.
La souveraineté s’avère compatible avec les GAFAM. OVHcloud, lui, a annoncé en novembre 2020 un partenariat avec Google et sa plateforme logicielle Anthos pour « propose[r] aux clients européens une offre garantissant la souveraineté des données ». Le groupe d’Octave Klaba (photo), fondateur de la société, son président actuel et son actionnaire majoritaire avec sa famille, est en outre l’un des membres fondateurs de Gaia-X. Ce consortium de « cloud de confiance » franco-allemand, lancé en 2020, entend favoriser « la souveraineté numérique de l’Europe » face aux « hyperscalers » américains (1). Pour autant, Gaia-X – basé à Bruxelles (2) – compte parmi ses plus de 300 membres non seulement des européens mais aussi les américains Amazon, Google, Microsoft (3) et Palantir (proche de la CIA), les chinois Huawei, Alibaba et Haier. Autant dire que le « cloud souverain » est portes et fenêtres grandes-ouvertes. OVHcloud indique exploiter à ce jour 33 centres de données dans le monde entier sur douze sites différents, en France, en Europe, en Amérique du Nord, à Singapour et en Australie, soit un total de plus de 400.000 serveurs. « A l’avenir, OVHcloud pourrait envisager d’ajouter des centres de données dans des pays tels que l’Inde », mentionne le prospectus financier. La société créée en 1999, dont le siège social se situe toujours à Roubaix (Nord de la France), devient internationale : si plus de la moitié (52 %) des 632 millions d’euros de chiffre d’affaires de l’année 2020 est réalisée en France, 28 % proviennent d’autres pays en Europe et 20 % d’ailleurs dans le monde. Car le cloud n’a pas de frontières.
Si la « souveraineté » est floue, l’informatique en nuage l’est tout autant. Le cloud computing désigne les technologies permettant l’utilisation à distance de ressources de calcul, de stockage et de réseaux, fournies à la demande et automatiquement, via l’Internet. Le cloud est à géométrie variable : « hybride » (combinant cloud public et cloud privé), « privé » (serveur chez un seul client), « public » (serveur chez un seul client) (4), « web » (hébergement de sites Internet). Pour satisfaire ses clients, OVH fournit ainsi des services numériques à la demande, que cela soit du « Cloud-as-a-Service » (CaaS), de l’« Infrastructure-as-a-Service » (IaaS), du « Platform-asa- Service » (PaaS), du « Datacenter-as-a-Service » (DCaaS) ou encore du « Software-as-a-Service » (SaaS). C’est selon. « Il n’existe pas de définition standard des marchés sur lesquels OVHcloud opère, ce qui rend difficile la prévision de la croissance et la comparaison de l’activité d’OVHcloud avec celle de ses concurrents », prévient le prospectus au chapitre des risques. Difficile donc de connaître la part de marché d’OVH. Seules une estimation du marché mondial des services cloud d’infrastructure et de plateforme logicielle est avancée : de 100 à 120 milliards d’euros en 2020. Le groupe OVH veut lever jusqu’à 400 millions d’euros en Bourse, mais il reste à connaître le calendrier d’introduction. @

Charles de Laubier

ZOOM

OVH Groupe veut faire le poids
Sur le segment de marché du « cloud privé », le groupe OVH en revendique 10 % à 15 % en Europe continentale, comme son rival IBM Cloud – tous les deux devançant l’allemand Hetzner, l’américain Rackspace et le néerlandais Leaseweb.
Sur le segment du « cloud public », il ne dépasse pas 1% sur l’Europe continentale, largement préempté par les « hyperscalers » que sont Amazon Web Services, Google Cloud Platform et Microsoft Azure, suivis d’IBM Cloud et d’Alibaba Cloud.
Sur le segment du PaaS, il indique ne pas disposer d’une part de marché significative face aux « hyperscalers » (Amazon, Google, Microsoft, Alibaba), Salesforce, Oracle, IBM et SAP. Sur le segment du « cloud web » (hébergement de sites Internet et de domaines), estimé en 2020 de 3,5 à 4 milliards d’euros au niveau mondial et de 1 à 1,5 milliard euros en Europe, « dont environ 100 millions d’euros pour la France » où il revendique 65 % de part de marché (par ailleurs 16 % en Espagne et 10 % en Pologne).
Sur le segment du SaaS, il développe son « usine à logiciels » pour développeurs et éditeurs. Les plateformes logicielles, elles, sont dominées par Salesforce, Oracle, IBM et SAP. @

Vie privée et télétravail : la consécration des VPN

En fait. Le 5 mai, la fondation Mozilla – créée dans la foulée du développement il y a vingt ans du navigateur Firefox – a rendu disponible en France sa solution de réseau privé virtuel, Mozilla VPN, pour permettre aux internautes de sécuriser et de masquer leurs connexions à Internet et de ne pas être géolocalisés.

