La fin des programmes ?

Enfin une pause télé en vue ! Un bon fauteuil et un écran connecté, avec en option un grignotage toujours un peu compulsif. Jusque-là, ça n’a pas vraiment changé. Mais pour regarder quoi ? En s’allumant, mon téléviseur m’a reconnu
et me fait trois propositions simultanées : la sélection du
« Top 5 » de mes programmes préférés, des propositions
de programmes « découverte » correspondants à mes goûts, ou un espace de recherche me permettant de rapidement trouver une vidéo sur Internet. En général, et en seulement deux clics, j’accède à un programme qui m’intéresse. La télé simple d’antan
est en fin de retour, après des années de calvaires et de systèmes complexes et peu intuitifs. Mais là où la simplicité des débuts était liée à la faiblesse de l’offre, la simplicité d’aujourd’hui repose sur des technologies logicielles sophistiquées pour guider nos choix dans le maquis des contenus et des programmes. Sur l’écran d’accueil, les logos des chaînes brillent de plus en plus par leur absence ! Rétrospectivement, la période de transition pour en arriver là a été longue, favorisant les aventures industrielles de startup, les développements des leaders d’Internet, des opérateurs télécoms et bien sûr des chaînes de télévision. Chacun développant une interface ou une plate-forme spécifique pour présenter, qui sa propre offre de programmes comme les chaînes, qui des offres
de VOD à l’acte (comme Vudu) ou par abonnement (comme Netflix). Au total, un maquis foisonnant de propositions toujours incomplètes.

« Après les blogs qui ont démocratisé l’accès à la publication de l’écrit, de nouveaux outils démocratisent
la production de la télévision ».

Le rapport « TV Connectée » de 2011 sera-t-il suivi d’une réforme du PAF en 2012 ?

Publié le 5 décembre, le rapport de la mission sur la télévision connectée (1) appelle
de ses voeux une réaction rapide des pouvoirs publics afin de préparer au mieux
la France aux conséquences de la révolution audiovisuelle annoncée.
La télécommande est dans les mains du gouvernement…

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, Gide Loyrette Nouel.

A l’horizon 2015, 100 % des foyers français seront équipés de téléviseurs connectés (2) permettant potentiellement de surfer, via le petit écran, sur l’ensemble du réseau Internet. Ce que le ministre de la Culture et de la Communication a annoncé comme un « tsunami » (3) promet de modifier nos habitudes de consommation. L’arrivée dans la chaîne des contenus des nouveaux acteurs – que sont les fournisseurs d’accès Internet (FAI), les agrégateurs de contenus et les fabricants de téléviseurs – devrait de plus engendrer des bouleversements profonds dans l’économie de l’audiovisuel.

Les nouveaux nababs

Dans les coulisses de la 73e édition du Festival de Cannes, s’agitent dans l’ombre de nouveaux venus dans le monde, pourtant réputé très fermé, de la production culturelle : Orange, Telefonica, Verizon ou Vodafone. Bien sûr, les films en compétition et le ballet des stars sur le tapis rouge des marches mythiques attirent toujours autant les flashs et les projecteurs. Mais pour tenir leurs rangs et continuer à nous présenter leurs créations, les réalisateurs ont dû composer avec un monde de la production en pleine mutation. Aujourd’hui comme hier, faire un film, réaliser un programme de télévision, créer un jeu vidéo ou enregistrer une création musicale reste un parcours du combattant. La révolution numérique, en bouleversant les circuits de distribution des contenus, a également bousculé les sources habituelles de financement de la production : un effet domino qui
a touché, tour à tour, la musique, la presse, la vidéo, les jeux, l’édition et le cinéma. Les créateurs impuissants, au cœur d’un cyclone qui les malmène, ont dû retrouver les bons partenaires capables de financer leur travail. Dans cette vaste réorganisation, les opérateurs télécoms ont joué un rôle particulier, plus ou moins directement, plus ou moins contre leur gré. Si les plus puissants se sont directement impliqués dans le contrôle des plates-formes de distribution de contenus, en mettant en place leur propre système de diffusion de VOD, d’autres sont allés plus loin : Orange en prenant tour à tour le contrôle de Deezer pour la musique ou de Dailymotion pour la vidéo, ou AT&T en prenant le contrôle de Netflix aux Etats-Unis…

« Audiovisuel : les opérateurs télécoms ont joué un rôle particulier, plus ou moins directement, plus ou moins contre leur gré. »

Pub : de la vente d’espaces à la vente de contacts

En fait. Le 8 décembre, se sont tenues à l’Assemblée nationale les 5e Assises
de la convergence des médias – organisées par l’agence Aromates, à l’initiative du député Patrice Martin-Lalande. Thème cette année : « Quelle place pour la publicité dans l’économie des nouveaux services audiovisuels ? ».

