La lourde responsabilité de la « Cnil » irlandaise

En fait. Le 23 avril, la présidente de la Cnil a annoncé sur Franceinfo qu’elle va « saisir de façon officielle la “Cnil” irlandaise [la DPC] sur les conditions de collecte et d’exploitation des données sur cette application TikTok Lite ». Ou comment son homologue de Dublin est devenue centrale en Europe.

Le Bureau européen de l’IA forme son bataillon

En fait. Le 27 mars à midi est la date limite pour se porter candidat à l’une des offres d’emploi du « Bureau de l’IA » (AI Office) créé au sein de la Commission européenne par l’AI Act dont la version finale sera soumise le 22 avril au vote du Parlement européen. Sont recrutés des techniciens et des administratifs.

Abonnements payants de Facebook et Instagram en Europe : Meta se heurte aux exigences du RGPD

Pour Instagram ou Facebook sans publicités, il en coûte désormais aux Européens 9,99 euros par mois sur le Web et même 12,99 euros sur application mobile. C’est cher payé pour ne plus être ciblé dans sa vie privée. Et le consentement « libre » des utilisateurs exigé par le RGPD est-il respecté ?

La Quadrature du Net n’a pas réussi à « faire tomber » l’ex-Hadopi devant le juge européen

L’association de défense des libertés fondamentales La Quadrature du Net n’a pas convaincu l’avocat général de la Cour de Justice européenne (CJUE) que l’Hadopi – devenue, avec le CSA en 2022, l’Arcom – agissait illégalement dans le traitement des données personnelles pour la riposte graduée. Comme la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) suit souvent – à près de 80% selon les statistiques – les conclusions de son avocat général, il y a fort à parier que cela sera le cas dans l’affaire « La Quadrature du Net versus Hadopi ». En l’occurrence, le 28 septembre 2023, l’avocat général de la CJUE – le Polonais Maciej Szpunar (photo) – conclut que la conservation et l’accès à des données d’identité civile, couplées à l’adresse IP utilisée, devraient être permis lorsque ces données constituent le seul moyen d’investigation permettant l’identification d’auteurs d’infractions exclusivement constituées sur Internet. 15 ans de combat contre la loi Hadopi La Quadrature du Net (LQDN) est donc en passe de perdre un combat qu’elle a engagé il y a quinze ans – contre la loi Hadopi et contre l’autorité administrative indépendante éponyme pratiquant la « réponse graduée » à l’encontre de pirates présumés sur Internet de musiques et de films ou d’autres contenus protégés par le droit d’auteur. L’association française défenseuse des libertés fondamentales à l’ère du numérique était repartie à la charge contre l’Hadopi. Et ce, en saisissant en 2019 le Conseil d’Etat – avec FDN (1), FFDN (2) et Franciliens.net – pour demander l’abrogation d’un décret d’application de la loi « Hadopi » signé par le Premier ministre (François Fillon à l’époque), le ministre de la Culture (Frédéric Mitterrand) et la ministre de l’Economie (Christine Lagarde). Ce décret « Traitement automatisé de données à caractère personnel » (3) du 5 mars 2010 permet à l’ex-Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) – devenue l’Arcom (4) en janvier 2022 par fusion avec le CSA – de gérer un fichier « riposte graduée » constitué de données obtenues auprès des ayants-droits (les adresses IP) et des fournisseurs d’accès à Internet (l’identité civile). L’association LQDN a considéré devant le Conseil d’Etat que « la riposte graduée est doublement contraire au droit de l’Union européenne ». « D’une part, elle repose sur un accès à l’adresse IP des internautes accusés de partager des fichiers. D’autre part, elle implique l’accès à l’identité civile de ces internautes. Or, la CJUE estime que seule la criminalité grave permet de justifier un accès aux données de connexion (une adresse IP ou une identité civile associée à une communication sont des données de connexion). L’accès par l[‘]Hadopi à ces informations est donc disproportionné puisqu’il ne s’agit pas de criminalité grave » (5). A ces griefs portés par LQDN à l’encontre de la réponse graduée s’ajoute le fait