En clair. Les VPN – Virtual Private Network – sont plus connus par les internautes des pays autoritaires ou dictatoriaux qui pratiquent la censure de contenus en ligne et les blocages d’accès à des plateformes étrangères. Mais échaudés par les atteintes en ligne à leur vie privée, le pistage de leurs navigations et géolocalisations à des fins publicitaires (sans parler des cookies), voire la fuite de leurs données personnelles, les internautes des pays démocratiques sont de plus en plus demandeurs de VPN. Le sigle fait même son entrée dans le Larousse 2022 !
« Pour vivre heureux vivons cachés » est le nouveau credo du Web, dont les connexions sécurisées « https » ne suffisent pas. Le VPN est une sorte de camouflage numérique et de bouclier en ligne, qui offre une sécurisation par chiffrement des données et masque l’adresse IP de l’internaute (une de ses données personnelles) pour ne pas être détecté, pisté ou identifié. Pratiqué de longue date par les technophiles, les réseaux privés virtuels se démocratisent au fur et à mesure que les offres de VPN grand public faciles d’utilisation sont proposées (NordVPN, IPVanish, Cyberghost VPN, Surfshark, etc). Et ce, moyennant paiement sur un mois (de 5 à 12 euros) ou sur six à trois ans (de 2 euros à 10 euros par mois selon la durée de souscription). Pour Mozilla VPN lancé le 5 mai en France et en Allemagne (1), les tarifs sont de 9,99 euros pour un mois, 6,99 par mois sur six mois ou de 4,99 euros pour douze mois (2). L’utilisation du navigateur Firefox n’est pas nécessaire, mais un compte Mozilla si. La fondation californienne à but non lucratif s’appuie pour cela sur la société suédoise Amagicom qui opère un réseau mondial de 750 serveurs (dans 30 pays) fonctionnant sur leur solution open-source de VPN, Mullvad, et sécurisé de bout-enbout (3) par le protocole de cryptage WireGuard. « Surfez, jouez, travaillez et streamez tout en préservant votre confidentialité sur Internet », promet la fondation Mozilla.
Depuis mars 2020, confinements successifs oblige, la Cnil (https://lc.cx/Cnil-VPN) et l’Arcep (https://lc.cx/Arcep-VPN) recommandent d’utiliser des VPN pour télétravailler ou se former en distanciel, et « éviter l’exposition directe sur Internet » (dixit la Cnil). Mais attention, « la combinaison de celui-ci [le VPN de l’employeur] avec votre Wifi peut engendrer un débit ralenti » (dixit l’Arcep). @

Fini les cookies, place aux « intérêts communs »

En fait. Les 3 mars, Google a annoncé qu’il allait abandonner les cookies tiers – utilisés par les annonceurs et publicitaires à des fins de traçage des internautes et de ciblage « personnalisé » – au profit de « centres d’intérêts » de groupes d’individus. Des tests débuteront au second trimestre. Coup de grâce aux mouchards ?

