La plateforme Salto est payante et… avec publicités

En fait. Le 20 octobre, le groupe public France Télévisions et ses concurrents du privé TF1 et M6 ont enfin lancé leur plateforme commune de TV et de SVOD pour jouer la carte de « l’exception culturelle française » face aux Netflix, Amazon Video et autres Disney+. Salto est payant mais la publicité n’est pas bien loin.

En clair. Pour les abonnés de Salto, il leur en coûtera 6,99 euros par mois pour un seul écran, 9,99 pour deux écrans, ou 12,99 pour quatre écrans. Mais à ce prix-là, y aura-t-il de la publicité sur cette plateforme « publique-privée » de télévision (live ou replay) et de vidéo à la demande (par abonnement donc) ? « Oui et non », diraient les adeptes du « en même temps ». La plateforme que dirige Thomas Follin – transfuge du groupe M6 – assure qu’« il n’y a pas de publicité sur le catalogue Salto, qu’il s’agisse de films et séries en VOD, d’avant-premières, des nouvelles saisons mises à disposition en intégralité ou en US+24 ». Mais, car il y en a un, « en revanche Salto distribue des chaînes et des programmes télé qui seront diffusées avec leur publicité » (1). Autrement dit, sur le bouquet d’une vingtaine de chaînes de télévision proposées par Salto – dont celles déjà accessibles par ailleurs gratuitement sur la TNT (TF1, France 2, France 3, France 4, M6, W9, 6ter, TMC, TFX, LCI ou encore Franceinfo (2) –, les abonnés payants de Salto auront droit à la publicité de ces chaînes-là. Sans parler du fait que les chaînes du groupe public France Télévisions sont, elles, déjà payées par la redevance audiovisuelle – 138 euros en 2020 – dont tout abonné « Salto » est censé déjà s’acquitter. Ils se retrouvent donc à payer deux fois certains contenus de Salto (3). Des chaînes thématiques s’ajoutent au bouquet : TV Breizh, Téva, Paris Première, Ushuaïa TV ou encore Histoire TV.
Concernant cette fois la partie SVOD de Salto, avec son « catalogue en illimité (…) de plus de 10 000 heures [15.000 à terme, ndlr] de séries, films, documentaires et programmes jeunesse », n’y aura-t-il vraiment pas de publicités comme sur Netflix, Amazon Prime Video, Disney+ ou encore AppleTV+ ? Si l’on en croit Salto, il n’y en aura pas. Mais si l’on se réfère à son site web, à propos de la dépose de cookies sur le terminal (ou les terminaux) des abonnés, le propos est alors ambigu : « Avec votre consentement, les cookies sont utilisés sur cette plateforme par Salto et ses partenaires aux fins de réaliser des statistiques de visites et vous proposer des publicités, services et offres adaptés à vos centres d’intérêts » (4). Contacté par Edition Multimédi@, Thomas Follin nous répond via une porte-parole : « Pour l’instant aucune (publicité) ; il n’y a pas de projet en ce sens ». @

Audiovisuel français à l’export : incontournable VOD

En fait. Le 7 septembre, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a publié avec l’association TV France International (TVFI) un rapport sur « l’exportation des programmes audiovisuels français en 2019 ». L’essor des ventes de « droits monde » reflète le boom des plateformes de (S)VOD.

En clair. C’est un signe qui ne trompe pas. Les ventes de droits dits « monde », c’est-à-dire les droits de diffusion accordées sur plusieurs pays voire plusieurs continents, ont enregistré en 2019 une hausse de près de 55 % en un an, à 42,3 millions d’euros sur les 325,3 millions d’euros générés par l’exportation des programmes audiovisuels français (1). Or près des trois quart (72,4 %) de ces « droits monde » sont conclus sur l’an dernier par des acteurs de la vidéo à la demande, à l’acte ou à la location (VOD), ou à l’abonnement (SVOD). Ceux-ci ne représentaient que 28,5 % des ventes de droits mondiaux en 2016. Le rapport publié le 7 septembre par le CNC avec TV France International (2) montre que ces ventes de droits monde ont triplé en cinq ans. Cette montée en puissance sur ce segment de l’exportation de l’audiovisuel français s’explique aisément par l’explosion des plateformes de streaming vidéo à la stratégie mondiale telles que les américaines Amazon, Netflix, Disney+, Apple TV+ ou encore HBO Max. Mais d’autres services de (S)VOD prospèrent ailleurs, comme en Chine avec Tencent Video, iQiyio (Baidu) et Youku (Alibaba), mais aussi en Asie avec Iflix (Tencent). Sont aussi acquéreurs de programmes français : les services mexicains Blim (Televisa) et Claro Video en Amérique Latine, le japonais Rakuten TV (au Japon et en Europe) et son compatriote Irokotv en Afrique, le norvégien Viaplay (Nordic Entertainment), le britannique Walter Presents (Channel Four Television), le canadien Topic (First Group Media), les américains Kidoodle (A Parent Media Company) et Curiosity Stream, ou encore le sud-africain Showmax (Multichoice). Le quart restant des ventes des droits mondiaux se sont faites auprès soit de majors américaines d’envergure mondiale, soit auprès de diffuseurs – tels que TV5 Monde qui a lancé le 9 septembre sa plateforme de VOD gratuite (3).
Plus globalement, si l’on considère l’ensemble des nouveaux supports de diffusion délinéarisée (4), « les revenus issus spécifiquement de l’exploitation des programmes français sur les nouveaux médias à l’étranger représentent 21,6 % des recettes d’exportation en 2019 (9,7 % en 2018), indique le rapport, sachant qu’une partie de ces revenus sont la plupart du temps intégrés dans des ventes “tous droits”, incluant donc les droits télévisuels et de vidéo à la demande ». La (S)VOD devient incontournable à l’export. @

