La loi Création devrait inclure YouTube et Dailymotion

En fait. Le 23 décembre, le CSA a publié le rapport – remis au gouvernement le
12 novembre – sur l’application du décret de 2010 concernant les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). Proposition : étendre les obligations
de la VOD et de la TV de rattrapage à YouTube et Dailymotion notamment.

En clair. En prévision du projet de loi Création, dont l’adoption en conseil des ministres
a été promise pour février 2014, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) suggère au gouvernement et, partant, au législateur d’étendre son pouvoir sur Internet en faisant entrer dans la définition des SMAd « des grandes plates-formes de partage de vidéos qui s’imposent de plus en plus dans les usages, comme un moyen d’accès privilégié à toute sorte de contenus audiovisuels, à des extraits de programmes diffusés à l’antenne ou encore à des vidéo-musiques ». La filiale de Google, YouTube, et celle d’Orange, Dailymotion, sont les premières visées par ce rapport, qui, curieusement, n’a pas fait réagir l’Association des services Internet communautaires (Asic) dont sont membres
les deux plates-formes vidéo.

La TV de rattrapage gêne-t-elle l’essor de la VOD ?

En fait. Le 17 décembre, le rapport « Adapter les obligations de financement de la production audiovisuelle pour garantir leur avenir » a été remis par Laurent Vallet
à Aurélie Filippetti. S’il préconise plus de droits aux chaînes, il émet une réserve
sur la TV de rattrapage pour ne pas gêner la VOD.

En clair. Le rapport Vallet (1) met en garde le gouvernement contre toute extension de la télévision de rattrapage (TVR) audelà de 7 jours durant lesquels les éditeurs de chaînes peuvent proposer gratuitement en ligne les programmes audiovisuels dont ils détiennent les droits de diffusion. « Il semble nécessaire d’envisager avec attention, voire avec réserve, les demandes des éditeurs de service de disposer d’une manière générale de droits de [VOD] gratuite sur Internet d’une durée supérieure à 7 jours », prévient Laurent Vallet dans son rapport.
Selon lui, la rançon de la gloire de la TVR (appelée aussi replay ou catch up TV) – comme en témoigne les derniers chiffres fournis par le CNC sur octobre 2013 (14.800 heures de programmes disponibles pour 231,2 millions de vidéos visionnées par 69 % des internautes) – soulève plusieurs problèmes. Non seulement cette offre de TVR n’est pas suffisamment valorisée par la publicité en ligne, mais, « plus inquiétant encore (…), il semble que l’offre cumulée de télévision de rattrapage rende difficile, voire empêche, le lancement ou la réussite d’offres payantes, tant à l’acte que par abonnement, dans le secteur audiovisuel ».

Canal pactise avec YouTube et Orange critique Google

En fait. Le 3 décembre, lors du 2e colloque organisé par Le Film Français sur
le thème « Le digital au cœur du cinéma », Canal+ et Orange ont formulé des critiques à l’encontre de YouTube et de Netflix sur, respectivement, la question
du financement de films et le prix cassé de la VOD par abonnement.

En clair. Canal+ et Orange, liés dans le cinéma avec OCS (1), font bloc face à YouTube et avant l’arrivée de Netflix en France. « YouTube est un concurrent, déjà aujourd’hui et potentiellement encore plus demain, pour tout l’écosystème de l’audiovisuel. Cette concurrence se fait en amont (production de contenus) et en aval (leur distribution) »,
a déclaré Grégoire Castaing, directeur financier de Canal+. Mais la crainte de YouTube s’arrête là où commence l’accord passé par la chaîne cryptée pour lancer, en décembre, une vingtaine de chaînes gratuites (2) sur la plate-forme vidéo de Google.
De son côté, Orange voit aussi YouTube comme un concurrent qu’il dit ne pas chercher à « contrer ». Il s’agit plus, selon Serge Laroye, directeur des contenus d’Orange, de « faire évoluer les usager afin de développer l’ARPU (3) ». Et face à l’explosion exponentielle de la vidéo en ligne, « il s’agit de trouver un équilibre et raisonner en terme de partage de la valeur au titre des réseaux ». Selon lui, « oui, il y a un déséquilibre sur le partage de la valeur sur les réseaux ». Et d’ajouter : « A un moment donné, il faudra bien avoir un peu de barrière douanière à l’entrée ou un poste de péage »… Quand au financement de la création : « Je n’ai pas de chiffres à opposer à YouTube sur le nombre de millions de vidéos vues mais, de l’autre côté, je sais qu’Orange paie plus d’un demi-milliard d’euros au titre du financement de la création », a expliqué Serge Laroye.

