Les Européens sont encore plutôt réservés vis à vis de la VOD, contrairement au reste du monde

L’attrait grandissant des services de télévision et de vidéo sur Internet
– vidéo en ligne, VOD, SVOD – augmente la pression sur les fournisseurs
de TV traditionnels par câble, satellite ou ligne téléphonique. Mais l’Europe
est la région du monde la plus frileuse vis à vis de ces nouveaux services.

Selon une étude de Nielsen menée au niveau mondial et publiée en mars dernier, plus d’un quart des 30.000 personnes interrogées en ligne dans une soixantaine de pays, soit 26 % d’entre elles, déclarent regarder la télévision ou de la vidéo à la demande (VOD) en étant abonnées à des services en ligne tels que Hulu, Netflix ou encore Amazon.

VOD et TV sont complémentaires
Si l’on compare les cinq grandes régions du monde sur cette question, le nombre de ceux qui paient pour voir de la vidéo en ligne est plus important en Amérique du Nord
et en Asie-Pacifique avec 35 % des personnes interrogées. Ils sont ensuite 21 % dans ce cas en Amérique Latine et autant au Moyen Orient/Afrique. Mais si l’on s’attarde sur l’Europe, le taux tombe à… 11 % seulement (voir graphique ci-dessous). Au cœur du Vieux Continent, la France ne compte que 4 % des personnes interrogées abonnées
à des services de VOD et se situe au niveau de l’Italie (4 %) et de l’Espagne (3 %). Ce qui est très éloigné des pays du Nord de l’Europe où il y a une plus grand appétence à s’abonner à de la VOD : le Danemark (34 %), la Norvège (33 %) ou encore la Finlande (30 %). Selon Médiamétrie, 35,1 millions d’internautes en France ont regardé au moins une vidéo sur Internet depuis un ordinateur, soit 73,2 % d’entre eux. Tandis que 3 millions de Français seulement regardent la télévision sur les écrans Internet – dont près de la moitié sur mobile ou tablette.
A la question cette fois de savoir si les personnes interrogées seraient prêtes à résilier leur service de télévision par câble, satellite ou ligne téléphonique pour basculer sur un service de vidéo en streaming sur Internet, près d’un tiers d’entre elles dans le monde – soit 32 % – se disent quand même prêtes à le faire. Ce taux est loin d’être anecdotique ni négligeable, d’autant que la jeune génération dit « Z » (née après 1995), encore plus Internet Natives que la génération précédente dite « Y » (née après 1980, appelée aussi « Génération millénaire »), est la plus disposée à couper le cordon de la télévision de « papa » (40 %). Là encore, l’Europe est la moins disante avec seulement 17 % des personnes interrogées et arrive loin derrière l’Asie-Pacifique (44 %), l’Amérique Latine (24 %) et même l’Amérique du Nord (22 %) où le phénomène du cord-cutting fait le plus débat actuellement (1). Si de nombreux Américains abonnés à de coûteux bundle câble-TV déclarent qu’ils seraient prêts à résilier leurs abonnements aux chaînes câblées traditionnelles pour se reporter sur des offres vidéo moins coûteuses sur Internet (VOD, SVOD, Catch up TV, …), finalement peu passent à l’acte pour le moment.

Anytime et binge-watching
Mais il y a des signes qui ne trompent pas : une autre enquête récente, réalisée cette fois par la société américaine de services de paiements Vindicia auprès de 1.000 Américains souscrivant déjà à au moins un service de SVOD, 45 % considèrent les sites de vidéo en streaming HBO Now, Netflix et Hulu comme plus importants pour eux. Et si l’on focalise sur les 20-39 ans, c’est plus de la moitié.
Car si 72 % des personnes interrogées par Nielsen dans le monde affirment qu’elles paient pour regarder la télévision traditionnelle par câble, par satellite ou par ligne téléphonique, elles sont quand même 65 % a regarder toutes formes de vidéo sur Internet de formats longs ou courts. « La popularité croissante des services vidéo uniquement en ligne va continuer à faire pression sur les fournisseurs de télévision par câble, satellite ou réseau téléphonique, mais un remplacement significatif de l’un par l’autre est peu probable. Tandis que quelques consommateurs réduisent leurs services de télévision traditionnels, beaucoup ne coupent pas le cordon complètement. Pour la plupart des téléspectateurs, services en ligne et traditionnels ne sont pas mutuellement exclusifs, mais complémentaires », analyse Megan Clarken (photo), vice-présidente exécutive chez Nielsen. Il n’en demeure pas moins, selon elle, qu’« à court terme, le cord-cutting s’avère la plus grande menace pour les acteurs traditionnels de l’audiovisuel au moment où les consommateurs évaluent les avantages des services premium ou des réseaux et considèrent des packages plus réduits qui leur offrent un meilleur rapport contenus-prix ».

