Mineurs, réseaux sociaux et sites pornos : contrôle de l’âge et risques sur la vie privée

Alors qu’une procédure de l’Arcom s’éternisent devant la justice contre cinq sites web pornographiques (Pornhub, Ttukif, xHamster, Xnxx, et Xvideos), le contrôle de l’âge – pour interdire aux mineurs l’accès à ces contenus pour adultes ou l’inscription sur les réseaux sociaux – pose problème.

Cela fait un an que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a publié – le 9 juin 2021 – huit recommandations pour « renforcer la protection des mineurs en ligne » (1), dont une – la septième – s’intitule « Vérifier l’âge de l’enfant et l’accord des parents dans le respect de sa vie privée ». Car la question du contrôle de l’âge est complexe et difficile à mettre en œuvre au regard de la protection de la vie privée et du principe de l’anonymat. Or, 44 % des 11-18 ans déclarent avoir déjà menti sur leur âge pour utiliser les réseaux sociaux (2). Et quelle proportion des mineurs ont déclaré être majeurs sur les sites web à caractère pornographique ?

Vérifier l’âge : pas de procédé fiable (PEReN)
Vérifier l’âge de l’internaute reste encore à ce jour un problème car les solutions de contrôle sont soit facilement contournables (déclaration qui peut être mensongère, vérification par e-mail inefficace, …), soit portant atteinte à la protection des données et à la vie privée (reconnaissance faciale jugée disproportionnée, utilisation des données recueillies à des fins commerciales ou publicitaires, …). A ce jour, les réseaux sociaux – le plus souvent interdits aux moins de 13 ans (voire moins de 16 ans dans certains autres pays européens comme l’Allemagne), et les sites web pornographiques interdits aux moins de 18 ans – ne savent pas vraiment comment procéder pour être irréprochables dans le contrôle de l’âge de leurs utilisateurs.
A Bercy, le Pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN) – rattaché à la Direction générale des entreprises (DGE) et placé sous l’autorité conjointe des ministres chargés de l’Economie, de la Culture et du Numérique (3) – a publié le 20 mai dernier une étude à ce sujet. « Détection des mineurs en ligne : peut-on concilier efficacité, commodité et anonymat ? », s’interroge cette entité interministérielle. Son constat : « Aujourd’hui, pratiquement aucun service en ligne n’utilise de procédé fiable permettant de vérifier l’âge. Malgré leur multiplicité, peu de méthodes sont à la fois faciles à mettre en œuvre, peu contraignantes et respectueuses de la vie privée des utilisateurs, performantes et robustes face à des tentatives de fraude ». Le PEReN, qui est dirigé par Nicolas Deffieux (photo), fait aussi office de task force au service notamment de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), au moment où celle-ci – du temps du CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) – a mis en demeure le 13 décembre 2021 cinq sites web pornographiques et les a enjoints de se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions du code pénal. Faute d’avoir obtempéré dans les temps (ultimatum de quinze jours), les cinq plateformes incriminées – Pornhub, Ttukif, xHamster, Xnxx, et Xvideos – se retrouvent devant la justice, à l’initiative de l’Arcom, dans le cadre d’une procédure « accélérée » qui s’éternise (4).
Selon NextInpact, la présidente du tribunal judiciaire de Paris a considéré le 24 mai dernier comme « caduque » l’assignation adressée par l’Arcom aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) afin qu’ils bloquent les cinq sites pornos. Raison de cette annulation : l’Arcom n’a informé le tribunal de cette assignation que le jour même de l’audience, au lieu de la veille au plus tard (5). L’Arcom doit donc réassigner les FAI, ce qui reporte l’audience de quelques semaines. Toujours selon NextInpact, les avocats des sites pornos réclament le dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel et d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Tandis que le Conseil d’Etat, lui, a été saisi de l’annulation du décret d’application du 7 octobre 2021 portant sur les «modalités de mise œuvre des mesures visant à protéger les mineurs contre l’accès à des sites diffusant un contenu pornographique » (6). Ce décret menace les FAI contrevenants à des sanctions pénales de « trois ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende lorsque ce message [à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique] est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur » (7). Surtout que « les infractions (…) sont constituées y compris si l’accès d’un mineur aux messages (…) résulte d’une simple déclaration de celui-ci indiquant qu’il est âgé d’au moins dix-huit ans » (8). Cette dernière disposition introduite dans le code pénal découle de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales.

