La gestion collective des droits en faveur du webcasting pourrait s’étendre au streaming

Les webradios, qui s’écoutent en flux linéaire sans téléchargement, se multiplient. Dans le prolongement de la mission Hoog, un accord devrait intervenir d’ici fin juillet sur une gestion collective des droits en leur faveur.
En attendant sa généralisation à tous les sites de streaming ?

Plus que deux mois pour se mettre d’accord sur une gestion collective des droits en faveur des sites web de musique de type « webcasting » (écoute linéaire en ligne),
dont certains sont semi-interactifs ou « quasi à la demande » (1). Les discussions des acteurs du Net et des représentants des artistes-interprètes avec les producteurs de musique devraient aboutir à un accord d’ici fin juillet.

112 web-radios déclarées au CSA
A défaut de gestion collective obligatoire obtenue par la mission Hoog, le dernier des treize engagements signés le 17 janvier (2) a donné six mois aux professionnels pour mettre en place une gestion collective en matière d’écoute linéaire en ligne.
« Les producteurs s’engagent à apporter volontairement ces modes d’exploitation en gestion collective à leurs sociétés de perception et de répartition de droits », prévoient en effet les signataires. L’Adami (3), chargée de collecter les futures sommes perçues, avait préconisé que la contribution des webradios sur leur chiffre d’affaires soit de 12,5% pour les non interactives et de 20 % pour les semi-interactives (voir EM@22,p.7). Selon une liste communiquée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à Edition Multimédi@, le nombre de webradios déclarées en France s’élève actuellement à 112 services en ligne. Le groupe NRJ arrive en tête avec pas moins de 45 webradios (émanant de NRJ, Chérie FM, Nostalgie ou Rire et Chansons), suivi de Hotmix Radio (4) et Virgin Radio avec une douzaine de webradios déclarées chacun. Si les grands réseaux ont multiplié les thématiques musicales, de nombreuses webradios indépendantes existent (Aquila FM, Kheops, Paradise Webradio, R D’ici, Radio Nuances, Widoobiz, etc). Toutes ne sont pas déclarées (Skyrock, EnjoyStation, Live365, Radionomy, Goom Radio, Liveradio, Nexus radio, Livestation, Awdio et Slacker, …). Les Rencontres Radio 2.0 reportées de juin à novembre 2011 leur permettra se faire entendre… Selon Médiamétrie, l’audience cumulée des web-radios
a dépassé les 15 millions de sessions par mois – 15,9 millions précisément – de janvier à mars dernier (voir page 10). Les web-radios présentes uniquement sur le Net en représentent 15,5 %, contre 84,5 % pour les webradios reprenant les radios hertziennes existantes. Cette « web-audience » correspond à près de 20 millions d’heures par mois d’écoute radio linéaire sur Internet ! Soumises à des quotas de musiques françaises, les éditeurs de web-radio veulent en outre bénéficier du régime de la rémunération équitable, cette licence légale de 4 % à 7 % des revenus (5) dont bénéficient les radios hertziennes. Le rapport Création & Internet de la mission Zelnik préconisait bien son extension au webcasting EM@ 5). Xavier Filliol, président de la commission « Musique en ligne » du Geste avait indiqué à EM@ que si cette discrimination envers les webradios devait perdurer, un recours auprès de la DGCCRF n’était pas à exclure (6).
Sans attendre la gestion collective pour les webradios, des voix se sont élevées – comme celle du Geste (7) – pour que ce régime puisse être appliqué aux autres sites de streaming – y compris interactifs – ou même aux plateformes de téléchargement. L’Adami, elle, n’a pas renoncé à l’étendre à d’autres usages comme le streaming à
la demande. D’autant que son usage progresse : d’après les chiffres du Snep (8), le streaming musical va dépasser allègrement cette année les 10 millions d’euros de chiffres d’affaires (contre 9,8 millions en 2010) et dépasse les 3 millions sur le premier trimestre 2011.
Et il a un avantage par rapport au téléchargement : il est encore épargné par le piratage, même si l’Hadopi travaille à « la mise en place d’un protocole d’observation des flux sur les réseaux » (9). Bref, les négociations en cours autour de la gestion collective et de la licence légale – sans parler du retour de l’idée de licence globale dans la campagne présidentielle (10) (*) (**) – préfigurent une réforme plus en profondeur des modèles économiques des industries culturelles sur Internet.

