Les GAFAM appelés à financer l’audiovisuel public

En fait. Le 6 juin, à l’Assemblée nationale, la « mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public » a présenté son rapport, qui préconise notamment de « compenser à l’euro près la suppression de la publicité après 20 heures » par « une fraction des recettes de la taxe sur les services numériques ».

En clair. C’est à huis-clos le 6 juin que les députés JeanJacques Gaultier (LR) et Quentin Bataillon (Renaissance) ont présenté – et soumis au vote de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale – le rapport de la « mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public ». Le sujet est sensible et fait l’objet d’une passe d’armes entre le public (France Télévisions) et le privé (TF1, M6, Canal+, …). Si la majorité relative présidentielle d’Emmanuel Macron semble avoir déjà acté la fin de la publicité après 20 heures – et jusqu’à 6 heures du matin – sur les chaînes publiques (y compris le parrainage), il lui reste à « compenser à l’euro près » ce manque à gagner pour France Télévisions par « une fraction des recettes de la taxe sur les services numériques » (TSN).
C’est une l’une des trente propositions présentées dans le rapport « Gaultier-Bataillon », non publié à ce stade, en vue d’être reprises dans une proposition de loi organique (c’est-à-dire portant sur le fonctionnement des pouvoirs publics) portée par les deux députés. Surnommée « taxe GAFA », la TSN a été instaurée par la France – premier pays européens (suivis d’autres comme l’Espagne ou le Royaume-Uni) à l’avoir fait – par la loi du 24 juillet 2019. Depuis cinq ans maintenant, l’Etat français prélève 3 % sur le chiffre d’affaires – et non sur les bénéfices comme le prévoit au niveau mondial l’OCDE (1) – généré par les géants du numérique dont les revenus mondiaux dépassent les 750 millions d’euros, dont plus de 25 millions d’euros « au titre des services fournis en France » (2).
Qui l’eût cru : Google/YouTube, Meta/Facebook, Amazon/Prive Video, Apple/AppleTV+ ou encore Microsoft/MSN pourraient contribuer au financement de l’audiovisuel public français ! A l’origine, faire payer aux GAFAM la suppression de la publicité sur l’audiovisuel public n’est pas une idée d’Emmanuel Macron – bien qu’envisagée dans ce que devait être la grande réforme de son premier quinquennat (la réforme de l’audiovisuel) – mais de Nicolas Sarkozy (3). En 2016, les plateformes vidéo telles que YouTube s’étaient déjà insurgées, avec les opérateurs télécoms, contre la taxe « Copé » appelée aussi TOCE (4), en vigueur depuis mars 2009 et au profit de France Télévisions jusqu’en 2018. Depuis 2019, elle alimente le budget général de l’Etat. @

 

Apple TV+ : obligé de financer des films français

En fait. Depuis le 20 avril, la plateforme de vidéo à la demande à l’acte ou par abonnement Apple TV+ intègre le bouquet MyCanal (sans surcoût pour les abonnés de Canal+). Et ce, en plus d’être déjà diffusée par bien d’autres canaux de distribution. En France, Apple TV+ passe aussi un cap vis-à-vis de l’Arcom.

