Résultats records de Disney : une “exception culturelle”

En fait. Le 8 novembre, Disney affiche de nouveaux résultats records pour son exercice 2011/2012 clos le 29 septembre : bénéfice net de 5,68 milliards de dollars
(+ 18 % sur un an) et chiffre d’affaires de 42,28 milliards (+ 3 %). Le 30 octobre, Disney a annoncé le rachat de Lucasfilm pour 4,05 milliards.

En clair. La société de production cinématographique de George Lucas, Lucasfilm,
ne divulgue pas ses résultats mais, selon différentes sources, son chiffre d’affaires est d’environ 1,4 milliard de dollars par an. De quoi permettre au conglomérat Walt Disney d’envisager de franchir dans un an, à l’issue de son exercice fiscal 2012/2013, les 45 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Quant aux royalties gérées par Lucas Licencing sur les produits dérivés, elles sont issues des ventes dans le monde dépassant à ce jour les 20 milliards de dollars (1). Cette nouvelle méga acquisition de Disney s’ajoute aux précédentes : le producteur Pixar en 2006 pour 7,4 milliards de dollars (Toy Story, Monsters, Ratatouille, Wall-E, Cars, …) et les studios Marvel Entertainment en 2009
pour 4 milliards (Iron Man, X-Men, The Avengers, …).
Le fait que Lucasfilm et les revenus de Star Wars ou de Indiana Jones tombent dans l’escarcelle de Disney est de bon augure pour le conglomérat de l’« exception culturelle » américaine, dont le chiffre d’affaires 2011/2012 – affichant une croissance annuelle de seulement 3 %, à 42,28 milliards de dollars – s’est avéré décevant pour les analystes. C’est bien moins que les 7 % de croissance enregistrés lors de l’exercice précédent 2010/2011. Le géant Walt Disney, dont 46 % des revenus proviennent des réseaux câblés et des la télévision (ESPN, Disney Channel, ABC, …), 30,5 % des parcs d’attraction et hôtels, 13,8 % des studio de cinéma, 7,7 % des produits dérivés et seulement 2 % des services interactifs, brille plus sur les écrans traditionnels (cinéma, télévision, câble, …) que sur les nouveaux médias (ordinateur, mobile, tablette, …).
Le seul segment d’activité à perdre de l’argent est justement celui des médias interactifs : chute de 14 % des revenus, à 845 millions de dollars ; perte annuelle de 216 millions (208 millions un an auparavant). Disney, qui a du mal à compenser la baisse des recettes des jeux sur console par les jeux vidéo en ligne, peine à décoller dans le Social Game et les jeux sur mobile. Le patron de Disney, Robert Iger, cherche toujours sa stratégie numérique. Il n’a en outre pas le contrôle sur les pertes de Hulu – plate-forme de VOD et de catch up TV dans laquelle Disney/ABC a coinvesti en 2007 avec Fox et NBC Universal (2). @

La SVOD se cherche… sans France Télévisions

En fait. Le 6 novembre, Edition Multimédi@ était partenaire du 16e colloque
NPA-Le Figaro, dont le thème était « l’écosystème numérique en quête d’équilibre ». L’arrivée au printemps 2013 de Netflix et Amazon sur le marché français de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) a égrainé les débats.

En clair. Interrogé en marge du colloque, Rémy Pflimlin, PDG de France Télévisions
nous a répondu que « le groupe [d’audiovisuel public] ne prévoit pas de lancer une
offre de SVOD ». Et d’ajouter : « Il n’y a pas de réflexion dans ce sens, ni sur d’autres services payants car, vous le savez, nous sommes un service public. Le seul service payant que nous proposons est la VOD à l’acte ». C’est en effet le 2 mai dernier que France Télévisions a lancé PluzzVàD, son service de VOD qui propose plus de 3.000 programmes en accès payant après les quatre heures de gratuité sur Pluzz.fr suivant leur diffusion à l’antenne (1). Ainsi, France Télévisions ne se lancera pas dans la course à la SVOD (2) en France, où Netflix et Amazon sont attendus pour le printemps 2013. Mais si la SVOD n’est pas d’actualité pour la télévision publique, elle y a songé comme l’avait indiqué Bruno Patino, son DG délégué à la stratégie, au numérique et
au média global, le 7 avril 2011 : « Pas question de monétiser l’information », avait-il cependant assuré (3).
Plusieurs services de SVOD existent déjà sur le marché français (Free Home Vidéo, Orange Cinéma Séries, SFR Neufbox TV, Pass Séries M6 VOD, Vodeo.tv, Pass Duo de Videofutur, Filmo TV, …). Selon le baromètre NPA-GfK, le chiffre d’affaires de la VOD payante en France – à l’acte et par abonnements – est de 219,47 millions d’euros en 2011, en augmentation de 44,4 % sur un an. Mais les positions respectives de la VOD
à l’acte à quatre mois et de la SVOD à… trente-six mois dans la chronologie des médias freinent cet essor (lire p. 7). Lancé il y a un an, CanalPlay Infinity espère atteindre 200.000 abonnés à la fin de l’année. « C’est encourageant mais le point d’équilibre est plus élevé », a indiqué Patrick Hotzman, directeur de CanalPlay lors
du colloque NPA. Présent sur les box SFR, Free et Bouygues Telecom (mais pas sur celles d’Orange et de Numericable), le service de SVOD de Canal+ se cherche encore : « On a pris du retard sur les services de Netflix et Amazon en termes de prix attractif – 7 euros par mois – et de fluidité et simplicité (naviguer, recommander, personnaliser, cibler). Ce sera notre gros chantier de 2013 avec la TV connectée », a-t-il prévenu. D’autres acteurs français vont se lancer l’an prochain : ABSat avec Jook Vidéo et des ex-Allociné avec iCinema. @