que ce même décret oblige les opérateurs télécoms – Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free principalement – et les hébergeurs à conserver pendant une durée d’un an les données de connexion de l’ensemble des internautes, à savoir leurs identifiants, la date, l’heure et l’objet de leurs consultations. C’est par cette conservation généralisée des données de connexion – en particulier de l’adresse IP considérée comme une donnée personnelle depuis une décision (6) de la Cour de cassation en 2016 (subordonnant leur collecte à une déclaration préalable auprès de la Cnil) – que l’Hadopi (devenue Arcom) peut identifier les internautes « flashés » sur le Net. Rappelons que depuis près de quinze ans maintenant, ce sont les organisations de la musique (SCPP, Sacem/SDRM et SPPF) et du cinéma (Alpa) qui fournissent à l’Hadopi-Arcom les millions d’adresses IP collectées par la société nantaise Trident Media Guard (TMG) sous le contrôle de la Cnil (7). Or, n’a cessé de rappeler LQDN, ce régime de conservation généralisée des données de connexion est contraire au droit de l’Union européenne puisque la CJUE elle-même s’est opposées – dans quatre arrêts différents (2014, 2016, 2020 et 2022) – à toute conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion, sauf à deux conditions cumulatives : qu’il s’agisse d’affaires de criminalité grave et à la condition qu’il y ait un contrôle préalable de ces accès par une autorité indépendante. LQDN avait « enfoncé le clou », selon sa propre expression, en posant lors de sa saisine du Conseil d’Etat une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la Constitution d’une loi lorsque celle-ci (loi Hadopi de 2009 et son décret « Traitement automatisé de données à caractère personnel ») est cruciale pour la résolution d’un litige. Adresse IP : « Petit couac », grande procédure Dans une décision alambiquée rendue le 20 mars 2020, le Conseil constitutionnel a censuré le mot « notamment » jugé anticonstitutionnelle dans l’article 5 de la loi dite « Hadopi 1 » (8). Les juges du Palais-Royal avaient ainsi ordonné à l’Hadopi de s’en tenir aux seules données personnelles que sont « l’identité, l’adresse postale, l’adresse électronique et les coordonnées téléphoniques » de l’abonné concerné (9). Or dans cette énumération, il n’y a pas l’adresse IP parmi les données personnelles. « Petit couac pour la Hadopi », s’était alors félicitée LQDN. Les quatre associations françaises ont profité de cette brèche pour remonter au créneau juridictionnel en affirmant que l’accès par l’Hadopi- Arcom aux adresses IP des internautes contrevenants est illégal (car il n’y a pas de criminalité grave au sens de la CJUE) et que le décret permettant d’enregistrer ces adresses IP serait sans fondement depuis cette censure partielle du Conseil constitutionnel (l’adresse IP n’étant pas mentionné). Deux mêmes conclusions de l’avocat général Pour une nouvelle audience publique organisée précipitamment par Conseil d’Etat le 3 mai 2021 dans le cadre de cette même affaire (n°433539), les associations LQDN, FDN, FFDN et Franciliens.net ont déposé un nouveau mémoire (10) développant ces deux points susceptibles de « faire tomber » l’Hadopi. « Le Conseil d’Etat a décidé de botter en touche et de transmettre à la CJUE une “question préjudicielle” (c’est-à-dire une question relative à l’interprétation du droit de l’UE) sur l’accès par la Hadopi à l’identité civile à partir de l’adresse IP d’une personne. Rien concernant l’accès à l’adresse IP préalable à l’accès à l’identité civile. Rien non plus concernant la conservation de ces données, alors même que la question de l’accès est intimement liée à celle de la conservation », avait pointé LQDN. Le mémoire, déposé par l’avocat des associations, Alexis Fitzjean Ó Cobhthaigh, conclut que « le décret [“Traitement automatisé de données à caractère personnel” du 5 mars 2010] attaqué a été pris en application de dispositions législatives contraires à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne […], ainsi qu’à […] la directive [“ePrivacy”] du 12 juillet 2002 en ce