Pierre Lescure est-il au-dessus de tout soupçon ?

En fait. Le 14 mai, soit un an presque jour pour jour après l’officialisation du rapport Lescure, le 67e Festival de Cannes a déroulé son tapis rouge jusqu’au
25 mai. Après quoi, à partir du 1er juillet, Pierre Lescure en prendra la présidence qu’occupe actuellement Gilles Jacob depuis 2001.

Sortie simultanée salles-VOD de films : vers une recommandation européenne pour aller plus loin

Initiées par le Parlement européen, les expérimentations de « Circulation des films européens à l’ère du numérique » sont décevantes. Elles n’ont porté que sur 9 films dans 15 pays et seulement 39 sorties simultanées en salles et VOD.
La France, elle, est réticente au day-and-date – voire opposée.

Les premières expérimentations en Europe de sorties simultanées de films en salles et en vidéo à demande (VOD) touchent à leur fin, puisque les trois projets soutenus depuis 2012 par la Commission européenne via son programme Media – Speed Bunch du français Wild Bunch, Tide de l’ARP et Edad du britannique Artificial Eye – prennent fin en juin.

Les réticences des ayants droit
Alors qu’une deuxième vague d’expérimentations de ce que les Anglo-Saxons
appellent le day-and-date (D&D) est déjà en route avec trois nouveaux projets
européens sélectionnés (1), le premier bilan montre la grande frilosité et les « réticences importantes » des ayants droits du cinéma dans plusieurs pays européens – France en tête. La future recommandation « Film à l’ère numérique » qu’envisage la Commission européenne depuis 2012 pour « plus de flexibilité dans la chronologie des médias » (2) permettra-t-elle de débloquer la situation ?
Pour l’heure, le conservatisme a dominé durant cette première phase expérimentale.
« De réelles difficultés à trouver des films sont apparues, principalement parce que les ayants droits voyaient pour la plupart la sortie D&D comme une double prise de risque : une prise de risque économique (perte de recettes), et une prise de risque politique (crainte de réactions de certains exploitants ou circuits, comme le boycott des films) », constate Thomas Paris (photo), auteur d’un rapport présenté lors du Festival de Cannes le 16 mai, et faisant le bilan de ces premières expérimentations (3). Pourtant, il est désormais démontré que la « double disponibilité » salles-VOD peut accroître la visibilité de films ayant un accès restreint aux salles et augmente l’audience de ces films. « Cet accroissement va de quelques points à un doublement voire un triplement dans certains cas », affirme le rapport qui parle de « plusieurs dizaines de millions de spectateurs supplémentaires potentiels » pour un film (4). Bref, « une bouffée d’oxygène », qui plus est « au détriment d’une offre illégale ». Pourtant, le Septième Art en Europe ne voit pas d’un très bon œil ces initiatives de simultanéités salles-VOD. « Les ayants droits, réalisateurs et producteurs, font preuve d’une certaine réticence tenant au risque financier qu’ils pensent prendre et au sentiment qu’une sortie direct-to-VOD ou day-and-date représente une forme de déclassement de leur film par rapport à une sortie exclusive en salles », souligne Thomas Paris (5).
Résultat : alors que la Commission européenne espérait, lors du lancement du premier appel à projets « Circulation des films à l’ère numérique », voir sortir 80 à 100 films de façon simultanée en salles et VOD, se sont finalement 9 films seulement qui ont ainsi participé aux trois projets pour un total de 86 sorties dans une quinzaine de pays, dont seulement 39 sorties réalisées en day-and-date ou en quasi-simultanéité. La chronologie des médias réglementée apparaît comme le principal obstacle au day-anddate en Europe. Sur dix ans (2003-2013), 438 expériences de « sorties hors chronologie des médias classique » ont bien été recensées mais essentiellement aux États-Unis (77 %) et au Royaume-Uni (10 %). La France apparaît la plus conservatrice puisque la sortie simultanée est interdite. Et rien n’a changé depuis la sortie quasi-simultanée VOD-salles du « Film Socialisme » de Jean-Luc Godard il y a quatre ans (6). Pour ne pas être hors-la-loi vis-à-vis de l’arrêté du 9 juillet 2009, Wild Bunch (Speed Bunch), l’ARP (Tide) ou Rezo Films (Edad) ont dû sortir leurs films en France en « avant-première VOD », c’est-à-dire avant la salle, pour ensuite interrompre leur mise en ligne la veille de l’exploitation en salles pour quatre mois… « L’une des principales réticences aux expérimentations de D&D porte sur la mise en péril de l’économie générale du cinéma, par la mise en danger de la salle. Elle s’est traduite par des oppositions multiples dans la mise en oeuvre des expérimentations », relève le rapport.

