En 2011, seuls 600 téléviseurs étaient connectés…

En fait. Le 7 février, le CSA invite pouvoirs publics, professionnels et journalistes pour installer le 16 février prochain le « Commission de suivi des usages de la télévision connectée ». Mais selon le Simavelec, seul un tiers des téléviseurs connectables vendus en France l’an dernier l’ont été.

En clair. Michel Boyon, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA),
entame-là l’un de ses plus importants chantiers avant la fin de son mandat qui se
termine dans moins d’un an, le 13 janvier 2013 (1). Il s’agit notamment d’« alléger certaines réglementations pesant sur les chaînes » (chronologie des médias, plafond
de concentration, circulation des oeuvres, …), « sans porter atteinte aux intérêts des créateurs », tout en obligation pour toute entreprise tirant un revenu de l’exploitation
d’une oeuvre de « participer au financement de la création » (2).
Pour Philippe Citroën, président du Syndicat des industries de matériels audiovisuels (Simavelec), lequel regoupe en France les fabricants de téléviseurs (Samsung, LG,
Sony, Philips, Panasonic, …), « il y a une multitude de questions mais peu de réponses aujourd’hui, face aux problèmes soulevés par le passage d’un monde très normé comme l’audiovisuel à un monde totalement dérégulé de l’Internet ». Il attend beaucoup du régulateur. « Le manque de visibilité sur la maturité des contenus, notamment HbbTV, les incertitudes sur la neutralité du Net – et sur les débits –, devront être levés pour assurer le développement de cet “espace” », a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse, le 6 février. Pour l’heure, les usages ne décolleront pas vraiment. D’après le Simavelec, seulement « un tiers » des 1.740 téléviseurs connectables vendus l’an
dernier – sur un total des ventes record de 8.700 écrans de télévision – ont vraiment
été connectés à Internet. Autrement dit, à peine 580 téléviseurs ont été effectivement connectés… Soit à peine 7 % du parc vendu. Ce fossé, entre « connectables » et
« connectés » n’est pas sans rappeler le gap similaire entre les « raccordables » à
la fibre optique à domicile et les « raccordés » à ce même FTTH (3).
Selon les derniers chiffres en date de l’Arcep (4), si l’on compte 1.350.000 logements
« éligibles » (c’est-à-dire raccordables) au FTTH, l’on compte seulement 175.000 abonnés. Soit à peine 13 % du parc installé. Mais Philippe Citroën se veut optimiste :
« Pour 2012, 40 % des 7.000 téléviseurs qui seront vendus seront connectables [soit 2.800 d’entre eux, ndlr] et le taux de connexion sera en forte augmentation ». YouTube, Dailymotion, Facebook, Twitter ou toute application web devront encore attendre encore pour conquérir le salon. @

Le rapport « TV Connectée » de 2011 sera-t-il suivi d’une réforme du PAF en 2012 ?

Publié le 5 décembre, le rapport de la mission sur la télévision connectée (1) appelle
de ses voeux une réaction rapide des pouvoirs publics afin de préparer au mieux
la France aux conséquences de la révolution audiovisuelle annoncée.
La télécommande est dans les mains du gouvernement…

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, Gide Loyrette Nouel.

A l’horizon 2015, 100 % des foyers français seront équipés de téléviseurs connectés (2) permettant potentiellement de surfer, via le petit écran, sur l’ensemble du réseau Internet. Ce que le ministre de la Culture et de la Communication a annoncé comme un « tsunami » (3) promet de modifier nos habitudes de consommation. L’arrivée dans la chaîne des contenus des nouveaux acteurs – que sont les fournisseurs d’accès Internet (FAI), les agrégateurs de contenus et les fabricants de téléviseurs – devrait de plus engendrer des bouleversements profonds dans l’économie de l’audiovisuel.

La TV connectée, le gouvernement et le régulateur

En fait. Le 18 janvier, en marge des vœux de l’Arcep, Bernard Benhamou – à la Délégation aux usages de l’Internet (DUI) – a indiqué à EM@ le lancement mi-février du « premier labo des usages de la TV connectée ». Tandis que le CSA,
lui, installe une « commission de suivi de l’usage de la TV connectée ».