Contributions à la création : Free dit que « ça suffit ! »

En fait. Le 14 octobre, la Société civile des auteurs multimédia (Scam) a organisé la 3e édition des rencontres Auteurdevue. EM@ a assisté à la table ronde “Quelles cultures par quels canaux ?” où intervenait Maxime Lombardini, DG de Free. Il a notamment été interpelé par une juriste, Isabelle Feldman.

Maxime LombardiniEn clair. Entre culture et réseaux, c’est le dialogue de sourds ! Les ayants droits veulent taxer encore plus Internet pour financer la création. Tandis que les fournisseurs d’accès à Internet s’estiment, eux, suffisamment mis à contribution comme a voulu l’expliquer Maxime Lombardini (photo), DG de Free :
« La première contribution [à la création] que nous apportons, c’est en distribuant des chaînes. Nous sommes aujourd’hui le premier distributeur de Canal+ en dehors d’eux-mêmes. Et vous connaissez les obligations [de préfinancement du cinéma, ndlr] qui pèsent sur Canal+. Quand vous distribuez 450 chaînes, celles-ci ont aussi un ensemble d’obligations.
Nous contribuons en outre à la Sacem (1), à la copie privée, ainsi qu’au CNC (2). Nous finançons en outre la télévision publique à travers la taxe Copé. L’audiovisuel et les oeuvres ont aidé Internet à croître. Aujourd’hui, Internet est dans 23 millions de foyers abonnés indépendamment des oeuvres françaises. Encore plus de contributions ? (…) : je pense que ça suffit ! ».

Des opérateurs devront choisir entre IPTV et OTT

En fait. Le 15 octobre, l’Institut de l’audiovisuel et des télécoms en Europe (Idate) a fait un point sur ses prévisions à 2025 – à un mois du DigiWorld Summit 2013. Et en attendant ses études Telecom 2025 fin octobre, Internet 2025 d’ici janvier, Télévision 2025 étant parue en septembre.

En clair. « A court ou moyen terme, c’est la stratégie d’opérateur intégré qui va être jouée – au sens intégration verticale entre infrastructure, contenu et OTT (1). Cela ne veut pas dire que les opérateurs télécoms vont se désintéresser de l’accès, pour lequel leur priorité va être de retrouver de la valeur », nous a expliqué Yves Gassot, DG de l’Idate.
Si les plus grands opérateurs télécoms, tel Orange en France, peuvent envisager une telle intégration verticale (2), il n’en irait pas de même pour les autres. Il leur faudra notamment choisir entre IPTV et OTT, comme nous l’a expliqué Gilles Fontaine, auteur
du rapport Future TV 2025 : « En France, les opérateurs de second niveau – c’est-à-dire ceux qui ne sont pas leaders sur leur marché (Bouygues Telecom, SFR et Free…) – sortiront de la distribution des contenus, donc de l’IPTV (3). La VOD est un foyer de pertes pour ces opérateurs. Et les services de catch up TV ne sont pas financés par la publicité et ne vivent que par les reversements des opérateurs télécoms aux chaînes de télévision. Le maintien d’un réseau IPTV est très lourd et le marché n’est plus dans une phase d’acquisition d’abonnés ». Lancé il y a plus de dix ans en France avec les offres triple play proposées depuis autour de 30 euros par mois seulement, l’IPTV commence
à être remis en question par certains. C’est le cas de SFR qui vient de se délester de la VOD en externalisant ce service auprès de VOD Factory et qui s’interroge sur son bouquet TV. L’IPTV coûte cher, d’autant que les FAI perçoivent 30 % environ du prix
de vente de ce qu’ils distribuent. L’absence de marge sur l’IPTV s’explique aussi par le coût élevé de R&D que représente une box innovante. Quelle alternative s’offre à ces opérateurs télécoms ? « Ces acteurs-là valoriseront la qualité de leur accès en ouvrant les vannes de l’accès aux services OTT ; ils signeront des accords à la manière du deal entre Netflix et Virgin Media en Grande-Bretagne. Ces opérateurs valoriseront leur pas-de-porte auprès des consommateurs comme gage de super qualité d’accès à des contenus et obtiendront [des fournisseurs de contenus] une contribution à la bande passante. Ce schéma va arriver assez vite », poursuit Gilles Fontaine.
Cela suppose à terme, pour certains opérateurs télécoms, d’abandonner une coûteuse stratégie IPTV au profit d’une ouverture vers la distribution d’OTT. @