La chronologie des médias prive les Français de Mulan

En fait. Le 25 août, Disney a confirmé que son film « Mulan » ne sera pas disponible en France sur sa plateforme Disney+ le 4 septembre, date à laquelle ce blockbuster sera pourtant proposé en ligne dans les autres pays. Les salles de cinéma sont victimes de la pandémie. Mais la France s’accroche à sa chronologie des médias.

En clair. La World Disney Company a cédé à la pression de l’exception cultuelle française et de sa sacro-sainte chronologie des médias. Celle-ci empêche qu’un nouveau film qui sort en salle de cinéma puisse être proposé en VOD avant quatre mois ou en SVOD avant dix-sept mois (1). Or la major d’Hollywood a annoncé le 4 août qu’elle se passera des salles obscures en raison du risque sanitaire et proposera sa superproduction « Mulan » (2) directement et en exclusivité en streaming sur Disney+ (60,5 millions d’abonnés dans le monde). Et ce, en mode VOD « accès premium » moyennant un prix variable selon les pays : 29,99 dollars aux Etats-Unis, 19,99 £ au Royaume-Uni, 21,99 euros en Italie ou encore en Espagne. «En même temps, nous sortirons le film en salle dans certains marchés où […] Disney+ [est absent] et où les salles sont ouvertes », a précisé Bob Chapek, le patron du groupe (3). Le lendemain, soit le 5 août, la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) s’est insurgée contre la décision de Disney : « Les salles de cinéma regrettent profondément que certains films, notamment à potentiel mondial, ne puissent sortir en salle en France. (…) Le fait pour certains de privilégier d’autre modes de diffusion ne peut qu’accentuer la crise que connaissent les salles de cinéma, et plus largement notre secteur, (…) ». Et la FNCF présidée par Richard Patry de critiquer au passage le principe même de regarder des films en streaming : « (…) en optant pour des modes de diffusion bien moins créateurs de valeur que la sortie en salle et très éloignés du principe au cœur du spectacle cinématographique : rassembler un public ensemble pour partager des émotions et faire vivre la culture au cœur de la cité et des territoires » (4). Le long-métrage « Mulan » devait sortir en avril dernier dans les salles obscures, mais la pandémie a contraint Disney à repousser par trois fois la date, avant d’opter pour le streaming… sauf en France. Y aura-t-il une sortie «Mulan » dans des salles de l’Hexagone à l’instar du blockbuster « Tenet » de Warner Bros., par exemple à partir du mercredi 9 septembre, pour être proposée au bout de quatre mois, en janvier 2021, en mode VOD premium sur Disney+ ? Aux Etats-Unis, AMC (numéro un des cinémas américains) et la major Universal (Comcast) ont annoncé le 28 juillet un accord (5) ramenant à 17 jours le délai entre les sorties des films en salle et celles en VOD/DVD… @

Musique : Facebook entre dans la danse, marchant sur les platebandes de YouTube et de TikTok

Coup sur coup, le 31 juillet et le 5 août, le groupe de Mark Zuckerberg a lancé, respectivement, un service de vidéo musical sur son réseau social Facebook et un service de vidéos courtes à musique synchronisée sur son réseau de partage Instagram. En ligne de mire : YouTube et TikTok.

Les filiales de l’américain Google et du chinois ByteDance n’ont qu’à bien se tenir : Facebook débarque sur le marché mondial de la musique en ligne. C’est une première pour la firme de Mark Zuckerberg, même si elle avait fait à partir de novembre 2015 une incursion timide dans le partage musical avec un outil baptisé « Music Stories », en lien à l’époque avec Spotify et Apple Music pour peu que l’utilisateur ait détenu un compte associé.

L’obsolète chronologie des médias est rattrapée par le confinement imposé par le coronavirus

Avec la promulgation de la « loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 », datée du 23 mars, le président du CNC peut permettre aux films qui étaient « au 14mars » projetés en salles de cinéma (fermées depuis) d’être disponibles tout de suite en VOD et en DVD/Blu-ray. Une mini-révolution…

Le président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), Dominique Boutonnat (photo), a les mains libres – depuis la publication le 24 mars au Journal Officiel de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie du covid-19 – pour permettre aux nouveaux films confrontés à la fermeture des salles de cinéma d’être proposés en VOD ou en DVD/Blu-ray, sans attendre les quatre mois habituels imposés par la controversée chronologie des médias (1).