Sites web, applis et bientôt vidéo : comment la mesure d’audience de l’Internet devient « globale »

Médiamétrie intègre désormais les mesures d’audiences des tablettes à celles, déjà fusionnées depuis deux ans, des ordinateurs et des smartphones. Les premiers chiffres « Internet global » seront publiés fin mars. Sites web et applis sont concernés, et bientôt la vidéo.

Par Charles de Laubier

Coralie FourmentrauxLe triptyque « ordinateur+mobile+tablette » a désormais sa mesure d’audience globale sur Internet. Les résultats obtenus sur janvier 2015 seront publiés pour la première fois par Médiamétrie en
mars prochain. D’ici là, courant février, médias, annonceurs et professionnels de la publicité en ligne concernés ont accès de façon confidentielle aux résultats tests effectués sur le mois de décembre 2014. Près de deux mois sont en effet nécessaires pour « fusionner » les données provenant à la fois des ordinateurs (mesures site centric et panel de 20.000 personnes), des smartphones (logs opérateurs mobiles et panel de 10.000 individus) et maintenant des tablettes (panel de 1.500 et, selon nos informations, bientôt mesures site centric).

Internet global « single source » en 2016
Les tablettes, que les panélistes soient sous Android ou sur iOS, complètent ainsi l’ « Internet global » que l’institut de mesure d’audiences proposera désormais tous les mois. « Nous allons pouvoir, à partir de mars, fournir aux acteurs du marché une vision globale de leurs usages, de leurs audiences et de la puissance de leurs marques sur l’ensemble d’Internet et sur les trois écrans », a dévoilé Coralie Fourmentraux (photo), directrice des projets et développement chez Médiamétrie//Netratings, société commune entre l’institut français Médiamétrie et le groupe hollandais Nielsen (1).
A l’heure du multi-écrans (au nombre de 6,4 en moyenne par foyer en 2014) et du multi-tasking, cette évolution globale de la mesure d’audience en ligne – aux résultats dédupliqués pour prendre en compte l’effet cross-media – est la bienvenue au moment où les internautes (43,5 millions en France), les mobinautes (30,4 millions) et les tablonautes (12,6 millions) sont pour une part les mêmes utilisateurs.
Le mediaplanning, qui entre dans l’ère du « trois écrans », va permettre aux marques
et aux agences publicitaires d’établir leurs plans medias multi-terminaux. La prochaine étape importante de l’Internet global de Médiamétrie va être de passer de la fusion des données de mesures à une seule source de données, ce qui devrait aussi raccourcir le délai entre la mesure et sa publication. « Pour l’instant, nous utilisons une méthodologie de “fusion”. Mais nous préparons cette année, pour l’an prochain, une méthodologie single source, avec des panélistes qui seront alors à la fois sur ordinateurs, mobiles et tablettes, au lieu d’avoir les trois panels différents actuels. Ce nouvel “Internet global’’, qui ne fournira plus qu’un seul chiffre de référence à partir de données exhaustives, sera disponible mi-2016 », a-t-elle indiqué. Ce panel unique multi-écrans sera toujours enrichi – par hybridation – de données site centric et de logs opérateurs. Médiamétrie passera dans le même temps de trois à une nomenclature globale unique, et pareillement pour la méthodologie de traitement. Pour les acteurs du Net et des médias, notamment des publicitaires, les résultats de référence seront restitués sur
une seule interface web au lieu de trois jusqu’à maintenant. Rappelons que, depuis
mai 2014, Médiamétrie et Google ont lancé en France « le premier panel single
source multi-écrans » composé de 2.900 foyers équipés de quatre écrans : télévision, ordinateur, tablette et mobile. Le géant américain utilise ses technologies de mesure pour Internet, tandis que l’institut français utilise les siennes pour la télévision. Cependant, les résultats PAME (Panel Multi Ecrans) des deux partenaires sont réservés aux clients et ne sont donc pas publiés. « Il est par contre bien prévu de proposer au marché une mesure TV 4 écrans, dont les premiers résultats devraient être disponibles d’ici la fin de l’année », a indiqué Coralie Fourmentraux à Edition Multimédi@.
Médiamétrie//Netrating a en outre lancé en novembre dernier une offre baptisée XCR (Cross Campaign Ratings), qui propose de mesurer l’efficacité publicitaire à travers un bilan d’exposition « TV + Net » et reposant sur les mesures Médiamat de Médiamétrie et l’offre existante OCR (Online Campaign Ratings) de Nielsen. Cela permet de mesurer la couverture globale à un plan bi-média (télé/online).