Chronologie ou day and date ?
Quelles que soient les régions du monde, les films de cinéma arrivent en tête des contenus VOD regardés pour 80 % des personnes sondées par Nielsen, suivis par
les programmes de télévision à la demande de type replay pour 50 %. Viennent ensuite les programmes de genres et de comédies pour 38 %, les séries originales pour 32 %, ainsi que les sports et les documentaires (31 % chacun). Tandis que 22 % disent regarder des vidéos courtes de 15 minutes ou moins. Côté confort, les trois-quarts des personnes questionnées dans le monde mettent en premier la possibilité de voir de la VOD à n’importe quel moment. Les deux-tiers apprécient en outre des contenus de vidéo en ligne de pouvoir être visionnés par les différents membres du foyer sur plusieurs terminaux en même temps. Plus des deux-tiers – voire plus pour les générations Y et Z – sont également motivés par la VOD car ils peuvent regarder plusieurs épisodes d’une série dans une même soirée, selon la pratique du binge-watching.
Autre point positif de la vidéo sur Internet, et non des moindres : le coût est perçu comme moins élevé que les services programmés du câble et du satellite. C’est particulière vrai en Amérique du Nord où les forfaits dépassent souvent les 50 dollars par mois, soit près de 45 euros par mois, ce qui est bien supérieur à nos 30 euros habituels en France par exemple. D’où une certaine attirance pour la vidéo sur Internet gratuite et financée par la publicité. Ainsi, toujours selon l’enquête mondiale de Nielsen, 59 % des personnes interrogées dans le monde disent que la publicité ne les gêne pas « si le service de VOD est gratuit ». En Europe, elles sont 53 %. Et si l’on zoome sur la France, elles sont même 56 % à être favorables à de la publicité si la gratuité de la vidéo est au rendez-vous. Cependant, la VOD a des défauts : beaucoup (72 %) regrettent qu’il n’y ait pas plus de choix de programmation disponibles, et qu’il y ait des contenus sélectionnés limités, tandis que les deux-tiers (67 %) des répondants reconnaissent que regarder de la vidéo en ligne sur des écrans mobiles (smartphones ou tablettes) est moins confortable que sur grand écran. Quoi qu’il en soit, l’Europe – dont la France (2) – est en retard dans l’utilisation de services de vidéo en streaming payants sur Internet. Une des explications est sans doute à aller chercher du côté de la rigidité de la chronologie des médias qui régit la sortie des nouveaux films, en salles de cinéma (exclusivité de quatre mois en France par exemple), en VOD (seulement
au cinquième mois après la salle), puis à la télévision (chaînes payantes suivies des chaînes gratuites), voire la SVOD (à seulement trente-deux mois). Comme beaucoup de pays européens, la France interdit la simultanéité salles-VOD, mais la pratique du
e-cinéma qui consiste à sortir un nouveau film uniquement sur Internet – en faisant l’impasse sur la salle – commence à apparaître, notamment sous l’impulsion du distributeur-producteur Wild Bunch (3).
Aux Etats-Unis, la pression du streaming vidéo est plus forte. A Hollywood, les groupes de médias et de cinéma comme Time Warner, Viacom/Paramount ou encore AMC Networks s’inquiètent de la montée en puissance des Netflix, Hulu et autres Amazon Prime Video. Surtout que ces plateformes numériques produisent aussi leurs propres séries telles que « House of Cards » et « Orange is the New Black » pour Netflix,
« Transparent » et « Mozart in the Jungle » pour Amazon, en attendant « The Path » chez Hulu, certaines de ces oeuvres cinématographiques remportant en plus des trophées aux Emmy Awards ou aux Golden Globes.
Concernant la chronologie des médias, qui n’existe pas d’un point de vue réglementaire outre-Atlantique, elle relève plutôt de la négociation et n’exclut pas la simultanéité salles-VOD. Netflix et Amazon sont de plus en plus moteurs dans ce day and date (D&D). Avec la nouvelle offre « Screening Room » lancée par Sean Parker, qui fut cofondateur de Napster et est un des célèbres actionnaires de Facebook, les Etats-Unis s’apprêtent à pousser plus loin la logique du cinéma à la maison avec des films en première exclusivité et un partage des recettes avec les… exploitants de salles de cinéma ! Sean Parker a même les encouragements d’icônes d’Hollywood comme Martin Scorsese et Steven Spielberg… Il suffit alors de se procurer de la « box » de Screening Room pour 150 dollars et d’acheter des films à 50 dollars l’unité, puis d’amortir le tout en famille et dans le Home Cinema de son salon, ce qui reviendra moins cher que de multiplier les tickets de salle de cinéma. Malgré les résistances de la part de la National Association of Theatre Owners – l’équivalent de la FNCF en France – et de la Art House Convergence (salles d’arts et d’essai), la demande est forte. Mais cela reste encore embryonnaire comme marché face au box-office nord-américain qui génère plus de 10 milliards de dollars par an.

