Philippe Citroën, Simavelec : « Les fabricants de téléviseurs connectés sont prêts à discuter du financement de la création »

Le président du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (Simavelec), par ailleurs DG de Sony France, se dit prêt à « trouver un juste équilibre » avec les chaînes de télévision. Il explique aussi pourquoi son organisation est sur le point de saisir le Conseil d’Etat contre la dernière décision
« copie privée ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La charte « TV connectée »
signée par les seules chaînes de télévision (TF1,
France Télévisions, M6, Canal+, NextRadioTV, …) a maintenant cinq mois. Avez-vous répondu formellement – le Simavelec ou les fabricants – aux éditeurs de chaînes de télévision sur cette charte que vous
avez jugée « sans fondement juridique » ?
Philippe Citroën (photo) :
Le Simavelec n’a pas répondu formellement à cette charte (1). Mais, que ce soit en tant qu’association professionnelle ou en tant que fabricant, les contacts sont nombreux et permanents avec les éditeurs de chaînes de télévision qui en sont les signataires.
Les termes de cette charte ont pu en surprendre plus d’un, mais nous nous inscrivons résolument dans une optique de collaboration avec les chaînes (2), afin de trouver un juste équilibre pour chacun : celui qui résulte de la convergence de la télévision linéaire avec les services en ligne désormais accessibles avec les téléviseurs connectés.
Les questions qu’il nous faut résoudre ensemble sont notamment : comment assurer la protection des jeunes publics, la protection de la vie privée, le financement par tous les acteurs de la création, la neutralité des réseaux, etc.

Télévision et presse délinéarisées : même combat

En fait. Le 13 décembre, se sont tenues les quatrièmes Assises de la convergence des médias – télévision et presse en tête – organisées par l’agence Aromates à l’Assemblée nationale, sous le parrainage du député Patrice Martin-Lalande, co-président du groupe d’études sur l’Internet.

En clair. Google et Apple sont les deux géants mondiaux du Net les plus redoutés
de la télévision et la presse françaises. D’autant qu’ils ne sont pas soumis à la règlementation nationale devenue « désuète » ou « obsolètes », si l’on en croit Olivier Freget, avocat associé chez Allen & Overy. Voilà deux médias confrontés à la déliénarisation de leurs contenus : décomposition de la grille des programmes de télévision au profit de la VOD (1) et à la télévision de rattapage, d’une part, et démembrement de l’oeuvre collective pour les journaux au profit de la diffusion article par article sur tous les terminaux de lecture, d’autre part. Cette « défragmentation du marché », selon l’expression d’Eric Cremer, vice-président de Dailymotion, est une opportunité pour de nouveaux entrants mais une menace pour les positions jusqu’alors bien établies des chaînes de télévision et des groupes de presse. Google est un
« partenaire » de plus en plus encombrant : face à Google TV et Apple TV, les chaînes de télévision françaises se sont liguées contre le « parasitage » de services Web (2) venant en surimpression de leur programmes (3) ; face à Google News et iTunes d’Apple, les éditeurs de journaux veulent faire front et rependre la maîtrise de leurs tarifs (4) en créant un kiosque numérique commun. Côté télévision, Gérard Leclerc, PDG de LCP-Assemblée nationale, s’est rallié à la charte « TV connectée » pour
« éviter que les programmes de télévision ne soient pas pollués par des contenus
du Web ». Côté presse, Francis Morel, directeur général du groupe Le Figaro, s’est exprimé en tant que président du SPQN (5) : « Nous ne voulons pas nous faire dicter les conditions tarifaires par Google ou par Apple. De plus, [par ce biais] nous ne connaissons par nos internautes. C’est inacceptable », s’est-il insurgé. Dans les deux cas, comme le constate Yves Gassot, directeur général de l’Idate (6), « nous avions l’habitude du “content is king” ; il faudrait plutôt dire “device is king” ». Les télévisions
et les journaux voient en effet monter dans l’échelle des valeurs les fabricants de terminaux interactifs, les téléviseurs connectés pour les premières et les tablettes multimédias pour les seconds. Et ce avec des risques de « verrouillage » de la base de clients. La réglementation devra s’adapter elle aussi. « Doit-on aller vers une régulation des contenus sur Internet ? », s’interroge Emmanuel Gabla, membre du CSA, organisateur en avril 2011 d’un colloque sur la TV connectée tentera d’y répondre. @

