Avec VP9, Google voudrait imposer sa norme ultra-HD

En fait. Le 3 juillet s’est achevée la période de souscription d’actions de la société française Ateme dans le cadre de son introduction en Bourse à Paris (Euronext). L’entreprise a développé un nouveau standard de compression
vidéo ultra-HD (à la norme HEVC). Fera-t-elle le poids face au VP9 de Google ?

En clair. L’avènement de l’ultra haute définition, notamment de la diffusion en 4K (1), risque de se transformer en bataille rangée entre deux nouvelles normes de compression vidéo : HEVC et VP9. La première est en cours de développement depuis dix ans au sein de l’UIT (2) et du MPEG (Moving Picture Experts Group) et approuvée depuis janvier 2013 sous l’appellation H.265. La seconde est une technologie propriétaire mise au point depuis 2011 par Google, lequel avait acheté en février 2010 la société On2. Après une démonstration du VP9 au CES de Las Vegas en janvier, YouTube devrait diffuser les premières vidéo 4K dès cette année.
Les deux technologies de compression permettent de diviser par deux, par rapport à
la norme Mpeg-4, le débit de données nécessaires à la transmission de vidéo – sans pertes visibles. C’est sur ce terrain-là que la société française Ateme – où l’on retrouve notamment au capital Xavier Niel (à hauteur de 8,1 %) – compte se développer, en espérant lever jusqu’à 14,5 millions d’euros en Bourse. La première cotation est prévue le 10 juillet. Mais le petit poucet, qui a réalisé 20,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013 et qui compte parmi ses clients Orange, France Télévisions, DirecTV ou encore Huawei, fera-t-il le poids face à l’ogre du Net ? « Aujourd’hui, Google propose VP9 (anciennement NGOV pour Next Gen Open Video) comme solution alternative à HEVC. La licence de VP9 sera gratuite pour l’Internet et l’objectif de Google est qu’il dispose d’une meilleure capacité de compression que HEVC », préviennent au niveau des risques de marché les cofondateurs d’Ateme, Michel Artières et Dominique Edelin, dans leur document d’introduction en Bourse. Mais ils estiment qu’ils ont une carte à jouer face à la firme de Mountain View. « En dépit des ressources très importantes à
la disposition de certains acteurs tel que Google, il est peu probable qu’une solution propriétaire puisse présenter une avance en terme de capacité de compression dans
la mesure ou les comités de normalisation regroupent de nombreuses sociétés et disposent donc de ressources encore plus importantes ». Ils tablent sur le fait que
le marché a toujours privilégié les standards ouverts, de type HEVC.
Le marché mondial du renouvellement du Mpeg-2 et du Mpeg-4 par le nouveau format de compression HEVC devrait peser environ 500 millions d’euros en 2018. @

Numérisation des médias : pas sans les journalistes

En fait. Le 19 mai, l’Association mondiale des journaux et des éditeurs d’informations – appelée Wan- Ifra depuis cinq ans (juillet 2009) – a organisé
la première édition de « Innovation Day » pour accompagner les médias dans
leur transformation numérique. Parmi les intervenants, aucun journaliste…

En clair. « Les journalistes sont indécrottables ! », a lancé Eric Scherer, directeur
chez France Télévisions, en charge de la prospective, de la stratégie numérique et des relations internationales liées aux nouveaux médias. « Ne serait-ce que lui faire bouger son bureau, cela déstabilise le journaliste… », a-t-il pontifié. De là à accuser les journalistes de freiner l’innovation numérique des journaux et de leurs rédactions, il n’y a qu’un pas (1)…
Eric Scherer, par ailleurs vice-président du Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste), ressert là son qualificatif d’« indécrottable » déjà servi sur son blog « Méta-média » le 16 mai dernier. Pour lancer sans discernement cette charge qui n’engage que lui contre les journalistes, il fait état de deux documents américains très critiques sur les rédactions face au numérique.
Le premier est une étude de l’université privée Duke publiée en mai tendant à démontrer que « les outils numériques manquent dans la plupart des salles de rédaction », lesquelles n’auraient pas fait leur mue ni fait leur révolution culturelle (2). Le second document émane du New York Times, journal dont la directrice de la rédaction Jill Abramson vient d’être licenciée pour des raisons non précisées : il dresse un bilan très négatif sur les soi-disant« freins culturels » des journalistes dans l’appropriation des nouveaux outils de communication (3). Est-ce à dire qu’en France les crises aigües que traversent les rédactions des quotidiens Libération, Le Monde ou autres sont dues aux réticences
des journalistes à franchir là aussi le pas de l’innovation rédactionnelle ?