Le géo-blocage présente un risque
Autre frein possible : la blocage géographique de la VOD. Cette pratique du geo-blocking est plus importante en Europe, car héritée de la distribution nationale historique des films en K7 puis DVD dans un souci purement commercial de « territorialité des droits » (4), qu’aux Etats- Unis. La Commission européenne s’est d’ailleurs interrogée le 18 mars dernier (5) sur le risque anti-concurrentiel du géo-blocage dans le e-commerce. @

Charles de Laubier

Wild Bunch refait son e-cinéma (exit les salles) : nouveau pied de nez à la chronologie des médias

La société de distribution et productrice de films Wild Bunch a sorti le 18 mars uniquement en VOD son nouveau film « 99 Homes » – Grand Prix du dernier Festival du film américain de Deauville. Il ne sera donc pas projeté dans les
salles obscures, n’en déplaise à la sacro-sainte chronologie des médias.

Ce n’est pas la première fois que Vincent Maraval (photo), cofondateur de la société française Wild Bunch, défie la
sacro-sainte chronologie des médias en France. En proposant uniquement en VOD et non pas en salles de cinéma le nouveau film « 99 Homes », dont il est le distributeur, il réitère une pratique « e-cinéma » qu’il a été le premier à adopter dans l’Hexagone en mai 2014 avec le film «Welcome to New York » (1), que Wild Bunch avait alors produit. Ce premier pied de nez
à la chronologie des médias, avait même été fait durant la grand-messe du Festival de Cannes, le film étant alors « hors compétition ».

Des films, « chair à canon » pour les salles
Cette fois, avec « 99 Homes », Wild Bunch entend banaliser la pratique du e-cinéma qui est à ne pas confondre avec la simultanéité salles-VOD – toujours interdite en France (voir encadré ci-dessous). Le e-cinéma, lui, fait l’impasse sur la salle et échappe ainsi à la réglementation stricte de la chronologie des médias. Le film est ainsi disponible sur la majorité des services de VOD (à l’acte) et SVOD (par abonnement). Bien sûr, il est également disponible sur Filmo TV, la propre plateforme vidéo de Wild Bunch. « 99 Homes » est proposé en e-cinéma pour 6,99 euros ou moitié moins cher pour les abonnés. Ce prix peut paraître cher pour certains. « Si vous regardez le film tout seul, oui. Mais si vous le regardez à quatre, c’est moins cher ! », leur répond Vincent Maraval (2). Pour la première fois en France, un grand média – France Inter
en l’occurrence – est partenaire d’un film en e-cinéma. C’est justement sur cette radio publique que, le 21 mars, Vincent Maraval a justifié ce boycott des salles. « Dans l’économie actuelle de la distribution indépendante de cinéma, ce film n’avait pas vraiment ses chances en salles. Aujourd’hui, il y a une espèce de zone de films indépendants qui sont destinés à faire entre zéro et 400.000 entrées et qui n’ont plus d’économie en salles – de par les frais de sortie, la chronologie des médias, ou encore les contraintes techniques. L’ayant droit n’a plus la libre jouissance de ses droits. Et la vie moyenne d’un film en salle est de dix jours ! », a-t-il expliqué, tout en critiquant sévèrement le fonctionnement des salles. « Il faut un taux de rotation dans ces salles : ces films sont de la chair à canon [CQFD] pour vendre des bonbons dans les salles…
Il faut attirer des spectateurs tout le temps avec des nouveaux films, dont la vie économique est accessoire. Ce qui compte, c’est le taux de remplissage moyen de la salle ! Le Web permet au contraire aux films de durer ». De quoi faire grincer les dents du réalisateur et producteur Claude Lelouche qui avait déclaré quelques jours auparavant qu’il fallait « tout mettre en oeuvre pour combattre ces saloperies d’écrans en tout genre [sic] pour que le public continue d’aller en salles ». Ce à quoi Vincent Maraval a répondu sur France Inter que Claude Lelouche « a son âge… » (78 ans), alors que la consommation de films pour la nouvelle génération se fait sur tous types
de terminaux. « On ne peut pas nier l’évolution de la société. C’est bien le problème de notre législation, qui est la même sur ses principes qu’avant l’existence d’Internet – je ne dis pas sur la durée des fenêtres de la chronologie des médias », a-t-il poursuivi. Et d’ajouter : « On a été élevé dans cette espèce de sacralisation de la salle. Aujourd’hui, vous avez des équipement télé à la maison qui sont d’excellente qualité (3). Et le prix de la salle est plus liée à l’exclusivité qu’aux conditions dans lesquelles on voit le film ». @

