Rodolphe Saadé, PDG de l’armateur CMA CGM, a investi 2 milliards d’euros dans les médias français

L’armateur marseillais et logisticien maritime CMA CGM, que dirige depuis 2017 le milliardaire Rodolphe Saadé (fils du fondateur), est devenu en deux ans un géant des médias français. Selon les calculs de Edition Multimédi@, le Franco-Libanais a déjà investi 2 milliards d’euros via sa filiale CMA Media.

En deux ans, Rodolphe Saadé (photo) s’est fait une place de choix dans le club très fermé des dix milliardaires qui possèdent à eux seuls la majeure partie des médias en France (1). En un peu plus de deux ans, la cinquième fortune française – avec un patrimoine familial de 32 milliards d’euros, d’après Challenges (2) – s’est emparée de plusieurs actifs médiatiques de l’Hexagone, et non des moindres : La Provence et sa filiale Corse-Matin en août 2022 (pour 81 millions d’euros), La Tribune/La Tribune Dimanche en juillet 2023 (pour un montant estimé à 35 millions d’euros), BFM et RMC en juillet 2024 (en acquérant la totalité d’Altice Media pour 1,55 milliard d’euros).
A ces emplelles dignes d’un magnat de la presse et de la télévision, le Franco-Libanais a aussi investi, en tant qu’actionnaire minoritaire cette fois, dans : M6 à partir de fin 2022 pour atteindre 10,25 % du capital en avril 2023 (valorisés à l’époque 126,4 millions d’euros (3)), le média vidéo Brut en avril 2023 pour 15 % du capital (alors valorisés 6 millions d’euros (4)), et, bien que cela ne soit pas un média à proprement parler mais une école de journalisme, l’ESJ Paris (5) en novembre 2024 pour quelques centaines de milliers d’euros (sur un tour de table d’environ 3 millions d’euros (6)). Selon les calculs de Edition Multimédi@, CMA Media (ex-Whynot Media, anciennement CMA CGM Médias) – la holding médias du géant mondial du transport maritime de conteneurs et de la logistique portuaire – a donc injecté un total de 2 milliards d’euros à ce jour.

Médias, y compris école, formation et IA
Car aux presque 1,8 milliard d’euros (7) que totalisent les différents investissements directs dans les actifs médiatiques mentionnés, il faut ajouter d’autres dépenses de la maison mère qui concernent aussi en partie ses différents médias : l’intelligence artificielle, en cofondant notamment en novembre 2023 la start-up Kyutai (100 millions d’euros injectés), et l’innovation et la formation via la création cette année de son propre centre baptisé Tangram (plusieurs millions d’euros). Ce qui, si l’on affecte aux médias concernés une quote-part de ces derniers investissements, nous amène à 2 milliards d’euros environ. (suite)

TV : l’Arcom a l’avenir de la TNT entre ses mains

En fait. Du 8 au 17 juillet, l’Arcom auditionne les désormais 24 candidats (au lieu de 25 après le désistement d’Altice Média) à 15 fréquences de la TNT en France, pour des chaînes de télévision nationales. Les 15 chaînes dont l’autorisation d’émettre expire en 2025 sont en lice pour tenter d’être réautorisées.

En clair. Ils étaient 25 candidats déclarés recevables par l’Arcom depuis le 22 mai pour tenter soit pour seize d’entre eux de se maintenir sur leur fréquence de la TNT (TFX, TMC, LCI, BFMTV/Altice Média, BFMTV/CMA CGM, NRJ 12, C8, Canal+, Canal+ Sport, Canal+ Cinémas, CNews, Gulli, Paris Première, CStar, Planète+, W9), soit pour neuf d’entre eux de faire leur entrée en obtenant une fréquence de la TNT (Le Média TV, L’Express TV, RéelsTV, OF TV, Mieux, OP TV, La Chaîne Histoire/LCH, Humour TV, BATV).
Ils ne sont plus que 24 candidats depuis le 3 juillet avec le désistement – auprès de l’Arcom (1) – d’Altice France qui portait le projet de renouvellement de la chaîne d’information en continu BFMTV, dont la filiale du groupe du milliardaire Patrick Drahi était jusqu’au 2 juillet encore propriétaire. Car c’est à cette date là que BFMTV est tombée dans l’escarcelle d’un autre milliardaire, Rodolphe Saadé, dont le groupe maritime CMA CGM a finalisé l’acquisition de 100 % de la société Altice Média (2), éditrice des chaînes BFMTV, RMC Découverte et RMC Story ainsi que des radios RMC et BFM Business.

Le marché français de la SVOD devrait saturer un « Max » en 2024 et Netflix y perdre des plumes

Max, la plateforme de SVOD lancée aux Etats-Unis en mai 2023 en lieu et place de HBO Max et de Discovery+, risque d’être la goutte qui fera courant 2024 déborder le vase d’un marché français déjà saturé. A ce nouvel entrant, s’ajoutent les hausses tarifaires et les publicités des autres services.

