Pour ses 30 ans, l’OMC est au cœur des batailles des technologies et de la propriété intellectuelle

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) se retrouve sous le feu des projecteurs depuis que les Etats-Unis ont déclenché une guerre commerciale et douanière à l’encontre de la Chine, de l’Europe, du Canada et du Mexique. Parmi les différends qu’elle doit tenter de régler : les technologies et les brevets.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC), que dirige Ngozi Okonjo-Iweala (photo) depuis mars 2021, fête cette année son trentième anniversaire dans une période sans précédent de fortes turbulences, alors qu’elle est censée assurer la solidité et la stabilité de l’économie mondiale en réglant les différends.
Et ils s’accumulent. Parmi les toutes dernières plaintes déposées à Genève en Suisse, où se trouve son siège social : celle de la Chine, qui, le 4 février 2025, conteste devant l’OMC les droits de douane additionnels de 10 % à 20 % sur les marchandises provenant de l’Empire du Milieu. Décidées par décret présidentiel de Donald Trump, ces nouvelles taxes douanières sont considérées par Pékin comme contraires à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994. Avant ces différends sur les tarifs douaniers infligés par les Etats-Unis à son encontre, mais aussi envers l’Union européenne, le Canada ou encore le Mexique, la Chine a aussi porté plainte dès novembre 2022 devant le gendarme du commerce mondial contre les restrictions à l’exportation vers elle, ou de pays ou d’entreprises en relation avec elle, « de certaines puces semi-conductrices informatiques de pointe, de certains produits pour superordinateurs, de certains produits de fabrication de semi-conducteurs et d’autres produits, ainsi que de leurs services et de leurs technologies connexes » (1).

Les Etats-Unis piétinent l’accord du GATT
La Chine, qui a adhéré à l’OMC en décembre 2001, s’insurge aussi du fait que les Etats-Unis invoquent des questions de « sécurité nationale », lesquelles, selon Washington, ne peuvent être réglées dans le cadre d’un règlement de différend à l’OMC. Le régime de contrôle des exportations est administré par la direction de l’industrie et de la sécurité (Bis) du Département du commerce des Etats-Unis (DoC).
Là aussi, devant l’OMC, Pékin accuse son rival américain d’enfreindre l’accord du GATT de 1994 – lequel fait d’ailleurs partie intégrante (c’est une annexe) de l’Accord de Marrakech signé le 15 avril 1994 pour fonder l’OMC justement, qui est entrée en fonction le 1er janvier 1995 – il y a 30 ans (2). Le GATT de 1994 reprend (suite)

Le projet de Digital Networks Act (DNA) est sur les rails de la Commission européenne pour 2025

Le projet de règlement européen sur les réseaux numériques – le Digital Networks Act (DNA) qu’avait initié en 2023 Thierry Breton lorsqu’il était commissaire européen au marché intérieur – est à l’agenda 2025 de la nouvelle Commission européenne. Henna Virkkunen reprend le flambeau.

Le programme de travail de la Commission européenne pour 2025, présenté à Bruxelles le 11 février dernier, notamment au Parlement européen en vue de légiférer, est on ne peut plus clair : « La condition préalable la plus importante pour une économie numérique prospère est une infrastructure numérique fiable et de grande capacité. Par conséquent, le règlement sur les réseaux numériques créera des possibilités d’exploitation et de prestation de services transfrontalières, renforcera la compétitivité de l’industrie et améliorera la coordination du spectre [des fréquences, ndlr] ».

Le DNA sera présenté à partir d’octobre 2025
Si le Digital Networks Act (DNA) n’est ainsi mentionné qu’en sixième page du programme de travail de la Commission européenne pour 2025, adopté le 11 février (1), ce projet de règlement sur les réseaux numériques est bien parmi les priorités de la présidente Ursula von der Leyen, laquelle a entamé son second mandat « 2024-2029 » il y a maintenant trois mois. Dans les annexes de ce programme de travail des commissaires européens pour l’année en cours, ce futur texte législatif controversé apparaît bien dans la liste de travail mais pas sur fond bleu, couleur choisie par Bruxelles pour désigner justement les sujets contribuant aux nouveaux objectifs de « simplification » et de « réduction de la bureaucratie inutile » que recherche désormais Bruxelles pour « réduire les charges administratives et simplifier les règles de l’UE ». Dans ces annexes (2), l’on apprend que – à défaut d’être donc « simplificatrice » – cette future loi
(suite)

«DeFi» et «NFT» en Europe : des évolutions réglementaires attendues, sans brider l’innovation

Avec la finance décentralisée (DeFi) et les jetons non fongibles (NFT), l’Union européenne n’a pas fait le tour des crypto-actifs. Le règlement MiCA – applicable depuis peu – devra évoluer pour prendre en compte ces innovations, à la lumière du rapport que prépare la Commission européenne.

Par Marta Lahuerta Escolano, avocate associée, et Diane Richebourg, avocate, Jones Day*

Au lendemain de l’entrée en application du règlement européen sur les marchés de cryptoactifs (MiCA (1)), l’Autorité bancaire européenne (ABE) et l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) ont publié – en janvier 2025 – un rapport conjoint portant sur les « développements récents en matière de crypto-actifs » (2), contribution qui sera intégrée au rapport plus large que la Commission européenne doit soumettre au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne avant le 31 mars 2025.

