Les ayants droits attendent les SMAd au tournant

En fait. Le 22 novembre, la Société civile des auteurs multimédias (Scam)
– dirigée par Hervé Rony depuis cet été – s’est « réjouie » de la publication
au JO le 14 novembre du décret sur les SMAd (VOD, catch up TV, …), malgré
des obligations « en-deçà » de celles imposées aux chaînes télévisions.

En clair. Décidément, à moins d’un mois de son entrée en vigueur, le 1er janvier 2011,
le décret SMAd suscite toujours des réactions mitigées depuis que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en a limité la portée. Après la filière cinématographique (1) déçue par la nouvelle mouture officialisée (2), ce fut au tour des auteurs multimédias de regretter que les obligations de financement de la production de films français imposées aux SMAd (3) soient « endeçà des obligations auxquelles ont souscrit les télédiffuseurs linéaires ».
La Scam faisait partie des organisations d’ayants droits demandant que ces obligations soient alignées sur celles des chaînes de la TNT et du câble. Au-delà du fait que seuls sont concernés les services en ligne proposant au moins 10 films ou 10 œuvres audiovisuelles, la Scam avait estimé que le seuil de déclenchement fixé à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires était à lui seul suffisant pour prendre en compte le caractère émergent de la vidéo à la demande (VOD) : « Ce seuil permet déjà à la grande majorité des services concernés d’échapper aux engagements d’investissements qui sont ceux des autres diffuseurs ». La télévision de rattrapage (catch up TV) n’est pas concernée par ce seuil car elle est assimilée à la chaîne dont elle dépend. Mais le CSA a
« surenchéri » en instaurant une progressivité « qui a pour effet d’amoindrir encore les obligations des SMAD », selon la Scam. Résultat : le décret prévoit une montée en charge des obligations de production des services de VOD à l’acte et par abonnement. En effet, le décret indique que les taux pleins – à savoir la part du chiffre d’affaires annuel net consacrée à la production des films – sont atteints à la troisième année d’activité seulement après deux taux moindres applicables. Exemple : 8 % la première année, 10 % la seconde et 12 % la troisième pour les films français proposés après leur sortie en salle au-delà de 36 mois (4). Mais ce premier décret suffira-t-il à laisser ces services émergents devenir plus mature et plus solides financièrement pour affronter
la concurrence des Google TV, Apple TV et autres Hulu ? Rendez-vous dans 18 à 24 mois, prévoit le texte. En attendant, le CSA a lancé le 26 novembre un appel à candidatures pour des SMAd sur le multiplexe R3 de la TNT. Tandis qu’est attendu pour mi-décembre le rapport de Sylvie Hubac, conseillère d’Etat à qui le CNC a confié la mission de faire des propositions de « rémunération minimale garantie » pour l’exploitation de films de cinéma sur les SMAd. @

Neutralité du Net : les régulateurs n’attendent plus que les lignes directrices européennes

Le super-régulateur européen des télécoms (ORECE) a publié le 8 octobre 2010 sa réponse à la consultation publique de la Commission européenne sur la neutralité du Net. Il prône une approche prudente de la réglementation. En attendant des lignes directrices communautaires.

Par Winston Maxwell (photo), avocat, Hogan Lovells

Laisser une grande place à la concurrence pour régler d’éventuel dérives. Telle est la préconisation de l’ORECE, qui constate que
les incidents en matière de neutralité d’Internet sont rares en Europe. Ceux qui ont eu lieu ont pu être réglés rapidement sans l’intervention du régulateur. La neutralité stricte – à savoir le traitement non-discriminatoire de tous les flux – n’existe pas dans la réalité, car
des opérateurs appliquent d’ores et déjà tout genre de mesures
de gestion de trafic.

Futur décret SMAd : désaccord entre cinéma et vidéo

En fait. Le 26 octobre, NPA Conseil a organisé la 12e édition de son colloque
« Quelles stratégies industrielles pour les médias numériques ? », sur fond de multiplication des écrans (télé, PC, mobile, TV connectée…). Il a été beaucoup question de l’avis surprise du CSA contre le projet de décret SMAd.

