Le replay et le différé atteignent pour la première fois 10 minutes par jour sur l’audience TV totale

En 2016, la télévision de rattrapage (replay) et le visionnage en différé (time shifting) ont permis aux chaînes de télé de sauver la face. Grâce à ces deux modes de consommation délinéarisée inclus dans la mesure d’audience TV,
le petit écran compense l’érosion de son audience à l’antenne (live).

Selon nos informations obtenues auprès de Médiamétrie, le replay et le différé ont fait gagner en 2016 aux chaînes de télévision en France 10 minutes supplémentaires de durée d’écoute par individu – en moyenne chaque jour – par rapport à la durée d’écoute classique en live à l’antenne. Ce qui permet aux chaînes d’afficher pour l’an dernier un total de 3h43 par jour en moyenne de durée d’écoute par individu, soit en un an une baisse de seulement 1 minute en moyenne par jour et par individu.

Erosion du live et concurrence du Net
C’est la première fois que la télévision délinéarisée atteint la barre des 10 minutes
en moyenne par jour et par individu, contre 8 minutes en 2015. Cette consommation délinéarisée a représenté l’an dernier 4,5 % du total de l’audience TV, alors qu’elle
en représentait seulement 1,3 % il y a cinq ans (voir graphique ci-dessous). Il faut dire que depuis un an maintenant, le calcul des audiences des chaînes comprend non seulement les audiences des programmes visionnés en live (à l’antenne), mais aussi celles du différé et du replay sur un jour donné « quelle que soit la date de diffusion live initiale des programmes rattrapés ». Auparavant, depuis janvier 2011, Médiamétrie prenait en compte, en plus de l’antenne, le différé du jour même et des sept jours suivants sur les enregistrements personnels (magnétoscope numérique, DVD ou disque dur), auquel est venue s’ajouter, à partir d’octobre 2014, la télévision de rattrapage (replay ou catch up TV). Ce que Médiamétrie appelle « le délinéaire » (replay et différé) confirme la propension du public à s’affranchir de la grille des programmes imposés à heures fixes. Même ceux qui font la télévision se détourne de l’antenne… Lors des Rencontres cinématographiques de Dijon, le 22 octobre dernier, Delphine Ernotte n’a-t-elle pas avoué être de ceux qui ne regardent plus la télévision ? « Je regarde tout en rattrapage. Je suis passée de l’autre côté du miroir », avaient-elle confié (1).

Autrement dit, sans l’apport de la délinéarisation au travers de la télévision de rattrapage et du visionnage en différé (ce time shifting qui permet de regarder en
décalé les programmes enregistrés sur supports numériques), la télévision en France afficherait une chute d’audience bien plus importante. D’aucuns diront cependant que
si le rattrapage et le différé n’avaient pas existé, les téléspectateurs seraient probablement restés devant leur petit écran – dont l’audience live aurait ainsi été maintenue. Rien n’est moins sûr. La télévision perd petit à petit de son aura globale
au profit d’autres médias audiovisuels en ligne (plateformes vidéo, chaînes YouTube/Dailymotion, services de VOD, SVOD, …). C’est flagrant pour les chaînes nationales. Alors que la chaîne TF1 affichait encore 26,1 % de part d’audience (2)
en 2009, elle n’affiche plus que 20,4 % en 2016. France 2, qui était à 16,7 % en 2009,
a reculé à 13,4 % en 2016. Exception qui confirme la règle : M6 a été la seule grande chaîne à voir son audience progresser l’an dernier à 10,2 %, soit à peine en dessous
de sa part d’audience 10,8 % de 2009. Cette tendance à l’érosion de la télévision s’explique aussi par la multiplication des chaînes depuis le lancement de la TNT en novembre 2011 et de six chaînes haute définition en décembre 2012. La France métropolitaine compte à ce jour 31 chaînes nationales dont 9 chaînes nationales publiques, 18 chaînes nationales privées gratuites et 5 chaînes nationales payantes.
Ce PAF (3) comprend aussi 41 chaînes locales ou régionales. @

Charles de Laubier

Delphine Ernotte veut changer le nom de Pluzz et en faire une plateforme vidéo d’œuvres françaises

La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, a indiqué à Edition Multimédi@ que le lancement de la future plateforme vidéo (ex-Pluzz) sera lancée en mai 2017 – non pas en mars – avec du replay et de la VOD. Quant à la SVOD, dédiées aux films et séries en français, elle devrait être intégrée à l’automne.