En clair. En s’alliant avec « la chaîne du cinéma » Canal+, Apple franchit un pas de plus dans l’écosystème de « l’exception culturelle française ». Et ce, au moment où la firme de Cupertino va devoir financer plus de films et séries français. Car le chiffre d’affaires d’Apple TV+ en France a franchi en 2022 les 5 millions d’euros – le seuil de déclenchement de l’obligation de financement du cinéma français. L’Arcom s’apprête à signer une convention avec Apple TV+ (1), après avoir signé le 22 mars un avenant (2) avec Amazon Prime Video.
Sur MyCanal depuis le 20 avril, sans abonnement supplémentaire pour les abonnés de la chaîne cryptée de Vivendi, Apple TV+ devient un des produits d’appel de Canal+. « Il s’agit d’une offre incroyable pour les abonnés Canal+. Et avec des séries comme “Liaison” [série franco-britannique, ndlr] et “Les Gouttes de Dieu” [série franco-japonaise, ndlr], nous confirmons notre engagement auprès de l’industrie créative française », a assuré Eddy Cue, vice-président des services d’Apple, le 14 avril dernier. La marque à la pomme ajoute MyCanal à sa multitude de moyens d’accès déjà opérationnels, non seulement via le site web « tv.apple.com » pour ordinateurs mais aussi par l’application Apple TV+ disponible sur iPhone, iPad, sur les boîtiers et dongles Apple TV 4K, Roku, Fire TV (Amazon), Chromecast/Google TV, sur les Smart TV (Samsung, LG, Vizio, Sony, Xfinity, …), ou encore sur les consoles de jeu PlayStation et Xbox. Mais pour Canal+, c’est sans précédent : « Pour la première fois de son histoire, le groupe Canal+ a choisi d’offrir l’accès aux contenus d’une plateforme partenaire à tous ses abonnés en France. Avec ce partenariat historique, nous consolidons à la fois notre métier d’agrégateur, via la distribution d’Apple TV+, et notre métier d’éditeur, avec la diffusion de séries Apple Original sur notre chaîne Canal+ », a expliqué Maxime Saada, président du directoire de Canal+ (3). MyCanal+ offre aussi Netflix, Disney+ et Paramount+.
Bien que la firme de Cupertino soit partie plus tardivement que Netflix ou Disney+ sur le marché de la SVOD, Apple TV+ ayant été lancé en novembre 2019, elle est en train de mettre les bouchées doubles. Sa particularité par rapport à ses rivaux : « proposer uniquement des productions originales », à savoir des films et des séries désignés sous l’appellation « Apple Original » en exclusivité, moyennant 6,99 euros par mois. @

La vente d’Orange Studio et des chaînes OCS à Canal+ est l’épilogue d’une stratégie « contenus » sacrifiée

En cédant son bouquet de télévision OCS et sa société de production Orange Studio à Canal+ (groupe Vivendi), l’ex-France Télécom donne le clap de fin à ses ambitions hésitantes dans les contenus. Mais c’est surtout la vente d’Orange Studio (ex-Studio 37) et de son catalogue qui laisse un goût amer.

Orange Studio, c’est Frédérique Dumas (photo) qui en parle le mieux. Dans son livre « Ce que l’on ne veut pas que je vous dise », paru il y a un an chez Massot Editions (1), celle qui fut à partir de 2007 directrice générale de Studio 37, puis d’Orange Studio lors du changement de nom il y a dix ans, raconte par le menu la stratégie chaotique de cette société de production audiovisuelle et cinématographique de l’opérateur télécoms historique français.

