La Commission européenne dément la rumeur d’un report de la directive sur le droit d’auteur

Alors que le mandat de la « Commission Juncker » prendra fin en 2019, une rumeur circule au sein des industries culturelles, selon laquelle la réforme du droit d’auteur sur le marché unique numérique serait renvoyée à la prochaine équipe. « Sans fondement », nous assure-t-on à Bruxelles.

Europe : mais que font les « Digital Champion » ?

En fait. Le 28 novembre, Gerard de Graaf, directeur du marché unique numérique à la DG Connect de la Commission européenne, a indiqué à EM@ que la prochaine réunion des « Digital Champion » au lieu le 6 décembre. Il nous répond, alors que Gilles Babinet a été nommé par la France il y a plus de
5 ans maintenant.

Réforme du droit d’auteur en Europe : inquiétudes légitimes du secteur de l’audiovisuel

La Commission européenne avait présenté, le 14 septembre 2016, la version finale du « Paquet Droit d’auteur ». Ce texte, qui vise à réformer le droit d’auteur afin de l’adapter au « marché unique numérique », suscite inquiétudes et critiques de la part des acteurs du secteur de l’audiovisuel.

Code européen des communications électroniques : dernière ligne droite des débats pour réformer

Le prochain Code européen des télécoms sera-t-il pro-opérateurs de réseaux
ou pro-consommateurs ? Telle est le dilemme des législateurs européens à la recherche d’un équilibre. Les opérateurs télécoms veulent plus d’harmonisations mais les Etats membres parlent plus de subsidiarité.

Mounir Mahjoubi, présenté à Luxembourg comme
« ministre d’Etat pour le secteur du Numérique, rattaché
au Premier ministre » (son titre officiel au gouvernement français est secrétaire d’Etat en charge du Numérique (1)), a assisté pour la première fois au Conseil des ministres des télécoms de l’Union européenne, qui s’est tenu à Luxembourg le 9 juin dernier. Ce fut pour le lui le baptême du feu européen, en pleine révision de cadre réglementaire des télécoms en vue de crée un « Code européen des communications électroniques ».

Ménager concurrence et consommateurs
Le casse-tête des ministres des Télécoms et du Numérique des différents Etats membres de l’Union européenne (UE) est de mener à bien la réforme de la réglementation de communications électroniques en ménageant la chèvre (encourager les investissements, la concurrence et l’innovation) et le chou (assurer une protection élevée des consommateurs). « Nous devons parvenir à mettre en place une nouvelle réglementation appropriée en matière de télécommunications si nous voulons assurer une connectivité de haute qualité et à très haut débit pour tous. Le débat que nous avons tenu aujourd’hui apporte une précieuse impulsion pour les futurs travaux en vue d’atteindre cet objectif », s’est félicitée le 9 juin Kadri Simson (photo), la ministre estonien des Affaires économiques et Infrastructure, au nom de la présidence maltaise de l’UE – Malte assumant ce rôle depuis le 1er janvier dernier et jusqu’au 30 juin prochain, tandis que l’Estonie prendra le relais du 1er juillet au 31 décembre.
Le Conseil de l’UE a fait le point des progrès réalisés sur le réexamen de la réglementation en matière de télécommunications, à la lumière d’un rapport sur l’état des travaux et d’un document de réflexion – datés tous les deux du 22 mai 2017. Pour être adoptés, les textes doivent encore être approuvés à la fois par le Conseil de l’UE et par le Parlement européen. Le réexamen a pour objectif d’améliorer la connectivité fixe et mobile pour tous les utilisateurs à travers l’Europe, tout en assurant leur protection.
« La proposition de nouvelle réglementation en matière de télécommunications, sous
la forme d’un “Code des communications électroniques européen” fusionne quatre directives existantes en matière de télécommunications (cadre, autorisation, accès et service universel). Une autre proposition met à jour les règles concernant l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece). Ces propositions ont été présentées par la Commission européenne en septembre 2016 dans le cadre du “paquet connectivité”, qui est notamment destiné à garantir que d’ici 2025 tous les ménages européens auront accès à une connexion internet à très haut débit et que toutes les zones urbaines et les principales voies routières et ferrées bénéficieront d’une couverture 5G mobile à haut débit ininterrompue », a résumé le Conseil des ministres européen.
Le futur Code des communications électroniques européen s’appliquera aussi bien aux fournisseurs de réseaux (les opérateurs télécoms) qu’aux fournisseurs de services (les acteurs du Net). Les mesures-phares prévoient notamment de rendre une partie de la régulation « plus proportionnée » – c’est-à-dire allégée comme le demandent depuis des années les opérateurs télécoms – en échange d’investissements dans les réseaux, qu’ils soient haut débit ou très haut débit fixe et mobile. De nouvelles règles pour favoriser le déploiement des réseaux de nouvelle génération comme la 5G et le FTTH seront d’ailleurs introduites. Il s’agit en outre d’élargir le champ d’application des règles aux nouveaux outils de communication comme les services dits OTT (Over-The-Top) tels que la voix sur IP, les applications de messagerie instantanée et le webmail.