qu’il organise l’accès par [l‘Hadopi] à des données de connexion ». Donc, « le refus, opposé par le Premier ministre, d’abroger ces dispositions, est illégal et ne pourra ainsi qu’être annulé ». A la question préjudicielle transmise par le Conseil d’Etat, l’avocat général de la CJUE Maciej Szpunar avait une première fois – le 27 octobre 2022 (affaire n°C-470/21) – présenté ses conclusions : « L’article 15, paragraphe 1, de la directive [“ePrivacy”], lu à la lumière […] de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, […] ne s’oppose pas à une réglementation nationale [la loi Hadopi et son décret contesté en France, ndlr] permettant la conservation […] des données d’identité civile correspondant à des adresses IP […] lorsque ces données constituent le seul moyen d’investigation permettant l’identification de la personne à laquelle cette adresse était attribuée au moment de la commission de l’infraction » (11). Fermez le ban ? Or coup de théâtre, la grande chambre de la CJUE a demandé le 7 mars 2023 le renvoi de cette affaire à l’assemblée plénière. Par cette réouverture de la procédure pour poser des questions orales, notamment sur l’identité civile correspondant à une adresse IP (12) et en présence cette fois du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) et de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA), l’avocat général Maciej Szpunar a dû « approfondir certains éléments de [son] raisonnement ». Mais ses deuxièmes conclusions présentées le 28 septembre 2023 s’avèrent identiques (13) aux premières du 27 octobre 2022. Tout ça pour ça, pourrait-on dire. La réponse graduée est donc sur le point – sans préjuger du verdict final de la CJUE – d’être confortée au regard du droit de l’Union européenne, alors que le traitement automatisé de données à caractère personnel de la loi Hadopi de 2009 et de son décret du 5 mars 2010 semblaient « hors-la-loi ». Faut-il rappeler le fonctionnement de la réponse graduée : Dans un premier temps, et sans contrôle préalable par une juridiction ou une entité administrative, l’adresse IP (donnée personnelle) de l’internaute collectées par les ayants droit est transmise au FAI (14) par l’Arcom (ex-Hadopi) pour obtenir d’eux (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free) l’identité civile de l’internaute présumé « pirate du Net » ; Dans un second temps, l’Arcom (ex-Hadopi) adresse à ce dernier une recommandation lui enjoignant de s’abstenir de tout nouveau manquement, suivie d’un nouvel avertissement en cas de renouvellement de l’atteinte. S’il n’est pas tenu compte des deux premiers avertissements et qu’une troisième atteinte a lieu, l’Arcom (ex-Hadopi) peut saisir l’autorité judiciaire compétente en vue d’engager des poursuites pénales. La réponse graduée porte-t-elle atteinte à la vie privée de l’internaute ? Réponse de Maciej Szpunar : « Ainsi que je l’ai souligné, la gravité de l’ingérence que suppose la mise en relation d’une donnée d’identité civile et d’une adresse IP est bien moindre que celle résultant de l’accès à l’ensemble des données de trafic et de localisation d’une personne, dans la mesure où cette mise en relation n’apporte aucun élément permettant de tirer des conclusions précises sur la vie privée de la personne visée ». Ce à quoi l’avocat général ajoute : « Ainsi que je l’ai déjà souligné, (…) l’obtention des données d’identité civile correspondant à une adresse IP est le seul moyen d’investigation permettant l’identification de la personne à laquelle cette adresse était attribuée au moment de la commission de l’infraction en cause ». Mise en cause de la jurisprudence existante ? Pour convaincre la CJUE, il précise tout de même que « la solution qu[‘il] propose vise non pas à remettre en cause la jurisprudence existante, mais à permettre, au nom d’un certain pragmatisme, son adaptation en des circonstances particulières et très étroitement circonscrites ». L’affaire semble entendue. A moins que la CJUE ne suivent pas les conclusions de son avocat général, comme cela est le cas dans plus de 20 % des affaires tout de même… A suivre. @