« Les OTT pourraient tuer les Telcos », prédit l’Idate

En fait. Le 17 octobre, l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate) a présenté une analyse de l’économie numérique en prévision du DigiWorld Summit qu’il organise à Montpellier les 14 et 15 novembre prochains
sur « le mobile, le cloud et le Big Data qui changent la donne ».

En clair. Pour François Barrault, le président de l’Idate, la chose est entendue : « Il y a d’un côté les OTT [Over-The-Top] qui en profitent et de l’autre les Telcos [opérateurs télécoms] qui souffrent ». Autrement dit, les OTT que sont Google, Apple, Facebook
ou autres Amazon seraient les seuls à tirer leur épingle du jeu dans un contexte de changements de paradigmes économiques induits par l’Internet. Tandis que les opérateurs télécoms –opérateurs historiques en tête – seraient les seuls à être à la
peine en raison de la chute de leurs recettes téléphoniques, d’une part, et des efforts d’investissements nécessaires à faire dans leurs infrastructures réseaux, d’autre part. Pire : « Le maillon faible [les OTT] pourrait tuer le maillon fort [les Telcos] », met en
garde François Barrault. Est-ce à dire que l’Idate, en tant qu’institut d’études, a décidé
de défendre les intérêts des opérateurs télécoms contre les ambitions des acteurs d’Internet ? Son président s’en défend : « Nous ne prenons pas parti. Nous disons
que la répartition de la valeur est très mal faite entre des sociétés comme Google, essentiellement américaines, et les opérateurs de réseaux qui font partie des faibles,
alors qu’il s’agit là d’une agrégation de noeuds interdépendants où tout est lié. Tout le système risque de se planter avec les OTT si l’on n’en prend pas conscience ». Le directeur général de l’Idate, Yves Gassot, s’inquiète quant à lui du revenu moyen par abonné (ARPU) « inférieur à 30 euros par mois » en Europe, lorsqu’il est de « 55 dollars, voire 60 dollars par mois » aux Etats-Unis. « Il faut que les opérateurs télécoms sortent
de la trappe que constitue le forfait [flat rates, triple play] et redonnent de la valeur à l’accès avec différents niveaux de services et de tarifs pour les abonnés », conseille-t-il. Autrement dit, selon Yves Gassot, « avec l’infrastructure IP, l’intelligence sort du réseau et remonte au niveau des OTT de type Google, Apple ou encore les réseaux sociaux » (1).
Or les opérateurs ne sont pas satisfaits des interconnexions avec leurs réseaux : « Il y a des passagers clandestins ! », dit-il. L’Idate prône donc des tarifs différenciés mais écarte l’idée de « terminaison data » (payée par les OTT aux opérateurs de réseaux) car, indique Yves Gassot à Edition Multimédi@, « elle ne rapporterait au mieux en France que 100 millions d’euros ». @

La Xbox prend à la fois des airs d’iTunes et de FAI

En fait. Le 16 octobre, Microsoft a rendu disponible dans 22 pays son nouveau service de musique en ligne Xbox Music (30 millions de titres), qui est accessible
à partir de ses consoles de jeu, en attendant de l’être par les ordinateurs et tablettes à partir du 26 octobre, puis par les smartphones.

