Une feuille de route numérique sans contraintes ?

La ministre déléguée en charge notamment de l’Economie numérique, Fleur Pellerin, a été auditionnée au Sénat le 11 décembre sur l’aménagement numérique du territoire. Elle a écarté toute sanction des opérateurs en cas de retard dans la fibre optique, provoquant le courroux du sénateur Hervé Maurey.

François Hollande a promis le très haut débit pour tous d'ici 2022.

François Hollande a promis le très haut débit pour tous d’ici 2022.

Fil de cuivre : chronique d’une mise à mort… en 2025 ?

En fait. Le 23 octobre, le président de l’opérateur télécoms Nerim, Cyril de Metz, nous a indiqué que France Télécom lui a confirmé par écrit – le 10 octobre – que le VDSL2 ne sera lancé qu’au « troisième trimestre 2013 ». L’opérateur historique est-il juge et partie, ou est-ce le régulateur qui décide in fine ?

Très haut débit : l’Arcep va enfin autoriser « à l’automne » le VDSL2 sur la boucle locale de cuivre

Le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani, a indiqué à Edition Multimédi@ que le Comité d’experts pour les boucles locales cuivre et fibre optique va donner « à l’automne » son feu vert à l’introduction du VDSL2. Les lignes de cuivre vont pourvoir atteindre de 50 à 150 Mbits/s.

Par Charles de Laubier

Catherine Mancini, présidente du Comité d’experts de l’Arcep

La greffe TNT- IPTV

Lorsqu’il s’agit de télévision, nous avons tous des souvenirs, des nostalgies : programmes de notre enfance, avènement de la couleur, multiplication progressive des chaînes, ….
Il en est un autre qui m’est revenu en me repassant le film
de l’aventure de la télévision hertzienne. L’électricien de notre village de Lozère était régulièrement mobilisé pour régler, souvent au plus fort de l’hiver, la frêle et fragile antenne qui délivrait à la population les trois chaînes alors disponibles. Ce Mike Giver de nos campagnes a depuis longtemps disparu, le village recevant désormais la télévision par satellite, en mode IPTV sur ligne téléphonique ou via la TNT (télévision numérique terrestre). Cette dernière devint le seul mode de réception hertzien à la suite de l’extinction du signal analogique en 2011. Fin d’une aventure qui aura traversé tout le XXe siècle. Mais ce ne fut pas la mort de la diffusion hertzienne car la promesse de la TNT a été en grande partie tenue : permettre
à tous, et sur tout le territoire, de recevoir un bouquet de télévision gratuite d’une vingtaine de chaînes, avec un enrichissement progressif de programmes en haute définition et de services interactifs.

« La TV connectée a encore bousculé les règles du jeu,
en ouvrant grande la porte à la diffusion délinéarisée
et en s’affranchissant des grilles des chaînes »

 

Lancée en 2005 en France après quelques tâtonnements, après les précurseurs britanniques et espagnols, la TNT française a freiné l’érosion de la télé hertzienne qui représentait encore le mode de réception dominant pour plus de moitié des ménages.
La concurrence déjà ancienne du satellite et du câble, confrontée à une lente érosion
de leur part de marché, eut un renfort de poids avec le développement rapide de l’IPTV – dopé par la nouvelle montée en débit permise par le déploiement combiné de la fibre et
du VDSL2 à 100 Mbits/s – qui passa à plus de 30 % des foyers équipés en 2015 pour dépasser les 50 % aujourd’hui. Dans de nombreux pays européens où ne dominent ni
le câble ni le satellite, ce succès doit beaucoup au couplage de la distribution de l’accès d’Internet et de la télévision. Ce fut la stratégie privilégiée des fournisseurs d’accès des pays où il n’existait pas, ou peu, d’offres de télévision multi-chaînes gratuites, comme en France, en Italie ou en Espagne.
Cependant, la performance du réseau ne fait pas tout, loin s’en faut, comme l’a montré
le succès mitigé rencontré par les services de contenus distribués par les opérateurs télécoms, du moins en Europe : difficulté pour accéder aux chaînes premium des grands éditeurs de télévision à péage, très faible profitabilité des services de vidéo à la demande (VOD), gratuité des services de TV de rattrapage, absence d’attractivité des services de VOD par abonnement. Ces difficultés à valoriser les offres de télévision n’est cependant pas une fatalité. La télévision à péage britannique Sky a su conjuguer enrichissement du service et croissance des revenus grâce au « multi room », c’est-à-dire la distribution du service de télévision sur plusieurs téléviseurs et, surtout, à un décodeur haute définition équipé d’un disque dur. C’est cette voie que les opérateurs télécoms ont tenté d’explorer par le développement des set-top-boxes haut de gamme, facturées en option au-delà
du service d’accès de base. Ce ne fut pas le moindre des paradoxes de voir un Free,
« inventeur » du triple play à prix unique, sortir en 2010 l’IPTV de son package de base, quitte à perdre des abonnés.
La télévision connectée a encore bousculé les règles du jeu, en ouvrant grande la porte à la diffusion dite OTT (services over the top de TV délinéarisée par opposition aux services managés fournis via les box des opérateurs) et en s’affranchissant des grilles de programmes des chaînes.
Une troisième voie a été ouverte par l’apparition de décodeurs hybrides TNT-Internet
haut débit. Ces offres, aujourd’hui très populaires, combinent un bouquet de chaînes de télévision linéaires et des services à la demande OTT. Ce modèle économique repose
sur la vente ou la location du décodeur, une commission de distribution des services VOD apportant un complément de revenus. Une évolution qui soulage le réseau de la bande passante réservée à l’IPTV et renforce encore l’attrait pour le consommateur des box multi-fonctions. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Terminal ouvre-toi !
* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, étude « Future Television : Les
scénarios de la migration Internet », par Gilles Fontain