Réinventer le partage de la valeur Dans la musique, la mission Chamfort-Colling-Thonon- Selles-Riester doit rendre mi-juin ses conclusions sur le financement de
la filière, tandis que le chercheur Patrick Waelbroeck rendra mi-juillet son rapport à l’Hadopi sur la répartition de la valeur entre les acteurs. Tandis que l’Hadopi, chargée du suivi des engagements « Hoog », auditionne les acteurs pour rendre compte mi-juillet également. Dans le cinéma et la télévision, suite aux propositions de Dominique Richard sur la convergence télécomaudiovisuel (11), le ministère de la Culture et de
la Communication (12) étudie les contributions à la création des fabricants de TV connectée et des acteurs du Web. Quant au ministère de l’Economie numérique, il organise une réunion en octobre sur le financement des réseaux. Un nouveau monde culturel en ligne est en marche. @

Charles de Laubier

Frédéric Goldsmith, APC : « Les films ne peuvent plus être ignorés dans les nouvelles chaînes de valeur »

Le délégué général de l’Association des producteurs de cinéma (APC), présidée
par Anne-Dominique Toussaint, répond à Edition Multimédi@ sur les enjeux numériques et réglementaires auxquels doit faire face le Septième Art français. Entre inquiétudes et opportunités.

Convergence télécoms-audiovisuel et financement des oeuvres : vers une nouvelle régulation

Ancien député UMP du Maine-et-Loire, conseiller régional des Pays de la Loire et membre de la Cnil, Dominique Richard – auteur du rapport « Audiovisuel 2015 » remis en avril – a été nommé par le CSA Médiateur pour la circulation des œuvres. Et une mission « TV connectée » vient d’être lancée.

Dominique Richard devient le nouvel homme fort du paysage audiovisuel français en pleine mutation. S’il ne fait pas partie
de la mission TV connectée lancée le 28 avril par Frédéric Mitterrand lors du colloque du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur le sujet, il en est l’instigateur. Confiée à Marc Tessier (1), Philippe Levrier (2), Takis Candilis (3), Martin Rogard (4) et Jérémie Manigne (5), cette mission – dont les conclusions sont attendues pour septembre – s’inscrit en effet dans le prolongement du rapport sur les perspectives de l’audiovisuel en France d’ici 2015 que Dominique Richard a remis le 4 avril au ministre de la Culture et de la Communication lors du dernier MipTV à Cannes (6). Ce consultant, conseiller régional des Pays de la Loire et membre de la Cnil, vient en outre d’être nommé par le CSA Médiateur pour la circulation des œuvres. Il s’agit notamment de « fluidifier » un marché encore dominé par un oligopole constitué par les chaînes historiques. La TNT, l’IPTV, le Web, la VOD, la catch up TV et plus encore la TV connectée – en attendant la télévision mobile personnelle (TMP) – sont en passe de déstabiliser le marché français des programmes audiovisuels et cinématographiques.

Un rapport, un médiateur et une mission
Se posent alors les questions épineuses de la libre circulation des œuvres sur les nouveaux réseaux numériques de diffusion, ainsi que de leur financement via le fonds Cosip (7). « Les opérateurs de réseaux de télécommunication pourraient ainsi se voir autorisés à facturer l’hyperconsommation de bande passante aux nouveaux acteurs,
quel que soit leur lieu d’implantation, pour financer les investissements et soumettre le chiffre d’affaires supplémentaire ainsi généré à la contribution Cosip, plutôt que de créer une nouvelle taxe spécifique », suggère Dominique Richard dans son rapport final.
Les ambitions audiovisuelles affichées des Google, Apple et autres géants du Net,
sans parler de l’arrivée prochaine de plateformes télévisées et vidéo telles que Netflix ou Hulu, accroissent la pression. De plus, les fabricants de téléviseurs (Samsung, Panasonic, LG Electronics, …) s’invitent dans la chaîne de valeur. La fragmentation de l’offre de contenus audiovisuels, sur fond de bataille des exclusivités, apparaît aux yeux de Frédéric Mitterrand « préjudiciable ».