En clair. L’avis défavorable que le CSA a rendu au gouvernement le 27 septembre sur
le projet de décret fixant les obligations d’investissement des SMAd (1) – vidéo à la demande et télévision de rattrapage – dans les films de cinéma français et européens, n’en finit pas de faire des vagues. La filière cinématographique (UPF, APC, SPI, ARP, …) a exprimé sa surprise et son désaccord avec le CSA. Lors du colloque «NPA Conseil-Le Figaro », Marc Tessier – président de Video Futur et président du Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (SEVD) – s’est félicité de cet avis. « Le CSA a eu la sagesse d’adopter un taux progressif avec une clause de réexamen dans 18 ou 24 mois. Cela aurait été une anomalie que d’appliquer aux SMAd un taux [de contribution financière calculée sur le chiffre d’affaires] identique à celui de la télévision. Nous n’avons pas les mêmes marges ! », a-t-il souligné. Le président du CSA, Michel Boyon, a profité du colloque pour rappeler le caractère « nouveau » de ces services audiovisuels à la demande, lesquels affichent encore une « rentabilité fragile » et sont confrontés à une « concurrence frontale de services transnationaux », avec la crainte de voir débarquer en Europe les Google TV, Apple TV et autres Hulu. Si l’on y ajoute les « difficultés d’accès aux droits de diffusion », le régulateur a préféré conseiller au gouvernement de ne pas prendre le risque de voir les SMAd nationaux se délocaliser hors de France pour échapper à des « obligations excessives ». Et comme l’a relevé Laurence Franceschini, directrice générale de la DGMIC (2), « c’est la première fois que le CSA communique
sur l’aspect “défavorable” d’un avis ». Si les plateformes de VOD se sont dite rassurées, notamment par la voix de la Fédération française des télécoms demandant une progressivité des obligations sur sept ans, les chaînes de télévision – TF1, M6, Canal+, … –, qui misent aussi sur la délinéarisation, le sont aussi. Nicolas de Tavernost, président du directoire du groupe M6, a profité du débat pour ironiser :
« Je soutiens l’avis du CSA car (…) lorsque la Mafia raquette une pizerria, elle attend qu’il y ait de l’argent. Alors qu’en France, on raquette la pizerria avant même de savoir si elle a de l’argent ! ». Ce qui n’a pas manqué d’agacer Hervé Rony et Pascal Rogard, directeurs généraux respectivement de la Scam (3) et de la SACD (4), soucieux de
« préserver la diversité culturelle ». @

Même vague multimédia aux Mipcom et MipTV

En fait. Le 8 octobre, le 26e marché international des programmes audiovisuels
– Mipcom – a fermé ses portes à Cannes après une petite semaine d’immersion dans le futur de la TV connectée mais aussi dans l’émergence d’un marché mondial des contenus multimédia via tous les autres écrans, mobiles compris.