De Didier Lombard à Stéphane Richard
Productrice de cinéma et femme politique, Frédérique Dumas est aussi en novembre 2005 conseillère régionale d’Île-de-France lorsque France Télécom (2) l’appelle pour qu’elle conseille l’opérateur historique décidé à se lancer dans les contenus. « Je propose donc alors à Orange tout simplement la création d’un outil de coproduction à l’image de StudioCanal (…) sans déclencher de guerre [avec Canal+] », relate-t-elle. Et de « travailler avec tout le monde, y compris avec sa propre concurrence ». En mars 2007, soit un an après avoir remis sa « note stratégique » avec business plan à la division des contenus d’Orange et après avoir convaincu Didier Lombard (successeur en 2005 de Thierry Breton à la présidence de France Télécom), la filiale de coproduction Studio 37 est créée et nommée ainsi parce que ses bureaux étaient alors 37 rue du ChercheMidi à Paris. Le PDG de Pathé, Jérôme Seydoux, sera le premier à coproduire avec Studio 37. « Les Beaux Gosses » de Riad Sattouf sera un succès. UGC, TF1 International (droits audiovisuels) et d’autres suivront, à l’exception de Nicolas Seydoux, président de Gaumont, et de sa fille Sidonie Dumas. «Il faut le dire. S’il y a des films comme “The Artist” [de Michel Hazanavicius, ndlr], c’est grâce à Didier Lombard. S’il y a des films dits “politiques” comme ‘’Welcome’’ de Philippe Lioret, “L’Ordre et la Morale” de Mathieu Kassovitz, c’est grâce à Didier Lombard. Il était fier de Studio 37 et il venait à toutes les avant-premières », assure Frédérique Dumas. Didier Lombard lui a garanti une vraie indépendance – « Chez Orange, ils n’y connaissent rien », lui a-t-il même dit – mais si le patron de l’époque lui reprochera de «provoquer une guerre avec Canal+» après qu’elle ait accordé une longue interview publiée le 22 mai 2008 dans Le Monde sous le titre « Canal+ essaie de dissuader les producteurs de venir nous voir » (3). Ses propos avaient donné des sueurs froides au directeur des contenus d’Orange de l’époque, Xavier Couture, ex-PDG de Canal+, lequel ne cessera de tenter de « récupérer le pouvoir sur Studio 37 ». Mais la protégée de Didier Lombard gardera sa « liberté » durant quatre ans. « Tout va donc changer avec l’arrivée de Stéphane Richard [nommé directeur général d’Orange le 1er mars 2020 avant de succéder à Didier Lombard le 24 février 2011, ndlr]. Studio 37 est immédiatement dans le collimateur », se souvient Frédérique Dumas. Stéphane Richard est devenu PDG depuis à peine un mois que des rumeurs circulent selon lesquelles « les chaînes [Orange Cinéma Séries (OCS), bouquet de télévision créé dans la foulée de Studio 37 le 17 novembre 2008 (4), ndlr] pourraient être cédées à Canal+ et Studio 37 vendu à Gaumont ». En juillet 2011, Canal+ prendra 33,3 % du capital d’OCS. Côté studio, on fait comprendre à Frédérique Dumas que « [ses] jours sont comptés ». Stéphane Richard, dont la femme Anne est productrice de films (mais dans l’impossibilité de bénéficier de financement de la filiale cinéma) et critiquera auprès de son mari les choix de la directrice d’Orange Studio, ne lui fera jamais confiance. Frédérique Dumas est licenciée en janvier 2014 et ses avocats « obligeront Orange à négocier (…) une transaction à titre confidentiel » à l’été 2015. A ce jour, Orange Studio – 200 coproductions et près de 1.800 œuvres à son catalogue, dont des films oscarisés comme « The Father » de Florian Zeller – est en train d’être vendu avec OCS à Canal+. @

Charles de Laubier

ZOOM

Frédérique Dumas a failli être ministre de la Culture de Macron
C’est dans le média Blast de Denis Robert que l’exmacroniste Frédérique Dumas (ex-militante d’« En marche » dès novembre 2016 et ex-députée LREM des Hauts de Seine, proche d’Emmanuel Macron) confie une anecdote dont elle n’a pas fait état dans son livre « Ce que l’on ne veut pas que je vous dise » (Massot Editions, avril 2022) : « En février 2017, lors du meeting d’Emmanuel Macron à Lyon, raconte-t-elle, Anne-Marie Idrac (ancienne ministre) vient me voir toute excitée :  »Frédérique, Frédérique, j’ai parlé avec Emmanuel hier ; je lui disais qu’il avait peu de femmes autour de lui, pour être ministre. Et il m’a répondu :  »Si, j’ai Frédérique ». Quant elle me dit ça, je lui dis que c’est gentil mais que c’est un peu bizarre qu’il dise ça. Mais bon. Et après, comme ça fait vingt ans que je porte mes idées sur la politique culturelle, à un moment donné je me suis dit que si on peut les porter et avec le pouvoir et la capacité de les mettre en œuvre, pourquoi pas. Donc, c’est vrai que (…) j’ai eu peut-être cette envie-là [d’être ministre de la Culture] et je l’assume. Mais deux ou trois mois après l’élection présidentielle, j’ai compris que de toute façon je ne serai jamais parce que je ne pourrai jamais l’être : porter les réformes de l’audiovisuel public telle qu’elles ont été portées (aujourd’hui, on en est à supprimer la redevance), le Pass Culture qui est absolument une imposture, … Toutes ces choses-là, c’était hors de question pour moi de l’être. Pour moi, ça a durée deux ou trois mois cette idée-là. Dès 2018, dans un documentaire, j’ai dit que je ne serai jamais ministre d’Emmanuel Macron pour ne pas être soupçonnée de vouloir l’être… » (https://lc.cx/Blast05-04-22). Frédérique Dumas a été l’ancienne conseillère de François Léotard au ministère de la Culture entre 1986 et 1988. @