« Il est libre Max » de choisir, aux Etats-Unis où la plateforme de SVOD (1) de Warner Bros. Discovery a été lancée il y a huit mois, entre trois tarifs mensuels : 9,99 dollars pour deux écrans avec publicités ; 15,99 dollars pour un accès sans publicités ; 19,99 dollars pour une diffusion 4K sans publicités, son immersif Dolby et quatre flux simultanés. Max est la fusion de HBO Max et de Discovery+, les deux services de SVOD issus de la mégafusion en février 2022 entre les groupes américains WarnerMedia et Discovery (2). L’arrivé de Max en Europe commencera au printemps 2024.

Fin des accords HBO, place à Max
Mais la France et la Belgique devront attendre l’été prochain. « Max is not available in your region », nous répond-t-on pour l’instant sur Max.com. Mais d’ores et déjà, la plateforme de Warner Bros. Discovery (WBD) a un double impact sur le marché français. D’une part, il y a un an, l’accord de diffusion entre HBO et le bouquet de télévision payante OCS (codétenu par Orange et Canal+) est arrivé à échéance. En conséquence, la plupart des séries de la chaîne américaine de WBD ont été supprimées du catalogue d’OCS. D’autre part, en mars dernier, Amazon Prime Video et WBD ont lancé le Pass Warner en exclusivité, avec tout le catalogue HBO et 12 chaînes de ce dernier dans un seul abonnement, sur Prime Video Channels et en HD voire 4K pour 9,99 euros par mois. Cet accord ne devrait pas durer au-delà du lancement de Max en 2024. Max sera la quinzième grande plateforme à se lancer en France, alors que la toujours numéro une de la SVOD – Netflix – fêtera les dix ans de son lancement dans l’Hexagone le 15 septembre prochain (3). Selon les informations de Edition Multimédi@, obtenues auprès de Digital TV Research, le service au « N » rouge compte à fin 2023 un peu plus de 11,6 millions d’abonnés sur le marché français, soit pas loin du double de son rival Amazon Prime Video qui arrive en seconde position avec 6,6 millions d’abonnés.

Echec du rachat d’OCS et Orange Studio par Canal+ ?

En fait. Le 13 décembre, un porte-parole de l’Autorité de la concurrence a indiqué à Edition Multimédi@ que l’examen du dossier de vente d’OCS et Orange Studio à Canal+ (groupe Vivendi) est « encore dans sa phase 1 ». La décision attendue sera un approfondissement (phase 2), un feu vert ou un rejet.

En clair. Avec le projet de rachat par Canal+ de la totalité des actions qu’Orange détient dans le bouquet de chaînes payantes OCS (66,33 %, Canal+ détenant déjà les 33,33 % autres) et dans Orange Studio, filiale de coproduction de films et de séries, l’Autorité de la concurrence (ADLC) est confrontée à une opération plus compliquée que prévu. « Les délais de la “phase 1” d’examen de ce dossier de concentration (25 jours ouvrés maximum) sont largement dépassés, ce qui a été possible par la suspension de la procédure dite “Stop the clock” », explique à Edition Multimédi@ un porte-parole de l’ADLC.
Mais impossible de savoir si le verdict – passage en « phase 2 », feu vert ou rejet de l’opération – tombera avant Noël ou sera repoussé à janvier. La Correspondance de la Presse avait évoqué le 19 décembre (1), sinon le mois prochain. La signature du « protocole d’accord » (2) entre Orange et Canal+ en vue de l’acquisition par ce dernier d’OCS et d’Orange Studio aura alors un an le 9 janvier 2024. L’opération avait été notifiée à l’ADLC le 11 juillet 2023. Mais sans attendre la notification, une phase de « tests de marché » avait été lancée dès le printemps par l’envoi de questionnaires aux acteurs concernés, puis les « tiers » ont eu jusqu’au 3 août 2023 pour faire part de leurs « observations ».

Les Indés Radios et Radioplayer France se développent parallèlement sans fusionner

