TNT, le second souffle

Rien ne sert de courir il faut partir à point. La fable du Lièvre et la Tortue de La Fontaine s’applique particulièrement bien
à la course que se livrent depuis plus de 20 ans les réseaux de télévision numérique terrestre (TNT) et les réseaux de fibre optique (FTTH). Face aux performances d’athlète de
la fibre, la TNT paraissait bien moins impressionnante.
Mais elle est partie à temps, pour une course de fond parsemée d’obstacles qu’elle franchit l’un après l’autre, consciencieusement. Autant la fibre est depuis longtemps donnée gagnante dans l’acheminement à très haut débit des programmes TV et de
la VOD, autant la TNT n’était que très peu attendue : les téléspectateurs d’alors n’exprimaient aucune attente claire et les chaînes de télévision en place traînaient plutôt des pieds face à cette concurrence annoncée. Ce fut surtout une question de volonté politique : moderniser un réseau très ancien, libérer du spectre et proposer au plus grand nombre une offre plus large de programmes assortie de catch up TV, de « push VOD » (sur disque dur numérique), de radio et de services interactifs. Mais avant d’en arriver là, le top départ fut donné en France dès mars 2005 dans quelques villes, après avoir été plusieurs fois retardé en raison de difficultés tant politiques que techniques. Ce fut dès
lors une lente montée en puissance, que les ricanements des premiers temps peinèrent
à perturber.

« La TNT 2.0 multiplie les chaînes assorties de catch up TV, de ‘’push VOD’’ (sur disque dur numérique), de radio et de services interactifs »

Il est vrai que les grilles de programmes des premières années n’étaient souvent que
des alibis permettant d’occuper la lucarne en attendant des jours meilleurs. Tout cela est bien loin : aujourd’hui près du tiers des ménages français reçoit encore la télévision via ce réseau. La TNT gratuite et universelle a ainsi enrayé le déclin de la télévision terrestre qui, avant 2005, connaissait une migration chronique de ses abonnés payants vers d’autres canaux de réception. Ainsi trois des principales offres payantes proposées au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne avaient disparu entre 2002 et 2005. Dans le même temps,
les abonnés de Canal+ France, première chaîne analogique payante en Europe, avaient migré vers d’autres modes de réception. Depuis lors, avec la numérisation des réseaux et l’amélioration de l’offre, la télévision terrestre a reconquis des téléspectateurs (+ 1,2 million de foyers abonnés entre 2008 et 2011). Cette diversité nouvelle est d’autant plus frappante que les offres de télévision à péage se multiplient sur la TNT : Boxer dans les pays scandinaves, Top Up TV au Royaume-Uni, ou encore les offres à la demande ou prépayées en Italie pour des matches de football accessibles sur la TNT. La France, elle, devint dès 2011 le premier pays européen en nombre d’abonnés à une offre de télévision terrestre (1,8 million de foyers en France en 2011). Et ce, principalement grâce à l’offre
de Canal+ qui propose un abonnement à sa chaîne premium sous forme d’un bouquet
de cinq chaînes et distribue par ailleurs une offre de TNT payante.
L’extinction du signal analogique, qui eut lieu fin 2011 pour la France, a maintenu une croissance du nombre de foyers regardant la télévision via la TNT (plus de 9 millions de foyers). Un attrait régulièrement renouvelé par une offre sans cesse enrichie : en 2012, six nouvelles chaînes vinrent s’additionner aux 19 gratuites existantes, sans compter
une grosse vingtaine de chaînes locales. En 2015, ce fut le basculement de l’ensemble des chaînes de la TNT au format MPEG4, puis aujourd’hui à la norme DVB-T2. Ces chaînes se regardent en HD et, pour certaines, en 3D grâce aux nouveaux téléviseurs, mais ce sont surtout les services multi-écrans qui ont chamboulé le rapport des téléspectateurs aux chaînes. Des startup étonnantes ont su réinventer la TV connectée : la Boxee Box, par exemple, a eu un grand succès à New York en permettant de porter
les vidéos et programmes TV du Web sur le téléviseur aux côtés des chaînes gratuites
de la TNT.
La TNT, en se retournant sur le chemin parcouru depuis son lancement, pourrait bien s’écrier à l’adresse de ses rapides concurrents : « Eh bien ! N’avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ? ». @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Satellite, les nouveaux FAI
* Directeur général adjoint du DigiWorld Institute by IDATE.
Sur le même thème, l’institut a publié son étude
« Le marché mondial de la télévision :
marchés et prévisions 2016 », par Florence Le Borgne

La TNT 2.0 n’attend plus qu’un appel à candidatures

En fait. Le 9 mars, l’Association pour le développement des services TV évolués
et interactifs (Afdesi) a présenté les premiers résultats de l’expérimentation
« Mes Services TV » diffusé sur la TNT avec le standard HbbTV (1). Une quinzaine d’éditeurs ont joué le jeu. La balle est maintenant dans le camp du CSA.