Applications de messagerie instantanée
« Les services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation (tels que les applications de messagerie instantanée) seraient soumis à certaines règles relatives aux droits de l’utilisateur final, dans la mesure où ces services revêtent certaines caractéristiques qui sont régies par les nouvelles règles (qualité du service, prix, durée du contrat, etc.). Ainsi, les citoyens seraient protégés de la même façon lorsqu’ils utilisent des services de communications électroniques revêtant des caractéristiques similaires en ce qui concerne l’utilisateur final et n’auraient pas
à se soucier ni de la façon dont ce service leur est fourni, ni de qui le leur fournit »,
est-il expliqué. Quant aux règles d’accès aux réseaux, elles restent fidèles à celles proposées par la Commission européenne le 14 septembre 2016, à savoir les dispositions visant à encourager le co-investissement et celles concernant l’identification des « zones d’exclusion numérique » dans lesquelles les opérateurs télécoms ou les collectivités territoriales n’ont pas déployé de réseau haut débit et n’ont pas l’intention de le faire – parce que ce n’est pas rentable pour eux par exemple. Objectif : que les 315 millions d’Européens connectables le soient effectivement à terme en très haut débit et à des prix attractifs (2).

Harmonisation via le Berec et le RSPG ?
Le Conseil des ministres des télécoms européen a également apporté « de la souplesse » dans le projet de texte réglementaire afin de permettre aux Etats membres d’agir en fonction de « leurs réalités nationales, voire locales », tout en réduisant
« la charge administrative » que la proposition de la Commission européenne aurait
pu imposer. « En général, les principes de subsidiarité et proportionnalité ont été mentionnés plusieurs fois », rapporte le compte-rendu de la réunion à Luxembourg du
9 juin. Mais le débat d’orientation s’est surtout attardé sur la question de savoir comment mieux coordonner la régulation au niveau européen. La Commission européenne avait proposé de transformer l’Orece en une agence de l’UE et de « lui donner plus de pouvoirs afin de faire en sorte que des efforts systématiques soient accomplis pour atteindre les objectifs poursuivis en matière de connectivité ». La future réglementation des télécommunications pourrait, à travers son nouveau code, prévoit des mécanismes de coordination renforcés.
Mais les ministres des télécoms des Etats membres ont demandé de la flexibilité pour tenir compte des caractéristiques de chacun de leur pays, en rejetant tout mécanisme d’examen trop lourd de la part de la Commission européenne. « La structure du Berec
a prouvé sa valeur et ne devrait pas être métamorphosée une agence », ont estimé les ministres. Concernant, le spectre des fréquences, y compris pour la 5G, les ministres européens des télécoms estiment que le partage des meilleures pratiques est la façon la plus utile d’aller plus loin. « Trop d’harmonisation pourrait être nuisible, étant donné la rapidité avec laquelle se développe la technologie », préviennent-ils, en réaffirmant leur confiance au RSPG (Radio Spectrum Policy Group) et au Berec – présidé en 2017 par Sébastien Soriano, président de l’Arcep – comme des plateformes appropriées pour une coordination flexible entre les Etats membres dans le domaine du spectre (3). Mais le processus d’évaluation par les pairs (peer review) tel que proposé par la Commission européenne leur apparaît trop lourd. Les ministres ont également considéré qu’une période obligatoire de 25 ans pour l’allocation des fréquences était trop longue, étant donné que nulle ne sait ce que l’avenir nous réserve.
Or la GSMA (4), l’association mondiale des opérateurs mobile ( forte de ses 1.100 membres dont 800 opérateurs), a prévenu la veille de la réunion qu’« une durée d’au moins 25 ans, avec une forte présomption de renouvellement, est requise pour fournir des mesures incitatives afin que l’industrie investisse aux niveaux élargis nécessaires au déploiement de la 5G à travers l’Europe ». La GSMA a appelé aussi le Conseil des ministres de l’UE à plus d’harmonisation « par le biais, par exemple, d’un processus d’évaluation par les pairs ».
Concernant cette fois l’harmonisation des règles sur la protection des consommateurs sur les services de communications interpersonnelles, tels que les messageries instantanées très prisées sur les smartphones notamment (Skype, WhatsApp, Messenger, Hangouts, Viber, …), la GSMA a mis en garde les ministres l’accroissement des contraintes réglementaires sur les télécoms : « De telles règles et obligations peuvent augmenter les coûts et limiter la capacité des fournisseurs à investir dans
de nouveaux services ou améliorations des réseaux, et potentiellement réduire les avantages pour les consommateurs du fait de règles incompatibles entre les Etats Membres », a ainsi déclaré Afke Schaart, vice-présidente Europe à la GSMA.