Le GIE Les Indépendants préside à la fois aux destinées des Indés Radios (129 radios indépendantes) et de Radioplayer France (240 radios privées ou publiques). Ces agrégateurs, édités par deux entités séparées, affichent une audience cumulée reflétant l’ensemble du paysage radiophonique français. Le groupement d’intérêt économique Les Indépendants (GIE Les Indépendants), qui édite l’agrégateur Les Indés Radios, et la société Cosmos, qui édite l’agrégateur Radioplayer France, sont étroitement liés et basés tous les deux rue Lübeck à Paris. Les deux entités – la première créée en novembre 1992 et la second en juillet 2020 – sont présidées chacune depuis le début par Jean-Eric Valli (photo). « Les deux agrégateurs sont édités par deux structures et des partenaires distincts ; ils ont donc vocation à se développer parallèlement sans fusionner », indique-t-il à Edition Multimédi@. Deux structures distinctes, quoique Avec ses 129 radios indépendantes, Les Indés Radios caracole en tête des audiences de la radio en France avec un cumul de 13,4 % de la population en moyenne par jour, bien devant France Inter (12,6 %) et RTL (10,1 %) d’après le dernier relevé de Médiamétrie (1). Cet agrégateur intègre toutes les radios, webradios et podcasts des radios adhérentes au GIE Les Indépendants. De son côté, Radioplayer France n’est pas mesuré en tant qu’agrégateur de radios par Médiamétrie – « Ce n’est pas prévu », nous indique-t-on – mais a revendiqué pour son deuxième anniversaire en avril 900.000 téléchargements de son application, laquelle est en revanche mesurée par Médiamétrie : 217.000 visiteurs uniques en avril 2023, selon nos informations. Cet agrégateur encore en phase de décollage, et édité par la société Cosmos, a vocation à intégrer toutes les radios de France (240 à ce jour, publiques et privées) avec leurs webradios (700) et podcasts (250.000). Comme nous l’a précisé Jean-Eric Valli, Les Indés Radios (2) et Radioplayer France (3) continueront d’évoluer séparément, sans perspective de fusion. Pourtant les deux agrégats radios sont liés à au moins deux niveaux, outre le fait que les deux entités soient domiciliées dans les mêmes locaux parisiens : d’une part, la présidence de la société Cosmos a été confiée aux Indés Radios (le GIE Les Indépendants), et, d’autre part, ce même GIE détient en tant que cofondateur de Cosmos une participation dans cette société d’un montant égale à celle des cinq autres associés : Altice Média, Lagardère News (Europe 1, Europe 2 et RFM), Groupe M6 (RTL, RTL2 et Fun Radio), NRJ Group (NRJ, Chérie FM, Nostalgie et Rire & Chansons) ainsi que Radio France (France Inter, France Info, France Bleu, Fip, …). A part le fait que Jean-Eric Valli, qui est en outre président du groupe radiophonique 1981 (Oüi FM, Voltage, Forum, Latina, Blackbox, Vibration, …), soit président des deux structures, leurs gouvernances sont distinctes. Le GIE Les Indépendant est piloté par un conseil d’administration composé de douze membres, à la présidence duquel Jean-Eric Valli a été réélu le 9 février dernier pour un mandat de trois ans jusqu’en janvier 2026. Tout comme Bertrand de Villiers (président d’Alouette) en tant que premier vice-président du GIE des Indés Radios. Radioplayer France en est encore à ses débuts en comparaison des Indés Radios qui, avec plus de 30 ans au compteur, affiche un chiffre d’affaires publicitaire national de 167,2 millions d’euros en 2022, en progression de 0,5 % sur un an, TF1 assurant la régie. Radioplayer France fait partie de l’organisation à but non lucratif Radioplayer Worldwide (ex-UK Radioplayer Ltd) fondée en GrandeBretagne en mars 2011 par Michael Hill, un transfuge de la BBC. Celui-ci vient de céder en mai dernier sa place de directeur général à Yann Legarson, lequel était jusqu’alors directeur général de Radioplayer France. Le successeur de Yann Legarson en France a été annoncé le 7 juin dernier en la personne de Régis Verbiguié (ancien éditeur numérique du Figaro, puis de Libération, de Elle et de Marianne). « Radioplayer Worldwide est une société à but non lucratif. Il n’y a pas de projet d’introduction en bourse », a répondu Yann Legarson à Edition Multimédi@. Cette « maison mère » n’a pas véritablement d’actionnaires mais plutôt des « membres », comme nous l’avait expliqué Michael Hill en novembre 2020 (4) : la BBC (partenaire à 50 %), Global Radio (28 %), Bauer Media (11 %) et Radiocentre (11 %). Le réseau international de Radioplayer Worldwide (5) compte actuellement « 19 pays unis par le biais d’une plateforme technique et d’une marque commune pour renforcer la place de la radio dans l’univers digital ». Conquêtes : voitures, enceintes et TV « Radioplayer va lancer une nouvelle application dans quelques mois, qui valorisera encore plus l’offre de podcasts et d’écoute de la radio en replay », indique-t-on en France. A l’international, la plateforme – intégrable via une interface de programmation (API) – étend sa zone de diffusion aux voitures connectés (partenariat avec Volkswagen/Audi, BMW, Renault, …, y compris dans Apple CarPlay et Android Auto), aux enceintes connectées (Google Assistant, Alexa d’Amazon, …), et aux Smart TV (Samsung, LG, Apple TV, …). Il y en aura pour toutes les oreilles. @

Charles de Laubier