Charles de Laubier

Nouveau PDG de TF1, Gilles Pélisson passera-t-il sous la barre des 20 % de part d’audience ?

La hantise de la chaîne TF1 est de passer sous la barre des 20 % de part d’audience nationale, après avoir caracolé à plus de 30 % il y a dix ans encore. Gilles Pélisson, qui n’est pourtant pas un homme de télévision, va devoir relever le plus grand défi d’un PAF chamboulé par le numérique et la fragmentation de l’audience.

Et si Gilles Pélisson (photo), le nouveau PDG du groupe TF1, devenait celui qui verra la première chaîne passer sous la barre des 20 % de part d’audience ? On n’en est pas loin. Au rythme où va l’érosion, ce plancher pourrait être enfoncé dès cette année. Ce serait sans précédent pour la chaîne historique, dont la part d’audience est descendue à seulement 20,6 % en janvier, heureusement suivi d’un léger rebond à 21,6 % en février (voir tableau p.10). Les premiers mois de l’ère « Pélisson » seront décisifs. Le successeur de Nonce Paolini, véritablement en fonction depuis le 19 février dernier, hérite d’une tendance baissière de TF1 constatée depuis maintenant dix ans. En effet, la doyenne des chaînes de télévision généralistes françaises a déjà perdu de sa superbe et a vu l’aura de son antenne chuter de 30,7 % de part d’audience nationale moyenne en 2007 à 21,4 % en 2015, soit une perte de près de dix points. Le déclin de TF1 semble inéluctable, bien que la chaîne du groupe Bouygues reste pour l’instant encore la plus regardée de l’Hexagone, surtout en prime time où elle a réalisé 98 des 100 meilleures audiences de l’année. La concurrence des nombreuses autres chaînes de la TNT (y compris TMC, NT1, HD1, LCI appartenant toutes au groupe TFI) et des plateformes de vidéo sur Internet (YouTube, Facebook, Dailymotion, Netflix, …) est à l’oeuvre pour contester la suprématie de la première chaîne et lui grignoter inlassablement des parts d’audience.

Au-dessus des 20 % grâce au replay et au différé
Cependant, l’institut de mesure d’audience Médiamétrie a progressivement rajouté dans ses mesures d’audience cumulée des chaînes les usages numériques. Et ce, depuis cinq ans (voir encadré page suivante). Toutes les chaînes sont bien sûr logées
à la même enseigne : cela permet à chacune de rajouter quelques minutes de durée d’écoute par individu devant la télévision – voire de comptabiliser des utilisateurs
« délinéarisés » supplémentaires (différé ou rattrapage) par rapport aux téléspectateurs « linéarisés » (diffusion à l’antenne). Ce qui aboutit in fine à « gonfler » plus ou moins l’audience globale d’une chaîne. Or, comme la part d’audience en pourcentage représente la durée d’écoute d’une chaîne sur la durée d’écoute totale du média télévision, gagner sur Internet ou les mobiles quelques minutes de plus est déterminant. Prime au leader oblige, TF1 est donc la première chaîne à profiter de cet effet de levier « numérique » et, partant, se maintenir au-dessus de la ligne de flottaison des 20 % de part d’audience. L’apport d’audience du digital pour elle atteint 2,2 % sur l’année 2015.