En clair. Demain, on ne dire plus « cookies » mais « cohortes ». Les petits mouchards publicitaires installés – jusqu’alors sans le consentement express des internautes trackés et ciblés – vont bientôt relever de la préhistoire du Web. Controversés depuis longtemps, car portant souvent atteinte à la vie privée des internautes et des mobinautes, les cookies laisseront un goût amer. Et l’obligation récente faite aux sites web et plateformes numériques, notamment en France avec les contrôles et sanctions de la Cnil qui vont démarrer à partir du 1er avril 2021, ne changera rien à l’affaire. Google – déjà épinglé en France (1) – va leur donner le coup de grâce au niveau mondial, en abandonnant les cookies tiers au profit des « cohortes » : ce que les développeurs du Web appellent « FLoC », pour Federated Learning of Cohorts (2). Potentiellement, tous les navigateurs (Chrome de Google, Fixefox de Mozilla, Edge de Microsoft, Safari d’Apple, etc.) peuvent tourner le dos aux cookies pour miser sur les centres d’intérêts sur le Web. La « cohorte » est un groupe d’utilisateurs aux comportements de navigation similaire. Et ce, sans ne plus avoir à identifier les individus un par un mais ensemble de façon non indentifiable. « Pour que l’Internet reste ouvert et accessible à tous, nous devons tous faire davantage pour protéger la vie privée, ce qui signifie la fin non seulement des cookies tiers, mais aussi de toute technologie utilisée pour tracker les personnes qui naviguent sur le Web », a prévenu David Temkin, directeur de gestion de produit « Ads Privacy and Trust » chez Google, dans un post publié le 3 mars (3).
La filiale d’Alphabet ne va plus suivre à la trace les utilisateurs sur non seulement ses propres services mais aussi sur d’autres sites web. Fini les cookies : place aux foules segmentées par audiences anonymes. Il s’agit aussi de restaurer la confiance sur le Web, mise à mal par ces cookies utilisés sans consentement préalable. « Nos tests de FLoC montrent une façon efficace de retirer les cookies tiers de l’équation publicitaire et de cacher les individus au sein de grandes foules de personnes ayant des intérêts communs », explique David Temkin. En avril, Chrome commencera à redonner le contrôle à ses utilisateurs. Puis, à partir du second trimestre, des tests « FLoC » seront menés, à partir du deuxième trimestre, avec des annonceurs publicitaires dans Google Ads. @

Bras de fer en Australie entre presse et GAFAM

En fait. Les 22 janvier, en Australie, s’est tenue la première audience publique devant la commission des lois économiques du Sénat sur le projet de « Code de négociation obligatoire des médias d’information et des plateformes numériques », contre lequel les GAFAM, Twitter, Snap ou encore LinkedIn sont vent debout.

En clair. Dans le bras de fer auquel se livrent – depuis trois ans – les médias australiens et les géants du numérique, tout va se jouer dans les prochains jours en Australie au Parlement à Canberra (capitale du pays). Prochaine audience publique au Sénat australien sur le projet de « Code de négociation obligatoire des médias d’information et des plateformes numériques » : le 1er février. Le gouvernement australien entend obliger les Google, Facebook et autres Twitter à rémunérer les médias dont ils utilisent les actualités – que cela soit via des liens hypertext et/ou des snippets (vignettes affichant le début d’un article, avec photo ou vidéo).
Autrement dit, l’Australie veut faire payer aux GAFAM les liens de la presse sur le Web – n’en déplaise au fondateur du World Wide Web, Tim Berners-Lee, qui y voit là « une atteinte à un principe fondamental du Web » justement. Ce dernier l’a fait savoir le 18 janvier aux sénateurs australiens (1). Google, qui a menacé le 22 janvier de « suspendre » son moteur de recherche en Australie, Facebook et Twitter font partie de la cinquantaine de contributeurs (2). Tout avait commencé par un rapport publié en juin 2019 par l’autorité de la concurrence (ACCC), qui, après dixhuit mois d’enquête, fustigea finalement la position dominante des GAFAM. Le Premier ministre australien, Scott Morrison, avait aussitôt repris à son compte les recommandations de « mesures coercitives si nécessaire » à prendre à l’encontre des géants du Net. Parmi elles : la recommandation n°7 qui prône un « code de conduite » et un « partage de revenus » entre les plateformes et les médias (3), la presse étant confronté à la plus grave crise de son histoire. Le bras de fer se poursuit actuellement au Sénat australien, où la commission des lois économiques doit rendre « au plus tard le 12 février 2021 » son rapport sur le projet de « Code de négociation obligatoire des médias d’information et des plateformes numériques » (4).
D’autres pays observent ce bras de fer, dont la France où des négociations sur les droits voisins entre Google et la presse française – imposées par l’Autorité de la concurrence – ont abouti à de premiers « accords individuels » (5) – sur des « contenus enrichis » et leur rétribution. Mais la FNPS (presse spécialisée) estime que l’accord cadre signé par l’Apig (presse d’information générale) n’est « pas conforme » à la loi « Droit voisin de la presse » du 26 juillet 2019. @

Fip, « meilleure radio du monde », fête ses 50 ans et s’internationalise grâce à ses webradios et applis mobiles

La radio locale « France Inter Paris », d’où son nom, fut lancée le 5 janvier 1971. Au fil de cinq décennies, Fip est devenue culte auprès d’un public grandissant et fidèle malgré sa diffusion FM incomplète – à laquelle le DAB+ va remédier. Ses déclinaisons sur Internet (fip.fr, webradios, podcasts) lui ont ouvert une audience internationale.

