Rakuten se renforce dans les contenus numériques

En fait. Le 2 septembre, Rakuten a annoncé le rachat de Viki, plate-forme de VOD
en streaming (séries, films, clips, …) basée à Singapour. En juin 2012, Rakuten faisait l’acquisition de Wuaki, un service de VOD espagnol. Et en novembre 2011,
il rachetait le fabricant canadien de liseuses numériques Kobo.

Il y a près de trois ans maintenant, Free lançait l’option TV à 1,99 euro

Malgré les critiques des politiques et des industries culturelles qui n’ont cessé d’accuser Iliad de contournement fiscal, l’option TV à 1,99 euro perdure.
Survivra-t-elle à la nouvelle TSTD ?

La Commission européenne devrait dire d’ici fin septembre si elle accepte ou pas la deuxième mouture, élargie à tous les abonnements fixe et mobile, de la taxe TSTD (pour taxe sur la distribution de services de télévision payée par les FAI) que lui a soumise cet été le gouvernement français.

TSTD : décision en vue
Selon nos informations, c’est Wouter Pieke, le directeur de l’unité « Aide d’Etat » (C4)
à la direction de la Concurrence du commissaire européen Joaquín Almunia, qui examine
la notification de la France. Maintenant que la décision de la Cour européenne de
Justice (CJUE) a validé le 27 juin dernier la « taxe télécom » française prélevée sur
les opérateurs pour financer l’audiovisuel public, Bruxelles va pouvoir maintenant se prononcer sur la nouvelle TSTD. La décision mettra-t-elle un terme à trois ans de flou artistique dans ce domaine ?
Si elle était validée, cela pourrait remettre en question l’option TV à 1,99 euro que Free
a instaurée il y a bientôt trois ans maintenant, en plus du forfait à 29,99 euros (1). Ce surcoût, payé par la plupart des 5,5 millions d’abonnés à la Freebox, a de fait contribué à augmenter l’ARPU des abonnements haut débit. Cette option TV est née à la suite de la hausse, à l’automne 2010, de la TVA à 19,6 % sur les offres triple play, au lieu de 5,5 % sur la moitié de la facture liée à distribution des chaînes de télévision. Ce changement
de fiscalité avait été adopté dans la loi de finances 2011, après que la Commission européenne ait considéré comme illégale l’application par la France de la TVA réduite sur la moitié du triple play. Or cette disposition fiscale avait été instaurée par la loi du 5 mars 2007 « en contrepartie » de la taxe TSTD, payable au fonds Cosip du CNC (2) pour contribuer au financement du cinéma (lire EM@19, p. 7).

Optimisation fiscale ?
Voyant la TVA repasser à 19,6 %, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) se sont estimés floués. Free a été le premier – suivi de SFR – à instaurer une option TV à prix modique, payant de ce fait un écot bien moindre au CNC. Depuis, les gouvernements successifs et des organisations du cinéma et de l’audiovisuel n’ont cessé de dénoncer
ce qu’ils considèrent comme un « contournement fiscal » ou une « optimisation fiscale » de la part de Free.

Le cinéma fustige Free
« Free tente ainsi de faire une économie sur le dos de la création cinématographique et audiovisuelle, en ayant pour objectif de réduire drastiquement l’assiette de la taxe destinée à cette dernière, qui est perçue par le CNC, tout en continuant plus que jamais à faire des œuvres un produit d’appel », dénonçait à l’époque Frédéric Goldsmith, délégué général de l’Association des producteurs de cinéma (APC) (lire EM@27, p.3). « Les créateurs (…) seraient fondés à exercer [leur droit d’autoriser ou d’interdire la retransmission des programmes] pour éviter d’être dépouillés par cette carabistouille », estimait de son côté Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD). @