MyTF1, Xtra, MyTF1VOD, One LCI, …
D’où l’importance de la stratégie digitale que va accentuer le nouveau patron de la filiale audiovisuel du groupe Bouygues, Gilles Pélisson, qui veut faire de la première chaîne « le référent du marché dans le digital » (1) dans un PAF (2) chamboulé par la fragmentation de l’audience. Le téléviseur n’a plus le monopole de la télévision, chaque foyer comptant jusqu’à 6,4 écrans en moyenne. Encore faudra- t-il que la refonte engagée en juin 2015 du portail Internet MyTF1, lequel n’est pas considéré en interne
à la hauteur des ambitions digitales du groupe privé, porte ses fruits : e-TF1 y a rajouté des contenus exclusifs, en complément de l’offre replay des quatre chaînes en clair TF1, TMC, NT1 et HD1. « Porté par une dynamique programmes forte tant dans le domaine de la fiction française (Le Secret d’Elise, Section de Recherches) que du divertissement (The Voice, Koh Lanta), le replay de la chaîne TF1 réalise une progression spectaculaire pour atteindre 10,3 millions d’individus en février (3) », s’est félicité le groupe le 7 mars dernier, soit un bond de 40 % en un mois. Il y a eu aussi en 2015 le lancement sur MyTF1 de Xtra, dédié aux contenus sans lien avec les chaînes (productions exclusives, contenus vintage ou encore webséries). « Sur MyTF1 Xtra, des acteurs du digital peuvent aussi venir présenter ce qu’ils font. Cela nous permet d’ouvrir MyTF1 à un cercle un peu plus large, notamment à des jeunes », nous avait confié Nonce Paolini en novembre dernier (4). Egalement en dehors de la marque TF1, le groupe a un partenariat avec Finder Studios, un MCN (5) français présent sur différentes thématiques (6) et disponible sur YouTube, Facebook, Twitter, Snapchat et bien sûr MyTF1. Par ailleurs, des chaînes sont diffusées sur YouTube mais pas sous
la marque de TF1 (7). Quant à l’offre MyTF1VOD, elle va s’enrichir de nouvelles fonctionnalités telles que la recommandation pour mieux rivaliser avec Netflix. Des acquisitions dans le numérique ne sont en outre pas exclues.
Fort de son contrat de travail identique à celui de Nonce Paolini – signé avec Bouygues SA mais pas directement avec TF1 SA, avec la même rémunération fixe de 920.000 euros par an et le même plafond de la part variable (8) –, Gilles Pélisson (60 ans l’an prochain) a aussitôt mis en place une garde rapprochée autour de trois métiers : contenus/acquisition des droits, information/ magazines, publicité/diversification. Le projet « One LCI », lui, englobera MyTF1News et Metronews dont la version papier du quotidien gratuit avait été arrêtée l’an dernier. Il marque une accélération digitale du groupe TF1 mais aussi un renforcement sur la TNT avec l’obtention du passage en clair et gratuit de la chaîne d’information LCI à partir du 5 avril prochain (canal 26). Il s’agit aussi de se préparer à l’arrivée en septembre de la chaîne publique d’information en continu du couple France Télévision-Radio France, sur un segment de marché déjà occupé par BFM TV (Altice Media/NextRadioTV) et iTélé (Vivendi/Canal+).

« Gilles Pélisson n’est pas un homme de télévision », a-ton pu entendre dire dès qu’il
a été désigné l’an dernier par son mentor Martin Bouygues qui l’a préféré à Rodolphe Belmer (ex-patron de Canal+). Mais le fait que le neveu de Gérard Pélisson (cofondateur du groupe Accor) ait été PDG d’Eurodisney dans les années 1990, puis PDG dans les télécoms avec, en 2000, le consortium mobile (Suez-Telefonica ST3G) puis le câblo-opérateur Noos, avant de devenir PDG de Bouygues Télécom où il a travaillé de 2001 à 2005, cela a constitué un atout à l’heure de la convergence numérique. Si Bouygues Télécom devait rester dans le giron du groupe de BTP et communication en cas d’échec des négociations avec Orange, Gilles Pélisson serait le mieux à même de créer des synergies entre TF1 et Bouygues Télécom (9). Gilles Pélisson apporte un regard neuf, de la sympathie et un peu de modestie au groupe TF1 qui avait tendance à avoir les travers d’un ancien monopole. Créée il y a maintenant plus de 40 ans à la suite de la dissolution de l’ORTF, TF1 fut partiellement privatisée en 1986, puis complètement en avril 1987. TF1 devient alors une société anonyme, dont l’actionnaire principal est – encore aujourd’hui – le groupe Bouygues. « Je souhaite que TF1 assume son rôle de leader mais sans arrogance », a prévenu Gilles Pélisson. Il a par ailleurs renoncé à sa domiciliation fiscale en Belgique – dont il bénéficiait depuis 2012 – pour la rapatrier en France… @

Charles de Laubier

Numérique : pourquoi la France se situe en dessous seulement de la moyenne européenne

Le constat est sans appel : la France fait moins bien que la moyenne de l’Union européenne en matière d’économie et de société numériques, selon la Commission européenne. L’Hexagone recule même de deux places en un an,
à la 16e sur les 28 pays membres. Comment en est-on arrivé là ?