« Comment arrive-t-on à réconcilier notre métier traditionnel avec des nouveaux usages, ces nouvelles façons d’aborder les films, le divertissement, les documentaires ou encore les fictions ? En étant présent sur ces nouveaux supports. C’est pour cela que nous avons lancé une forte refonte de notre plateforme traditionnelle gratuite Francetv Pluzz, qui va peut-être s’appeler autrement… C’est un scoop ! Parce que “Pluzz”… Bon… Voilà… », a annoncé la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte (photo), lors d’un dîner-débat du Club audiovisuel de Paris (CAVP), dont elle était l’invitée le 7 décembre dernier.
Sans dévoiler à ce stade la nouvelle appellation du service de vidéo à la demande (VOD) et de télévision de rattrapage (replay), elle a néanmoins constaté aussitôt que l’idée d’abandonner le nom de Pluzz était accueillie par des applaudissements nourris de la part des convives. En marge de ce dîner-débat, Delphine Ernotte a indiqué à Edition Multimédi@ que la future plateforme vidéo ne sera pas lancée en mars prochain comme elle l’avait envisagé, mais en mai. Le futur ex-Pluzz continuera à proposer dans un premier du replay gratuit et de la VOD payante, avant d’être élargi à la SVOD – la vidéo à la demande par abonnement – à partir de l’automne 2017.

« Francetv Pluzz », lancé tardivement en 2010
C’est en juin 2010 qu’avait été annoncé pour la première fois le lancement, le mois suivant (1), du service gratuit de télévision de rattrapage baptisé Pluzz – contraction des mots « play », « plus » et « buzz »… Ce nom quelque peu abscons avait été imaginé par les équipes dirigeantes du président de France Télévisions de l’époque, Patrick de Carolis, juste avant que ce dernier ne soit remplacé en août 2010 par Rémy Pflimlin, le prédécesseur de Delphine Ernotte. France Télévisions était alors parti en retard (2) sur ce marché naissant de la télévision de rattrapage, qui comptait déjà M6 Replay, Canal+ à la demande, Arte+7 ou encore MyTF1. Aujourd’hui, « Francetv
Pluzz » (3) permet non seulement de regarder gratuitement en direct les programmes des… 39 chaînes du groupe France Télévisions (France 2, 3, 4, 5, Ô, Franceinfo, les
24 déclinaisons régionales de France 3 et les 9 chaînes d’Outre-Mer), mais aussi de retrouver la majorité de ces programmes en replay – généralement pendant les 7 jours suivants leur diffusion, conformément aux accords avec les ayants droit. Au-delà de
ces 7 jours, la plupart de ces programmes sont disponibles en VOD sur « Francetv Pluzz VàD ».