Charles de Laubier

Différence entre les blocages de TeamAlexandriz (2021) et de Z-Library (2022) : le rôle de l’Arcom

Prise le 25 août 2022 par le tribunal judiciaire de Paris, la décision de blocage des adresses Internet de Z-Library – vaste bibliothèque en ligne – est applaudie par les maisons d’édition en France. Mais le piratage d’ebooks, avec ses sites miroirs désormais listés par l’Arcom, est sans frontières. Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free sont obligés rendre inaccessible sur l’Hexagone la bibliothèque en ligne Z-Library, condamnée pour contrefaçon de livres numériques. Edition Multimédi@ a constaté que le blocage sur les « box » de ces fournisseurs d’accès à Internet (FAI) était effectif : « Désolé, impossible d’accéder à cette page », nous a confirmé le navigateur en voulant par exemple aller sur « fr.z-lib.org » ou sur « http://z-lib.org ». Le jugement du 25 août 2022, que nous nous sommes procurés (1), liste 209 noms de domaine de Z-Library à rendre inaccessibles « pendant une durée de 18 mois ». Sont ainsi neutralisés autant de sites dits « miroirs » permettant jusqu’alors d’entrer dans cette bibliothèque parallèle géante, qui est une des multiples déclinaisons de Library Genesis d’origine russe. Listes noires des sites et des miroirs Le Syndicat national de l’édition (SNE) et une douzaine de maisons d’édition (Actes Sud, Albin Michel, Cairn, Editis, Hachette Livre, Humensis, Lefebvre-Sarrut, LexisNexis, Madrigall, Maison des Langues, Odile Jacob, et les Presses de Science Po) avaient attaqué le 29 juin 2022 le site web Zlibrary devant le tribunal judiciaire de Paris, dans le cadre d’une procédure accélérée au fond. Vingt-cinq jours après le rendu de la décision de blocage (le temps que la signification du jugement aux FAI soit faite aux interressés), le SNE s’est notamment félicité des « nouvelles prérogatives confiées à l’Arcom en matière d’extension du blocage à tout lien redirigeant vers une réplique de site bloqué ». Et pour cause, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (née de la fusion entre le CSA et l’Hadopi) se retrouve aux avant-postes de la lutte contre le piratage en ligne. Et ce, depuis la promulgation il y a presqu’un an de la loi du 25 octobre 2021 « relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique » (2). C’est cette loi « Anti-piratage » qui a porté sur les fonts baptismaux législatifs l’Arcom – présidée par Roch-Olivier Maistre (photo) jusqu’en janvier 2025 – en lui attribuant de nouveaux pouvoirs de régulation, notamment en la chargeant de constituer « une liste » – surnommée, hors texte de loi, « liste noire » – des « services porta[n]t atteinte, de manière grave et répétée, aux droits d’auteur ou aux droits voisins ». En outre, l’Arcom a le pouvoir supplémentaire de « lutte contre les sites miroirs ». Ainsi, la loi « anti-piratage » a rajouté une disposition « sites miroirs » dans le code de la propriété intellectuelle (CPI) qui permet à « un titulaire de droits partie à la décision judiciaire » – par exemple l’un des douze maisons d’édition dans l’affaire « ZLibrary » – de saisir l’Arcom pour lui demander de mettre à jour la décision de blocage avec les nouvelles adresses Internet des sites miroirs. En l’occurrence, le blocage à effectuer par les FAI devra suivre l’évolution de la liste noire qui dépassera sûrement les 209 noms de domaine initialement identifiées. Pour l’heure, dans l’affaire « Z-Library », la décision de justice a été rendue le 25 août 2022 : il ne reste plus qu’à un ayant droit concerné de saisir l’Arcom en s’appuyant sur l’article L. 331-27 du CPI. Que dit-il ? « Lorsqu’une décision judiciaire passée en force de chose jugée a ordonné toute mesure propre à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne en application de l’article L. 