La vidéo en ligne donne la mesure
La vidéo n’est pas en reste puisque Médiamétrie prépare pour cette année une mesure « Internet global vidéo », là aussi sur ordinateur, smartphone et tablette. Pour l’instant, la mesure de l’audience vidéo de l’institut français s’en tient aux ordinateurs depuis septembre 2011. « On va procéder en deux étapes. Dans le courant de cette année, nous allons proposer de premiers résultats d’usages et d’audiences aux acteurs qui sont taggués. Et l’an prochain, nous nous baseront sur le panel single source que l’on aura développé pour produire la mesure de référence exhaustive (ordinateur, smartphone et tablette) de la vidéo en France », a-t-elle encore annoncé. Quant au GRP Vidéo (GRP pour Gross Rating Point, ou PEB pour Point d’Exposition Brut), qui mesure la pression d’une campagne publicitaire sur une cible définie, il est enfin entré fin janvier dans phase de test sur des campagnes publicitaires réelles pour une commercialisation prévue ce mois-ci (courant février 2015).

Pub : comparer Net et TV
Le GRP Vidéo fournira des indicateurs comparables avec le GRP TV existant de la télévision. Initié en mai 2012 et très attendu par l’Union des annonceurs (UDA) et l’Union des entreprises de conseils et d’achat média (Udecam), il offrira un indicateur de GRP commun à la TV et au Net : définition du contact intégrant durée et visibilité). Après une consultation en avril 2014 auprès d’acteurs capables de mesurer la durée et la visibilité, Médiamétrie et les professionnels ont finalement choisi Integral Ad Science comme partenaire technique (au détriment d’Alenty et d’Adledge).
Reste à savoir si les chaînes de télévision (TF1, M6, France 2, …) et les plateformes vidéo (YouTube, Yahoo, Dailymotion, …) tireront avantage du GRP Vidéo. Pour les annonceurs, cette nouvelle mesure leur permettra de mieux connaître l’efficacité d’une campagne vidéo en ligne, notamment le réel impact en catch up TV (replay), et de son rapport qualitéprix. Le marché de la publicité vidéo sur Internet pourrait être incité à vendre du GRP Vidéo et non plus du CPV (coût par vue), du CPM (coût pour mille vues) ou du CPC (coût par clic), bref monétiser du qualitatif plutôt que du quantitatif.
La recherche d’audience pour les vidéos publicitaires pourra passer aussi par les achats aux enchères de type RTB (Real Time Bidding). Du moins si l’inventaire vidéo (comprenez les espaces publicitaires disponibles sur les sites web et les applications) faisait apparaître des invendus. Or, pour l’heure, L’offre d’inventaire vidéo est actuellement toujours inférieure à la demande des annonceurs…
Entre l’Internet global et le GRP Vidéo, le marché de la publicité sur Internet atteint un certain niveau de maturité. En France, ils sont à ce jour 35 millions de vidéonautes à regarder dans un mois 29 minutes et 3 secondes de vidéos en moyenne par personne et par jour (2). L’audience quotidienne moyenne par mois de vidéos dépasse même les 10 millions d’internautes, soit une progression de 8,3 % sur un an. @

Charles de Laubier

Le standard HTML5 prépare la revanche du Web sur les applications et les écosystèmes fermés

Lors de son intervention à la conférence LeWeb, le 10 décembre dernier, Tim Berners-Lee – l’inventeur du World Wide Web il y a 25 ans – a dénoncé les environnements fermés et verrouillés des « applis » mobiles, tout en se posant en garant de l’ouverture et de l’interopérabilité du Net. 2015 sera l’année du HTML5.

Tim Berners-Lee« Il nous paraît aujourd’hui naturel de regarder une vidéo directement dans son navigateur web, ou encore d’accéder au Web sur son téléphone. Nous nous attendons à pouvoir partager des photos, faire du shopping, lire le journal, et accéder à des informations partout, et sur tout type de terminal. Bien qu’invisibles pour la plupart des utilisateurs, HTML5 et la plateforme Web sont à l’origine de leurs attentes croissantes », avait déclaré Tim Berners-Lee (photo), président du consortium W3C, lors de la publication du nouveau standard HTML5 le 28 octobre dernier.