Ciné en Version OTT

Pour comprendre ce qu’est devenu le cinéma aujourd’hui,
on peut se rappeler deux anecdotes d’ il y a un peu plus de dix ans déjà. Mi-2013, Steven Spielberg et George Lucas prédirent « l’implosion » du cinéma devant un parterre d’étudiants inquiets de l’Université de Californie du Sud,
en partageant avec eux leur pessimisme face à l’augmentation des coûts de production, du prix des places et la multiplication des écrans. Cette tendance pousse, selon eux, les studios à se concentrer sur la production de films à 250 millions de dollars pour des salles à grand spectacle au détriment de très nombreux films différents en manque de grands écrans. Mi-2014, Potomac Video, le dernier magasin de location de vidéo physique encore en fonctionnement dans la capitale américaine Washington, fermait ses portes, victime des nouvelles habitudes de regarder les films en streaming et en VOD. Ce fut une fermeture symbolique, après 33 ans d’existence, qui fit suite à la faillite de la chaîne de magasins Blockbuster. On ne regarde pourtant pas moins de films aujourd’hui qu’hier, bien au contraire, mais force est de constater que le cinéma à la demande a tout changé. C’était la fin d’une époque, et le début d’une nouvelle ère : d’un côté, les films en salles de cinéma se focalisent sur les productions à grand spectacle ;
de l’autre, les chaînes de télévision se battent pour acquérir les droits des films récents ou exclusifs. Heureusement pour l’industrie du cinéma, au cœur de cette évolution touchant tous les contenus, les films occupent une place particulière. Plus que jamais, sur le segment de la fiction, seuls les nouveaux films de cinéma et les épisodes de séries inédits à la télévision sont considérés comme des contenus premium. Mais les films perdent rapidement de leur attractivité et de leur valeur unitaire commerciale, lorsqu’ils intègrent les riches catalogues des offres de VOD ou les grilles des chaînes thématiques.

« La montée en puissance de la distribution de nouveaux films directement sur Internet s’est faite progressivement »

La gestion des flux vidéo devient un enjeu mondial

En fait. Le 28 avril, la société française Anevia a déposé un document de base auprès de l’AMF en vue de son introduction à la Bourse de Paris. Après le succès
il y a dix ans de son lecteur multimédia VLC, elle y explique pourquoi elle s’est spécialisée dans les logiciels de diffusion de flux de vidéo.

En clair. Un peu plus de dix ans après sa création, la société française Anevia – fondée il y a onze ans par les fondateurs de VLC (1), dont les actuels dirigeants Tristan Leteurtre et Damien Lucas – veut se donner une visibilité boursière pour accélérer son développement international sur le marché mondial en pleine expansion de la diffusion de vidéo et de la télé en ligne, du Content Delivery Network (CDN) et de l’Over- The-Top (OTT). Fort du succès mondial du lecteur multimédia libre et gratuit VLC Media Player, lequel a dépassé 1 milliard de téléchargements depuis sa mise à disposition en 2001, Anevia explique dans son document de base que « son offre de logiciel serveur ViaMotion pour CDN rend les opérateurs télécoms, ainsi que les diffuseurs et fournisseurs de contenus média, capables de diffuser leurs flux vidéo vers tous les appareils connectés à Internet (téléviseurs, ordinateurs, smartphones, tablettes, …) ».

Réseaux de chaînes : le PAM de YouTube et Dailymotion

En fait. Le 25 mars, Disney annonce l’achat de Maker Studios, diffuseur de quatre réseaux de 55.000 chaînes de vidéos diffusées sur YouTube et Dailymotion, pour
un montant de 500 à 950 millions de dollars selon des objectifs de performances. Canal+ (Vivendi) et Webedia (Fimalac) s’intéressent aussi aux MCN.

En clair. Les Multi-Channel Networks (MCN) s’imposent dans le paysage audiovisuel mondial (PAM) en revendiquant des audiences à faire pâlir les chaînes traditionnelles et séduire les annonceurs en quête d’audiences massives. Ces réseaux multi-chaînes, diffusés sur les grandes plates-formes de partage vidéo que sont YouTube (Google) et Dailymotion (Orange), se nomment par exemple Fullscreen, Machinima, Alloy, BigFrame ou encore Maker Studios.
C’est sur ce dernier, start-up créée en 2006, que Disney vient de jeter son dévolu en prévoyant de débourser pas moins d’un demi milliard de dollars. Ce ticket d’entrée élevé pour le monde émergent des MCN, illustre l’intérêt grandissant que suscite l’audiovisuel en ligne. Maker Studios (1) revendique 55.000 chaînes de vidéos courtes diffusées sur YouTube et Dailymotion via quatre réseaux thématiques (homme, femme, famille et divertissement), lesquels totalisent 380 millions d’abonnés et 5,5 milliards de vues par mois. Avec cette audience, ce nouveau network américain rivalise avec des chaînes classiques aussi renommée que Nickelodeon (Viacom). «La vidéo en ligne au format court croît à une allure stupéfiante », s’est félicité Robert Iger, PDG du groupe Walt Disney. Le groupe Canal+, qui détient une participation minoritaire (5 %) dans Maker Studios, s’est lui aussi positionné sur le marché des MCN en rachetant début mars la start-up française Studio Bagel diffusant plus d’une vingtaine de chaînes sur YouTube pour plus de 6 millions d’abonnés pour plus de 40 millions de vidéos vues par mois. La chaîne payante du groupe Vivendi, qui a lancé en 2013 un réseau multi-chaînes baptisé CanalFactory revendiquant aujourd’hui plus de 4 millions de vidéos vues par mois avec une vingtaine de chaînes là aussi, s’est dotée en janvier dernier d’une division OTT (Over-The- Top) pour se développer sur Internet et monétiser par la publicité ces nouvelles audiences.
De son côté, le groupe Webedia – détenu par Fimalac (2) – s’est offert en février un autre français du MCN : Melberries, diffusant ses chaînes sur YouTube, Dailymotion ou encore Wat.tv (TF1) et Orange (propriétaire de Dailymotion). Selon Comscore, le nombre de visiteurs unique de Google (essentiellement YouTube) et de Dailymotion en France sur
le mois de février était de respectivement 33,962 millions et 17,714 millions. @