En clair. « La télévision peut-elle perdre la bataille de la publicité ? ». Telle était la première préoccupation de ce colloque introduit par Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, et Michel Boyon, président du CSA. « On passe d’une logique de vente d’espaces à une logique de vente de contacts qualifiés », a expliqué Gilles Fontaine, directeur général adjoint de l’Idate (1). Or, si les chaînes de télévision ont mieux résisté à la baisse des prix du marché de la publicité télévisée, elles doivent faire face, selon lui, à une « réorganisation de la chaîne de valeur » dans un monde où délinéarisation (catch up TV, VOD, …) est synonyme de destruction de valeur. Mais passer à la vente de contacts nécessite un système d’information adapté.
« Les chaînes sauront-elles maîtriser cette technicité ? », se demande Gilles Fontaine. Bruno Patino, directeur général délégué à la stratégie et au numérique de France Télévisions (2), préfère parler de vente de « contexte d’utilisation, c’est-à-dire un mélange des deux » à l’heure de la Social TV (télévision et réseaux sociaux), tout
en prenant acte que  « [les chaînes] ne seront plus les maîtres et ne contrôleront plus
le système ». Mais pour l’heure, rassure Zysla Belliat, présidente de l’Irep (3), « la télévision reste encore cette puissance dans le foyer, cette lumière au fond de la caverne » (sic). La télé pèse en effet en 2010 plus de 3,4 milliards d’euros des recettes publicitaires en France (+ 11,2 % sur un an), soit 32,1 % de parts de marché.
Ce qui la place en seconde position derrière la presse et ses 3,7 milliards de recettes publicitaires (en recul de 1,6 %), pour 34,4 % de parts de marché. Internet, lui, génère seulement 540 millions d’euros (+ 12 %) en display (hors liens sponsorisés et e-commerce) : de quoi relativiser… pour l’instant.
Car le marché global français de la publicité – dont les recettes des médias dépassent, selon l’Irep, les 10,7 milliards d’euros en 2010 pour 30,7 milliards d’euros de dépenses de communication des annonceurs – n’est pas extensible. Entre TNT (19 chaînes gratuites, 10 payantes, 5 HD, 45 locales, bientôt 6 nouvelles), catch up TV, VOD, plates-formes vidéo (YouTube, Dailymotion et bientôt Netflix et Hulu) et TV connectée, la fragmentation de l’offre audiovisuelle entraîne une fragmentation de l’audience et, donc, de la publicité. @

Game over… pour l’industrie « off line » du jeu vidéo

En fait. Le 8 décembre, le Game Connection Europe a fermé ses portes après trois jours, à La Défense. C’est la première fois que Paris accueillait cet événement-phare de l’industrie du jeu vidéo qui, selon l’Idate, réalise 52,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires au niveau mondial cette année.

En clair. L’industrie du jeu vidéo entre dans le « cloud gaming ». Les consoles de jeux connectées, les boutiques d’applications, les réseaux sociaux, les téléviseurs connectés, ainsi que les jeux dits massivement multi-joueurs (MMO) et les jeux virtuels sur de la réalité augmentée, sont en train de faire disparaître les jeux numériques sur supports physiques, tels que les CD ou les DVD. Le « cloud computing », qui permet aux utilisateurs de jouer à partir de n’importe quel terminal – ordinateur, smartphone, tablette, téléviseur, etc. – sans que le jeu n’ait à être enregistré préalablement sur leur propre disque dur ou sur un support de stockage local, pourrait leur donner le coup de grâce. L’un des pionniers du « cloud gaming » s’appelle OnLive, société américaine qui a lancé en juin 2010 son service de jeux à la demande – ce que l’on pourrait désigner par le GOD, comme il y a la VOD pour la vidéo à la demande. Seul un petit boîtier est nécessaire pour jouer sur le poste de télévision. Pas de disque optique, pas de téléchargement : rien que du streaming audiovisuel. Par exemple, l’utilisateur achète
un jeu à partir de son smartphone et obtient un unique compte utilisateur, qui lui donne le droit de joueur à ce jeu sur plusieurs de ses terminaux. C’est ce que Laurent Michaud, chef de projet et responsable du pôle « Loisirs numériques et électronique grand public » de l’Idate, appelle – notamment dans son rapport « Digital Home & Connectable Devices » de l’Idate (1) que Edition Multimédi@ s’est procuré – les « jeux vidéo ubiquitaires » (ou Ubiquitous Games).
En France, par exemple, la console de jeux connectée pourrait disputer à la box IPTV
des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – détenant plus de 90 % de parts de marché
de l’accès au haut débit et du triple play – sa position de leader dans le salon connecté.
« Les consoles continuent par ailleurs d’abriter d’autres contenus (musique, vidéo, navigation Web, TV), plus enclins à intéresser le reste de la famille. (…) Celles de Sony
et de Microsoft assument leurs ambitions dans le foyer numérique et participent à sa conquête à côté des set-top-box, des boxes IPTV, des disques durs multimédias, des lecteurs-enregistreurs vidéo et des téléviseurs connectés », explique Laurent Michaud (2). Reste le risque de piratage que l’Hadopi considère comme moins élevé comparé à
la musique ou aux films. @