Née radio locale à Paris il y a 50 ans, en ondes moyennes, Fip s’est progressivement développée sur la bande FM, où elle dispose aujourd’hui de dix fréquences hertziennes sur l’Hexagone (1), avant d’étendre son audience au monde entier via Internet : non seulement sur fip.fr mais aussi sur les smartphones avec ses deux applications mobiles (l’une sous Android, l’autre sous iOS). L’ex-France Inter Paris s’est faite un nom en trois lettres en étant l’unique radio dans le monde à proposer une programmation éclectique de tous les genres musicaux et de tous les pays. Se succèdent à l’antenne ou en ligne rock, jazz, blues, classique, groove, électro, reggae ou encore rap, ainsi que les musiques de tous les horizons (occidentales, africaines, sud-américaines, orientales, asiatiques, …). Sa programmation musicale sans frontières, interrompue sans excès et en douceur par des animatrices (les « fipettes » aux voix suaves) faisant part de rendez-vous culturels ou de coups de cœurs musicaux, séduit de plus en plus à l’international. « Cela tient à la richesse et à la diversité de la programmation de Fip et à l’univers musical qu’elle a su créer en développant ses webradios qui aujourd’hui représentant 30 % de son audience. L’écoute des huit webradios a progressé, à elle seule, de 43 % en un an », explique à Edition Multimédi@ Bérénice Ravache (photo), directrice de Fip depuis août 2017.

Un quart de son audience digitale vient de l’étranger
Car au-delà de ses 680.000 auditeurs qui l’écoutent aujourd’hui sur la FM en France, soit une part d’audience de 1,2 % tout à fait honorable au regard de sa diffusion hertzienne partielle auprès de la population hexagonale, Fip rayonne de plus en plus à l’international. Son site web, créé en 2004 à l’adresse fipradio.fr puis modernisé en 2014 sur fip.fr, draine un public d’internautes grandissant : près de 2,9 millions de visites par mois au total (2), dont 23 % venues hors de France, selon le dernier relevé de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM). Fip étend aussi son audience sur l’Hexagone et par-delà les frontières grâce à ses deux applications mobiles pour tous les smartphones et tablettes, l’une disponible sur Play Store et l’autre sur App Store (sous iOS) : plus de 1,9 million de visites par mois au total (4), dont plus de 29 % venues là aussi hors de France (5). Ainsi, environ un quart de l’audience de Fip en streaming – site web, webradios et applis mobiles confondus – provient de l’étranger, et comme en témoigne la vidéo postée le 5 janvier : https://lc.cx/50ansFip. Et ce, grâce non seulement à la diffusion numérique en ligne dans le monde du flux audio repris simultanément du flux hertzien (simulcast), mais aussi à ses 8 webradios : Fip Rock, Fip Jazz ; Fip Groove, Fip Electro, Fip Monde, Fip Reggae, Fip Nouveautés et, la toute dernière lancée en juin dernier, Fip Pop.