Lobbying de l’ETNO, de la GSMA, etc…
L’ETNO (5), qui représente les opérateurs télécoms historiques en Europe (41 membres), partage elle aussi les préoccupations de la GSMA. « La 5G et la “Société
du Gigabit” nécessitent une ambitieuse réforme du spectre radioélectrique. (…) En particulier, les législateurs doivent reconnaître l’importance d’améliorer la prévisibilité et la clarté de l’attribution des licences. (…) Le débat institutionnel au sein de l’UE risque de retarder une source majeure de croissance économique et sociétale », prévient Lise Fuhr, directrice générale de l’ ETNO. Ces deux organisations (6), rejointes par Cable Europe, Developers Alliance, DigitalEurope et Cocir, ont publié le 7 juin une déclaration commune pour « sauver les ambitions de la 5G en Europe ». @

Charles de Laubier

Alain Rocca, président d’UniversCiné, lève 100 millions d’euros pour créer un réseau de SVOD paneuropéen

Producteur de films (Lazennec & Associés), président d’UniversCiné, et trésorier de l’Académie des César, Alain Rocca est en passe de réussir son pari : trouver 100 millions d’euros pour financer le déploiement d’un réseau paneuropéen de plateformes de vidéo à la demande et par abonnement (SVOD). Il s’intéresse aussi à Filmo TV.

Vincent Bolloré en a rêvé ; lui va le faire ! « Il faut juste trouver un investissement de 100 millions d’euros pour faire un service de SVOD dédié au cinéma et à la hauteur des attentes des utilisateurs », assure Alain Rocca (photo) à Edition Multimédi@. « Il nous reste une quinzaine de millions à trouver », nous indique-t- il, confiant dans l’aboutissement de sa quête de fonds auprès d’investisseurs et de financiers pour lancer son projet de réseau paneuropéen de plateformes de vidéo à la demande par abonnement.
Fondateur de la société de production de films Lazennec & Associés, cofondateur en 2001 et actuel président de la société Le Meilleur du Cinéma (LMC), maison mère d’UniversCiné, plateforme française de VOD de films d’auteur lancée il y a dix ans maintenant à l’initiative d’une cinquantaine de producteurs et de distributeurs indépendants du cinéma, Alain Rocca a déjà commencé à poser des jalons dans différents pays européens.

Vers une marque SVOD commune
« Nous construisons un déploiement européen avec des plateformes de VOD, qui, à l’instar d’UniversCiné, ont un actionnariat majoritairement constitué de détenteurs de droits : Filmin en Espagne, UniversCiné en France, VOD.lu au Luxembourg, LeKino en Suisse, … », poursuit-il. Il y a aussi Volta en Irlande, mais qui ne semble pas remporter
le succès escompté. Plusieurs jalons posés en Europe depuis 2010 La holding LMC dispose en outre depuis 2010 d’une déclinaison d’UniversCiné en Belgique.
C’est d’ailleurs cette année-là que sept plateformes ont fondé EuroVOD, la fédération européenne des plateformes VOD du cinéma indépendant, présidée depuis par Jean-Yves Bloch, le directeur général d’UniversCiné en France. L’un des objectifs de cette organisation européenne, basée à Paris dans les locaux de LMC et fédérant à ce jour huit plateformes de VOD – Universcine.com, Universcine.be, Flimmit.com, Filmin.es, Volta.ie, Lekino.ch, Netcinema.bg et Distrify.com – est d’offrir « un modèle de management collaboratif, grâce auquel les petites et moyennes entreprises mettent en commun leurs ressources et échangent leur savoir-faire, afin d’augmenter la circulation transnationale des films européens ».