En clair. Le gouvernement et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) prennent les devants pour tenter de maîtriser les usages qui pourraient être faits de la télévision connectée, en vue d’établir un cadre réglementaire adapté et de mettre en place une co-régulation entre les différents acteurs (chaînes, fabricants, fournisseurs de contenus, …). « Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche [dont dépend la Délégation des usages de l’Internet (DUI), ndlr] et le ministère de l’Industrie vont lancer mi-février le premier “labo” des usages de la TV connectée. Il s’agit d’étudier les interactions entre les différents écrans capables de recevoir des programmes audiovisuels », a expliqué Bernard Benhamou à Edition Multimédi@, tout en brandissant une tablette… Cette initiative de la DUI se veut la plus large possible et complémentaire à celle du CSA qui avait prévu d’installer dès janvier 2012 une
« commission de suivi de l’usage de la télévision connectée », associant pouvoirs publics, professionnels de l’audiovisuel et société civile. Interrogé sur ce point, Emmanuel Gabla, membre du CSA (1) présent également aux vœux de l’Arcep,
nous a précisé que cette commission ne sera pas prête en janvier mais d’ici
« mifévrier ». C’est le 5 décembre dernier, lors du premier « symposium » sur la TV connectée – co-organisé par le HD Forum et le consortium HbbTV – que le président
du CSA, Michel Boyon, avait annoncé cette commission pour janvier. Il avait alors
défini « quatre principes » pour préparer l’arrivée de la TV connectée :
• 1 – Refus de tout recul dans la définition des domaines justifiant une régulation (protection de l’enfance, dignité de la personne, protection du consommateur, pluralisme, etc.).
• 2 – Allègement de certaines réglementations pesant sur les chaînes (chronologie
des médias, plafond de concentration, circulation des œuvres) sans porter atteinte
aux intérêts des créateurs.
• 3 – Obligation pour toute entreprise tirant un revenu de l’exploitation d’une oeuvre
de participer au financement de la création.
• 4 – Elaboration d’une co-régulation avec les professionnels pour les contenus audiovisuels circulant sur l’Internet. La plupart de ces orientations se retrouvaient dans
le rapport « Tessier-Levrier-Candilis-Rogard-Manigne » (2) sur la TV connectée. @

Le rapprochement Arcep-CSA-ANFR se concrétise

Le 3 janvier, lors des vœux de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), Eric Besson, ministre de l’Economie numérique, a exposé quelques avancées sur le « rapprochement » qu’il avait appelé de ses vœux il y a un an entre le CSA, l’Arcep
et l’ANFR dans le domaine de la gestion des fréquences.

Contacté par Edition Multimédi@, le directeur général de l’ANFR, Gilles Brégant, assure qu’ « il y a bien eu des progrès sur le “rapprochement” » que souhaite toujours Eric Besson, le ministre de l’Industrie en charge de l’Economie numérique. Bien que cet objectif ne soit curieusement pas évoqué dans son rapport France numérique 2020 publié le 30 novembre 2011, sa volonté politique à défaut de fusionner ces trois autorités administratives indépendantes au moins de les rapprocher. « Je vous confirme que [ce rapprochement] a progressé. Et deux annonces sont donc faites [par Eric Besson le 3 janvier] : d’une part l’installation de la “base maîtresse” des fréquences à l’ANFR, et d’autre part la création d’une capacité d’études à l’ANFR, destinée à être commune (puisqu’elle doit “éclairer le gouvernement et les autorités indépendantes”). Ce ne sont pas des orientations neutres ». L’an dernier, le 10 janvier 2011, le ministre avait été plus explicite en s’adressant à Gilles Brégant, alors nouvellement nommé à
la tête de l’ANFR : « J’attends du nouveau directeur général de l’Agence qu’il contribue activement à ce rapprochement des trois autorités. (…) Les trois autorités compétentes en matière de gestion des fréquences, le CSA, l’Arcep, ANFR, ont vocation à coopérer plus étroitement ». Beaucoup avaient alors interprété ces propos comme une « fusion » annoncée des trois autorités. « La généralisation de l’accès à Internet haut débit fixe et mobile rend la frontière entre le monde de l’audiovisuel et celui des télécommunications tous les jours plus poreuse » : « Nous devons en tirer toutes les conséquences », avait lancé le ministre.
A défaut d’en passer par la loi (d’où le CSA et l’Arcep tiennent leurs missions et leurs structures), le rapprochement CSAArcep- ANFR avance par synergies renforcées, optimisation des moyens et recrutements mutuels. Gilles Brégant est en effet l’ancien directeur technique du CSA. Son DG adjoint, Jean- Marc Salomon, vient d’être recruté également au CSA où il était aussi DG adjoint. Lui-même tout juste remplacé par Michel Combot, lequel était DG adjoint de l’Arcep. A l’heure des réductions budgétaires dans l’administration publique, une fusion serait pourtant la bienvenue. Le rapport « TV connectée » (1) va jusqu’à suggérer « la création d’une autorité unifiée » comme « [voie]
plus pérenne ». @

Jérémie Manigne, groupe SFR : « Il faut sans doute réfléchir à une autorité de régulation unique »

Directeur général au sein du groupe SFR, en charge de l’innovation, des services et des contenus, Jérémie Manigne – également co-auteur du rapport « TV connectée » – explique à EM@ comment les règles du jeu devraient évoluer. Sa stratégie passe par la « coopétition » avec les acteurs du Web.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Vous êtes – avec Takis Candilis (Lagardère), Marc Tessier (VidéoFutur), Philippe Levrier (ex-CSA) et Martin Rogard (Dailymotion) – l’un des cinq co-auteurs du rapport « TV connectée » remis aux deux ministres Frédéric Mitterrand et Eric Besson : quelles sont les plus importantes propositions de la mission ?
Jérémie Manigne :
Le rapport met en lumière la nécessité d’adapter rapidement les règles, qui s’appliquent aux acteurs de l’audiovisuel français, à un contexte de plus en plus ouvert et mondialisé, où Internet s’impose peu à peu comme média de diffusion de contenus. Les mesures proposées visent, d’une part, à permettre le développement d’acteurs français et européens puissants capables de rivaliser avec leurs concurrents internationaux et, d’autre part, à pérenniser le soutien à la création audiovisuelle française en y faisant participer l’ensemble des acteurs de l’Internet.