Nouvelles webradios et nouveaux podcasts en vue
Cette part internationale va continuer à progresser car d’autres déclinaisons thématiques vont être lancées. « Il reste encore beaucoup d’autre genres à explorer et des projets de nouvelles webradios sont en effet à l’étude », nous confie Bérénice Ravache. Le flux audio a l’avantage d’être accessible en ligne de n’importe quel type de terminal numérique : ordinateur, smartphone, tablette, télévision connectée, « box », récepteur radio numérique, autoradio connecté ou encore agrégateurs de flux. « Fip et ses webradios rencontrent des succès sans précédent sur l’ensemble des supports d’écoute », se félicite sa directrice. La production de podcasts n’est pas en reste : « Club jazzafip », « Certains l’aiment Fip » ou encore le tout nouveau « Les années Fip ». « Nous proposons également depuis l’année dernière nos “Fip 360” de concerts électro en son immersif et en podcast avec son 3D : premier podcast de ce genre dans le monde. Et cette année, nous allons mettre en ligne deux séries de podcasts: “Sound of Joy”(6 épisodes) et “Pink Note” (8 épisodes) », dévoile la directrice de Fip. Lorsque le patron de Twitter, Jack Dorsey, a tweeté le 12 septembre 2017 « la meilleure radio du monde » (6) à propos de Fip, le milliardaire du Net a rappelé implicitement que la radio n’avait plus de frontières à l’ère du streaming. « Pourquoi ne venez-vous pas visiter l’équipe @fipradio à Paris ? Ils ne vous diront pas leurs secrets, mais ce sont des gens formidables », lui avait répondu Laurent Frisch, directeur du numérique de Radio France. Jack Dorsey tweeta alors : « Je le ferai la prochaine fois que je serai à Paris » (7). C’est ce que le PDG cofondateur du site de microblogging fit le 7 juin 2019. L’Américain, icône du Net, a même pris le micro de Fip (voir photo ci-contre) et a concocté « sa playlist Fip » diffusée à l’antenne et toujours sur Spotify (8). « @jack » est d’autant plus fan de « @fipradio » qu’il a déclaré ce jourlà sa passion pour Fip en tweetant cette fois une photo de son poignet avec comme « nouveau tatouage » le logo de sa radio préférée, photo (9) et vidéo (10) à l’appui ! Le rayonnement international de Fip, dont la programmation « universelle » porte sur la diffusion de 42.000 titres différents par an, en fait une radio culte atypique. L’ACPM a classé Fip en cinquième position des radios digitales françaises. Avec 13,2 millions d’écoutes actives dans le monde – dont plus de 3,6 millions hors de France – durant le mois de novembre 2020, dernier relevé en date (11), Fip arrive juste derrière France Inter, France Info, RMC et NRJ. Et que cela soit dans ce « Top 5 » de la radio digitale ou dans le « Top 20 », elle est la mieux-disante en termes de durée d’écoute moyenne (12) avec plus de 58 minutes (contre 35 mn pour France Inter ou 34 mn pour NRJ). Cet attachement de ses auditeurs en fait une « radio fétiche » (dixit Fip). Cette fidélité se retrouve d’ailleurs sur la FM où sa durée d’écoute par auditeur (DEA) se situe autour de 2 heures dans le mois selon par Médiamétrie (13). Aucune radio musicale hertzienne en France n’atteint et ne dépasse cette performance, et même de toutes les catégories de radios si l’on excepte RTL (2h19), France Inter (2h10) et à égalité avec France Bleu (1h55). « La radio s’écoute encore majoritairement en FM. Fip y a gagné 100.000 auditeurs en un an », relève Bérénice Ravache, alors que Médiamétrie mesure la station quinquagénaire depuis seulement septembre 2019. Et d’ajouter : « L’audience de Fip a progressé de 250 % en 15 ans, passant de 260.000 en 2006 à près de 680.000 auditeurs en 2020. Peu de radios peuvent en dire autant, en particulier les radios musicales ». Surtout avec seulement dix fréquences FM. En 2015, en pleine grève qui fut la plus longue de l’histoire de Radio France, la Cour des comptes publie son rapport sur le groupe public de radios où, par soucis d’économie, il suggère que Fip « fragilisée par la concurrence » quitte le hertzien pour le seul numérique (avec la petite radio Le Mouv’). Mais après la révocation début 2018 du président de la Maison- Ronde, Mathieu Gallet, auquel a succédé Sibyle Veil, l’idée sera abandonnée. « Fip fait bel et bien partie du paysage radiophonique dans 10 villes et il n’est pas question d’y renoncer. Le déploiement du DAB+ [la diffusion numérique terrestre, ndlr] va permettre à Fip d’être diffusée demain [d’ici à 2028, ndlr] sur 85 % du territoire contre 6% aujourd’hui », nous explique Bérénice Ravache. Sur fond de baisse de dotation de l’Etat, bien que compensée par les aides d’Etat liées à crise sanitaire, des économies restent encore à faire pour Radio France (60 millions d’euros d’ici 2022). Sur 4.400 employés, 340 départs volontaires sont prévus, des recrutements – dans le numérique notamment – aussi.

14 postes supprimés (dont 11 «fipettes»), mais 5 de créés
Fip contribue à son niveau au plan d’économies du groupe. « L’animation locale de Fip à Bordeaux, Nantes et Strasbourg a pris fin le 18 décembre. C’était les trois dernières villes, les précédentes ayant cessé fin 2000. En conséquence,14 postes sont supprimés, dont 11 animatrices, mais 5 postes de déléguées musicales sont créés à Bordeaux, Nantes, Strasbourg et Lyon », nous détaille Bérénice Ravache. Quant aux habituels flashs d’actualités à 50 de chaque heure, ils ont aussi été sacrifiés. Avec sa soixantaine de collaborateurs (salariés, 14 animatrices, cachetiers, …), Fip fait moins radio locale mais plus nationale et globale. @

Charles de Laubier