Vers une marque SVOD commune
Mais Alain Rocca veut passer à la vitesse supérieure en déployant son réseau paneuropéen dédié au cinéma d’auteur contemporain. « Ce sont des plateformes de VOD dans lesquelles nous avons une position de contrôle sans être majoritaire au capital, structurées autour d’une coopération toujours plus affirmée entre elles. Le but est de réussir à conserver leur identité mais en mettant le plus de choses en commun comme le back office technique, les catalogues de films, voire à terme en adoptant une marque commune », nous explique-t-il tout en précisant : « La marque commune ne sera pas forcément UniversCiné. Chaque entité doit pouvoir être convaincue qu’elle va gagner plus en quittant sa marque originelle pour s’inscrire dans la marque commune ». Reste à convaincre les plateformes de SVOD locales de se rallier sous une même enseigne, dont le nom reste à trouver, sans perdre leur identité. « Pour qu’elles acceptent de dissoudre leur marque dans une marque commune, il y a un travail lent
et délicat à faire. Cette diversité, c’est en fait l’identité européenne », explique Alain Rocca. Les différentes plateformes du réseau paneuropéen auront un autre point commun : elles ne seront pas restreintes au seul cinéma contemporain comme peut l’être UniversCiné. Il s’agit d’une offre de SVOD qui couvrira tout le spectre du cinéma. « Une différence majeure par rapport aux autres projets est que nous sommes 100 % cinéma », précise Alain Rocca, qui, en n’allant pas dans les séries, se démarque ainsi du projet contrarié de Vincent Bolloré (Vivendi) avec Mediaset pour mettre sur pied un
« Netflix européen » s’appuyant sur CanalPlay (France), Watchever (Allemagne), Infinity (Italie) et Telefónica (Espagne). Et ce, au moment où CanalPlay mise désormais plus sur les séries que sur les films de cinéma.
En France, UniversCiné propose un catalogue de 4.000 films du cinéma indépendant contemporain accessibles soit en mode location (pour 48 heures), soit à l’achat, soit encore à l’abonnement avec une nouvelle offre – UnCut – à 3,99 par mois pour découvrir 40 films. Le sort de Filmo TV, autre plateforme française de VOD appartenant au producteur et distributeur de films francoallemand Wild Bunch qui a confié à la banque Lazard un mandat de vente (1), ne laisse pas indifférent Alain Rocca : « Wild Bunch a eu le grand mérite de croire très tôt à l’avenir de la SVOD. Peut-être sont-ils partis un peu trop tôt avec Filmo TV. A nous peut-être de leur proposer un deuxième souffle… », nous a-t-il confié. Le président d’UniversCiné compte aussi parallèlement déployer en Europe un autre label de service de VOD – LaCinétek – dédié au cinéma de patrimoine que constituent les grand films du XXe siècle. « Là, nous sommes en train d’aller voir des acteurs nationaux forts dans la diffusion du cinéma de patrimoine pour leur proposer d’ouvrir directement un site de VOD sous le label LaCinétek », nous dévoile Alain Rocca. LMC est à l’origine de la création en 2014, avec la Société des réalisateurs de films (SRF), de l’association « La Cinémathèque des Réalisateurs »
qui édite la plateforme Lacinetek.com. Les deux premiers partenaires approchés pour ce projet européen-là sont La Cinémathèque royale de Belgique (Cinematek.be) et la Cinémathèque de Bologne (Cinetecadibologna.it), avec lesquels LaCinétek obtient d’eux dès le départ leur accord pour la même technologie, le même label, la même identité, tout en conservant toute leur autonomie d’édition. « Le travail éditorial d’une plateforme locale est crucial pour constituer cet intermédiaire indispensable entre le contenu et son consommateur. L’avenir de la réglementation européenne est de soutenir à fond ce maillon-là, l’éditeur ou prescripteur, et d’accepter que la régulation
se fasse par le pays d’arrivée de consommation. Ce n’est pas la peine de révolutionner la territorialité pour cela », prévient Alain Rocca.
Depuis dix ans, UniversCiné est soutenu financièrement par l’Union européenne via le programme Media devenu Europe Creative. A noter que LMC a piloté en 2014 le projet « Streams D&D » d’EuroVOD, partie prenante du projet Spide coordonné par l’ARP (2) et financé par la Commission européenne pour des expérimentations de sorties simultanée salles-VOD. « UniversCiné voudrait proposer que certains films à combinaison de sortie en salles réduite puissent accéder très rapidement à une exploitation vidéo et VOD, dans un dispositif de marketing et de partage de recette qui permettrait de soutenir la fréquentation des salles », avait indiqué en 2014 Alain Rocca à Edition Multimédi@ (3).

Actionnariat public-privé
Depuis 2010, le société de production et de distribution de films Metropolitan Filmexport – dirigée par les deux frères Hadida – Victor Hadida étant par ailleurs président de la FNDF (4) – est le premier actionnaire de LMC/UniversCiné – à hauteur de 34,5 % depuis la dernière augmentation de capital de mai 2014 portant sur 3,45 millions d’euros. Lors de cette opération, l’Etat – via le Fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC/Bpifrance) – était devenu le deuxième actionnaire avec 10 % du capital. La société financière Media Advisory Services devint, elle, le troisième actionnaire avec 4 %. @

Charles de Laubier