336-2 [du CPI, nous y reviendrons, ndlr], l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique [Arcom], saisie par un titulaire de droits partie à la décision judiciaire, peut demander à toute personne visée par cette décision (…) d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service mentionné par ladite décision ». Bref, toute nouvelle apparition d’un site miroir lié de près ou de loin à la plateforme pirate condamnée devra faire aussi l’objet d’un blocage de la part non seulement des quatre principaux opérateurs télécoms français mais aussi des moteurs de recherche ou des annuaires de référencement (si le juge le décide). Pour ce faire, c’est l’Arcom qui communiquera « précisément » à tous ces acteurs « les données d’identification du service en cause » à bloquer et à déréférencer. La loi « anti-piratage » prévoit même que l’Arcom passe des accords avec« les ayants droit et toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes aux droits d’auteur et droits voisins en ligne » pour déterminer notamment les conditions d’« information réciproque » sur l’existence de tout site miroir. Saisines « L. 336-2 » et « L. 331-27 » L’Arcom peut en outre – « en cas de difficulté » – demander aux services de communication au public en ligne de se justifier. En lisant la fin de l’article L. 331-27 du CPI, l’on comprend implicitement que l’Arcom peut saisir, « en référé ou sur requête », l’autorité judiciaire pour « ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès à ces services ». Cette saisine-là peut se faire « sans préjudice de la saisine prévue à l’article L. 336-2. ». Il y a donc deux types de saisine des tribunaux pour faire bloquer et déréférencer des sites web pirates d’œuvres ou d’objets protégés par le droit d’auteur : la saisine « L. 336-2 » par des titulaires de droits, leurs ayants droit, des organismes de gestion collective, des organismes de défense professionnelle, ou même par le CNC – le Centre national du cinéma et de l’image animée (3) ; la saisine « L. 331-27 » par l’Arcom (bien que cela ne soit pas clairement spécifié dans le texte de loi) lorsqu’elle-même est saisie par un titulaire de droits concerné par la décision judiciaire rendue à l’issue de la première saisine. Cette justice à deux détentes (liste noire initiale des sites web à neutraliser, liste noire mise à jour avec les sites miroirs) tend vers le black-out – total ? – de la plateforme incriminée. Prochains : Pirate Library Mirror, Bookys, … « Ce succès collectif vient conclure l’expérimentation inédite de cette procédure pour le livre, et ouvre la voie à de nouvelles actions – des éditeurs et du SNE – de blocage et de déréférencement, rapides et systématiques, contre des sites web proposant des contenus illicites violant le droit d’auteur », a prévenu le syndicat présidé par Vincent Montagne (PDG du groupe franco-belge Média-Participations). Autant lors de la précédente affaire « Team Alexandriz », dont les responsables ont été condamnés au pénal en mai 2021 au bout de dix ans de procédure judiciaire (4), les sites miroirs passaient sous les radars, autant depuis la loi « Anti-piratage » d’octobre 2021 permet aux ayants droit et à l’Arcom d’agir devant la justice contre la résurgence de sites miroir dans une même affaire de type « Z-Library ». « Se présentant “comme une bibliothèque gratuite depuis 2009”, mais proposant un modèle payant d’accès aux œuvres contrefaites, le site Z-Library accessible via de multiples adresses, proposait un accès à plus de 8 millions de livres – tous secteurs éditoriaux confondus – et 80 millions d’articles piratés », précise le SNE qui compte 700 éditeurs français adhérents. Le site Z-Library (ex-BookFinder ou BookFi, alias B.ok.cc), affichait, lui, avant d’être blacklisté, un catalogue de 11,1 millions de livres et plus de 