Xiaomi, qui a détrôné Apple dans les smartphones, étend son écosystème à sa berline connectée

L’américain Apple en a rêvé ; le chinois Xiaomi l’a fait. L’empire que Lei Jun a fondé il y a à peine 15 ans a non seulement ravi en août à Apple la deuxième place mondiale des fabricants de smartphones, mais il est aussi en passe de réussir le pari d’un « Apple Car » – là où la Pomme a abandonné son projet.

Depuis que le chinois Xiaomi a lancé il y a six mois la commercialisation de sa berline électrique « intelligente » baptisée SU7 (Speed Ultra 7), produite par sa filiale Xiaomi Motors, plus de 27.300 exemplaires ont été livrés durant le second trimestre. « Les attentes sont largement dépassées », s’est félicitée la jeune firme basée à Pékin, dont c’est la toute première voiture, lors de la présentation le 21 août dernier de ses résultats trimestriels.
Ayant dépassé les 10.000 véhicules livrés par mois, son fondateur et président Lei Jun (photo) a décidé d’accélérer la cadence de production, à « 100.000 livraisons d’ici novembre 2024 », en avance sur le calendrier. Sur l’ensemble de cette année, Xiaomi compte avoir livré 120.000 voitures. Mais pas question de s’endormir sur ses lauriers : le « X » de BATX (les GAFAM chinois) finalise un prototype de la SU7 Ultra qui sera lancée en octobre sur le mythique circuit automobile de Nürburgring, en Allemagne. Objectif : « Devenir le véhicule électrique à quatre portes le plus rapide du circuit au cours de la prochaine décennie ». Alors que fin février l’agence Bloomberg révélait l’abandon par la marque à la pomme de son projet de voiture lancé une décennie auparavant (1), l’« Apple Car » de Xiaomi existe, elle, et fait même partie du nouvel écosystème « Human x Car x Home » où les équipements peuvent interagir intelligemment grâce à l’IA.

« Mi » mise sur son écosystème IA unifié
Lancé en février, l’écosystème intelligent « Human x Car x Home » de Xiaomi vise en effet à englober sous son nouveau système d’exploitation HyperOS – successeur de Miui – aussi bien les smartphones ou tout appareils personnels que les objets connectés de la maison (assistants, montre connectée, téléviseur, …), et même désormais la voiture (2). L’intégration de tous ces usages de la vie quotidienne et de l’Internet des objets est rendue possible et fluide par une sorte de moteur IA appelé HyperMind.

Fondé il y a 50 ans, le fabricant high-tech taïwanais Foxconn devient de plus en plus « intelligent »

Vous pensiez que le fabricant taïwanais Foxconn, célèbre fournisseur d’Apple pour ses iPhone, était tout juste bon à assembler des smartphones. Erreur : Hon Hai Precision Industry – son vrai nom – est devenu en 50 ans une Big Tech mondiale misant elle aussi sur l’intelligence artificielle.

(Le 5 juin, Hon Hai a annoncé une hausse de 22 % sur un an de son chiffre d’affaires en mai 2024)

1974-2024. Lorsque Terry Gou (photo) a créé Hon Hai Precision Industry Co, il y a 50 ans à Taïpei, capitale de Taïwan, il n’imaginait pas que son entreprise de fabrication de connecteurs électriques pour composants informatiques allait devenir le premier sous-traitant mondial dans la fabrication d’appareils électroniques grand public et le seul fabricant mondial – du moins jusqu’en 2012 – d’iPhone, d’iPad et d’iPod Touch pour le compte d’Apple, dont il est toujours le principal fournisseur.

Puces, serveurs IA, véhicules électriques, …
Mais la marque à la pomme n’est pas la seule à se faire fabriquer chez Foxconn – surnom de Hon Hai issu de sa première marque emblématique : il y a aussi Dell, HewlettPackard, IBM, Microsoft ou encore Cisco, du côté des Etats-Unis, ainsi que Huawei, Lenovo, Nintendo, Sony, Toshiba ou encore Xiaomi, du côté de l’Asie, auxquels il faut ajouter le finlandais HDM qui fait fabriquer pour la marque Nokia. Mais au-delà de son activité historique de sous-traitant arrivée à maturité, Hon Hai a su se diversifier : dans les véhicules électriques (1), l’IA (notamment dans les serveurs de calcul haute performance pour IA générative), les semiconducteurs, la robotique et les satellites en orbite basse, en faisant jouer à plein son savoir-faire d’un demi-siècle dans les composants, les modules, l’assemblage de système, les circuits intégrés, et les logiciels. Sans oublier la fabrication de téléviseurs depuis 2012 avec l’électronicien japonais Sharp, dont Hon Hai détient 34,1 % du capital après une prise de contrôle en 2016.
Résultat : en 2023, le groupe Hon Hai a dégagé un bénéfice net de 4,6 milliards d’euros (2) en réalisant un chiffre d’affaires de 199,7 milliards d’euros (3). Malgré une légère baisse de ces revenus annuels de -7 %, il s’agit tout de même du second record historique. Le PDG actuel, Young Liu, qui a succédé au fondateur Terry Gou (73 ans) le 1er juillet 2019, a revu en mars dernier ses prévisions 2024. Au lieu d’une « perspective neutre » pour cette année envisagée en novembre dernier lors de la précédente conférence des investisseurs, il s’attend maintenant à une « croissance significative ». A l’occasion de l’annonce le 15 mai dernier d’un accord avec l’allemand Siemens autour de « l’usine du futur », Young Liu s’est montré enthousiaste pour l’avenir de Hon Hai : « Foxconn se transforme en un fournisseur de solutions de plateforme pour la fabrication intelligente, les véhicules électriques intelligents et les villes intelligentes » (4). La robotisation et les jumeaux numériques font partie intégrante de la fabrication, tout comme désormais l’intelligence artificielle. La croissance de Foxconn sera aussi portée par ses puissants serveurs d’IA et ses composants pour centres de données d’IA (5) capables de répondre à la forte demande due à l’explosion des IA générative. « Dans ce segment, a indiqué le PDG de Hon Hai, la croissance annuelle des modules GPU [processeurs graphiques forts en calcul, ndlr] doublera cette année, tandis que le chiffre d’affaires du secteur des serveurs IA devrait dépasser 40 % sur un an et représenter plus de 40 % de l’ensemble des activités de serveurs » (6). Même Sharp déficitaire, lourdement déprécié dans les comptes de Hon Hai, pourrait rebondir avec l’IA.