Charles de Laubier

Publicité : fin de la prime au leader

Finalement, la bonne nouvelle pour la télé, c’est qu’elle a su s’adapter à Internet sans connaître tout à fait le sort, parfois fatal, de la plupart des autres contenus numériques. Ce super média qu’est la télévision bénéficiait d’une armure protectrice connue sous le nom de « prime au leader »,
cette différence constatée entre la part d’audience des chaînes leaders et leur part du marché de la publicité TV
en valeur, laquelle lui est souvent très supérieure. C’est ainsi que la puissance médiatique des chaînes historiques leur a longtemps permis de pratiquer des tarifs supérieurs à ceux des outsiders et de générer des revenus plus importants comparativement à leur audience ou au volume de publicité qu’ils diffusaient. Ainsi, en France, la chaîne TF1, qui enregistrait une part d’audience moyenne de 23 % sur l’année 2012 (en forte baisse par rapport aux années précédentes), captait 42 % du marché de la publicité TV en valeur. De la même façon, ITV, la première chaîne privée au Royaume-Uni en termes d’audience, captait 43 % du marché publicitaire en valeur pour une part d’audience de seulement 16 %.

« Si la pub TV a fait la preuve de son efficacité,
c’est sa notion même qui a perdu de son sens.
Les spots sont désormais distribués en même
temps en live ou en catch up. »

Cet avantage permit à la télévision de disposer de temps pour s’adapter aux nouvelles règles du jeu imposées par Internet, un temps précieux qui manqua tant à la musique ou
à la presse. Malgré la concurrence indéniable des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd), la télévision prolongea son statut à part de média dominant (taux d’adoption par toutes tranches d’âge et consommation importante en temps passé).
À la fois source d’information et de loisirs, la télévision, par sa capacité à générer une audience de masse, dispose d’une puissance incomparable. Il n’est donc pas surprenant que la télévision « gratuite » ait largement attiré les annonceurs en quête de visibilité et de construction d’image, devenant le premier support d’investissement publicitaire avec, en moyenne, 40 % des dépenses médias des annonceurs (en excluant les investissements hors-médias). Et ce, pendant que son chiffre d’affaires continuait de progresser alors que celui de la presse n’en finissait plus de s’effondrer. Pourtant, malgré cette apparente bonne résistance, de premiers signes d’essoufflement apparurent avant 2015, notamment sur les marchés occidentaux où la télévision commença à perdre des parts de marché face à Internet. La multiplication des chaînes fut à l’origine de la fragmentation de l’audience, préjudiciable à l’Audimat des grandes chaînes et donc à leurs recettes publicitaires. De plus, la consommation des programmes TV devenant plus personnelle, elle se reporta vers les « nouveaux » écrans, en temps réel ou différé. Or, face à la désintermédiation, la TV « broadcast » conserva et conserve encore certains avantages irréductibles. En termes de couverture, les grands networks américains avaient toujours, en 2013, un reach de l’ordre de 70 %, quand celui de YouTube n’était que de 32 % et celui de Hulu de 9 %. Ensuite, un téléspectateur américain restait contraint à une moyenne de 72 minutes de publicité TV par jour, contre 23 minutes par mois pour un utilisateur de vidéo online. Pourtant, le “coût par mille moyen” (CPM) sur un site de vidéo premium ou sur un site de chaîne de télévision tenait la comparaison : aux Etats-Unis, il évoluait entre 15 et 20 dollars sur un site comme Hulu, contre 14 dollars pour toucher 1.000 foyers via une chaîne nationale.
Si la publicité TV a largement fait la preuve de son efficacité, c’est sa notion même qui a perdu de son sens. La part des publicités uniquement diffusées sur l’écran de TV pendant le flux de programmes fait place aux spots publicitaires distribués en même temps qu’un programme TV, qu’il soit « broadcasté » ou « streamé », en live ou en catch up. Sur ce ring, où s’est livrée durant cette dernière décennie une lutte sans concession, le combat est en train de se terminer faute de combattants : par la disparition des distinctions classiques. Car tandis que les chaînes survivantes sont devenues à leur tour des
poids lourds d’Internet, les géants du Net ont continué à phagocyter leur part du
gâteau publicitaire… @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Planète numérique
* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, le rapport « La publicité TV face
aux nouveaux médias », par Florence Leborgne.