Avec une note globale de 0,51 d’indice « Desi » (1), qui mesure la performance d’un pays en matière d’économie
et de société numériques, la France fait pâle figure en Europe. C’est du moins ce qui ressort de l’étude publiée
le 25 février dernier par la Commission européenne.
« La France a perdu sa place en termes de connectivité,
de capital humain et de services publics numériques », souligne-t-elle. Face à ce constat général peu reluisant, la France est reléguée deux places en arrière en 2016 dans ce classement « Desi » pour se retrouver en 16e position sur les 28 pays européens.

Plus de 30 Mbits/s : peu mieux faire
En se situant en dessous de la moyenne européenne, l’Hexagone rejoint les pays de l’Union qui accusent un retard : la Bulgarie, Chypre, la République tchèque, la Grèce,
la Hongrie, la Pologne ou encore la Slovaquie. Mis en place par la Commission européenne au niveau de sa DG Connect (2), dont le directeur général est Roberto Viola (photo), l’indice « Desi » est composite : il intègre cinq indicateurs que sont
« connectivité », « capital humain », « utilisation de l’Internet », « intégration des technologies numériques » et « services publics numériques ». Les notes vont de 0
à 1 et augmentent selon le niveau de performance. Pour ce qui est de la connectivité, tous les ménages français bénéficient d’une couverture en haut débit fixe et 71 % des ménages y sont abonnés. En revanche, moins de la moitié des Français (45 %) ont accès à du très haut débit d’au moins 30 Mbits/s que peuvent offrir des réseaux de nouvelle génération (3). De plus, seulement 15 % des foyers français disposant d’un abonnement haut débit fixe ont opté pour des connexions très haut débit. Ce qui place la France bien en dessous de la moyenne européenne qui est de 30 %, soit à la 24e position sur 28. « La capacité de la France à exploiter les bénéfices de l’économie numérique est limitée. La France doit progresser dans le très haut débit (supérieur à 30 Mbits/s) », analyse l’étude. Les chiffres relevés par la Commission européenne datent de juin 2015. Selon les chiffres de l’Arcep au 30 décembre 2015 (publiés le 3 mars dernier, voir p. 10), la France compte plus de 5,6 millions de foyers éligibles au FTTH (4) (*) (**), mais seulement à peine plus de 1,4 million ont contracté un abonnement.
« Le gouvernement français a adopté le “Plan Très haut débit” et mis en place une “Mission France Très haut débit” en vue de couvrir l’intégralité du territoire national d’ici 2022, essentiellement avec de la fibre optique », est-il rappelé (5). Sur le plan du capital humain, la France compte 81 % d’internautes dans sa population et 57 % des habitants disposent au moins de « compétences de base » au regard du numérique. Elle fait mieux que le reste de l’Europe (respectivement 76 % et 55 %, soit au 10e et 12e rangs). Néanmoins, seuls 3,5 % des personnes ayant un emploi travaillent en tant que spécialistes des TIC (6) – contre 3,7 % pour la moyenne européenne – et ce ratio n’a pas augmenté en un an. Pourtant, l’Hexagone arrive en seconde position en nombre de diplômés dans les sciences, technologies, ingénierie et les mathématiques. La France se distingue même par la formation scientifique de haut niveau, bien mieux que la Grande-Bretagne, l’Allemagne ou encore l’Italie. Si l’on regarde les usages d’Internet
de plus près, l’Hexagone se place en 17e position : les Français rechignent à utiliser Internet lorsqu’ils ont besoin de communiquer, notamment les appels vidéo ou les réseaux sociaux. « Alors que les Français sont enclins à utiliser la vidéo à la demande [VOD, SVOD ou Catch up TV, ndlr], grâce à laquelle la France se place au premier rang en Europe, ils sont plus réticents à s’engager dans des activités sociales en ligne. La part des Français qui utilisent les réseaux sociaux – 45% comparés à la moyenne européenne de 63 % – est la plus faible de tous les pays de l’Union. De même, les Français sont parmi les internautes les plus faibles en termes de consultation de l’actualité (50 %, 27e rang) et d’utilisation pour la musique, la vidéo et les jeux (47 %, 20e rang) », relève la Commission européenne. Les Français n’hésitent pas néanmoins à effectuer des transactions en ligne et des achats (pour 74 % d’entre eux), la France étant bien placée dans la banque et le commerce en ligne.