La TV connectée menace les chaînes de télévision et les opérateurs Internet

Le salon est le théâtre d’une bataille inédite pour prendre le contrôle des abonnés équipés d’un téléviseur connecté à Internet. Cet écran interactif bouscule déjà la chaîne de valeur où s’étaient confortablement installés les éditeurs de télévision
et les fournisseurs d’accès à Internet.

Haro sur les téléviseurs connectés. Philips, Samsung, Sony, LG, Sharp, Toshiba, Panasonic ou encore Technicolor : depuis que les fabricants de postes de télévisions commercialisent des modèles connectables et nouent des partenariats éditoriaux
avec des fournisseurs de contenus interactifs (Yahoo, Google, Amazon, Dailymotion, Apple, …), rien ne va plus dans le nouveau paysage audiovisuel français. D’autant qu’il
se sera vendu en France – Noël aidant – quelque 2 millions de téléviseurs connectés cette année, selon les estimations du Syndicat des industries de matériels audiovisuels (Simavelec). Tandis que le cabinet d’études DisplaySearch table sur la vente de
40 millions d’unités dans le monde, toujours cette année.

Thierry Cammas, MTV Networks France : « La musique banalisée sur le Web renforce notre modèle exclusif »

Le PDG de MTV Networks France, filiale du géant des médias américain Viacom,
ne craint pas les sites vidéo comme YouTube. Il explique à Edition Multimédi@ comment la valeur ajoutée et l’exclusivité de ses chaînes musicales payantes
sont des gages de pérennité. Prochaine étape : la TV connectée.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : YouTube, Dailymotion, MySpace, … Les sites de partage vidéo rencontrent un large succès avec leurs vidéoclips gratuits. Trente ans après sa création (en 1981), MTV craint-il l’arrivée prochaine en Europe de Hulu ou surtout de Vevo, le « MTV du Web » ? Thierry Cammas (photo) : Plus les majors de
la musique banalisent la circulation non exclusive de vidéomusiquessur le Web de façon morcelée et non contextualisée, plus la fonction historique et incontestable d’agrégation et de tri éditorial de MTV en tant que chaîne musicale devient un confort et représente une valeur ajoutée pour le public. Vevo et Hulu qui propose en streaming du contenu « à la demande » sont sur des modèles différents de celui de MTV. Ils n’altèrent pas la valeur d’utilité du média MTV. Ainsi,
face à la promesse de Vevo, nous pouvons toujours garantir l’exclusivité de l’agrégation éditorialisée et l’exhaustivité des genres sur la musique. Et face à Hulu, nous garantissons l’exclusivité de la primo-diffusion linéaire de productions de divertissement (séries, télé-réalités).

La TV connectée constitue un défi pour la réglementation audiovisuelle

L’un des thèmes majeurs cette année de la grande foire de l’électronique grand public, l’IFA à Berlin, fut la télévision connectée. Elle devrait représenter jusqu’à
30 % des téléviseurs cette année. Un développement rapide, mais en l’absence
de réglementation.

Par Winston Maxwell (photo) et Aude Spinasse, avocats, Hogan Lovells

La rapidité de son développement (1), la richesse et la variété potentielle de son contenu, et la multiplication des modèles économiques envisageables sont autant d’éléments qui caractérisent aujourd’hui la TV connectée. Comme son nom l’indique, la TV connectée – parfait symbole de la convergence des médias – est un téléviseur qui diffuse du contenu issu directement d’Internet, via une connexion WiFi ou réseau.