Chronologie des médias : immobilisme et critiques

En fait. Le 13 juillet, le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN) en a appelé au gouvernement pour soutenir le marché français du DVD, du Blu-Ray et de la VOD. Il souhaite en outre des « expérimentations » sur la chronologie des médias « visant à la réduction progressive du délai de sortie en vidéo ».

Câble : la révolte des cord-cutters

Selon Pascal, paraphrasant Montaigne : « Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Il en va des réseaux de communication comme des idées et des valeurs humaines : elles varient en fonction de la géographie. C’est encore plus vrai pour les réseaux câblés, dont l’avenir ou pas dépend
du pays dont on parle. L’histoire du câble a commencé aux Etats-Unis, dès 1945, pour pallier la mauvaise réception
de la télévision hertzienne en ville. Son énorme capacité
de diffusion lui a rapidement assurée un succès à la hauteur de la promesse de proposer un grand nombre de chaînes. A tel point que, en 2011,
un téléspectateur américain sur deux accédait toujours à des programmes de télé via
le câble.
En France, c’est une tout autre histoire. Au début des années 80, les premiers réseaux câblés voient le jour sous l’impulsion de la « DGTP », direction des télécoms du ministère des PTT qui lance un « Plan câble » pour raccorder en dix ans 52 villes de France (objectif de 10 millions de prises pour un coût estimé à plus de 3 milliards d’euros). L’échec technique, l’absence de terminaux adaptés, l’insuffisance de programmes diversifiés et le cadre législatif contraignant (interdiction de desservir plus de 8 millions
de foyers) ont fini par tuer le projet dans l’œuf.

« Le câble atteint des taux de pénétration élevés mais arrive à saturation. En Europe, le câble perd même
du terrain, notamment au profit de l’IPTV »

Et pourtant, trois décennies après, c’est grâce à ce réseau que la France pouvait afficher un nombre de foyers ayant accès au très haut débit parmi les plus importants d’Europe. Le pays arrivait ainsi en troisième position, derrière la Russie et la Suède, avec plus de 500.000 abonnés au très haut débit. Mais la plupart était en fait du ressort du câblo-opérateur national Numericable, et non des investissements très limités des opérateurs télécoms dans le déploiement de la fibre optique au cœur de leur réseau. Malgré une image entachée d’obsolescence, le câble (fibre prolongée par du coaxial) a en réalité une dynamique propre qui lui a même permit de devenir, en 2012, le premier mode d’accès aux services de télévision dans le monde (sur le premier téléviseur). Avec plus de 550 millions de foyers, le câble s’installe pour l’instant en tête des modes de réception, devant le réseau hertzien en baisse régulière et devant le satellite et l’IPTV en croissance continue. Technologie d’accès historiquement privilégiée par les pays à forte densité de population ou à l’organisation décentralisée, le câble est logiquement très présent dans ces pays continents que sont la Chine, le Canada ou la Russie, ainsi que dans les pays
à organisation fédérale tels que l’Allemagne ou les États-Unis.
Cependant, sur les marchés matures, le câble atteint des taux de pénétration élevés
mais arrive à saturation. En Europe, le câble perd même du terrain, notamment au profit de l’IPTV. En Amérique du Nord, où le câble est encore de très loin le premier mode de réception TV, il est entré dans une phase de déclin irréversible. La remise en cause aux Etats-Unis fut parfois virulente et militante, tant la position dominante historique des câblo-opérateurs semblait anachronique à l’heure de la révolution Internet : abonnements mensuels de plus 100 dollars par mois, centaines de chaînes que l’on ne regarde jamais, services à valeur ajoutée presque inexistants, … Autant de raisons pour aiguiser les appétits de challengers, lesquels pensaient le moment enfin venu de proposer des services TV de nouvelles générations, quitte à casser les prix. Les Tivo, Vudu, Boxee, Apple TV et autres Google TV ont lancé une offensive en règle saluée par des cohortes de plus en plus nombreuses de cord-cutters.
Sentant le vent de la révolte se lever, les « câblos » ont peu à peu révisé leurs offres,
en suivant la stratégie de Time Warner Cable : de nouveaux packages du type « TV essentials », entre 30 et 50 dollars par mois, de nouveaux modes d’accès aux programmes sur le modèle du site de musique Pandora, la personnalisation de la
publicité, et, bien sûr la capacité d’offrir du triple play dans un contexte où même un Verizon reconnu la puissance des « CableTV » en abandonnant son offre audiovisuelle sur fibre FiOS pour se concentrer sur ses offres mobile de quatrième génération. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : L’Art et le Web
* Directeur général adjoint du DigiWorld Institute by IDATE.
Sur le même thème, l’institut publie chaque année
son étude « Le marché mondial de la télévision »,
par Florence Le Borgne.