Le CNC craint la « cannibalisation » des salles
L’Union internationale des cinémas (Unic), la Confédération internationale des cinémas d’art et d’essai (Cicae) et Europa Cinemas – créé en 1992 à l’initiative de la France via le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) – ont publié le 22 novembre dernier une déclaration commune s’opposant à la simultanéité salles-VOD qui, selon eux, « menace d’affaiblir les salles de façon disproportionnée » et tend à « favoriser la cannibalisation » de la salle par la VOD. Toutes les raisons sont bonnes pour éviter d’expérimenter le day-and-date en Europe, comme le confirme le rapport Paris : cessions sur l’un des territoires couverts par le projet, risque juridique, refus des ayants droits, potentiel international limité, … Au moment où Netflix étend sa toile en Europe (en France à l’automne), c’est pourtant le moment de bouger les lignes. @

Charles de Laubier

Ciné en Version OTT

Pour comprendre ce qu’est devenu le cinéma aujourd’hui,
on peut se rappeler deux anecdotes d’ il y a un peu plus de dix ans déjà. Mi-2013, Steven Spielberg et George Lucas prédirent « l’implosion » du cinéma devant un parterre d’étudiants inquiets de l’Université de Californie du Sud,
en partageant avec eux leur pessimisme face à l’augmentation des coûts de production, du prix des places et la multiplication des écrans. Cette tendance pousse, selon eux, les studios à se concentrer sur la production de films à 250 millions de dollars pour des salles à grand spectacle au détriment de très nombreux films différents en manque de grands écrans. Mi-2014, Potomac Video, le dernier magasin de location de vidéo physique encore en fonctionnement dans la capitale américaine Washington, fermait ses portes, victime des nouvelles habitudes de regarder les films en streaming et en VOD. Ce fut une fermeture symbolique, après 33 ans d’existence, qui fit suite à la faillite de la chaîne de magasins Blockbuster. On ne regarde pourtant pas moins de films aujourd’hui qu’hier, bien au contraire, mais force est de constater que le cinéma à la demande a tout changé. C’était la fin d’une époque, et le début d’une nouvelle ère : d’un côté, les films en salles de cinéma se focalisent sur les productions à grand spectacle ;
de l’autre, les chaînes de télévision se battent pour acquérir les droits des films récents ou exclusifs. Heureusement pour l’industrie du cinéma, au cœur de cette évolution touchant tous les contenus, les films occupent une place particulière. Plus que jamais, sur le segment de la fiction, seuls les nouveaux films de cinéma et les épisodes de séries inédits à la télévision sont considérés comme des contenus premium. Mais les films perdent rapidement de leur attractivité et de leur valeur unitaire commerciale, lorsqu’ils intègrent les riches catalogues des offres de VOD ou les grilles des chaînes thématiques.

« La montée en puissance de la distribution de nouveaux films directement sur Internet s’est faite progressivement »

Cependant, si les usages ont été très en avance sur l’offre, la montée en puissance de
la distribution de nouveaux films directement sur Internet s’est faite progressivement en raison de contraintes particulières. La chronologie des médias, qu’elle soit réglementaire comme en France ou contractuelle comme au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, a longtemps limité les possibilités pour les ayants droits de fiction de se lancer dans des stratégies OTT agressives, susceptibles de concurrencer directement les distributeurs traditionnels qui leur assurent l’essentiel de leurs revenus (salles de cinéma, exploitation DVD, chaînes de TV). Les plus gros studios de cinéma ont choisi également d’adopter des démarches prudentes, selon les pays. En effet, pour les ayants droits, la distribution traditionnelle est longtemps demeurée la plus profitable par l’importance du montant des revenus du marché final de la TV. Ce n’est que très récemment qu’un grand studio s’est lancé dans la distribution exclusive en streaming de la part la plus premium de son catalogue. Ce sont surtout les indépendants qui, au début, ont privilégié une distribution OTT via des plates-formes existantes, faute de moyens financiers pour organiser eux-mêmes la distribution de leurs contenus en ligne. Mais au moment où la distribution des films en VOD s’impose, l’Europe risque de perdre encore un peu plus de son autonomie. Une structure de gestion des droits hétérogène et l’atomisation extrême de ses structures de production l’affaiblissent face aux Etats- Unis, lesquels disposent à la fois de plus puissants studios de cinéma, contrôlés par moins de dix grands groupes média (The Walt Disney Company, CBS Corporation, Time Warner, Comcast Universal, 21st Century Fox, Viacom, …) et de puissantes plates-formes de distribution de vidéo OTT encore concentrées autour d’Apple, Amazon et Netflix. Comme Ulysse et ses compagnons, les ayants droits de films se retrouvent désormais bien seuls face à une poignée de cyclopes, ces magasins en ligne assurant une grande partie de leur diffusion. Une course de vitesse fut bien lancée pour qu’émergent des services européens, comme CanalPlay de Canal+, NowTV de BSkyB ou Videofutur de Netgem, pour tenter de faire poids face aux géants américains. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2025 » : eDemocracy.
* Directeur général adjoint de l’IDATE,
auteur du livre « Vous êtes déjà en 2025 » (http://lc.cx/b2025). Sur le même
thème, l’institut a publié son rapport « Les stratégies OTT des ayants droits
de contenu premium : sport, cinéma et fiction TV », par Florence Le Borgne.

La gestion des flux vidéo devient un enjeu mondial

En fait. Le 28 avril, la société française Anevia a déposé un document de base auprès de l’AMF en vue de son introduction à la Bourse de Paris. Après le succès
il y a dix ans de son lecteur multimédia VLC, elle y explique pourquoi elle s’est spécialisée dans les logiciels de diffusion de flux de vidéo.

Netflix, Amazon, Yahoo, Microsoft, … : guerre des séries

En fait. Le 28 avril, Microsoft et Yahoo ont annoncé respectivement deux séries originales et des proprammes de télévision pour la Xbox. Le 23 avril, Amazon annonçait une exclusivité avec HBO pour des séries en streaming. AOL, Sony
et Disney investissent aussi, comme Netflix avec « House of Cards ».