Vie privée : ne pas enfreindre le RGPD
Il y a donc péril judiciaire dans le porno. D’autant qu’une deuxième procédure, distincte de celle de l’Arcom, suit son cours en référé déposé devant le tribunal judiciaire par deux autres associations – La Voix de l’enfant et e-Enfance – sur la base de la loi « Confiance dans l’économie numérique » (loi LCEN de 2004). Son visés les mêmes sites pornos que dans la première affaire, mais avec MrSexe, IciPorno, YouPorn et RedTube (soit neuf au total). Or, à ce jour, l’absence de procédés fiables pour contrôler l’âge des internautes sans porter atteinte à la vie privée – et en respectant au niveau européen le règlement général sur la protection des données (RGPD) – rend la situation compliquée pour les réseaux sociaux et les sites pornos. « Les procédés techniques visant à vérifier la majorité d’âge ne sauraient conduire au traitement de données biométriques au sens de l’article 9 du RGPD, compte tenu de la nature particulière de ces données et du fait que le recueil du consentement de la personne concernée ne pourrait être considéré comme libre s’il conditionne l’accès au contenu demandé », avait mis en garde la Cnil dans son avis du 3 juin 2021 sur le projet de décret « Protéger les mineurs » (devenu le décret du 7 octobre 2021).

Double anonymat préconisé par la Cnil
Dans sa délibération parue au J.O. le 12 octobre de la même année (9), la Cnil écarte aussi le recours à la carte d’identité : « Serait considérée comme contraire aux règles relatives à la protection des données la collecte de justificatifs d’identité officiels, compte tenu des enjeux spécifiques attachés à ces documents et du risque d’usurpation d’identité lié à leur divulgation et détournement ».
Quoi qu’il en soit, l’article 8 du RGPD interdit l’utilisation de données personnelles des enfants âgés de moins de 13 à 16 ans, selon les Etats membres. La France, elle, a retenu l’âge de 15 ans. Ainsi, en-dessous de cet âge légal, la loi « Informatique et Libertés » impose – conformément au RGPD – le recueil du consentement conjoint de l’enfant et du titulaire de l’autorité parentale (10). Si la préoccupation première était de ne pas exposer les mineurs de 13 à 16 ans à de la publicité ciblée sur les réseaux sociaux, lesquels sont censés avoir mis en place des procédés de vérification de l’âge (11), cette obligation concerne désormais les sites web à caractère pornographique.
A noter que les jeux d’argent et de hasard en ligne (comme les paris sur Internet) sont également soumis au contrôle préalable de l’âge. Au niveau européen, la Commission européenne soutient l’initiative euConsent qui vise à mettre en place des systèmes de vérification de l’âge et de consentement parental qui soient interopérables, sécurisés et ouverts à l’échelle paneuropéenne – conformes à la certification eIDAS (12). Dans le consortium euConsent se côtoient Facebook, Google, les associations européennes respectivement des opérateurs télécoms historiques Etno et des fournisseurs d’accès à Internet EuroIspa, ou encore des organisations de protection de l’enfance. Le futur Digital Services Act (DSA), législation sur les services numériques, va introduire à son tour une interdiction de la publicité ciblée pour les mineurs.
Le contrôle de l’âge va se renforcer sur Internet, mais les méthodes de vérifications laissent à désirer. Le PEReN a classé dans son étude les solutions selon le mode de preuve employé (voir aussi tableau ci-dessous) :
• Le contrôle de l’âge, à l’aide d’un document portant l’identité et la date de naissance de la personne, à l’aide d’un document dont toutes les parties identifiantes auraient été supprimées avant tout traitement, ou enfin par les parents (contrôle parental) ;
• L’estimation algorithmique de l’âge sur la base du contenu publié ou utilisé par l’utilisateur sur le site ou bien à partir de données biométriques (voix, images, vidéos, …) ;
• Le déclaratif se basant uniquement sur les déclarations des internautes.
Le PEReN estime « primordial que la vérification de l’âge ne soit pas directement opérée par la plateforme ou le service en ligne afin de réduire le risque de croisement ou de réutilisation des données collectées lors de la vérification ». Il préconise alors « un mécanisme de tiers, voire de double tiers, [qui] peut être mis en place pour la transmission du résultat de la vérification précisément afin de minimiser ce risque ». Ainsi, ce mécanisme de doubletiers constitue une mise en œuvre possible du double anonymat recommandé par la Cnil, laquelle – en partenariat avec un laboratoire de l’Ecole polytechnique et le PEReN – a développé un prototype de ce mécanisme de vérification de l’âge par double anonymat pour en démontrer la faisabilité technique. D’après le PEReN « cette preuve de concept [devait] être rendue disponible fin mai ».
Contacté par Edition Multimédi@, son directeur général Nicolas Deffieux nous indique que la Cnil est maître des horloges. Le prototype est en effet entre les mains de Vincent Toubiana, qui y dirige le laboratoire d’innovation numérique (Linc). « Notre calendrier a été décalé et je n’ai actuellement aucune date de publication prévue », nous précise ce dernier. @

