Face au visionnage limité de la VOD, le téléchargement définitif (EST) devrait enfin décoller en 2015

Après Apple/iTunes et Orange/FilmoTV, c’est au tour de Numericable SFR de proposer en France le téléchargement définitif de films ou séries, appelé « EST » pour Electronic Sell Through. Malgré un prix d’achat encore élevé, cette pratique pourrait compenser la chute des DVD/Blu-ray.

Alors que la vidéo à la demande (VOD) à l’acte en France peine à progresser et que la VOD par abonnement (SVOD) est encore embryonnaire, la pratique du téléchargement définitif de films et séries – que l’on achète une fois pour le stocker numériquement chez soi – devrait prendre de l’ampleur en 2015. Selon le cabinet d’études audiovisuelles NPA Conseil, ce que les Anglo-saxons appellent EST (Electronic Sell Through) ne pesait en France que 5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010.
L’an dernier, c’était dix fois plus – soit 50 millions d’euros, contre 40 millions en 2013.
Et en 2018, les prévisions font état de 80 millions d’euros (voir graphique ci-dessous).
20 millions de comptes UltraViolet
Bien qu’encore cher (entre 10 et 17 euros à l’achat pour un film récent sur iTunes par exemple), le téléchargement définitif devrait profiter en France d’une offre élargie avec Apple, principal fournisseur EST, Orange associé à Filmo TV (Wild Bunch) et maintenant Numericable SFR, nouvel entrant sur ce segment de marché depuis fin 2014. Quant à la solution hollywoodienne « UltraViolet », lancée discrètement en France fin 2013, elle pourrait contribuer à la démocratisation du téléchargement définitif dans l’Hexagone. Selon nos informations, UltraViolet a franchi le cap des 20 millions
de comptes ouverts dans le monde pour un chiffre d’affaires de plus de 500 millions
de dollars l’an dernier. Ce standard fut lancé en juillet 2010 par le consortium Derec (1) réunissant des industriels et les majors du cinéma NBC Universal, Paramount, Warner Bros et Sony Pictures. Cependant, Disney ne fait pas partie du consortium Derec et concurrence UltraViolet avec Digital Copy Plus (2).
UltraViolet permet aux utilisateurs d’acquérir une seule fois un film sur DVD ou Blu-ray puis de regarder aussi en VOD sur le terminal de leur choix (ordinateur, tablette, smartphone, console de jeu, téléviseur connecté, …). Il suffit de créer son compte sur
le site web UltraViolet (www.uvvu.com) ou d’un partenaire (Sony Pictures ou Flixster en France) pour se constituer un « panier de droits » interopérables. Contrairement à la VOD à l’acte ou la VOD en location, dont l’oeuvre est mis à disposition temporairement selon le principe d’une simple licence d’usage limitée dans le temps, le téléchargement définitif fait que vous détenez les droits d’utilisation de façon illimitée. « Votre Bibliothèque apparaît sous forme de liste des films et séries dont vous détenez les droits, accompagnée des informations sur les droits spécifiques impliqués tels que la qualité HD ou SD ou l’obtention d’une copie physique », explique le site uvvu.com.

Et de préciser cependant une limite dans le foyer : « Les bibliothèques UltraViolet sont gratuites, avec un accès illimité pour organiser vos films et séries TV, jusqu’à six identifiants ». Surtout, l’EST permet de visionner le contenu hors ligne : l’utilisateur peut emporter son films ou sa série en voyage, lors de ses déplacements, chez des proches ou amis, etc. Ce que ne permet pas de faire la VOD en streaming, qui plus est limitée dans son usage. Les Etats-Unis est le pays le plus consommateur d’EST, où le marché de l’achat définitif de vidéos (DVD, Blu-ray et EST) a été largement soutenu par « une évolution règlementaire de taille » pour reprendre l’expression du cabinet de conseil Kurt Salmon : une nouvelle fenêtre d’exclusivité de trois semaines pour l’EST, positionnée avant la fenêtre VOD, et cela couplé avec l’essor d’UltraViolet. Outre-Atlantique, selon NPD Group, les transactions en EST étaient en augmentation de 68 % au premier semestre 2014. @

Charles de Laubier

Télécoms, audiovisuels, Internet,… : quels sont les services taxés dans le pays du client depuis le 1er janvier 2015

Depuis 1er janvier 2015, les prestations de services de télécoms, de radiodiffusion et de télévision, ainsi que les services délivrés par voie électronique (via Internet ou par e-mail), sont désormais imposables au
lieu de consommation. Le e-commerce de biens physiques en est exlu.

Jusqu’à maintenant, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) était appliquée en fonction du pays du vendeur. Ce qui a créé des distorsions de concurrence entre les différents prestataires de l’Internet, certains comme Amazon, iTunes d’Apple ou Netflix au Luxembourg, ainsi que Google ou encore Apple en Irlande, bénéficiant d’avantages fiscaux grâce à une TVA moins élevée que pour les autres prestataires basés, eux, dans des pays fiscalement moins avantageux comme la France.