Elon Musk – devenu à 50 ans la personne la plus riche du monde – « pense [toujours] à un autre monde »

Le Sud-Africain blanc (anti-apartheid comme son père), Etats-unien depuis 20 ans, vit à 100 à l’heure. Elon Musk est devenu milliardaire il y a 10 ans et, grâce à ses investissements (Tesla, SpaceX, TBC, OpenAI, Neuralink, SolarCity, Twitter, …), pourrait devenir le premier trillionaire de l’histoire. Sous le feu des projecteurs et sous une pluie de critiques depuis qu’il veut s’emparer de Twitter, le PDG fondateur de l’entreprise spatiale SpaceX et DG du fabricant d’automobiles électriques Tesla (1) ne cesse de défrayer la chronique, qu’il alimente lui aussi par ses tweets débridés et ses prises de parole décomplexée. Elon Musk, qui va fêter ses 51 ans le 28 juin, fascine et agace à la fois. Considéré aussi bien comme visionnaire hors-pair que comme provocateur invétéré, le trublion multimilliardaire continue d’investir gros et à tout-va, en prenant des risques personnels et professionnels, ce qui lui réussit. S’il détient bien un quart de Tesla (actions et options d’achat cumulées), il a hypothéqué la moitié de ses actions pour obtenir des prêts financiers, notamment pour son projet de racheter Twitter 44 milliards de dollars. Né à en 1971 à Prétoria d’un père sud-africain et d’une mère canadienne, le triple nationalisé – Sud-Africain, Canadien (où il a émigré à 17 ans) et, depuis 20 ans, Américain – semble s’être installé cette année durablement sur le trône de la personne la plus riche du monde, première place qu’il avait prise brièvement au patron d’Amazon Jeff Bezos en 2021. Le Crésus de ce début du XXIe siècle détient une fortune professionnelle de 225,8 milliards de dollars (au 23-06-22), selon Forbes (2). « L’homme qui valait 1.000 milliards », en 2025 ? Bien que le fléchissement des places boursières et la crise économico-inflationniste lui aient fait perdre en deux mois plus de 55 milliards de dollars, l’acquisition pour 44 milliards de dollars des 90,8 % des actions de Twitter qu’il ne possède pas encore devrait le conforter – si son OPA aboutit – dans sa position de premier milliardaire mondial. N’en déplaise à Jeff Bezos, Bernard Arnault, Bill Gates ou encore à Warren Buffett (3). Elon Musk pourrait même se détacher du peloton de tête pour devenir dans le courant de la décennie le premier trillionaire toute l’histoire du capitalisme. Sur sa lancée – sa fortune ayant bondi de près de 1.000 % (817,8 % précisément au 23-06- 22) entre 2020 et 2022, le libertarien iconoclaste remplit toutes les conditions pour devenir le tout premier à être « l’homme qui valait 1.000 milliards ». Elon Musk est le seul des huit cent milliardaires (4) à être actuellement au-delà des 200 milliards. Et d’après l’étude « The Trillion Dollar Club » réalisée par la fintech-cloud californienne Tipalti Approve, publiée au début du printemps dernier (5), le patron de Tesla et de SpaceX pourrait inaugurer ce club des trillionaires dès 2024 – dans deux ans. Le nouveau « super- Rockefeller » aura alors 53 ans le 28 juin de cette année-là, avec une fortune professionnelle estimée à plus de 1,3 trilliards de dollars : 1.300 milliards ! Un serial-investor de haut-vol Rêvant de coloniser Mars, Elon Musk a la tête dans les étoiles et « pense à un autre monde », comme disait sa mère lorsqu’il était encore enfant et au moment où des médecins croyaient qu’il était sourd (6). Pour l’heure (au 23- 06-22), la capitalisation boursière de Twitter est de 29,5 milliards de dollars et celle de Tesla de 734 milliards de dollars. Quant à SpaceX, qui est une entreprise non cotée, elle est valorisée 125 milliards de dollars depuis une levée de fonds réalisée fin mai. Elle déploie la constellation Starlink, nom aussi de l’opérateur satellitaire qui a été autorisé fin mai en France par l’Arcep (7). L’entrepreneur multirécidiviste est aussi le cofondateur PDG de Neuralink, start-up californienne créée il y a cinq ans, non cotée et valorisée quelques centaines de millions de dollars. Ayant levé plus de 360 millions de dollars au total à ce jour, elle vise à connecter le cerveau humain à l’ordinateur grâce à la neurotechnologie