Charles de Laubier

Le feu vert à Starlink en France inquiète certains

En fait. Le 2 juin, l’Arcep a annoncé avoir attribué – par décision du 25 mai 2022 – des fréquences à la société Starlink appartenant au milliardaire Elon Musk pour le service Internet fixe par satellite qu’il va lancer en France en recourant à sa constellation déjà en orbite. Ce nouveau concurrent tombé du ciel inquiète.

En clair. Le Conseil d’Etat avait annulé le 5 avril 2022 la première autorisation accordée par l’Arcep à Starlink (1) deux mois plus tôt, car le régulateur avait omis de lancer une consultation publique préalable (2). Cette dernière a finalement eu lieu et nous donne un aperçu de l’état d’esprit avec lequel les opérateurs télécoms ou satellitaires déjà en place accueillent l’arrivée de ce nouvel entrant sur le marché français de l’accès à Internet.
« L’arrivée en France de la société Starlink peut perturber le marché de l’accès à haut débit par satellite existant. (…) Le déploiement massif et avancé de satellites pour la constellation Starlink en orbite basse risque de créer une situation dominante », s’inquiète l’opérateur par satellite Eutelsat, dans sa réponse à l’Arcep, en évoquant des « risques de déstabilisation du marché de la connectivité par satellite » et un « risque de constitution d’un monopole », voire des « risques environnementaux ». Selon l’opérateur français Eutelsat, Starlink est aujourd’hui – « et de très loin » – la constellation la plus avancée en termes de déploiement par le constructeur aérospatial américain SpaceX (fondée aussi par Elon Musk), avec plus de 2.100 satellites en service. Son objectif est d’en déployer plus de 4.400 satellites d’ici 2027 et à (long) terme 42.000 – « ce qui est considérable ». Ses concurrents Kuiper (de société Blue Origin appartenant au milliardaire Jeff Bezos) et OneWeb (groupe indo-britannique détenu à 24 % par Eutelsat) sont bien moins avancés.
De son côté, Orange utilise des capacités spatiales louées à des opérateurs satellitaires tels qu’Eutelsat, Intelsat, SES ou encore Arabsat pour fournir des services VSAT (3) à ses entreprises clientes, sur terre ou en mer. « S’agissant des aspects économiques et concurrentiels, nous [Orange] constatons que les constellations sont en train de se développer de manière importante : Kuiper, Bosch [via Sapcorda Services, avec Mitsubishi Electric et U-blox, ndlr], OneWeb, Télésat [M7 Group alias Canal+ Luxembourg, ndlr], la Commission européenne ont annoncé leur projet […]. Cette concurrence vis-à-vis des réseaux fixes et des offres d’Internet fixe avec satellites géostationnaires déjà présents doit se faire dans les règles […], en particulier […] en zone rurale, ou en zones difficiles d’accès, par exemple les zones de montagne ». @