Nouvelles chaînes de TNT et TV connectée : l’année 2012 va chambouler le PAF

Si le paysage audiovisuel français (PAF) a déjà été agité par l’abrogation des chaînes « bonus », l’année prochaine le sera encore plus avec l’arrivée de six nouvelles chaînes gratuites sur la TNT, connues au printemps, et la montée en puissance de la télévision connectée.

La greffe TNT- IPTV

Lorsqu’il s’agit de télévision, nous avons tous des souvenirs, des nostalgies : programmes de notre enfance, avènement de la couleur, multiplication progressive des chaînes, ….
Il en est un autre qui m’est revenu en me repassant le film
de l’aventure de la télévision hertzienne. L’électricien de notre village de Lozère était régulièrement mobilisé pour régler, souvent au plus fort de l’hiver, la frêle et fragile antenne qui délivrait à la population les trois chaînes alors disponibles. Ce Mike Giver de nos campagnes a depuis longtemps disparu, le village recevant désormais la télévision par satellite, en mode IPTV sur ligne téléphonique ou via la TNT (télévision numérique terrestre). Cette dernière devint le seul mode de réception hertzien à la suite de l’extinction du signal analogique en 2011. Fin d’une aventure qui aura traversé tout le XXe siècle. Mais ce ne fut pas la mort de la diffusion hertzienne car la promesse de la TNT a été en grande partie tenue : permettre
à tous, et sur tout le territoire, de recevoir un bouquet de télévision gratuite d’une vingtaine de chaînes, avec un enrichissement progressif de programmes en haute définition et de services interactifs.

« La TV connectée a encore bousculé les règles du jeu,
en ouvrant grande la porte à la diffusion délinéarisée
et en s’affranchissant des grilles des chaînes »

 

Lancée en 2005 en France après quelques tâtonnements, après les précurseurs britanniques et espagnols, la TNT française a freiné l’érosion de la télé hertzienne qui représentait encore le mode de réception dominant pour plus de moitié des ménages.
La concurrence déjà ancienne du satellite et du câble, confrontée à une lente érosion
de leur part de marché, eut un renfort de poids avec le développement rapide de l’IPTV – dopé par la nouvelle montée en débit permise par le déploiement combiné de la fibre et
du VDSL2 à 100 Mbits/s – qui passa à plus de 30 % des foyers équipés en 2015 pour dépasser les 50 % aujourd’hui. Dans de nombreux pays européens où ne dominent ni
le câble ni le satellite, ce succès doit beaucoup au couplage de la distribution de l’accès d’Internet et de la télévision. Ce fut la stratégie privilégiée des fournisseurs d’accès des pays où il n’existait pas, ou peu, d’offres de télévision multi-chaînes gratuites, comme en France, en Italie ou en Espagne.
Cependant, la performance du réseau ne fait pas tout, loin s’en faut, comme l’a montré
le succès mitigé rencontré par les services de contenus distribués par les opérateurs télécoms, du moins en Europe : difficulté pour accéder aux chaînes premium des grands éditeurs de télévision à péage, très faible profitabilité des services de vidéo à la demande (VOD), gratuité des services de TV de rattrapage, absence d’attractivité des services de VOD par abonnement. Ces difficultés à valoriser les offres de télévision n’est cependant pas une fatalité. La télévision à péage britannique Sky a su conjuguer enrichissement du service et croissance des revenus grâce au « multi room », c’est-à-dire la distribution du service de télévision sur plusieurs téléviseurs et, surtout, à un décodeur haute définition équipé d’un disque dur. C’est cette voie que les opérateurs télécoms ont tenté d’explorer par le développement des set-top-boxes haut de gamme, facturées en option au-delà
du service d’accès de base. Ce ne fut pas le moindre des paradoxes de voir un Free,
« inventeur » du triple play à prix unique, sortir en 2010 l’IPTV de son package de base, quitte à perdre des abonnés.
La télévision connectée a encore bousculé les règles du jeu, en ouvrant grande la porte à la diffusion dite OTT (services over the top de TV délinéarisée par opposition aux services managés fournis via les box des opérateurs) et en s’affranchissant des grilles de programmes des chaînes.
Une troisième voie a été ouverte par l’apparition de décodeurs hybrides TNT-Internet
haut débit. Ces offres, aujourd’hui très populaires, combinent un bouquet de chaînes de télévision linéaires et des services à la demande OTT. Ce modèle économique repose
sur la vente ou la location du décodeur, une commission de distribution des services VOD apportant un complément de revenus. Une évolution qui soulage le réseau de la bande passante réservée à l’IPTV et renforce encore l’attrait pour le consommateur des box multi-fonctions. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Terminal ouvre-toi !
* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, étude « Future Television : Les
scénarios de la migration Internet », par Gilles Fontain