HTML5 et le principe de l’interopérabilité
Créé il y a vingt-cinq ans par le Britannique Tim Berners-Lee lorsqu’il était travaillait au Cern (ex-Conseil européen pour la recherche nucléaire) à Genève, le langage universel de création de sites et d’applications web Hypertext Markup Language (HTML) est plus que jamais – avec cette cinquième révision majeure – la clef de voûte du Web.
HTML5, c’est la garantie de pouvoir développer en une seule fois des sites et des applications en ligne qui seront interopérables sur les différentes plateformes et terminaux, tout en intégrant audio, vidéo, graphismes, animations ou encore dessins vectoriels (sans plugins). C’est la réponse du Web aux environnement plus ou moins verrouillés que sont les écosystèmes iOS d’Apple, Windows Phone de Microsoft, Android de Google ou encore le Fire OS d’Amazon, lesquels imposent autant de développements aux éditeurs d’applications. Avec l’HTML5, un seul développement cross-platform suffit selon le principe du « Développer une fois ; déployer partout ». Grâce à lui, les navigateurs web reprennent l’avantage sur les « applis » ou les
« apps » fermées.
Le cabinet d’études américain Gartner considère le HTML5 comme étant l’une des dix technologies mobiles les plus importantes pour 2015 et 2016. Et selon un sondage mené cette année par Vision Mobile auprès de 10.000 développeurs dans le monde,
42 % d’entre eux utilisent une combinaison d’HTML, CSS (1) et JavaScript (2) pour tout ou partie de leurs applications Web mobiles. HTML5 va leur faciliter la tâche, les développeurs de logiciels bénéficiant de la licence libre de droits et sans versement de redevances. Pour les industriels d’environnements propriétaires, soucieux de préserver leur walled garden, Apple en tête, ce standard ouvert présente des risques en matière de sécurité et de vie privée. Ce à quoi le W3C rétorque que la cryptographie, l’authentification et la gestion des identités feront parties intégrantes du nouveau standard. Le W3C, qui fête cette année ses vingt ans d’existence (3) et les vingt-cinq ans du Web, se diversifie de plus en plus pour répondre aux nouveaux usages tels
que les paiements web, l’automobile connectée, l’édition numérique, les télécommunications et les industries de divertissement (télévision, cinéma, etc.). Le HTML5 apparaît comme LA réponse à la fragmentation de l’économique numérique, confronté à la multiplication des plateformes – et terminaux associés – incomptatibles entre elles. Le problème de cette noninteropérabilité préoccupe la Commission européenne, qui y voit un morcellement du marché unique numérique :
« A peu près 35 % des développeurs ont été gênés par le manque d’interopérabilité entre plateformes comme Android, iOS et Facebook », avait-t-elle relevé en février dernier. En plus de ce frein technique, « une majorité de développeurs se sont
plaints de dépendre entièrement, de fait, des plateformes mises au point par les
géants américains, ainsi que des conséquences d’une telle dépendance en termes
de recettes » (4).
Après la neutralité du Net, l’interopérabilité deviendrait le nouveau sujet de débat en Europe. La fondation Mozilla, à l’origine du navigateur Firefox, est l’une des pionnières du HTML5. « Nous voulons que le Web soit la place de marché universel, la plateforme universelle, que l’on ait besoin d’iPhone, d’Android, de Windows ou autres. Les développeurs doivent pouvoir développer une seule application – en HTML5 – pour qu’elle soit utilisable sur tous les terminaux et plateformes », expliquait il y a un le Français Tristan Nitot, président fondateur de Mozilla Europe et porte-parole mondial
de la fondation (5).

Neutralité de l’Internet
Président depuis dix ans du W3C qu’il a fondé il y a vingt ans, Tim Berners-Lee est
un ardent défenseur de la neutralité de l’Internet. Britannique, il a été fait le 16 juillet
« chevalier commandeur » par la reine d’Angleterre Elizabeth II. « Le Web doit rester universel, ouvert à tous et n’altérant pas l’information véhiculée. La technologie devenant plus puissante et disponible sur davantage de types de terminaux d’accès », a-t-il déclaré à cette occasion. En 2015, il recevra le Prix Gottlieb Duttweiler. @

Charles de Laubier

La pomme d’Apple écrasée entre Google et Samsung en 2014 ?

En fait. Le 7 janvier, le cabinet d’études Gartner a estimé que les ventes mondiales de smartphones, ordinateurs et tablettes fonctionnant sous le système d’exploitation de Google franchiront le milliard d’unités cette année. Ayant adopté Android, Samsung est le premier à tailler des croupières à Apple.

Tim Cook, CEO d'Apple

Tim Cook, CEO d’Apple depuis août 2011

Mozilla pose la question de la neutralité des App Store

En fait. Le 21 novembre, Tristan Nitot, président Mozilla Europe et porte-parole mondial de la fondation, est intervenu au DigiWorld Summit pour dénoncer « la face sombre des places de marché » de type App Store – Apple en tête. Il a plaidé pour que le Web soit « la plate-forme de marché universel ».

Hervé Rony, Scam : « La dynamique de l’Acte 2 de l’exception culturelle s’effiloche »

Le directeur général de la Société civile des auteurs multimédia (Scam) fait part
de ses regrets sur le projet de loi de Finances 2014 (redevance, Cosip, …) et se
dit favorable au conventionnement de services Internet avec le CSA. Pour le livre numérique, il craint le piratage et l’autoédition comme pour la musique (il fut DG
du Snep de 1994 à 2009).