Comment Netflix cherche à rester le numéro un mondial, 15 ans après avoir pivoté dans la SVOD

Netflix a chuté au Nasdaq sous les 200 euros. Mais le groupe fondé par Reed Hastings, dont l’assemblée générale se tiendra le 2 juin, diversifie ses contenus – jusqu’aux productions hybrides « jeu mobile-série télé » – pour ne plus perdre d’abonnés ni licencier, et rester le n°1 mondial.

Pas de panique. Les Cassandres qui voudraient reléguer le numéro un mondial de la SVOD derrière ses concurrents risquent d’être contredits dans leurs sombres prévisions. Certes, Reed Hastings, le PDG fondateur de Netflix a décidé de licencier 150 personnes mais cela ne représente que 2 % (essentiellement aux Etats-Unis) des 11.000 salariés du groupe de Los Gatos. Certes, Netflix a perdu 200.000 abonnés au cours du premier trimestre 2022 mais cela ne représente que l’équivalent de… 0,09 % du parc actuel de ses 221,6 millions de clients dans le monde.

Le « N » rouge reste une cash-machine
Certes, le groupe prévoit encore une perte au second trimestre en cours, de 2 millions d’abonnés. Mais selon les prévisions de Digital TV Research, Netflix restera le grand gagnant de la SVOD en 2027. Alors, les investisseurs n’ont-ils pas surréagi en sanctionnant l’entreprise en Bourse, où son cours s’est effondré de 52,2 %, passant de 348,61 dollars le 19 avril dernier – quelque heures avant l’annonce des résultats du premier trimestre – à 166,37 dollars le 11 mai, son point le plus bas et équivalent au prix de septembre 2017 ?
Le marché de Wall Street, qui s’attendait jusqu’à quelque 5 millions d’abonnés en plus, a sans doute été trop sévère. D’autant que la marge de manœuvre de Netflix reste potentiellement grande si l’on considère que le groupe au « N » rouge dispose à fin mars 2022 d’une trésorerie disponible de 6 milliards de dollars, quand bien même il est endetté à hauteur de 8,6 milliards de dollars. Et Netflix est encore une cash-machine puisque son flux de trésorerie disponible (free cash-flow) pour faire tourner l’entreprise a été de 802 millions de dollars rien que pour les trois premiers mois de l’année. « Nous continuons de nous attendre à ce flux positif pour l’année 2022 et au-delà », avait tenu à rassurer le groupe dans sa lettre à ses actionnaires le 19 avril dernier à l’occasion de la présentation des résultats du premier trimestre. Rappelons que sur l’ensemble de 2021, le géant de la SVOD a réalisé 29,6 milliards de chiffre d’affaires, en hausse de 18,8 % par rapport à l’année précédent. Et ce, pour un bénéfice net de 5,1 milliards de dollars tout de même, en hausse de 85,3% sur un an. Qui dit mieux ? La diversification dans les contenus proposés par la plateforme au logo rouge a déjà commencé avec les jeux vidéo. Sa première incursion remonte à 2017 avec « Stranger Things » (jeu mobile développé par BonusXP et en appli sur iOS et Android) et à 2018 avec « Minecraft: Story Mode » (Telltale Games) utilisant cette fois une télécommande télé. Depuis six mois maintenant, sont proposés aux abonnés de la plateforme vidéo des jeux mobiles, comme l’exclusif « Relic Hunters: Rebels », développé par le studio brésilien Rogue Snail, ou encore « Hextech Mayhem: A League of Legends Story » sorti du studio Riot Forge (Riot Games). « Nous devons continuer à améliorer le service de base, qui propose des séries télé et des films, et maintenant des jeux vidéo que les gens aiment vraiment. C’est ce sur quoi nous mettons vraiment l’accent », a expliqué Theodore Sarandos (photo), co-PDG et directeur général des contenus de Netflix depuis 22 ans, et bras-droit de Reed Hastings.
Avec son cash disponible, le groupe compte bien continuer à se développer dans le jeu vidéo par croissance interne et des acquisitions, afin de développer ses propres titres de jeux comme cela est le cas dans les films et les séries. En septembre 2021, Netflix a racheté la société californienne Night School Studio. Et outre l’acquisition annoncée en novembre 2021 du spécialiste des effets spéciaux Scanline VFX (1), la firme de Los Gatos s’est emparée au premier trimestre 2022 du studio de jeux vidéo américain Boss Fight Entertainment (2), et compte finaliser son offre sur le finlandais Next Games (3) d’ici le second semestre. Mieux, Netflix veut joindre les deux bouts : produire des séries et des jeux autour d’un même titre. Ce sera le cas avec le premier projet « jeu mobile-série télé » autour de la licence « Exploding Kittens », à l’origine du jeu physique de roulette russe dans un jeu de cartes illustrées. Le jeu mobile vient de sortir (4) et la série animée est prévue pour 2023.