Numericable a un réseau « limité » comparé au FTTH et à l’ADSL, en qualité de service et en débit montant

Eric Denoyer, président de Numericable, a fait le 12 avril dernier l’éloge de son réseau très haut débit qui mise encore sur le câble coaxial jusqu’à l’abonné
après la fibre. Mais une étude et un rapport pointent pourtant les faiblesses
de sa technologie FTTB par rapport au FTTH et même à l’ADSL.

Numericable, l’unique câblo-opérateur national issu de l’héritage historique du plan câble des années 80, n’a-t-il vraiment rien à envier à la fibre jusqu’à domicile (FTTH)
et encore moins à la paire de cuivre (ADSL), comme
l’affirme son président Eric Denoyer ? Interrogé par Edition Multimédi@ sur les performances de son réseau très haut débit, qu’un récent rapport commandité entre autres par l’Arcep (1) considère comme « limitées », il s’est inscrit en faux : « Nous avons certes des standards différents par rapport à nos concurrents, mais nous avons les mêmes capacités. Ce que nous offrons, c’est l’équivalent du FTTH avec la TV en plus. Grâce à la technologie ‘’channel bonding’’, nous obtenons les même caractéristiques que le FTTH d’Orange et de SFR utilisant la technologie GPON ». Le réseau de Numericable a en effet la particularité d’amener la fibre optique uniquement jusqu’aux bâtiments ou immeubles (FTTB), puis de raccorder chaque abonné en câble coaxial. Alors que le FTTH, lui, utilise de la fibre de bout en bout.
Si Numericable est capable de proposer du 100 Mbits/s vers l’abonné comme ses concurrents déployant de la fibre jusqu’à domicile, voire du 200 Mbits/s si la zone
du réseau câblé est éligible, une étude et un rapport affirment que le réseau du câbloopérateur présente des « limites » et des « inconvénients ».

Limite en « usage intensif et simultané »
Selon une étude sur le très haut débit (2) publiée en mars dernier et commanditée par l’Arcep, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), le Centre national du cinéma et
de l’image animée (CNC) et le gouvernement (DGMIC, DGCIS), le câble présente bien des handicaps. L’étude réalisée par le cabinet Analysys Mason fait en effet le constat suivant : « Sur câble, le débit reste partagé entre un nombre restreint d’abonnés au niveau d’un équipement appelé nœud optique ou amplificateur. Cela implique qu’il n’est pas possible de contrôler aussi bien que sur une ligne dédiée (par exemple DSL ou FTTH) la qualité de service offert à chaque abonné (…). (…) Un usage intensif et simultané de la part de plusieurs utilisateurs peut fortement affecter le service fourni aux autres utilisateurs raccordés à un même nœud optique ».

