La simultanéité salles-VOD reste taboue en France, malgré les expériences day-and-date en Europe

La Fédération nationale des cinémas français (FNCF) bloque toute idée d’expérimentation de simultanéité salles-VOD en France, malgré les expérimentations prometteuses menées ailleurs en Europe – notamment par l’ARP qui a tenté de relancer le débat lors des 24e Rencontres cinématographiques de Dijon.

Par Charles de Laubier

Richard Patry, FNCF« Moi, je fais ce métier pour la salle. C’est pour cela que l’on est accroché à cette chronologie des médias. On nous parle effectivement d’expériences européennes [de sorties simultanées salles-VOD] partout, mais rien n’est comme la France. Rien ! », a lancé Richard Patry (photo), président de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF).
C’était à Dijon, lors des Rencontres cinématographiques (16-18 octobre derniers). Et de poursuivre : « Aucun pays au monde n’a
un réseau de salles de cinémas comme le nôtre et de circuits de cinémas itinérants ».

CSA : un régulateur du PAF en quête d’un PAE émergent

En fait. Le 2 octobre, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – doté de compétences économiques depuis la loi du 15 novembre 2013 – a organisé
un premier séminaire sur « l’enjeu économique » du secteur confronté au numérique et à de nouveaux entrants dans le PAE (paysage audiovisuel européen).

En clair. Le PAF est mort. Vive le PAE (paysage audiovisuel européen) ! C’est en substance ce qui ressortait tant bien que mal de ce premier séminaire économique
du CSA, lequel s’est lancé le défi de réunir auteurs, producteurs, ayants droits, éditeurs, diffuseurs, distributeurs, annonceurs ou encore équipementiers pour un « dialogue » qui fait défaut jusque-là. Il s’agit surtout de préparer la réforme du cadre réglementaire national d’un audiovisuel encore très franco-français dépassé par la nouvelle donne
du numérique résolument transfrontalière. Et ce, dans un contexte très délicat de crise structurelle. « Le secteur de l’audiovisuel (…) est aujourd’hui confronté à un marché publicitaire sérieusement atteint et à l’arrivée d’acteurs globaux [dont Netflix, Google
ou Amazon, ndlr] dans un environnement numérique riche d’interrogations et de potentialités », a diagnostiqué le président du CSA, Olivier Schrameck, qui a aussitôt placé les enjeux économiques de l’audiovisuel au niveau de l’Europe. « L’adaptation
de la législation européenne est en effet indispensable pour affronter la concurrence internationale. C’est une priorité pour la régulation », a-t-il souligné. Il n’a pas manqué de rappeler qu’il avait été élu en mars dernier – et jusqu’à fin 2015 – président du Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (ERGA) (1), dont la deuxième réunion plénière se tiendra le 21 octobre à Bruxelles et la troisième devrait avoir lieu à Paris début 2015. Une aubaine pour la France qui pourra y faire valoir ses positions et son « exception culturelle ».

Bien que la diffusion audiovisuelle sur le Net explose, les fréquences sont plus que jamais régulées

Alors que les services de vidéo à la demande (VOD/SVOD), de catch up TV ou encore de télévision connectée se déploient massivement sur les réseaux fixes (très) haut débit, les fréquences, elles, dont les UHF du dividende numérique, n’ont jamais autant préoccupé les régulateurs européens et nationaux.

Par Marta Lahuerta Escolano, avocate, et Rémy Fekete (photo), avocat associé, Gide Loyrette Nouel

Le rapport Lamy (1), publié le 1er septembre dernier et remis à Neelie Kroes, commissaire de l’Union européenne à la Stratégie numérique, porte sur l’usage et l’allocation futurs des fréquences dites ultra-hautes (UHF) comprises entre 470 et 790 Mhz. Ces fréquences sont actuellement utilisées pour la diffusion hertzienne terrestre et notamment pour la télévision numérique terrestre (TNT).

VOD : Rakuten lance une bêta publique de Wuaki

En fait. Le 25 septembre, Wuaki, la plateforme de VOD du groupe japonais Rakuten, a lancé en France sa bêta publique. Elle était depuis début septembre en test privé auprès des clients PriceMinister (autre filiale de Rakuten). Après la vidéo à l’acte, la VOD par abonnement sera lancée pour contrer Netflix.

En clair. Le 3 septembre, le japonais a grillé partiellement la politesse à Netflix (1)
en lançant en France Wuaki, son service de vidéo à la demande (VOD). Mais il ne s’agissait alors que d’une version test : la « bêta privée » était exclusivement accessible à quelques clients de PriceMinister, la plateforme de e-commerce française créée par Pierre Kosciusko-Morizet (2) et rachetée par Rakuten en juin 2010. Cette fois, le service Wuaki.tv est véritablement lancé dans sa version « bêta publique ». La France est le troisième pays européen où est lancé ce service de VOD, après l’Espagne et le Royaume-Uni (où Rakuten avait aussi racheté Play.com en 2011), et bientôt l’Allemagne.

La BBox de Bouygues : la dernière chance de Netflix

En fait. Les 15 septembre, Netflix se lance enfin en France. Mais dans l’Hexagone, où 98 % des accès haut débit se font encore par une box ADSL, la plateforme américaine de SVOD n’a pas (encore ?) trouvé d’accord avec un FAI pour être distribué sur une box. A moins que Bouygues Telecom, avec sa future BBox…

En clair. Netflix semble contraint à n’être diffusé en France que via Internet – c’est-à-dire en Over-The-Top (OTT). Aucun fournisseur d’accès à Internet (FAI) n’a en effet,
à ce jour, trouvé un accord avec le numéro un mondial de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD). Alors que le 15 septembre marque le lancement officiel de Netflix dans l’Hexagone, aucune box française ne semble vouloir proposer Netflix. Aucune ? Quoique.
Le seul espoir qui reste à la société de Reed Hastings réside du côté de Bouygues Telecom. Surtout que les spéculations vont bon train depuis que le PDG de Bouygues Telecom, Olivier Roussat, a tweeté le 5 septembre pour signaler une vidéo sur YouTube présentant l’interface « iFeelSmart » de sa future BBox baptisée du nom de code
« Miami ».
Or cette vidéo affiche furtivement le logo rouge de… Netflix (1) au moment où est expliqué : « Android et le Play Store Google ouvre votre salon au monde des applis ». Ainsi, Bouygues Telecom pourrait proposer Netflix via l’écosystème de Google – c’est-à-dire en OTT (Over-The-Top) – sans être distribué « directement » par sa BBox et accusé de gêner la VOD de TFI… Quoi qu’il en soit, Orange a déjà dit qu’il ne distribuerait pas Netflix en septembre. « En fonction de l’accueil de ce service et de l’évolution d’autres paramètres, on verra si un accord est possible », avait expliqué précisément son PDG Stéphane Richard le 29 juillet. Autrement dit, Orange verra plus tard pour la Livebox. Du côté de Free, pas d’accord dans l’immédiat non plus avec le champion de la SVOD. Les négociations ont échouées, comme l’a indiqué Maxime Lombardini, le DG d’Iliad (maison mère de Free), le 1er septembre, sans exclure pour autant à l’avenir un compromis sur la Freebox.