Plus de jeux vidéo que de sports
Theodore Sarandos a dit en avril qu’il croyait plus en la rentabilité des jeux vidéo sur Netflix qu’aux sports, même si la plateforme vidéo montre son intérêt en diffusant depuis 2018 la série « Drive to Survive » sur la Formule 1. Netflix s’intéresse aussi au tennis, au golf et aux documentaires sportifs. Mais le jeu vidéo reste prioritaire. « Nous renforçons nos capacités, franchement, plus rapidement que lorsque nous sommes entrés dans le cinéma », s’est félicité Reed Hastings. Il reste à Netflix à mieux éditorialiser sa plateforme vidéo avec des contenus plus attractifs, comme le fait si bien Disney+. @

Charles de Laubier

Pourquoi le fantôme de Snap fait trembler Internet

En fait. Le 23 mai, la société Snap – dirigée par son cofondateur Evan Spiegel – a émis un avertissement sur ses prévisions de résultats pour le second trimestre 2022. Depuis, le cours de Bourse du réseau social au fantôme a chuté de près de 45 % (1). C’est un vrai coup de semonce pour tout l’écosystème publicitaire.

En clair. « Depuis que nous avons publié nos objectifs le 21 avril 2022, l’environnement macroéconomique s’est détérioré davantage et plus rapidement que prévu. Par conséquent, nous pensons qu’il est probable que nous fassions état d’un chiffre d’affaires et d’un EBITDA ajusté inférieurs à l’extrémité inférieure de notre fourchette de prévisions pour le deuxième trimestre 2022 ».
Par cet avertissement enregistré par le gendarme de la Bourse américain, la SEC, et publié le 23 mai (2), l’éditeur de la plateforme Snapchat a jeté un froid et entraîné avec lui à la baisse d’autres entreprises cotées de réseaux sociaux et/ou leur maison mère (Twitter, Pinterest, Meta/Facebook, Alphabet/ YouTube, …), mais aussi des entreprises de publicité également cotées (Publicis, WPP, Omnicom, Interpublic Group, …).
Cette alerte laconique porte sur le chiffre d’affaires et la marge brute d’exploitation du deuxième trimestre en cours, dont les résultats seront publiés courant juillet. Comme l’essentiel des revenus de la société Snap provient pour l’essentiel de la publicité, ces quelques lignes ont sonnées comme coup de semonce pour toutes les plateformes numériques vivant de la publicité sur Internet et pour tous les acteurs de ce marché publicitaire très sensible aux conjonctures économiques. Snap est l’archétype de cette dépendance à la publicité en ligne : rien que sur son premier trimestre 2022, son chiffre d’affaires – essentiellement publicitaire – a franchi pour la première fois la barre du 1 milliard de dollars, soit un bond de 38 % sur un an (contre 769,6 millions de dollars au premier trimestre de l’année précédente).
Deux offres publicitaires principales sont proposées par le réseau social au fantôme, qui revendique 332 millions d’utilisateurs en moyenne par jour dans le monde, dont 75 % de Millennials et de GenZ : Snap Ads (3) et AR Ads (4). La publicité dite AR (Augmented Reality) propose aux annonceurs et partenaires des « filtres » sponsorisés (sponsored filters) et des « lentilles » sponsorisées (sponsored lenses). Mais l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et la guerre en Ukraine a fait revenir tout l’écosystème de la virtualité à la réalité. Aux difficultés économiques, s’ajoutent la fin des cookies pour le ciblage chez Apple et Google, d’une part, et le fléau persistant de la fraude publicitaire (5), d’autre part. @