Aide de Yves Bigot, DG de TV5 Monde
Selon le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), d’après un sondage d’Harris Interactive et Vertigo sur septembre dernier, « Francetv Pluzz VàD », arrive
en cinquième position des plateformes de VOD en France avec 16,9 % des consommateurs de ce type de plateforme – derrière MyTF1 VOD, Orange, Netflix et CanalPlay VOD. Mais Delphine Ernotte, à la tête des chaînes de télévision publiques depuis quinze mois maintenant, est décidée à faire du futur ex-Pluzz une plateforme vidéo globale d’envergue francophone. « Il s’agit de la rendre plus ergonomique et plus facile d’accès. Nous souhaitons aussi, car c’est notre rôle au sein du service public, trouver un modèle économique qui nous permette avec l’offre par abonnement [SVOD, ndlr] d’exposer les œuvres en français. On a Netflix, avec des œuvres américaines ;
on va avoir Amazon [Amazon Prime Vidéo a été lancé le 14 décembre dernier dans le reste du monde, dont la France, en plus des cinq pays d’origine, lire p 3, ndlr]… des œuvres américaines. Il faut absolument avoir face à ces offres-là, qui sont formidables (je ne critique pas), l’équivalent avec des œuvres françaises : des documentaires français, des films français, des fictions françaises, des films d’animation français, des spectacles vivants français, … », a-t-elle exposé devant les professionnels de l’audiovisuel.
Pour l’aider à faire rayonner la future plateforme vidéo sur la francophonie, Delphine Ernotte a révélé ce soir-là avoir accepté « la proposition de service » de Yves Bigot, directeur général de TV5 Monde, lequel plaide aussi en faveur d’une plateforme de SVOD francophone (4). « Il faut déjà que l’on avance déjà sur la version de base française. Je pense que l’on va aboutir. Ce n’est pas un sujet économique car, entre nous, pour France Télévisions qui ne possède pas de catalogue, ce n’est pas cela qui va nous permettre de (nous) financer. En revanche, c’est un enjeu démocratique que l’on doit porter parce que l’on pèse 50 % du financement de la création », a-t-elle justifié. Selon nos informations, les négociations avec les organisations de producteurs cinématographiques (Bloc, Blic et ARP) n’ont pas encore eu lieu. Intervenant lors du dîner du CAVP, Frédéric Goldsmith, délégué général de l’Union des producteurs de cinéma (UPC) s’est d’ores et déjà félicité de cette initiative : « Vous avez évoqué un projet d’une audace considérable qui est un service de SVOD à dimension francophone, concurrent de Netflix et d’Amazon. Je pense que l’on a pas assez
relevé le défi que cela représente. Il faut vous soutenir totalement dans cette démarche. J’ai envie de vous dire : “Chiche, allons-y !”. Mais allons-y franchement, parlonsen concrètement, faisons cesser la frilosité sur ce sujet, et donnons une dimension ambitieuse à la marque “France Télévision” comme référence culturelle et franco-
phone », a-t-il déclaré enthousiaste.
Lors des Rencontres cinématographiques de Dijon, le 22 octobre dernier, Delphine Ernotte avait avoué être de ceux qui ne regardent plus la télévision : « Je regarde tout en rattrapage. Je suis passée de l’autre côté du miroir », tout en déplorant de ne pas trouver sur la plateforme Pluzz une rubrique cinéma dont les films ne sont pas en replay. « Cela dévalue le cinéma. Il n’existe plus et c’est un vrai problème. Je vais donc regarder les téléfilms, les séries et les documentaires où il y a aussi beaucoup de création. Il faut mettre du rattrapage sur le cinéma ». La catch up de films est donc,
à ses yeux, vitale pour le cinéma. Or les organisations du 7e Art français posent leurs conditions, comme la société civile des Auteurs-Réalisateurs- Producteurs (ARP) qui, selon son vice-président Dante Desarthe, souhaite en contrepartie une coproduction des films concernés. Quant au syndicat UPC, co-présidé par Xavier Rigault qui s’est aussi exprimé à Dijon, il se dit « assez prudent » sur le replay car il craint « la dévalorisation des films dans le non-linéaire » assimilé au gratuit.
Pas question pour l’UPC de voir des films en replay sur les chaînes gratuites de France Télévisions (sauf sur un délai très court ou 2 jours), alors que cela ne lui pose pas de problème avec les chaînes payantes Canal+ et OCS. Autant dire que pour la future plateforme de SVOD, dont Delphine Ernotte a fait son cheval de bataille depuis la présentation de ce projet devant le CSA lors de sa candidature à la présidence de France Télévisions (5), a plus de chance avec le cinéma d’aboutir que le replay .