En clair. C’est souvent la « 2ème box » de la maison, la plupart du temps connectée
au réseau Wifi de la première box, celle du fournisseur d’accès à Internet (FAI). Mais Microsoft ne se prendrait-il pas à rêver de devenir la box principale du divertissement
au sein du foyer ? Avec Xbox Music – qui est conçu mondialement par une équipe de plus de 130 ingénieurs basés à… Issy-les-Moulineaux – la firme de Redmond fait en tout cas un pas de plus dans l’offre de contenus gratuits ou payants, tout en faisant tomber les frontières entre les terminaux : console de jeux, ordinateurs, téléviseurs, tablettes et smartphones. « La Xbox est le premier service d’entertainment de
Microsoft », déclare le groupe de Steve Ballmer. Il ne s’agit plus seulement d’une console de jeu mais d’une vraie box, dont le slogan pourrait être : « Peu importe l’accès, du moment que l’on ait les contenus ! ». Après s’être imposée dans le jeu vidéo et diversifiée dans la distribution de contenus audiovisuels (Netflix, YouTube, Hulu, Amazon Instant Video, Lovefilms, ESPN, Canal+, TV d’Orange, …), la Xbox se lance dans la musique – soit un an après l’arrêt du lecteur Zune qui n’a pas rencontré de succès face à l’iPod. En réintégrant son offre musicale dans l’écosystème de la Xbox (Xbox Music Pass, Xbox Music Store, Xbox Music Cloud, …), Microsoft espère rattraper le temps perdu par rapport à Apple et ne pas se faire doubler par le Cloud Player d’Amazon. Mais en se diversifiant dans les contenus culturels, le fabricant de la Xbox Live risque d’inquiéter les FAI qui ne voudraient pas voir leurs propres services court-circuités par une 2e box. «La Xbox, c’est des jeux, mais aussi des loisirs, de la musique en ligne, de la VOD et de nombreuses applications accessibles dans toutes les pièces de la maison », avait souligné en juin dernier Laurent Schlosser, directeur de la division mobilité et opérateurs de Microsoft France (1). Autrement dit, l’époque du monopole des box des FAI dans la maison est révolue. Mais de rassurer les opérateurs télécoms : « Orange utilise déjà la Xbox comme box secondaire. Les opérateurs [télécoms] sont les mieux à même de commercialiser des abonnements Xbox Live ou des services à l’acte. Et Orange augmente ainsi son ARPU ». En France, selon Médiamétrie qui va en assurer la mesure d’audience des applications et du streaming, 2,5 millions de foyers sont équipés d’une Xbox. @

Les “Mip” disqualifient la réglementation audiovisuelle

En fait. Le 11 octobre s’est achevé le 28e Marché international des programmes audiovisuels (Mipcom) qui s’est tenu à Cannes durant quatre jours (12 000 professionnels et 4.000 sociétés). YouTube en a profité pour voler la vedette
aux chaînes traditionnelles nationales, en lançant des chaînes mondiales.

En clair. Quel contraste entre le Mipcom, qui est une place de marché mondiale des programmes audiovisuels sur fond de diversité culturelle, et le PAF, qui s’inquiète pour
le financement de sa création audiovisuelle sur fond d’« exception culturelle ». D’un côté, le business international se règle à coup de contrats commerciaux. De l’autre,
la politique nationale édite des obligations de (pré)financement.
Le paradoxe de la France est que Cannes – ville mythique du Septième Art – est justement l’endroit de la planète où l’industrie de l’audiovisuel se donne aussi rendez-vous, et à deux reprises, pour y faire jouer à plein les lois du marché autour des créations et productions audiovisuelles, voire cinématographiques. Le Mipcom de l’automne est aux « pilotes » (nouveautés), ce qu’est le MipTV au printemps (1) pour les « formats » (déclinables dans différents pays). Ces deux grand-messes de la télévision, résolument numériques et transfrontalières, sont « dites » par le groupe anglo-néerlando-américain Reed Elsevier. Alors que pour l’industrie du cinéma, c’est l’Association française du Festival international du film (AFFIF) qui organise le Festival de Cannes (2) et le Marché du film. Lors des deux « Mip », il n’est pas question de taxes, ni d’obligations réglementaires, encore moins d’exception culturelle : place aux contrats de (re)diffusion audiovisuelle, aux accords d’exclusivités, etc. Les Anglo-saxons marchent sur la Croisette et, partant, les Français s’inquiètent.
En invitant Robert Kyncl (ex-Netflix), vice-président des contenus de YouTube, à faire l’éloge de ses 60 nouvelles « chaînes de télévision » (3), dont 13 en France (lire EM@65), le Mipcom fait figure pour certains de Cheval de Troie de la déréglementation audiovisuelle. « Si (…) des contenus (…) d’outre-Atlantique sont accessibles de la
même façon en ayant contribué en rien au financement de la création, je pense que
notre système va prendre l’eau », a prévenu le 24 septembre Emmanuel Gabla, membre du CSA. Il fait écho à Michel Boyon, qui, le 13 mars (4), a posé la question de réguler YouTube et Dailymotion. @