Faible débit montant et asymétrie
En clair, Numericable peut rivaliser avec Orange, SFR ou Free dans le très haut débit
tant que son réseau câblé n’est pas « surchargé ». Pour l’instant, au 31 décembre 2011, Numericable compte 505.000 abonnés au très haut débit sur un nombre de 1.577.000 abonnés (les autres étant en TV seule ou en marque blanche via les box
de Bouygues Telecom, Auchan et Darty). Or plus Numericable comptera d’abonnés
très haut débit, plus son réseau fibro-câblé risquera d’être victime de goulets d’étranglement. D’autant que Numericable dispose actuellement d’un potentiel total actuel de 4,3 millions de foyers raccordables. Ce qui fait un taux d’abonnement global (TV seule, triple play+bouquets TV et marque blanche) de seulement 11,6 %. Eric Denoyer vise même les « 6 millions de foyers raccordables au très haut débit par la fibre optique à horizon 2014 » sur un potentiel total de 9 millions sur l’ensemble du réseau fibro-câblé national. Numericable a-t-il les yeux plus gros que le ventre ? Certes, le câbloopérateur peut néanmoins jouer du channel bonding pour optimiser son réseau. Cette technologie permet ainsi d’agréger plusieurs canaux au standard d’accès au câble Docsis 3.0, afin d’atteindre plusieurs dizaines, voire centaines, de mégabits par seconde par accès. C’est nécessaire pour le câblo-opérateur s’il veut distribuer à la fois de la télévision haute définition, de la vidéo à la demande (VOD), de la catch up TV ou encore de l’Internet à très haut débit. Mais est-ce suffisant ? Pour l’heure, Numericable propose en débit descendant (téléchargement, streaming, réception, …) du 100 Mbits/s, voire du 200 Mbits/s en zone éligible. Mais, dans certains cas, l’abonné doit se contenter de 25 à 30 Mbits/s. Qu’en sera-t-il lorsqu’un nombre plus important d’abonnés se bousculeront au portillon ? Autre point faible pointé par la même étude publiée par l’Arcep et les autres commanditaires : la voie de retour, c’est-à-dire les débits montants.« Sur câble, l’augmentation possible du débit montant est limitée. En effet,
si le FTTH est capable de proposer des débits montants élevés, la norme Docsis 3.0
ne permet pas en pratique d’atteindre actuellement des débits montants supérieurs à
10 Mbits/s. Ceci peut ainsi limiter la fourniture d’offres avec débits symétriques, utiles
pour les applications conversationnelles », dit l’étude d’Analysys Mason. Cette limite
des 10 Mbits/s en uploading fait pâle figure comparé au 100 Mbits/s sysmétriques, voire plus qu’offre le FTTH. Si Numericable peut se contenter d’investir moins de 200 millions d’euros par an dans son réseau très haut débit (afin de pouvoir rembourser d’ici à 2019 ses 2,35 milliards d’euros de dettes après avoir fait l’objet en 2006 du plus gros LBO de France), le câblo-opérateur français prend le risque financier d’être rapidement dépassé technologiquement. D’autant qu’un rapport de l’Idate (3), commandé par le Centre d’analyse stratégique (CAS) du Premier ministre et publié fin mars, fait aussi état des
« inconvénients » de la technologie FTTB – appelée aussi FTTLA (4). « La pérennité
des investissements FTTLA peut être remise en question face à l’évolution des usages (plus de besoins en bande passante, symétrie, etc.) », prévient le rapport (5). Les usages multimédias sont en effet de plus en plus lourds à acheminer jusqu’à l’abonné (vidéos HD sur Internet, télévision HD, TV 3D, VOD, catch up TV, …) et pourraient provoquer des engorgements sur le câble. Pire : des applications vont avoir besoin
de plus en plus de capacités symétriques telles que les jeux vidéo HD en ligne, la vidéoconférence résidentielle en HD, les services de cloud computing où l’on est amené à stocker dans le nuage des gigabits de données personnelles, le télétravail, la télé-formation ou encore la télémédecine qui auront besoin d’allers-retours « illimités » sur le réseau d’accès. Numericable mise en outre sur le multiscreen qui permet à plusieurs membres d’un même foyer de regarder des chaînes et d’accéder à Internet, quel que soit l’écran du foyer connecté en WiFi ou en 3G (téléviseurs, tablettes, smartphones). Ce « multi-usage » devrait aussi accélérer le besoin en sysmétrie très haut débit.
Mais pour Eric Denoyer, le réseau câblé dispose encore d’un fort portentiel. « Comme nous l’avons annoncé à Las Vegas en janvier dernier [lors de la présentation de la box de Numericable au Consumer Electronic Show, ndlr], nous sommes capables d’aller jusqu’à 4.000 Mbits/s par accès sur notre réseau ». Mais rien n’est dit sur le débit montant… Pour l’heure, faute d’investissements massifs de ses concurrents dans le FTTH, Numericable profite de ce retard en étant l’opérateur télécom qui compte le plus d’abonnés très haut débit en France : 70 % de parts de marché au 31 décembre, selon l’Arcep, alors que la barre des 200.000 abonnés FTTH a péniblement été franchie (voir tableau p. 11).

Numericable enterre déjà l’ADSL
Mais c’est surtout dans le vivier de l’ADSL – 95 % des accès haut débit en France (6) – que le câblo-opérateur espère convaincre de migrer vers le très haut débit. « Numericable veut capitaliser sur la fin de l’ADSL pour croître. (…) Le fait d’avoir un bon ADSL nous fait prendre du retard dans le très haut débit, comme le Minitel a retardé Internet en France », a estimé Eric Denoyer. En 2011, Numericable a réalisé 865 millions d’euros de chiffre d’affaires (+ 2,1 % sur un an) pour une marge brute d’exploitation de 436 millions d’euros (également + 2,1 %). La bataille du très haut débit – FTTH versus FTTB – ne fait que commencer. @

Charles de Laubier

Concurrence : Vivendi pose problème sur deux fronts

En fait. Le 28 mars, l’Autorité de la concurrence ouvre un « examen approfondi » sur le rachat en 2006 (renotifié en 2011) de TPS par Canal+, filiale de Vivendi.
Le 23 mars, la Commission européenne ouvre une « enquête approfondie » sur l’acquisition d’EMI par une autre filiale de Vivendi, Universal Music.

Président du Geste : Who’s Next ? Scherer ou Patino ?

En fait. Le 29 mars, le Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste) organisait une matinée prospective : « Médias en ligne : What’s Next ? ». L’événement s’est tenu chez France Télévisions… Son patron de la stratégie, Eric Scherer, pourrait être le prochain président du Geste.