Un « Google de la création française » ?
Si la présidente de France Télévisions évoquait pour la première fois – ce 7 décembre – l’abandon du nom Pluzz, elle avait en revanche déjà fait état de son ambition de lancer une plateforme SVOD à la française.
A défaut d’avoir réussi à convaincre les autres chaînes françaises (TF1 et M6), Delphine Ernotte se tourne vers les producteurs et les chaînes francophones d’autres pays. Il y a un peu plus d’un an, le 28 octobre 2015, elle parlait de créer un « Google
de la création française » là où Vincent Bolloré (patron de Vivendi) rêve de lancer un
« Netflix européen » et Alain Rocca (producteur de films) souhaite faire de son service de VOD/SVOD UniversCiné une plateforme paneuropéenne. @

Charles de Laubier

Le premier quotidien national Le Figaro, détenu par Serge Dassault, ne pèse plus que 20 % du groupe

Il y a un an, le groupe Le Figaro finalisait l’acquisition de CCM Benchmark qui édite Linternaute.com, Commentcamarche.net, Journaldesfemmes.com ou encore Journaldunet.com. Le groupe média de Serge Dassault poursuit sa diversification en ligne, au risque de réduire le quotidien à une portion congrue.

Le groupe Le Figaro devrait réaliser cette année 530 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit une hausse de 6 % sur un an (1). Mais son quotidien – le plus ancien de la presse française puisque né il y a… 190 ans et aujourd’hui premier au niveau national (hormis Ouest-France) – ne pèse plus lourd au sein de ce conglomérat de médias, de e-commerce et de hors médias en termes de revenu et de diffusion.

Version numérique à la rescousse
La diversification du groupe Le Figaro, détenu depuis une douzaine d’années par l’industriel milliardaire et sénateur de l’Essonne Serge Dassault (2), a été boostée il y
a un an par l’intégration de la société CCM Benchmark rachetée environ 120 millions d’euros – pour un chiffre d’affaires à l’époque de 36 millions d’euros (a priori stable en 2016) et une bonne rentabilité. Mais le quotidien s’en est retrouvé un peu plus dilué dans cette diversification numérique tous azimuts : le journal papier, déficitaire, devrait à peine dépasser les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année, soit seulement 20 % du chiffre d’affaires global du groupe.
Le titre-phare est ainsi largement dépassé par les revenus globaux du digital, lequel devrait peser 35 % du chiffre d’affaires du groupe cette année – et surtout 60 % de ses profits (3). Et à cette dilution du quotidien s’ajoute l’érosion continue de sa diffusion payée, avec un nouveau recul de 2,40 % enregistré sur 2015-2016, d’après l’APCM (ex-OJD) : Le Figaro se vend à 305.387 exemplaires en moyenne par jour. Et encore, ce décompte certifié inclut les ventes quotidiennes moyennes de 47.830 versions numériques – ces exemplaires digitaux qui sont l’équivalent de la totalité du journal papier mais au format tablette ou smartphone. Cette proportion de 20 % de versions numériques va être amenée à croître, le directeur général du groupe, Marc Feuillée (photo), tablant sur 70.000 versions numériques d’ici deux ans. Autrement dit, comme pour l’ensemble des quotidiens de la presse française, ces éditions de type PDF en croissance permettent de garder bonne figure malgré une diffusion imprimée en baisse continue.
Les ventes de celui qui se revendiquait – en Une jusqu’à fin 1999 – être « le premier quotidien national français » font pâle figure au regard de l’audience numérique de l’ensemble « Groupe Figaro CCM Benchmark » qui s’exprime, elle, en millions de visiteurs uniques : 30,5 millions provenant d’ordinateurs, de mobiles et/ou de tablettes en juillet dernier, selon les derniers chiffres « Internet global » en date de Médiamétrie. En octobre cette fois et seulement à partir d’un ordinateur, le nombre de visiteurs uniques est de plus de 23,2 millions – derrière Google (41,6 millions), Microsoft (35,5 millions) et Facebook (27,6 millions). Si l’on s’en tient à l’audience mobile à partir d’un smartphone, celle du « Groupe Figaro CCM Benchmark » dépasse les 16,8 millions de visiteurs uniques au mois d’août (dernière mesure disponible) – derrière Google (34,5 millions) et Facebook (31,8 millions). Seule consolation pour le quotidien, son site web Lefigaro.fr affiche en octobre plus de 9,6 millions de visiteurs uniques sur ordinateur,
ce qui le place devant les 7,9 millions sur Lemonde.fr.
Condamné à trouver des relais de croissance en ligne, afin de résister aux deux rouleaux compresseurs de la publicité en ligne que sont Google et Facebook, le groupe média et hors média de Serge Dassault poursuit sa stratégie d’acquisitions dans le numérique entamée dans les années 2000. Objectif revendiqué : être « le premier groupe média digital français », pendant du « premier quotidien français », quitte à s’éloigner de son métier d’origine d’éditeur de presse en étant de plus en plus e-commerçant, société de services, croisiériste ou encore touropérateur. Cela a commencé avec Météo Consult/La Chaîne Météo (infos météo), Adenclassified devenu Figaro Classifieds (petites annonces (4)), Sport24 (informations sportives), Ticketac (billetterie) et autres sites web thématiques (santé, automobile, …), en passant par la plateforme vidéo pionnière MySkreen, dont l’éditeur français The Skreenhouse Factory était détenu par le groupe Figaro et Habert Dassault Finance (5) jusqu’à sa liquidation début 2015. Après avoir acheté à l’automne dernier Lesmaisonsduvoyage.com, site qui lui apporte 40 millions d’euros de revenu, le groupe a annoncé début décembre s’être emparé de l’agence de publicité en ligne Mensquare spécialisée dans les « contenus de marques » (brand content). A noter que Le Figaro s’aventure aussi dans la VOD via le site de TV magazine (Tvmag.com).