et aux implants (au service des handicapés entre autres). Des tests sont actuellement menés sur des singes ou des porcs. Neuralink a son siège social à San Francisco, dans le même bâtiment où se trouve OpenAI, une autre start-up cofondée, en 2015, par Elon Musk. Celle-ci mène des recherches en intelligence artificielle et développe un modèle linguistique formé sur des milliards de mots présents sur Internet afin de répondre aux questions en langage naturel ou traduire entre les langues. Non cotée, la licorne OpenAI est valorisée au moins 1 milliard de dollars grâce à ses multiples investisseurs, dont Microsoft. Elon Musk n’en est plus administrateur depuis 2018, pour éviter tout conflit d’intérêt avec Tesla AI (voiture autonome), mais reste actionnaire. Elon Musk avait aussi cofondé en 2006 la start-up SolarCity, positionnée sur l’énergie solaire photovoltaïque, société qui fut revendue dix ans plus tard à Tesla pour environ 2,6 milliards de dollars. Le touche-à-tout du capitalisme américain veut aussi révolutionner les transports urbains dans les grandes villes embouteillées en creusant des tunnels et y déployer des systèmes électriques à grande vitesse de transport souterrain (projet « Loop ») : fin 2016, il a fondé pour cela The Boring Company (TBC) spécialisée dans la construction de tunnels à l’aide de ses propres tunneliers : une première percée a été effectuée sous les bureaux californiens de SpaceX à Hawthorne. Cette licorne TBC, déjà valorisée près de 6 milliards de dollars, teste des « boucles intra-city » à Las Vegas et à Los Angeles. Le tycoon de l’investissement de haut-vol a été diplômé « Wharton School » en physique et en sciences économiques il y a un quart de siècle (en 1997) à l’Université de Pennsylvanie (Etats-Unis), après être entré en 1990 à l’Université Queen’s à Kingston (au Canada, où il était arrivé l’année précédente d’Afrique du Sud). A 23 ans, en 1994, le jeune Elon Musk fait deux stages estivaux dans la Silicon Valley (8). Il a tenté l’année suivante d’entrer chez à Netscape, pionnière du Web avec son navigateur, mais sans jamais obtenir de réponse. Accepté en 1995 à l’Université Stanford pour faire un doctorat en philosophie (Ph.D.) en sciences des matériaux, il la quitte au bout de deux jours pour rejoindre le boom d’Internet et lancer une start-up avec son frère Kimbal : Zip2, développent des « city guides » pour la presse en ligne. Quatre ans plus tard (en 1999), ils l’ont cédée au fabricant de micro-ordinateurs Compaq pour plus de 300 millions de dollars. Elon Musk empoche 22 millions de dollars en cédant ses actions (7 %) et cofonde une startup de finances, de paiement et de banque en ligne, X.com, qui a fusionné l’année suivante avec la banque en ligne Confinity cofondée par un autre libertarien de la Silicon Valley, Peter Thiel, et dotée de son propre service de transfert d’argent : PayPal. Elon Musk devient alors PDG du nouvel ensemble X.com et, préférant les logiciels Microsoft à Unix, provoque la démission de Peter Thiel, lequel sera rappelé en septembre 2000 par l’entreprise – après l’éviction d’Elon Musk par le conseil d’administration. Faisant trop « porno », X.com devient PayPal (9). En 2002, eBay a acquis PayPal pour 1,5 milliard de dollars en actions, dont 175,8 millions de dollars pour Elon Musk qui en était le premier actionnaire, à 11,7 %. Du « technoking » au cryptomaniaque C’était il y a 20 ans. L’avenir du futur multimilliardaire commence à se jouer : le Maverick (10) des temps modernes fonde début 2002 « Space Exploration Technologies Corp. », rebaptisé en mai de la même année SpaceX, dont il deviendra PDG en 2021 et ingénieur en chef ; il investit en février 2004 dans la société Tesla (11) dans laquelle il mise 6,5 millions de dollars et en devient l’actionnaire majoritaire et président, puis en 2008 PDG et architecte produits – « Technoking » (12) en 2021. Le « roi de la tech » est aussi un crytomaniaque, ce qu’il lui vaut notamment depuis juin un procès à 258 milliards de dollars pour avoir fait la promotion du Dogecoin, y compris en envisageant d’en faire la cryptomonnaie favorite de Twitter. @

Charles de Laubier