TIC et PME : un autre point faible
Quant à l’intégration des technologies numériques par les entreprises, elle est le domaine dans lequel les résultats de la France sont les moins bons. « Les entreprises en France, en particulier les petites et moyennes entreprises, ont besoin d’exploiter
les possibilités offertes par les ventes en ligne et les ventes transfrontalières », estime l’étude. Toutefois, ses services publics en ligne se portent plutôt bien. @

Charles de Laubier

Le direct live des réseaux sociaux pourrait faire de l’ombre aux chaînes de télévision

Avec une audience déjà grignotée par la VOD et la TV sur Internet, les chaînes
de télévision voient un nouveau front s’ouvrir : celui du direct et de la retransmission d’événements en temps réel. Car les réseaux sociaux se
mettent au live, avec des outils tels que Periscope, Meerkat, Live Video, …

Diffuser des vidéos en direct sur Facebook. C’est possible depuis que le numéro un des réseaux sociaux a lancé fin janvier la fonction « Live Video », laquelle permet – dans un premier temps aux Etats-Unis et à partir d’un iPhone – de diffuser en temps réel une séquence vidéo ou un événement filmé. Le reste du monde et Android seront concernés « dans les semaines à venir ». Une fois que la retransmission en direct
est terminée, l’internaute peut soit la garder sur le réseau social, soit l’enlever.

Twitter, Facebook, YouTube, …
Quelques jours avant le lancement de Live Video, le réseau social de Mark Zuckerberg lançait un nouveau service baptisé « Facebook Sports Stadium » pour suivre en temps réel des matches (de football d’abord, puis à l’avenir le basket-ball et d’autres sports). S’il n’est pas encore question de vidéos, ce service sportif propose lors des événements des scores en direct, des commentaires d’experts, des échanges avec
ses « amis » à travers le monde, mais aussi des liens pour pouvoir regarder les événements sportifs en live si possible.
Facebook entend ainsi concurrencer des applications de live sur Internet telles que Periscope de Twitter ou Meerkat développée par Ben Rubin qui l’a lancée il y a un an (voir encadré page suivante), ainsi que les directs en streaming vidéo sur YouTube ou Dailymotion. Ces annonces successives du réseau social aux plus de 1 milliard d’utilisateurs actifs quotidiens sont intervenues après que Twitter a intégré dans le fil d’actualité – la timeline de ses twittos – l’application de diffusion de vidéos en direct Periscope. Issu de l’acquisition de la start-up Bounty Labs en mars 2015 par Twitter, Periscope avait été lancé l’an dernier et totalisait – avant d’être intégré au site de microblogging – 100 millions de vidéos diffusées en live, le plus souvent à partir de smartphones. Twitter a aussi intégré Periscope sur son autre application vidéo, Vine, acquise en 2012 et permettant de diffuser de courtes vidéos de 6 secondes et de les partager.
Avec cette montée en charge du direct sur les réseaux sociaux et de partage vidéo, les chaînes de télévision perdent leur atout maître qu’était leur avantage à être les seules
à pouvoir faire de la rediffusion live d’événements d’actualité ou de divertissement – parfois en mondovision. Fort du (très) haut débit généralisé, de la puissance de l’encodage numérique et de l’engouement pour le streaming, Internet est en passe de détrôner la TV sur ce terrain. Si les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont d’abord été suivis en partie en direct sur CNN et sur les chaînes du monde entier, ceux des 7 janvier et 13 novembre 2015 à Paris l’ont été avant tout sur les réseaux sociaux, avec en plus la capture de l’instant par les Parisiens et les autres témoins retransmis instantanément sur Periscope ou Vine.
YouTube pratique depuis longtemps la retransmission en direct d’événements, de concerts ou de festivals. Ce fut par exemple le cas en 2012 lorsque près de 8 millions de personnes sur YouTube ont regardé en direct le saut spectaculaire en parachute à 39.000 mètres d’altitude du parachutiste autrichien Felix Baumgartner, lequel a franchi pour la première fois le mur du son en chute libre ! Le lancement aux Etats-Unis en octobre dernier de YouTube Red, la version payante sans publicités de la plateforme
de partage vidéo, est aussi la porte ouverte à des retransmission live d’événements premium. Son arrivée en Europe prévue cette année pourrait bousculer les bouquets TV payants Canal+ ou Sky. Rappelons en outre que, depuis fin 2013, YouTube permet à chacun de diffuser en direct (live stream) sans plus avoir besoin d’avoir au moins 100 abonnés à sa chaîne (comme c’était exigé auparavant). A condition cependant que le
« youtuber » respecte les droits d’auteur. YouTube s’est en outre lancé l’été dernier dans la retransmission en direct de parties de jeux vidéo ou de compétitions ludosportives (e-sports), avec YouTube Gaming, sur le modèle de Twitch, filiale d’Amazon.