Data, Audience, régie et programmatique
Depuis que le centre névralgique du groupe a basculé dans le numérique, la data est en passe d’occuper une vingtaine de personnes regroupées sous la houlette du Chief Data Officer (CDO), Samuel Profumo. Le groupe de plus en plus hors média a en outre confié toutes les données de ses dizaines de sites web à la société californienne Krux Digital, spécialiste de la gestion de données à des fins publicitaires (6), tandis que ses mesures d’audiences sont assurées par Google Analytics, et sa publicité programmatique par la société new-yorkaise AppNexus. Il y a un an aussi, Media.Figaro est née de la régie du Figaro et de CCM pour constituer une même
« régie globale ». @

Charles de Laubier

Wild Bunch et Filmo TV sont mis en vente par Lazard

En fait. Le 30 novembre, un porte-parole du groupe Wild Bunch à confirmé notre information selon laquelle le groupe franco-allemand de distribution et de production de films, et éditeur de la plateforme Filmo TV de VOD/SVOD, a
confié un mandat à la banque Lazard « pour renforcer [ses] fonds propres ».

Ce qui attend Isabelle de Silva, nouvelle présidente de l’Autorité de la concurrence

Fraîchement nommée à la tête de l’Autorité de la concurrence, par décret du président de la République daté du 14 octobre dernier, Isabelle de Silva (conseillère d’Etat) a prononcé le 8 novembre sa première décision (contre SFR). Mais le plus dure reste à venir, notamment dans l’audiovisuel et le numérique.

Sa toute première décision, rendue le 8 novembre, est une amende de 80 millions d’euros infligée à l’encontre du groupe Altice pour avoir brûlé les étapes – via sa filiale Numericable
à l’époque (1) – dans le rachat de SFR et de Virgin Mobile.
La successeure de Bruno Lasserre, Isabelle de Silva (photo),
a condamné le groupe de Patrick Drahi pour avoir accédé à
de nombreuses informations stratégiques sur ses deux cibles avant même d’avoir obtenu le feu vert de l’Autorité de la concurrence (2).