Le siècle des lumières

La célèbre course du lièvre et de la tortue permet de décrire assez fidèlement celle qui a vu s’affronter, durant plus de trois décennies, la fibre optique à la paire de cuivre. Même
si, dans ce cas, nous n’en connaissons pas encore l’issue. Le réseau historique de cuivre, plutôt lent au départ, est toujours bien présent aujourd’hui. Qui eut pu prédire une telle longévité ? Il est vrai que la fibre a pris son temps : à la fin
de 2010, on ne comptait encore que 2% d’abonnés FTTH (Fiber-To-The- Home) en France. La paire de cuivre est, quant à elle, apparue à la fin du XIXe siècle quand il fallut remplacer le réseau existant
du télégraphe. On a même pensé un temps pouvoir faire l’économie de la construction d’un nouveau réseau, en tentant de faire passer les conversations téléphoniques sur
les fils métalliques du réseau télégraphique ! Mais on s’est rapidement rendu compte
que transmettre des communications téléphoniques nécessitait deux fils pour une même liaison. Il fallut donc se résigner à construire un réseau totalement nouveau. Mais à peine les premiers circuits interurbains installés, on dut, pour aller plus loin, lutter contre l’affaiblissement du signal en augmentant tout d’abord le diamètre des fils. Cela fut rapidement une limite, on y ajouta des répéteurs, innovation permise par l’extraordinaire invention des triodes au début du XXe siècle. Cette quête, poursuivie par tant de générations d’ingénieurs visant à faire reculer les limites de la paire de cuivre, ne s’est, dès lors, plus arrêtée.

« La fibre optique a mis du temps à décoller, notamment
en raison de la qualité du réseau de cuivre permettant aujourd’hui de tutoyer les 500 Mbit/s »

La plus étonnante bataille est sans doute celle qui a fait entrer l’antique réseau dans l’ère du numérique et d’Internet. Celà fut ensuite possible grâce aux travaux des équipes des laboratoires BellCore commencés en 1987 et de John Cioffi, professeur à Stanford, souvent présenté comme le père du DSL (Digital Subscriber Line). C’est pourtant en Europe que le lancement commercial eut lieu grâce aux efforts conjugués des équipes d’Alcatel et d’opérateurs qui lancèrent leurs premières offres commerciales : dès 1997 pour le suédois Telia, et en 1999 pour France Telecom. Pendant ce temps, l’Asie faisait
le choix de la fibre optique, comme un pari sur l’avenir, en se dotant de réseaux couvrant rapidement toute un Etat, comme le Japon et la Corée du Sud ou en se dotant d’équipementiers, leaders mondiaux dans leur catégorie, tels que les chinois Huawei
ou ZTE.
Aujourd’hui, un pays comme la France affiche un taux de pénétration du FTTH d’environ 50 %, car la demande a mis du temps à décoller malgré des tarifs attractifs dès le début. L’une des raisons tenait sans doute à la qualité du réseau de cuivre permettant de supporter les progrès croissants des performances du DSL. En 2011, Alcatel-Lucent lançait sur le marché une technologie aux prouesses annoncées en 2006 – la vectorisation VDSL2 – permettant des débits de 100 mégabits par seconde (Mbits/s). Cette limite a depuis encore été repoussée pour venir tutoyer aujourd’hui les 500 Mbits/s. Cela n’a cependant pas remis en cause la complémentarité de ces deux technologies, notamment en raison des qualités intrinsèques de la fibre, en mesure de délivrer un débit garanti quelle que soit la distance. Si, en théorie, cet éventail de possibilités est un atout et permet de graduer la montée en puissance de réseaux en optimisant les investissements et les stratégies des différents opérateurs, cela a jeté un certain trouble dans les débats entre « pour » et « contre » la fibre. Les économistes s’affrontent par exemple sur l’opportunité de monter ou baisser le prix du dégroupage de la boucle locale de cuivre pour accélérer ou non le saut technologique vers le VDSL3. Tandis que certains pays comme l’Australie ont rattrapé le Japon et la Corée du Sud avec plus de 90 % de la population raccordable à 100 Mbits/s.
Couvrir l’Europe en fibre optique se révèle être encore un très grand et long chantier. L’âge du cuivre ne laisse que progressivement la place au siècle des lumières. Le
« De quoi vous sert votre vitesse ? », demandé par la tortue au lièvre de la fable de
La Fontaine, pourrait être repris par le cuivre qui ajouterait sans doute « … si vous
n’êtes pas raccordé ! ». @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : TNT versus IPTV
* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, « Enquête Très Haut Débit :
Comprendre les mécanismes de migration des abonnés
Grand Public », par Valérie Chaillou et Anne Causse