Amazon lorgne les droits du football
Amazon, justement, compte bien être présent dans la retransmission d’événements sportifs tels que les matches de football, quitte à acheter des droits pour son service
en ligne par abonnement Prime. Mais son PDG, Jeff Bezos, qui ne l’a pas exclu le 26 décembre dernier dans un entretien accordé à Die Welt, la joue modeste : « Il est possible que ce domaine [du sport en direct, ndlr] se trouve pendant un certain temps encore entre de meilleures mains, chez les chaînes de télévision », a-t-il dit au quotidien allemand. Aux Etats-Unis, la NFL (National Football League) courtise les acteurs du Net (Amazon, YouTube, Yahoo, Facebook, …) pour atteindre les cord-cutters (les désabonnés de la TV par câble) en live-streamed. De son côté, Microsoft verrait bien la retransmission du Super Bowl américain prolongée en réalité holographique (1). Le petit écran n’a plus le monopole du direct de « contenus premium », tandis que l’année 2015 a confirmé que les Français, toujours plus équipés d’écrans que sont les téléviseurs, les ordinateurs, les tablettes et les smartphones (6,4 en moyenne par foyer, selon Médiamétrie), ne se contentent plus de regarder la télévision uniquement « à l’antenne » (live ou pas) mais aussi de plus en plus « à la carte » et/ou « en direct »
(en enregistrant leurs programmes ou en utilisant les services de replay).

Les chaînes se rebiffent
Ce phénomène du direct sur Internet donne des sueurs froides aux chaînes de télévision détentrices des droits de retransmission d’événement sportifs ou de diffusion de série. D’autant que certaines d’entre elles paient très cher – plusieurs centaines de millions d’euros – les retransmissions en live sur leur antenne, notamment de football. C’est le cas aussi pour la diffusion de séries qui se retrouvent « capturées », telles que la dernière saison de « Game of Thrones » qui s’est retrouvée sur Periscope au grand dam de la chaîne payante HBO qui a porté plainte au printemps 2015 contre Periscope. Son créateur, le fondateur de Bounty Labs, Kayvon Beykpour, avait alors assuré qu’il retirerait rapidement les contenus litigieux. Les conflits entre les ayants droits et les acteurs du Net ne datent pas d’hier : le groupe américain de télévision et de studio de cinéma Viacom (Paramount, MTV, Nickelodeon, …), dirigé par le Français Philippe Dauman (2), s’est distingué dès 2007 en réclamant 1 milliard de dollars à YouTube pour piratage : Google s’en est finalement sorti indemne en 2013, après avoir proposé un système de reconnaissance automatique des œuvres appelé Content ID (lire p.3).

En France, en attendant que Periscope ne prenne de l’ampleur, TF1, France Télévisions, Canal+ et M6 – via l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) – se sont plaints en mai 2015 auprès de Twitter et de Facebook (3) de la diffusion de vidéo pirates de leurs programmes sur les deux réseaux sociaux. Les chaînes de télévision françaises leur demandent d’adopter « une véritable politique
de sanctions » et « des technologies de filtrage automatique par reconnaissance d’empreintes numériques préalablement déposées par les détenteurs de droits, permettant de bloquer la mise en ligne de vidéos contrefaisantes ». La Ligue française de football (LFP) a aussi sévi auprès de Twitter France contre le piratage de ses matches (4).

Mais c’est aux Etats-Unis que la capture des matches en direct à partir de smartphones fait des émules sur Perisope ou Meerkat. La loi américaine « Digital Millennium Copyright Act », adoptée en 1998 sur la protection de la propriété intellectuelle à l’ère numérique, n’avait pas prévu ce phénomène de retransmission en direct sur les réseaux sociaux qui n’existaient pas encore (Facebook est créé en 2004, YouTube en 2005, Twitter en 2006, Periscope et Meerkat en 2015). En mai dernier, une polémique a commencé à partir du « combat de boxe du siècle » (5) qui s’est déroulé un samedi soir à Las Vegas : plusieurs smartphones avaient alors rediffusé en live sur Periscope et Meerkat l’événement – « en toute illégalité », selon les organisateurs qui avaient monnayé au prix fort les droits de diffusion auprès de chaînes payantes. @

Charles de Laubier