Frédéric Sitterlé, mySkreen : « Nous référencerons toute l’offre légale de la VOD et de la TV de rattrapage »

Le président-fondateur de la société mySkreen explique à Edition Multimédi@ comment il veut faire de son portail vidéo la plateforme de référencement de
l’offre VOD en France, avec l’aide du grand emprunt et de l’Institut national
de l’audiovisuel (INA). Son tour de table porte sur 11 millions d’euros.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Il était prévu que le financement
du grand emprunt permette à l’INA d’investir dans mySkreen, afin de lancer le portail national de référencement de l’offre vidéo à la demande (VOD) en France. Finalement, l’INA ne sera pas actionnaire.
Allez-vous vers un partenariat de type INADailymotion ?
Vos actionnaires Le Figaro (20 %) et Habert Dassault Finance (20 %) vont-ils participer à cette augmentation de capital ?
Frédéric Sitterlé :
mySkreen réalise un tour de table de 11 millions d’euros. Il sera souscrit par les actionnaires actuels et par de nouveaux entrants. Nous déposerons également une demande de financement auprès du grand emprunt [via le Commissariat général à l’investissement (CGI), ndlr]. Il avait dans un premier temps
été évoqué que le grand emprunt pourrait doter l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et que ce dernier pourrait utiliser cette dotation pour participer pour une partie du tour de table. Et ainsi devenir actionnaire de mySkreen. Compte tenu des règles de gouvernance du Fonds pour la société numérique (FSN) mis en place en septembre dernier dans le cadre du grand emprunt, il paraît aujourd’hui plus simple que le FSN (1) entre directement au capital de mySkreen sans passer par l’INA. Et cela pourrait se faire à hauteur de 30 % du capital, mais cela dépendra du niveau d’investissement du FSN. Indépendamment des discussions sur le capital, nous avons des discussions avec l’INA pour renforcer notre collaboration opérationnelle. Les vidéos de l’INA sont d’ailleurs déjà référencées et diffusées sur mySkreen.

Marc Tessier, Vidéo Futur : « Le délai de quatre mois après la salle est trop long pour certains films »

Le président du groupe Vidéo Futur Entertainment, Marc Tessier, président du Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (Sévàd), ancien PDG de France Télévisions et ancien DG de Canal+, explique à Edition Multimédi@ pourquoi
il croit au décollage de la VOD cette année.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La vidéo sur Internet explose. Pourtant, la VOD, elle, décolle très lentement pour atteindre en 2010 les 135 millions d’euros de ventes.
Et ils sont seulement 4,2 millions en France à avoir visionné de la VOD sur 38 millions d’internautes. Comment expliquez-vous ce lent décollage de la VOD ? Marc Tessier (photo) :
Les statistiques concernant la
VAD [vidéo à la demande, ndlr] donnent lieu à deux réactions diamétralement opposées : déception quant au niveau en valeur absolue, encore faible, ou, au contraire, satisfaction de voir les chiffres doubler d’une année à l’autre, sans pour autant que le marché du DVD n’en soit trop affecté…
Le verre à moitié vide ou à moitié plein, en quelque sorte. Dans les faits, l’essor de la
VAD s’inscrit dans le mouvement plus large, qualifié de « délinéarisation » de l’offre audiovisuelle. Les nouveaux usages VAD (catch up TV gratuite ou payante, web TV reprise sur YouTube ou Dailymotion, …) se concurrencent, notamment sur la gratuité
ou sur le principe d’un paiement, tout en s’épaulant mutuellement.
C’est pourquoi, je parierais plutôt sur un décollage de la VAD dès cette année. Mais à deux conditions : une efficacité accrue de la lutte contre le piratage, notamment celui
des plateformes illégales « off shore » faute d’un accord international sur le droit de suite, et une meilleure mise en place des offres disponibles via Internet.

Audiovisuel 2015 : ce que dit Dominique Richard

En fait. Le 9 décembre, E.T., le quotidien d’Ecran Total, révèle le contenu du rapport d’étape « Audiovisuel 2015 » que Dominique Richard a remis le 29 novembre (selon Satellifax) au ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand. Les auditions continuent jusqu’en janvier 2011.