Films et programmes : bataille des contenus
Qu’ils se nomment Samsung, Yahoo, Dailymotion ou Microsoft, tous les nouveaux diffuseurs audiovisuels vont être appelés à financer la création en France. Fragmentation, financement et répartition de la valeur seront donc au coeur de cette mission « TV connectée ». Surtout, la bataille des contenus va s’intensifier entre diffuseurs, distributeurs et services en ligne. D’autant que les chaînes hertziennes historiques – TF1, France Télévisions, M6 et Canal+ – n’ont plus le monopole de la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles, ni les seules supposées cofinancer des œuvres pour en avoir l’exclusivité initiale en tant que « primo-diffuseurs ». Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), les éditeurs de services de VOD ou encore les nouvelles chaînes de télévision numérique terrestre (TNT) – voire les fabricants de terminaux interactifs – veulent pouvoir remplir leurs catalogues de programmes dans
des conditions tarifaires raisonnables, de façon non discriminatoire et dans le respect
de la concurrence. Ce sera le rôle central du Médiateur pour la circulation des œuvres. Dans sa lettre de mission datée du 28 mars 2011, Dominique Richard a deux ans pour démontrer l’efficacité de son action de conciliation, d’arbitrage et de règlement de litiges entre les tuyaux et les contenus. Il sera à la circulation des œuvres sur les réseaux numériques ce que le Médiateur du cinéma (Roch-Olivier Maistre) – institué en 1982
dans le sillage du CNC (8) – est à la chronologie des médias (de la salle aux autres fenêtres de diffusion). Des freins sont identifiés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) depuis 2006. L’accès aux programmes et aux films récents par les nouveaux supports et les services de médias audiovisuels à la demande – les fameux SMAd (VOD, Catch up TV, …) – devient un enjeu crucial. Les chaînes historiques ont commencé à être concurrencées à partir de 2000 par le câble, le satellite et la TNT, lesquels ont aussi été appelées comme leurs aînées à des quotas de diffusion d’oeuvres audiovisuelles et à des obligations de contribution financière à la production d’oeuvres. En 2007, Dominique Richard s’était déjà penché avec David Kessler sur les relations entre les diffuseurs et les producteurs (décrets Tasca) : cette première mission a abouti à trois décrets sur les régime de la contribution à la production audiovisuelle des différents éditeurs de services de télévision. Et pourtant. Bien que le « gel de droits » n’ait pas été démontré, le CSA a néanmoins constaté que « la circulation des oeuvres s’effectue principalement entre chaînes d’un même groupe » grâce notamment à une clause dite de « droit de premier et dernier refus » ou « clauses de rétrocession », lesquelles reviendraient à un gel de droits, autrement dit « à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence » (9). Ce qui ne va pas sans poser des problèmes pour les autres chaînes de la TNT et pour les SMAd. Ces derniers sont en effet soumis, par décret du 12 novembre 2010 applicable depuis le 1er janvier 2011, à des obligations de financement de films et de programmes. Mais s’ils ne peuvent accéder aux programmes et films, leurs obligations sont inatteignables et leur pérennité compromise faute d’œuvres attractives à leur catalogue.
Avec leur charte TV connectée rendue publique le 23 novembre, les chaînes françaises veulent en plus garder le contrôle du téléviseur. Dans son rapport d’étape remis fin novembre, Dominique Richard estime que les TF1 et M6 pourraient refuser de donner accès à leur programme à Google TV par exemple, en prétextant des régimes d’obligation différents. Il met en garde contre une « situation de blocage », bien que les fabricants de téléviseurs soient en « position de force » dans la mesure où la charte
« [ne les] engage pas »). Les Google TV, Apple TV et autres plateformes de VOD pourraient être de redoutables concurrents. « (…) L’enjeu général pour Google et l’ensemble des acteurs concernés est donc de capter une part des 3 h 33 quotidiennes de “temps de cerveau disponible“ (10), ainsi que les recettes publicitaires associées », explique Dominique Richard dans son rapport final. Alors que sa lettre de mission de Médiateur ne le prévoit pas explicitement, ce dernier pourrait aussi être saisi de conflits entre plateformes VOD et FAI. La conseillère d’Etat Sylvie Hubac avait bien identifié – dans son rapport remis début janvier au CNC – le manque d’ouverture des FAI, plus soucieux de favoriser leur propre service de VOD que d’ouvrir leurs réseaux IPTV à des bouquets de VOD concurrents.

VOD et chronologie des médias
Se pose aussi la question de la chronologie des médias : elle a proposé de réduire le délai de diffusion des films en VOD par abonnement (actuellement de 36 mois après la sortie en salle). La réforme de la chronologie des médias, y compris les 4 mois de la VOD à l’acte, semble inéluctable comme le suggère Marc Tessier. Autant dire que la convergence numérique-audiovisuel va plus que jamais bousculer la réglementaire
et la régulation de deux mondes qui se regardent en chiens de faïence. Le rapport
« Audiovisuel 2015 » prône un « rapprochement » entre le CSA et l’Arcep. @

Charles de Laubier

TV connectée : préparatifs avant lancements fin 2011

En fait. Le 7 avril s’est achevé le 48e Marché international des programmes
de télévision (MipTV), après quatre jours à Cannes. Chaînes, producteurs, distributeurs, opérateurs télécoms, fabricants de téléviseurs et régulateurs y
ont notamment discuté des menaces et des opportunités de la TV connectée.

Frédéric Sitterlé, mySkreen : « Nous référencerons toute l’offre légale de la VOD et de la TV de rattrapage »

Le président-fondateur de la société mySkreen explique à Edition Multimédi@ comment il veut faire de son portail vidéo la plateforme de référencement de
l’offre VOD en France, avec l’aide du grand emprunt et de l’Institut national
de l’audiovisuel (INA). Son tour de table porte sur 11 millions d’euros.