84,8 millions d’articles. Quelques jours avant d’être bloqué par Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free, cette « plus grandes bibliothèques en ligne dans le monde » lançait une « campagne de collecte » jusqu’au 1er octobre 2022 en guise d’« appel de fonds à tous ceux qui veulent contribuer encore plus au soutien et au développement de notre projet » (5). Certains internautes avisés peuvent contourner le blocage-filtrage par nom de domaine mis en place par les FAI (les DNS étant retirés de leurs répertoires d’adresses IP) et les principaux moteurs de recherche (déréférencement). La précédente affaire « Team Alexandriz » avait été enclenchée il y a dix ans, avec là aussi la plainte du SNE, déposée en novembre 2012 avec six grands éditeurs français – Hachette, Editis, Gallimard, Albin Michel, La Martinière et Actes Sud. Le site qui se revendiquait comme le « n°1 sur les ebooks FR » avait cessé de fonctionner dès fin août 2013 mais la procédure judiciaire a continué pour s’éterniser près de dix ans (6), jusqu’à la condamnation pour contrefaçon de neuf des douze prévenus avec « circonstance aggravante de bande organisée ». Entre mai 2010 et juin 2013, était-il précisé, ce fut plus de 23.942 livres qui avaient été piratés, qu’il s’agisse de livres numériques sur lesquels les mesures de protection avaient été retirées ou de livres imprimés illégalement numérisés et corrigés (7). Certains responsables de Team Alexandriz ont écopé de peines d’emprisonnement avec sursis et le tribunal a condamné les neuf à « 10.000 euros de dommages et intérêts pour chaque éditeur et pour le SNE, en réparation du préjudice subi ». C’est relativement peu au regard de la peine maximale qu’ils encouraient : trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, selon l’article L335-4 du CPI (8). Avec la loi « Anti-piratage » et le renfort de l’Arcom dans les actions judiciaires en « procédure accélérée », le SNE et les maisons d’éditions disposent désormais d’un double-levier procédural à leur disposition. A qui le tour : à Pirate Library Mirror ? Ce site web déclare : « Nous violons délibérément la loi sur le droit d’auteur dans la plupart des pays. (…) Miroir – Nous sommes strictement un miroir des bibliothèques existantes. (…) La première bibliothèque que nous avons reflétée est Z-Library. C’est une bibliothèque populaire (et illégale). Ils ont pris la collection Library Genesis et l’ont rendue facilement consultable » (9). Ou bien à Bookys ? Ce site web le reconnaît : « En rendant le téléchargement gratuit, Bookys enfreint les règles de protection des droits d’auteurs » (10). Reste que la portée de ces condamnations au pénal pour contrefaçon a ses limites puisque celles-ci ne s’appliquent qu’en France. Alors que les sites et de leurs sites miroirs présumés pirates sont sans frontières. Le règlement européen sur les services numériques – le DSA (Digital Services Act) – est sur le point d’entrer en vigueur. Il prévoit lui aussi le blocage mais sur décision d’un juge. Ce ne seront ni les FAI, ni les plateformes numériques, ni les régulateurs qui peuvent bloquer d’eux-mêmes les contenus piratés. Frontières : vers un blocage européen L’affaire « Z-Library » apparaît comme un marqueur dans l’histoire de la lutte contre le piratage de contenus protégés. Du moins en France, en attendant des actions au niveau européen lorsque le DSA sera pleinement applicable. Si les livres numériques sont concernés par cette décision de blocage du 25 août 2022, à laquelle l’Arcom contribue devant la justice avec la mise à jour de sa liste des sites miroirs et d’éventuels nouveaux recours, le nouvel arsenal judicaire est à la disposition de toutes les industries culturelles : livre mais aussi musique, cinéma, retransmissions sportifs, ou encore jeux vidéo. @

Charles de Laubier