Pourquoi TowerCast (NRJ) veut que TDF reste régulé

En fait. Le 27 novembre, l’Arcep a changé d’avis : le régulateur des télécoms ne mettra pas fin – ni en 2019 ni en 2020 – à sa régulation du marché de la diffusion audiovisuelle en mode TNT où TDF domine. C’est deux ans où l’unique concurrent, TowerCast (NRJ), ne sera pas seul face à l’ancien monopole.

En clair. TowerCast, filiale du groupe NRJ, avait vertement exprimé en septembre dernier sa « totale opposition » (1) avec la précédente décision de l’Arcep qui prévoyait la « dérégulation » de TDF en 2019. Le deuxième opérateur de diffusion audiovisuelle, derrière l’ancien monopole public TDF (ex- Télédiffusion de France), est l’unique opérateur alternatif sur le marché français de diffusion de la télévision numérique terrestre (TNT). Il a in extremis convaincu l’Arcep que « la plateforme TNT est non-substituable » avec l’IPTV des FAI, et que la TNT n’est pas encore morte (2). Créée
en 1985 de la volonté de NRJ d’assurer sa propre diffusion hertzienne, l’activité de TowerCast a commencé à diffuser les radios du groupe (NRJ, Nostalgie, Rire & Chansons et Chérie). Le concurrent de TDF s’est ensuite ouvert à des clients extérieurs au groupe fondé par Jean-Paul Beaudecroux, puis, au cours des années 2000, au nouveau marché de la TNT. A fin décembre 2017, TowerCast a installé ses infrastructures techniques sur 834 sites à travers le territoire national, dont 65 détenus en propre. Mais les 769 autres sont loués à divers bailleurs et à l’incontournable TDF. C’est là que le bât blesse. L’unique concurrent de l’ancien monopole d’Etat de radiodiffusion dit être encore dans une situation de « dépendance vis-à-vis de l’opérateur historique dominant TDF », malgré ses investissements en infrastructures pour réduire cette dépendance et grignoter des parts de marché « dans un contexte toujours maintenu sous une forte pression concurrentielle ». TowerCast a gagné de nouveaux clients TNT, soit 36 nouvelles diffusions en 2017. Au 31 décembre 2017, la filiale de NRJ revendique « environ 23 % de part de marché ». Mais pour ses propres chaînes – NRJ 12 et de Chérie 25 – TowerCast doit recourir à TDF. Sur la FM, elle a remporté 260 nouvelles diffusions (privées et publiques).
Mais la position dominante de l’opérateur historique s’est renforcée lorsqu’il a racheté en 2016 le groupe Itas, lequel avait absorbé en 2014 OneCast, alors filiale de TF1. L’année 2016 fut aussi celle du transfert de la bande 700 Mhz de la TNT aux télécoms, d’où la résiliation anticipée pour TowerCast de contrats. Résultat : la filiale du groupe NRJ regrette que « seules 9,2% des diffusions hertziennes sont opérées depuis des infrastructures alternatives, contre 17,9%» auparavant. Par trois fois (2008, 2014 et 2017), Jean-Paul Beaudecroux a songé la vendre. @

France TV : les programmes priment sur les chaînes

En fait. Le 9 octobre, le n°2 de France Télévisions, Takis Candilis – directeur général délégué à l’antenne et aux programmes du groupe public – était l’invité de l’Association des journalistes médias (AJM). Selon lui, avec le replay et la VOD, les programmes deviennent plus importants que les chaînes.

En clair. A France Télévisions, qui ne comptera plus que trois chaînes à l’issue de la réforme de l’audiovisuel public (1), un programme est désormais plus important qu’une chaîne. C’est Takis Candilis, son numéro deux depuis huit mois, qui le dit : « Avec les usages et les changements d’usages, notamment avec le replay sur la fiction, nous avons entre 20 % et 30 % des spectateurs qui vont voir un programme en catch up. Et ils ne vont pas voir un programme ‘’de France 2’’ ou un ‘’de France 3’’ ; ils vont voir le programme en replay, une série ou un documentaire qu’ils ont manqués », a expliqué l’ancien réalisateur et producteur télé (2). Devenu fin février le bras droit de Delphine Ernotte, il va à la rencontre du public de « France TV », comme récemment à Montpellier où il a constaté que « les gens se concentrent sur des émissions, des productions ou des programmes, et ils arrivent de moins en moins à dire s’ils les ont vus sur la ‘’Trois’’, la ‘’Deux’’, sur la ‘’Une’’ ou telle autre chaîne ». Si « les chaînes ont un sens » et sont encore, comme France 2, « des marques fortes pour des millions de téléspectateurs », il n’empêche qu’à ses yeux « à terme, les chaînes vont amenuiser, réduire la portée de la force de leur marque ». Takis Candilis vient d’ailleurs de faire
un voyage-éclair dans les pays nordiques pour voir la télévision publique suédoise SVT et la société de service public norvégienne de télé et de radio NRK : « Ils réduisent au maximum leur empreinte linaire, l’un en supprimant trois chaînes sur quatre pour ne garder qu’une seule antenne linéaire, l’autre en mettant jusqu’à 80 % de ses investissements non plus dans les chaînes mais sur les programmes. Toute leur puissance est mise sur SVT Play pour l’un et la plateforme numérique de la NRK
pour l’autre ». Les Scandinaves sont en avance sur les Français sur les usages digitaux et 50 % de leur audience est faite sur Netflix. « C’est à cette concurrence que nous devons faire face et y répondre avec nos armes, tout en touchant tous les publics », prévient Takis Candilis qui affecte désormais les budgets de production aux unités de programmes, non plus aux antennes. Reste à négocier d’ici la fin de l’année avec les syndicats de producteurs sur ces nouveaux usages. « Acquérir uniquement des droits de diffusion linéaire et d’exploitation en catch upde sept jours a-t-il encore un sens aujourd’hui ? Moi, je dis non ». @