En clair. Le poste de télévision connecté va bousculer le PAF (paysage audiovisuel français) et entraîner avec lui la montée en charge de la délinéarisation des chaînes
avec la catch up TV et la vidéo à la demande – sans parler du cinéma à la demande.
« La connexion de l’écran sera la principale évolution du téléviseur au cours des prochaines années, (…) près de la moitié des ménages devraient y avoir accès d’ici
2012 », explique Dominique Richard. Il s’agit de préparer la réplique – industrielle et réglementaire – à l’arrivée des Google TV, Apple TV et autres Hulu. « L’enjeu général
pour Google et l’ensemble des acteurs concernés est donc de capter une part des 3 h 33 quotidiennes de “temps de cerveau disponible” (1), ainsi que les recettes publicitaires associées ». A propos de la charte « TV connectée » rendue publique le
23 novembre par les chaînes françaises décidées à garder le contrôle du téléviseur
(2) (*) (**), il relève la « position de force » des fabricants (la charte « [ne les] engage
pas »). TF1 et M6 pourraient refuser de donner accès à leur programme à Google TV par exemple.
« Cette situation de blocage rappelle celle qu’ont connu les acteurs de la presse qui
ne sont parvenus à obtenir de Google aucune forme de rémunération », souligne le rapport. L’avenir incertain du cinéma à la demande est aussi en toile de fond de ce rapport. Bien que les plateformes de vidéo sur Internet, YouTube et Dailymotion,
aient signé des accords avec des sociétés d’auteurs (3), le rapport Richard affirme :
« il n’existe (…) pas de véritable économie pour les producteurs [de programmes télé
ou de films, ndlr] sur le seul marché des plateformes d’hébergement », les revenus engrangés par les ayants droit étant « très souvent marginaux ». Reste que, selon rapport, la production audiovisuelle en France doit s’industrialiser. Quant aux plateformes de VOD, qui devraient réaliser 150 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année en France, elles déçoivent. « Près de la moitié des Français restent insatisfaits de l’offre existante », déplore Dominique Richard. Il faut donc l’améliorer (visibilité, accessibilité, compatibilité, paiement en 1 clic, …). Sont montrés du doigt les services de VOD implantés à l’étranger, comme Apple au Luxembourg, non soumis aux obligations du décret SMAd. Et les acteurs en France jugent en outre le décret « anti-contournement » « insuffisant ». En outre, faudra-t-il rapprocher l’Arcep et le CSA ? @

Vidéo à la demande : la France s’adapte au dumping réglementaire

Le décret du 12 novembre 2010 impose des obligations de financement du cinéma français et européen aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). Il prend en compte les inquiétudes du CSA, mais le risque de dumping réglementaire demeure.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, et Alexandre Entraygues, avocat, Gide Loyrette Nouel.

Le gouvernement français avait fustigé dès 2009 la distorsion de concurrence entre les plateformes de musique en ligne iTunes et AmazonMP3, lesquels paient la TVA au Luxembourg (3 % sur la part liée aux droits d’auteur, soit sur environ 75 % du prix de vente), tandis que la Fnac et Virgin paient la TVA en France à hauteur de 19,6 %. Cette menace d’un déséquilibre entre le dispositif français, réputé lourd et contraignant, et d’autres dispositifs plus “accueillants” est à nouveau revenue sur le devant de la scène à l’occasion du décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAd).

TV : chaînes et fabricants en chiens de faïence

En fait. Le 23 novembre, 11 éditeurs de chaînes de télévision françaises ont rendu publique la « Charte des éditeurs sur les modalités d’affichage des contenus et services en ligne sur les téléviseurs et autres matériels vidéo connectés ».
Les dirigeants audiovisuels ont signé cette charte le 19 octobre.

En clair. La bataille pour prendre le contrôle du poste de télévision est engagée. Selon nos informations, le Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (Simavelec) s’oppose à la charte « TV connectée » de TF1, France Télévisions, M6, Canal+ et autres NextRadioTV (BFM TV). « L’écran appartient au téléspectateur ! », réplique Bernard Heger, le délégué général de l’organisation professionnelle qui regroupe les fabricants de téléviseurs Samsung, Philips, Panasonic et encore LG Electronics.
Il s’insurge contre cette charte qui a été élaborée sans concertation avec les industriels. Les chaînes y exigent de pouvoir « continuer à exercer un contrôle total et exclusif sur
les contenus et services affichés en surimpression ou autour de leurs programmes diffusés ». Elles « s’opposent à toute démarche visant à tirer profit de leurs programmes ou de leur audience (et notamment des données d’usage) en redirigeant les téléspectateurs vers d’autres contenus et services sans accord préalable de la chaîne concernée ». Les chaînes mettent en avant le fait qu’elles sont « les seuls acteurs habilités à garantir la conformité des contenus affichés avec les contraintes réglementaires en vigueur ». En outre, elle prônent une solution technologique commune européenne : le HbbTV (1), même si la charte ne la mentionne pas expressément.
La charte porte non seulement sur les téléviseurs connectés mais aussi sur d’autres équipements vidéo connectés tels que les décodeurs TNT, des lecteurs-enregistreurs DVD ou Blu-Ray ou encore des consoles de jeux. « Les chaînes veulent contrôler et
la télévision enrichie au HbbTV et l’accès à Internet de cette même télévision. C’est inacceptable », indique Bernard Heger à Edition Multimédi@. Le Simavelec est sur la même ligne que Google, dont le projet de TV connectée va arriver en Europe. Lors du DigiWorld Summit de l’Idate à Montpellier en novembre (2), Carlo d’Asaro Biondo – vice-président de Google (3) – s’est fâché contre les chaînes de télévision qui, selon lui, veulent verrouiller l’écran. « C’est le consommateur qui décide de ce qu’il y a chez lui, sur sa télévision. Comme pour un robot mixeur, on peut faire de la viande hâchée ou des jus de fruits ! », a-t-il lancé invitant à les éditeurs de chaînes à se mettre autour de la table pour négocier. « Google TV n’est pas une alternative à la télévision mais une autre façon de la consommer », a-t-il ajouté. Le colloque que le CSA va organiser en avril sur la TV connectée promet d’être animé… @