L’AG annuelle d’Orange dans un climat de malaise

En fait. Le 19 mai, se tiendra l’assemblée générale annuelle d’Orange. Elle entérinera la fin de l’ère de Stéphane Richard pour ouvrir celle de Christel Heydemann, le titre de président revenant à Jacques Aschenbroich. Entre grosses rémunérations des dirigeants et échecs des négociations salariales, « le climat social se tend ».

En clair. « Le climat social se tend. L’excès de sous-traitance, comme l’illustre l’affaire Scopelec (1), épuise les équipes en interne. Les résultats sont mauvais malgré les annonces aux marchés. Le moral n’est pas bon. Tout le monde attend la composition de la nouvelle équipe », confie à Edition Multimédi@ une source en interne chez Orange. En cause : les franches augmentations de dirigeants, dont celle de Christel Heydemann. En fonction depuis le 4 avril dernier (2), l’ex-dirigeante de Schneider Electric Europe pourra atteindre au maximum une rémunération double – 2,25 millions d’euros – de celle de Stéphane Richard, PDG jusqu’en janvier 2022 et actuel président jusqu’au 19 mai (en empochant 475.000 euros d’indemnité de départ). Les émoluments de la nouvelle DG comprennent son salaire fixe (900.000 euros) et la part variable (si tous ses objectifs sont atteints), auxquels il faut ajouter l’octroi d’actions gratuites dites de « performance » (814.000 euros au prix du cours au 09- 05-22). Sans parler de la « retraite chapeau » en cas de départ anticipé. La dissociation en début d’année entre directeur général et président va coûter plus cher à Orange car le futur président Jacques Aschenbroich – s’il devait être confirmé par l’allongement de son mandat au-delà de ses 70 ans (résolution 17 à voter à la majorité des deux tiers) – bénéficiera d’un salaire fixe de 450.000 euros. Cette rémunération est le plafond légal pour un président d’une entreprise publique (3), bien que l’Etat ne possède plus que 22,95 % d’Orange. « Le profil de Jacques Aschenbroich fait débat car il entend rester président de Valeo (jusqu’en mai 2023) et au conseil d’administration de BNP Paribas et Total, deux entreprises fournisseurs et concurrents d’Orange sur de nombreux marchés : France, Espagne, Pologne, Afrique. Son cumul passe assez mal auprès des investisseurs », prévient notre interlocuteur.
Quant aux directeurs généraux délégués Ramon Fernandez et Gervais Pellissier, ils seront eux-aussi grassement payés, si – comme pour la nouvelle DG – les actionnaires approuvent les résolutions les concernant lors de l’AG. « Tous perdants… sauf une », regrette le syndicat CFDT en faisant référence aux émoluments de Christel Heydemann. D’autant que cette dernière commence son mandat de DG sur un échec des négociations salariales, en limitant l’augmentation générale à 3% alors que l’inflation est de plus de 5% … @