Trump veut encore empêcher AT&T-WarnerMedia

En fait. Le 13 juillet, le département américain de la Justice (DoJ) a fait appel de la décision d’un juge fédéral d’autoriser, il y a un mois, le rachat du groupe de médias Time Warner – rebaptisé WarnerMedia – par l’opérateur télécoms AT&T pour 85,4 milliards de dollars. Le spectre de Trump plane toujours.

En clair. Rappelez-vous ce que le futur président des Etats- Unis, Donald Trump, avait déclaré lorsqu’il était en campagne en octobre 2016 le jour –
le 22 octobre – de l’annonce par l’opérateur télécoms AT&T du rachat du groupe de médias et de cinéma Time Warner pour plus de 85 milliards de dollars (108 milliards avec la dette) : « C’est trop de pouvoir concentré dans les mains de trop peu de gens ! » (1). Près de deux ans plus tard, le bras de fer continue entre l’administration Trump et le couple AT&T-WarnerMedia (ex-Time Warner).
Le géant des télécoms a finalisé sans attendre la méga-fusion mi-juin. Et ce, juste après que le juge fédéral Richard Leon ait rendu à Washington le 12 juin une décision favorable à l’opération assortie d’un « Memorandum Opinion » de 172 pages qui fera date (2). Pour ce magistrat, l’administration Trump n’avait apporté aucune preuve à l’affirmation selon laquelle l’ensemble AT&T-WarnerMedia allait se faire au détriment des consommateurs. D’ailleurs, la concurrence n’a jamais été plus vivace avec l’arrivée dans le secteur de l’audiovisuel des GAFAN (Netflix compris). Mais le Department of Justice (DoJ) des Etats-Unis s’était donné 60 jours pour éventuellement faire appel, ce qu’il a fait au bout d’un mois seulement – montrant ainsi sa détermination à faire échec au projet. AT&T a d’ailleurs pris la précaution de garder WarnerMedia dans une filiale distincte, afin
de parer à toute éventualité dans cette affaire d’Etat. C’est la division
« Antitrust » du DoJ qui instruit ce méga-dossier (3), lequel lui coûte suffisamment cher pour qu’il en fasse état devant le Congrès en prévision de son budget 2019 : « L’achat de Time Warner par AT&T a consommé des ressources [financières] significatives sur plus d’une année et l’issue du procès, visant à interdire la fusion, s’étendra out au long de l’année 2018.
De telles enquêtes de fusion et défis sont consommatrices de temps et coûteuses, ce qui est le cas parce que les questions sont souvent complexes et l’enjeu est important pour les consommateurs américains et l’économie ». De son côté, le directeur juridique d’AT&T, David McAtee, s’est dit « surpris [mais] prêts à défendre la décision du tribunal devant la cour d’appel ». Reste à savoir si l’opérateur télécoms sera contraint de céder le réseau de télévisions Turner, dont fait partie la chaîne CNN détestée par Donald Trump. @

Salto pourrait devenir un cauchemar pour Molotov

En fait. Le 15 juin, France Télévisions, TF1 et M6 ont annoncé le lancement prochain de la « plateforme de télévision » Salto. La société commune sera détenue à parts égales par les trois groupes. Plusieurs abonnements seront proposés, selon l’accès aux chaînes (direct et replay) ou programmes inédits.