En clair. Le Mipcom de cette année préfigure le MipTV de l’an prochain. Ces deux
salons mondiaux jumeaux – qui se tiennent chaque année à Cannes – sont organisés
à six mois d’intervalle par le groupe anglo-néerlando-américain Reed Elsevier. Ces deux foires aux programmes audiovisuels attirent chacun plus de 12.000 visiteurs et plus de 1.500 exposants sur plus de 20.000 mètres carrés. Jusqu’alors très centrées sur le commerce de programmes pour le seul écran de télévision, ces deux grand-messes ont pris le tournant de la convergence. A tel point que les autres écrans – ordinateurs, mobiles, tablettes, etc – y ont pris une place grandissante et que les deux manifestations se ressemblent plus que jamais. Les séries et leurs « saisons » se déclinent sur tous les écrans interactifs. La télévision interactive dans toutes ses dimensions s’invite aux deux manifestations. Internet et les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube, …) sont de plus en plus pris en compte dans les stratégies multi-plateformes des chaînes et des diffuseurs audiovisuels. Faut-il fusionner pour autant le Mipcom et le MipTV ? «Non», répond Mike Williams, porte-parole de Reed Midem, à Edition Multimédi@ : « Le Mipcom en automne et le MipTV au printemps sont tous les deux les plus grand marchés mondiaux de la télévision, où les chaînes achètent leurs programmes. En raison du calendrier de la production aux Etats-Unis, il y a plus de nouveaux ‘pilotes’ [nouveautés audiovisuelles, ndlr] de séries américaines au Mipcom. Tandis qu’au MipTV, les “formats” [programmes de télévision déclinables dans différents pays, ndlr] sont très en vue et de plus en plus de sociétés travaillent avec les applications mobiles, Internet et la TV connectée », explique-t-il. Le PDG du Reed Midem, Paul Zilk, a annoncé le 7 octobre un partenariat avec le GSMA – qui représente 800 opérateurs mobile dans le monde – pour lancement d’un « Connected Creativity Forum » lors du prochain MipTV justement (1).
« A l’ère du multitasking où l’on regarde la télé tout en partageant son avis sur les divers réseaux sociaux, les chaînes déploient de nouveaux contenus transmédias pour développer leur audience auprès des jeunes téléspectateurs », a constaté Eurodata TV Worldwide, organisme international créé par Médiamétrie (2). « Twittersodes » (épisodes via Twitter), web reportage ou encore blog sont appelés en renfort pour maintenir, voire accroître l’audience, laquelle a tendance à s’éroder à l’antenne. @

L’apparent paradoxe de la vidéo sur Internet

En fait. Le 5 octobre, l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate) a présenté en avant-première les thèmes de sa 32e conférence internationale DigiWorld Summit avec la questionclé « Qui finance l’Internet
du futur ? ». Au cœur des enjeux : l’explosion de la vidéo sur Internet.

En clair. Pour Gilles fontaine, directeur général adjoint de l’Idate, il y a un « apparent paradoxe de la vidéo à la demande (VOD) ». Selon lui, il y a en effet une multiplication
des offres concurrentes sur le marché de la VOD mais en même temps des freins à
son développement comme l’explosion des offres de vidéos gratuites sur Internet (1), piratage en ligne des vidéos, et navigation « cauchemardesque » dans les services.
« Je suis sceptique sur le potentiel de développement de la VOD, qui va rester un
petit marché. En cela, je ne crois pas à la disparition du DVD », a-t-il expliqué.
L’autre facteur défavorable à la VOD reste que les chaînes de télévision n’ont pas dit leur dernier mot face à la délinéarisation. « Les chaînes se différencient de la VOD grâce aux directs, aux exclusivités et aux retransmissions d’événements et de sports,
le cinéma n’étant plus un différenciant face à la VOD », a poursuivi Gilles Fontaine, également coauteur de l’étude « Future Télévision. Stratégies 2020 ». Reste que le paradoxe réside dans la multiplication de l’offre de plateformes de VOD, dont le nombre se situe aujourd’hui autour d’une quarantaine, et l’explosion de la vidéo sur le Net via des sites de partage vidéo comme YouTube et Dailymotion, ou de télévision de rattrapage comme Hulu (2).
« C’est à se demander comment le consommateur va survivre quand il est habitué à naviguer dans une “mosaïque” de dix à quinze chaînes », s’interroge-t-il. Mais cette
« migration Internet » de la vidéo devrait trouver son aboutissement dans le salon.
« Après le câble, le satellite ou encore l’ADSL, la télévision connectée est la dernière brique de la diffusion vidéo, même si la télécommande est encore assez frustre », affirme Gilles Fontaine. Les bouquets de vidéos (chaînes, programmes, films, séries, …) vont se multiplier sur Internet, à l’image de la société californienne Sezmi qui, indique-t-il, propose d’agréger les offres de VOD et de catch up TV pour offrir un service dit “all-in-one personal TV” à des prix adaptés à chaque usage. « Sezmi pourrait amener les utilisateurs à renoncer à des offres de VOD classique du câble, du satellite ou de l’ADSL », estime-t-il. Apple TV ou Google TV devraient eux-aussi bousculer le paysage audiovisuel. « Une offre alternative moins chère sur Internet au bouquet de télévision payante n’est pas exclue ». @