Canal+, OTT, Booking.com, …
Ce baptême du feu pour Isabelle de Silva n’est qu’une mise en jambes pour cette conseillère d’Etat qui va devoir affronter des dossiers autrement plus épineux. Certes, elle est membre du collège de l’Autorité de la concurrence depuis mars 2014 et a déjà eu à traiter de grosses affaires comme celle l’an dernier de la plateforme en ligne de réservation hôtelière Booking.com – laquelle a remis son rapport d’engagements qu’Isabelle de Silva doit examiner d’ici le 1er janvier 2017 lors d’une séance contradictoire. Mais cette fois, cette surdiplômée (Ena, Hec, Cems, licence de Philosophie), se retrouve propulsée au devant de la scène pour cinq ans de mandat.
Le premier vrai gros dossier qu’elle devra affronter est assurément celui de Canal+, dont les 33 restrictions imposées à la filiale de télévision payante du groupe Vivendi après la prise de contrôle de TPS et CanalSatellite en 2006 – il y a maintenant dix ans – arrivent à échéance l’an prochain, le 23 juillet 2017 précisément. L’Autorité de la concurrence, qui pourra prolonger ou pas ces mesures correctrices pour cinq ans supplémentaires à l’issue d’une nouvelle analyse, a déjà prévu de rendre sa décision
« au plus tard le 23 juin 2017 » à l’issue d’échanges contradictoires avec le groupe Canal+. Pour y voir plus clair, elle a mené de juillet à fin septembre une consultation publique « auprès des éditeurs de chaînes payantes et gratuites, et des nouveaux entrants comme Netflix voire Amazon en France, pour voir ce qui a changé » (3). Isabelle de Silva et les sages de la rue de l’Echelle s’interrogent d’ores et déjà sur
« l’impact concurrentiel de l’entrée de nouveaux acteurs de la télévision linéaire (comme SFR Sport) ou non linéaire (comme Netflix) », que cela soit sur les marchés
de l’acquisition de droits de diffusion que sur les marchés de distribution de services
de télévision payante. L’Autorité de la concurrence a déjà commencé à analyser « dans quelle mesure l’émergence de nouveaux usages, comme l’accès aux chaînes de télévision au moyen d’une simple connexion Internet (offres dites “Over-The-Top”) modifie le fonctionnement concurrentiel des marchés ». Parmi les mesures correctrices en vigueur depuis dix ans, Canal+ doit, par exemple : limiter à trois ans la durée des accords-cadre (output deals) conclus avec les majors américaines pour l’achat de droits de diffusion de films en TV payante ; acheter séparément auprès des majors les droits de diffusion pour la VOD et la SVOD, sur une base non exclusive et sans les coupler avec des achats de droits pour une diffusion linéaire de TV payante ; s’abstenir de demander à ce que sa plateforme VOD ou SVOD soit distribuée de manière exclusive sur les plateformes des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ; dégrouper les chaînes cinéma du bouquet CanalSat éditées par le groupe Canal+ avec un maintien de leur qualité pour les mettre à la disposition de tout distributeur qui en fait la demande.
Le dossier Canal+ a déjà connu des rebondissements, tels que le retrait de l’autorisation de rachat de TPS et CanalSatellite prononcé par le gendarme de la concurrence en 2011 en raison de plusieurs manquements aux engagements de 2006 (autorisation rétablie en 2012, puis, après annulation en Conseil d’Etat, en 2014…). Plus récemment, en juin, l’Autorité de la concurrence s’est opposée à l’accord de distribution exclusive entre Canal+ et beIN Sports que Vincent Bolloré – devenu président de Vivendi (4) – avait projeté pour redresser la chaîne cryptée (5). Isabelle de Silva n’est pas au bout de ses peine dans ce dossier épineux. Sa sensibilité « culture », pour avoir été conseillère technique en 1999 et 2000 de Catherine Traumann, alors ministre de la Culture et de la Communication, l’aidera sûrement à appréhender le nouveau Canal+ en vigueur depuis le 15 novembre et plus que jamais premier pourvoyeur de fonds du cinéma français (6).

Publicité en ligne
Autre gros dossier hérité de Bruno Lasserre : la publicité en ligne. Le 23 mai dernier, l’Autorité de la concurrence s’était en effet auto-saisie « pour avis » afin d’« analyser les conditions d’exploitation des données dans le secteur de la publicité en ligne » – avec Google et Facebook en ligne de mire (7). Y a-t-il position dominante et conflits d’intérêts ? Isabelle de Silva devra répondre (8) à ces questions au second semestre 2017. @

Charles de Laubier