En clair. Le service de télévision Molotov, lancé il y a près de deux ans par Pierre Lescure, Jean-Marc Denoual et Kevin Kuipers (1), pourrait pâtir le plus de l’arrivée « courant 2019 » (2) de la plateforme Salto concoctée par France Télévisions, TF1 et M6. Car Salto sera d’abord un bouquet de télévision, en direct ou en rattrapage, composé dans un premier temps d’une quinzaine de chaînes. A savoir : TF1, TMC, TFX, TF1 Séries/Films, LCI, France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô, Franceinfo, M6, W9 et 6ter. « La plateforme a vocation à s’ouvrir aux programmes d’autres éditeurs dès son lancement », ont précisé d’emblée les trois groupes. Autrement dit, le débarquement de Salto pourrait tourner au cauchemar pour Molotov. Non seulement, la future plateforme pourrait siphonner son parc d’utilisateurs qui s’apprête à franchir le cap des 5 millions (3), mais aussi bousculer son modèle économique. Molotov avait en outre fait savoir mi-mars que le groupe M6, dont le contrat arrive à échéance avec lui, demande à être rémunéré pour la diffusion en direct de ses chaînes gratuites M6, W9 et 6ter. Le groupe de Nicolas de Tavernost a même exigé que ses chaînes ne soient plus disponibles dans le bouquet gratuit de Molotov mais dans ses options payantes. Le différend pourrait se retrouver devant le CSA ou l’Autorité de la concurrence. NRJ a aussi interdit à Molotov de reprendre
le signal de ses chaînes NRJ 12, Chérie 25 et NRJ Hits. L’avenir dira si le lancement de Salto donnera le coup de grâce à Molotov, ou pas.
Pour l’heure, Salto n’a pas été présenté comme un concurrent de Molotov (alors qu’il l’est pourtant) mais comme « un Netflix français ». La plateforme mondiale de SVOD compterait déjà sur l’Hexagone 3,5 millions d’abonnés – moins de quatre ans après son arrivée. Mais comparer Salto à un « Netflix » est quelque peu inapproprié car la future plateforme sera plus un bouquet de télévision en live ou en replay qu’un service de SVOD, même si les trois groupes vont aussi proposer « des programmes inédits »
et participer « au rayonnement de la création française et européenne ». D’après ce que l’on comprend en regardant la présentation qui en est faite sur Salto.fr, le service commun relèvera à la fois du « Molotov » et du « Netflix ». Encore faudra-t-il que l’Autorité de la concurrence donne son feu vert à un tel attelage audiovisuel public-privé. @

L’Apple TV va-t-elle détrôner les « box » des FAI ?

En fait. Depuis le 17 mai, Canal+ propose – à ses abonnés en France, au nombre de 8 millions à fin mars, et à ses futurs clients – le boîtier Apple TV comme nouveau décodeur (dans sa dernière version 4K, en location à 6 euros par mois en plus). La marque à la pomme vise aussi les « box » des FAI.

En clair. La bataille des « box » et des « boîtiers » ne fait que commencer en France, où les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) que sont Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free constituent toujours un oligopole avec leur offre triple play (télé comprise). Mais leur chasse-gardée l’est de moins en moins, tant les boîtiers multimédias tels que Nvidia ou Apple TV, voire les clés audiovisuelles telles que Google Chromecast ou Amazon Fire TV Stick, gagnent du terrain. « Près de 8 téléviseurs connectés sur 10 sont reliés à Internet par le biais du décodeur TV des FAI. Ce chiffre a connu une baisse de 3 points en six mois, au profit d’une connexion du téléviseur par console connectée ou boitier tiers », souligne le CSA dans son observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers 2017 publié le 22 mai. Ces boîtiers tiers représentent même à eux seuls le moyen de connecter à Internet le téléviseur connectable pour environ 10 % des foyers de l’Hexagone (voir graphiques p. 11). Les « box » des FAI, elles, restent encore largement dominantes avec plus de 63 % des foyers équipés, suivies par les consoles de jeux (près de 30 %), lorsque ce ne sont pas les téléviseurs Smart TV qui sont directement connectés à Internet (plus de 25 %). L’accord de la chaîne cryptée avec Apple pourrait booster les ventes des boîtiers tiers, alternative de plus en plus crédible aux « box » des FAI. Xavier Niel, invité le 17 mai du Club Les Echos, a dit que Free ne proposera pas l’Apple TV 4K (1) mais précise que l’opérateur suisse Salt dont il est propriétaire la propose. Le fondateur d’Iliad estime que Canal+ a fait « un très bon choix ». L’accord Apple-Canal+ n’est cependant pas une « une première mondiale » – contrairement à ce que Maxime Saada, président de Canal+, a prétendu le 14 mai – car DirecTV (AT&T) loue aussi le boîtier de la marque à la pomme aux Etats-Unis (2).
Le fait que DirecTV et Canal+ se mettent à subventionner l’Apple TV, uniquement vendue jusque-là (3), est révélateur de l’offensive lancée par la firme de Cupertino pour élargir l’utilisation de son boîtier TV qui peine à décoller depuis son lancement il y a onze ans. Pour Canal+, dont le parc d’abonnés baisse, c’est un moyen de répondre à la forte demande de services OTT puisque Apple TV ouvre l’abonné à Internet et à des « apps » telles que non seulement myCanal, mais aussi Molotov, OCS, Amazon Prime Video ou encore Netflix. @