Réglementer la DeFi, « phénomène de niche » ?
En effet, le législateur européen a pris soin, dans le MiCA (3), d’identifier pas moins de quatre sujets sur lesquels « la Commission [européenne], après avoir consulté l’ABE et l’AEMF, présente un rapport […] sur les dernières évolutions intervenues en matière de crypto-actifs, en particulier dans des domaines qui ne sont pas abordés dans le présent règlement, accompagné, le cas échéant, d’une proposition législative », à savoir notamment la finance décentralisée (DeFi), les prêts et emprunts de crypto-actifs ou encore les crypto-actifs uniques et non fongibles dits NFT (4). Dans le rapport « ABE-AEMF », seuls les deux premiers sujets sont analysés, laissant les NFT pour des discussions et réflexions ultérieures. Le règlement MiCA, qui marque une première étape importante en matière de (suite)

MiCA : opportunités et défis pour les acteurs en quête d’optimisation fiscale et réglementaire

Un crypto-actif est « une représentation numérique d’une valeur ou d’un droit pouvant être transférée et stockée de manière électronique », comme sur une blockchain. Les « prestataires de services sur crypto-actifs » font face à de coûteuses obligations. Certains sont tentés par la délocalisation.

Par Arnaud Touati, avocat associé, et Mathilde Enouf, juriste, Hashtag Avocats

Entré en application le 30 décembre 2024, le règlement européen sur les marchés de crypto-actifs – surnommé « MiCA » (Markets in CryptoAssets) – a véritablement modifié le paysage réglementaire des crypto-actifs en Europe. Ce texte publié en mai 2023 au Journal Officiel de l’Union européenne (1) vise à harmoniser les pratiques dans les Etats membres pour réduire les disparités entre les Vingt-sept. Avant MiCA, les entreprises devaient naviguer dans des cadres nationaux très différents, ce qui augmentait la complexité.

La France : pionnière mais coûteuse
Avec MiCA, les « prestataires de services sur cryptoactifs » (PSCA ou en anglais CASP (2)) sont tenus d’obtenir un agrément auprès des autorités nationales compétentes, comme l’Autorité des marchés financiers (AMF) en France, ou l’ESMA (3) pour des services transfrontaliers (4). Cet agrément impose des normes élevées en matière de gouvernance et de qualification des dirigeants. Les entreprises doivent prouver leur solidité organisationnelle et leur capacité à protéger les investisseurs contre les abus de marché. En plus de l’agrément, MiCA introduit des obligations strictes de transparence et de gouvernance. Les PSCA doivent impérativement pouvoir garantir la sécurité des actifs confiés par leurs clients et disposer de garanties financières proportionnées à leurs activités. MiCA renforce également la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (5). Les PSCA doivent alors mettre en place des systèmes de contrôle interne robustes, capables de détecter et signaler les transactions suspectes.
La France a joué un rôle précurseur dans la régulation des crypto-actifs (6), bien avant l’entrée en vigueur de MiCA, à travers la loi Pacte de 2019. Ce texte a permis de mettre en place un cadre juridique pour les « prestataires de services sur actifs numériques » (PSAN). L’AMF et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), deux régulateurs français, ont développé une expertise solide et proactive. Leur rigueur est perçue comme un gage de fiabilité par les investisseurs internationaux, renforçant la réputation de la France dans le secteur. En parallèle, la France propose des avantages fiscaux comme le crédit d’impôt recherche (CIR), qui permet de réduire les coûts liés à l’innovation. Des subventions spécifiques soutiennent également les start-up technologiques, contribuant à un écosystème favorable à l’innovation, y compris dans (suite)

Commission européenne « 2024-2029 » depuis le 1er décembre : le numérique parmi ses priorités

La Commission « von der Leyen II » est en fonction depuis le 1er décembre 2024, et jusqu’au 31 octobre 2029. Parmi les 27 membres du collège, dont la présidente, il y a Henna Virkkunen et Ekaterina Zaharieva : pour rattraper le retard européen dans le numérique et l’innovation.

Ursula von der Leyen entame depuis le 1er décembre son second mandat de cinq ans (2024-2029) à la présidence de la Commission européenne, dont le collège composé de vingt-sept membres – y compris elle-même (1) – a été approuvé par les eurodéputés le 27 novembre dernier, par 370 pour, 292 contre et 36 abstentions. Cette Commission « von der Leyen II » (2) a été officiellement nommée par décision du Conseil européen datée du 28 novembre, publiée au Journal officiel de l’Union européenne (3) et entrée en vigueur le 1er décembre.

Deux femmes pour accélérer dans la tech
Ursula von der Leyen (« UVDL ») a déclaré qu’elle suivra, au cours de son second quinquennat, « une boussole pour la compétitivité » en s’appuyant sur « les trois grands piliers qui se dégagent du rapport Draghi ». C’est le premier d’entre eux qui nous intéresse ici, puisqu’il s’agit d’innover et de combler « le retard technologique », comme le pointait Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), dans son rapport remis le 9 septembre à UVDL (4). « Le premier [pilier] consiste à combler l’écart qui nous sépare des Etats-Unis et de la Chine en matière d’innovation, a déclaré la présidente de la Commission européenne devant les eurodéputés à Strasbourg le 27 novembre. La part de l’Europe dans les demandes de brevets à l’échelle mondiale est comparable à celle des Etats-Unis et de la Chine. Cependant, seul un tiers de ces brevets sont exploités commercialement ». (suite)