Et si la France faisait entrer le haut débit, voire la fibre optique, dans le contenu du service universel?

Le service universel des télécoms n’a pas évolué depuis… 1999 ! Tablant sur un financement mixte public-privé du « Plan France Très haut débit », afin de tenter de connecter toute la population d’ici 2022, la France n’a même pas mis le simple haut débit dans ce dispositif social à prix réduit.

« En Europe, la France doit (…) convaincre l’Union européenne de la nécessité d’inscrire le très haut débit dans le cadre du service universel à fournir aux Européens dans les dix ans
à venir ». C’est une recommandation surprise qu’a faite l’exsecrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, Geneviève Fioraso (photo), dans son rapport
« Open Space » remis le 26 juillet dernier au Premier ministre (1). C’est même une proposition que l’on n’attendait pas du tout d’une mission, confiée par Manuel Valls, sur la filière spatiale (2).

Le spectre du cuivre continue de planer sur la fibre

En fait. Le 6 juillet se sont déroulées les 10es Assises du Très haut débit, organisées par l’agence Aromates, avec pour thème interrogatif cette année :
« Vers un marché unique du très haut débit ? ». Elles se sont tenues quelques jours après la 3e conférence annuelle du plan « France Très haut débit ».

En clair. Le réseau de cuivre a la vie dure, bien que l’on ne cesse de l’enterrer vivant pour mieux imposer la fibre optique. Et ce, avec l’objectif du chef de l’Etat François Hollande d’amener cette fibre jusqu’au domicile de tous les foyers français d’ici à 2022. Or, pour l’heure, la France a déployé 6 millions de prises raccordables en FTTH (Fiber-To-The-Home). Mais seulement 1,5 million d’entre elles ont fait l’objet d’un abonnement. La fibre optique n’a donc séduit que 26,5 % du total des foyers éligibles au tout-fibre. Autrement dit : 73,5 % sont donc… inutilisées, malgré des milliards investis ! Et encore, l’Arcep inclut dans les abonnés « FTTH » des abonnements FTTO (pour Office) de professionnels et/ou petites entreprises (1) (*) (**).
De plus, comme l’a relevé Patrick Chaize, président de l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca), en ouverture des 10es Assises du Très haut débit, les zones dites moins denses ont du mal à attirer les opérateurs télécoms. Et l’Avicca de déplorer : « Les chiffres montrent clairement un décrochage de présence des grands opérateurs [Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free, ndlr], puisque le taux de mutualisation (…) est moitié moindre sur les RIP [Réseaux d’initiative publique, ndlr] que sur les réseaux privés (30 % contre 56 %) ». Résultat, à ce jour, il y a seulement 611.000 prises « RIP FTTH » dans ces zones moins denses. La France est donc menacée de fracture numérique « très haut débit », malgré 100 départements déployant de la fibre pour un total en cours de 12 milliards d’euros – dont 2,5 milliards provenant de l’Etat (2). Loin des 20 à 25 milliards d’euros nécessaires pour fibrer tout l’Hexagone… d’ici six ans. Résultat : la France est lanterne rouge du très haut débit en Europe, selon l’Idate. Heureusement, il y a le cuivre ! La France compte 22 millions d’abonnés haut débit xDSL – en ADSL lorsqu’ils ne sont pas déjà en VDSL2 pour 5,4 millions d’entre eux.
Ce plébiscite du cuivre par les Français n’est pas du goût de l’Arcep qui, propose d’augmenter le prix le gros de la boucle locale de cuivre, afin de favoriser le FTTH. Quant au groupe TDF, par la voix d’Arnaud Lucaussy, il souhaite que l’Arcep mette en oeuvre le statut de « zones fibrées » préconisé en février 2015 par Paul Champsaur (ex-président de l’Arcep), dans le but d’organiser « l’extinction du réseau de cuivre ». Réaliste ? @

Le cuivre fait de la résistance face à la fibre : le succès du VDSL2 freine les abonnements au FTTH

Il y a en France autant de « logements éligibles » – raccordables mais pas forcément abonnés – au très haut débit sur ligne téléphonique (VDSL2) qu’il n’y en a pour la fibre optique jusqu’à domicile (FTTH) : plus de 5 millions chacun. Mais la première technologie compte bien plus d’abonnés que la seconde !

La technologie VDSL2 permettant du très haut débit sur ligne téléphonique de cuivre progresse en France. Selon l’Arcep, il y a aujourd’hui plus de 5,3 millions de lignes éligibles au VDSL2, soit une hausse d’environ 78.000 lignes lors du dernier trimestre comptabilisé en date (+1,5 %). Mieux : si l’on regarde sur un an l’évolution de cette technologie capable de remplacer l’ADSL par endroits, la hausse est alors de 450.000 lignes éligibles supplémentaires, soit un bond de près de 10 % en un an.

Le peu d’abonnés à la fibre en France est tabou

En fait. Le 8 juillet, se sont tenues les 9e Assises du Très haut débit. Il a beaucoup été question de fibre optique qui doit constituer 80 % du très haut débit pour tous d’ici 2022. Mais la question du peu d’abonnés FTTH – 1 million – par rapport aux 4,3 millions de prises disponibles reste taboue.

En clair. « Le nombre d’abonnés à la fibre optique jusqu’à domicile ne cesse d’augmenter, ce qui est encourageant. Nous sommes sur une tendance de croissance des abonnements au FTTH [Fiber-To-The-Home, ndlr] irréversible. De plus, très peux de ces abonnés ne se désabonnent, car il y trouvent leur intérêt. Dès que nous aurons atteint un taux de transformation de 30 % contre 23 % aujourd’hui [entre le nombre de prises de fibre optique disponibles et le nombre d’abonnements],il y aura alors un effet d’entraînement », a expliqué Antoine Darodes, directeur de la Mission très haut débit,
à EM@, en marge des 9e Assises du Très haut débit. Devenu le 6 juillet directeur de
la nouvelle Agence du numérique, il s’est ainsi voulu rassurant en répondant à notre question sur le faible nombre d’abonnés FTTH en France par rapport aux prises pourtant disponibles. Le 16 juillet, le ministre Emmanuel Macron a d’ailleurs appelé les opérateurs à respecter leurs engagements. En effet, selon les chiffres de l’Arcep au 31 mars dernier (1), la barre du 1 million d’abonnés au FTTH vient à peine d’être franchies malgré plus de 4,3 millions de foyers desservis. Ce qui équivaut aux 23% de transformation évoqués par Antoine Darodes.

Neutralité du Net : la décision de la FCC ne répond pas à la question du financement des réseaux

La décision du régulateur américain datée du 26 février sur la « Net Neutrality » est-elle si « historique » ? Pas vraiment, tant sa position est identique depuis des années. Or, ne fallait-il pas au contraire de nouvelles règles pour prendre en compte l’asymétrie des échanges – comme l’envisage l’Europe ?

Par Rémy Fekete, avocat associé, Gide Loyrette Nouel

Rémy Fekete