Distorsion, évasion et manque à gagner
Le taux normal de TVA variant de 15 % à 27 % à travers l’Union européenne (UE), les entreprises se sont souvent implantés dans un Etat membre où le taux est le plus faible pour des raisons dites d’« optimisation fiscale » – pour ne pas dire d’« évasion fiscale » tout à fait légale… Résultat, d’après une étude du cabinet Greenwich Consulting en 2013, le manque à gagner rien que pour l’Etat français s’est élevé en 2011 entre 377 millions et 754 millions d’euros sur un montant de 7,5 milliards de produits culturels dématérialisés et certaines prestations en ligne.
Depuis le 1er janvier 2015, la TVA est appliquée en fonction du pays de l’acquéreur – qu’il s’agisse d’un particulier (1) ou d’une entreprise (2). Chaque prestataire, qu’il soit établi ou pas sur le territoire de l’UE, devra en conséquence déclarer et payer la TVA dans chaque Etat membre de consommation. Pour ce faire, une simplification des obligations déclaratives est prévue grâce à un guichet électronique unique. Cette nouvelle règle fiscale européenne s’applique à tout fournisseur en ligne, pour peu
que les biens ou les services achetés ne soient pas physiques. Ne sont en effet pas concernées les ventes à distance de biens physiques tels que CD/DVD/Blu-ray, livres au format papier, jeux vidéo sur supports physiques ou tout autre article non délivré par voie électronique.
Les « GAFA » américains et tous les services télécoms, audiovisuels et électroniques du monde entier – les services OTT (Over-The-Top) compris – y sont assujettis s’ils vendent dans l’un des vingt-huit pays de l’UE : ils seront dans ce cas imposables au taux de TVA en vigueur dans l’Etat membre où est domicilié le consommateur. Dans les services de télécommunication, cela concerne par exemple la téléphonie fixe ou mobile, la vidéophonie, la VoIP, la radiomessagerie, la télécopie et télex, ou encore la fourniture d’accès à Internet et au Web. Parmi les services de radiodiffusion et de télévision concernés, il y a la diffusion de programmes audiovisuels sur des réseaux de télévision ou de radio, ainsi que les programmes de radio ou de télévision diffusés via Internet ou un réseau IP analogue « s’ils sont retransmis simultanément à leur transmission ou retransmission sur un réseau de radiodiffusion ou de télévision » (3) ou encore les retransmissions en direct sur Internet. Quant aux services électroniques, il s’agit notamment de la vidéo à la demande (VOD), des applications téléchargées, de la musique en ligne (téléchargeable ou en streaming), les jeux vidéos dématérialisés, les livres numériques, ou encore les logiciels utilisés en ligne ou téléchargés (applications, antivirus, adblockers, pilotes d’imprimante ou d’autres périphériques). « Lorsque le prestataire de services et le preneur communiquent par courrier électronique, cela ne signifie pas en soi que le service est un service fourni par voie électronique », précise cependant la directive européenne du 12 février 2008 qui a modifié – en ce qui concerne le lieu des prestations de services – celle du 28 novembre 2006 portant sur
le système commun de TVA. En fait, le compromis trouvé fin 2007 à la demande du Luxembourg prévoit un échelonnement progressive de cette règle du lieu de consommation, de 2015 à 2019, à savoir : 30 % conservés par le pays d’établissement en 2015-2016, 15 % en 2017-2018 et enfin 0% à partir du 1er janvier 2019. Ce n’est donc qu’en 2019 – dans cinq ans – que la perception de la totalité de la TVA sur les services électroniques par l’Etat de résidence du consommateur final sera effective.

Plein effet seulement en 2019
Or, il aurait été souhaitable de raccourcir ce délai compte tenu notamment de l’iniquité fiscale entre les opérateurs nationaux et les acteurs internationaux établis à l’étranger, lesquels peuvent encore échapper en partie à la fiscalité française (4). « Alors que la révision de la directive TVA résulte d’un compromis délicat, il parait aujourd’hui difficile d’envisager une anticipation du calendrier prévu. A l’inverse, la France veillera scrupuleusement à ce que le calendrier de mise en oeuvre soit respecté », avait répondu en septembre 2013 le ministère des Affaires européennes à une question (5)
à l’Assemblée nationale. @

Charles de Laubier

« The Interview qui tue » la chronologie des médias !

En fait. Le 31 décembre, Sony Pictures Entertainment a annoncé la disponibilité de son film contesté par la Corée du Nord, « The Interview qui tue ! », sur des plateformes de vidéo à la demande (VOD) ou directement sur Internet, et ce simultanément à sa projection dans des salles de cinéma depuis Noël.

La chronologie des médias suspendue à l’accord Canal+

En fait. Le 18 décembre prochain, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) se réunira – sous la houlette de son DG délégué Christophe Tardieu – pour tenter de sortir de l’impasse les négociations sur la chronologie des médias, censées aboutir d’ici la fin de l’année. Mais Canal+ bloque.

Christophe Tardieu

Christophe Tardieu, DG délégué du CNC

Internet devrait tourner à la guerre des plateformes

En fait. Le 19 novembre, l’Idate a présenté – lors du DigiWorld Summit qu’il organisait à Montpellier – ses quatre scénarios pour le futur d’Internet d’ici à 2025. Son auteur, Vincent Bonneau, directeur Internet de l’institut, a indiqué
celle qui était « la plus probable : la guerre des plateformes ».