Après avoir échoué à remplacer M6, et à racheter Editis et La Provence, Xavier Niel se concentre sur Iliad en Europe

En mars, Xavier Niel voit Vivendi choisir Daniel Kretinsky pour lui vendre Editis. En février, il prend acte du rejet de son projet de chaîne Six. En octobre, La Provence lui échappe au profit de Rodolphe Saadé. Et dans les télécoms, où il poursuit des ambitions européennes, le fondateur de Free se fâche avec l’Arcep.

Xavier Niel, le milliardaire magnat des télécoms et des médias, est tendu ces derniers temps. Cela se voit dans ses coups de gueule sur le marché français des télécoms. Pourtant, à 55 ans, tout semble lui sourire : sa fortune avait dépassé pour la première fois, en 2022, la barre des 10 milliards d’euros (1) ; sa vie privée se passe aux côtés de Delphine Arnault, fille de la plus grand fortune mondiale Bernard Arnault (2), PDG de LVMH (propriétaire du groupe Le Parisien-Les Echos) ; il a eu les honneurs de la République en étant fait le 31 décembre dernier chevalier de la Légion d’honneur par décret d’Emmanuel Macron (3) qu’il fréquente et apprécie depuis 2010 – l’Elysée préfèrerait même Iliad/Free à Orange (pourtant détenu à 22,9 % par l’Etat) pour ses ambitions européennes.
Or, depuis quelques mois, les déconvenues et les échecs se succèdent pour le « trublion » des télécoms et tycoon des médias français. Mise à part la chute de sa fortune de 43 % au 5 avril (4) par rapport à 2022, dernière contrariété en date : la décision de l’Arcep d’augmenter le tarif du dégroupage de la boucle locale d’Orange, autrement dit le prix de location mensuelle payé par Free, Bouygues Telecom ou SFR pour emprunter le réseau de cuivre historique hérité de France Télécom pour les accès ADSL et le triple play Internet-TV-téléphone. « C’est une formidable rente de situation pour Orange », a-t-il dénoncé le 22 mars dernier devant les sénateurs de la commission des affaires économiques qui l’auditionnaient.

Le « trublion » contrarié par l’Arcep et l’Arcom
Mais avant de ruer dans les brancards des télécoms en attaquant les décisions tarifaires du gendarme des télécoms – présidé par l’ex-députée et ex-France Télécom/Orange Laure de La Raudière dont il avait considéré la nomination à tête de l’Arcep il y a plus de deux ans comme « aberrant pour la concurrence » (5) –, Xavier Niel avait enchaîné les déconvenues dans les médias et l’édition.
Le rejet par l’Arcom de son projet de chaîne de télévision « Six ». C’est le 22 février 2023 que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) recale son dossier de candidature pour son projet de chaînes « Six » dont l’ambition était de remplacer M6 sur le canal 6 de la TNT (télévision nationale diffusée par voie hertzienne terrestre en clair et en haute définition). Sans grand suspense, ce sont les autres « projets » qui sont « sélectionnés » par le régulateur de l’audiovisuel, à savoir TF1 (Télévision Française 1) et M6 (Métropole Télévision) dont les autorisations de continuer à émettre sur la TNT seront délivrées avant le 5 mai prochain.

TV, édition, presse : des mises en échec
Eliminé, Xavier Niel a noyé sa déception dans un même ironique posté sur Twitter le jour du verdict : « Comment te récupérer putain !? JAMAIS je pourrai la récupérer » (6). Un mois après, devant les sénateurs lors de son audition, le fondateur de Free et président du conseil d’administration de la maison mère Iliad, dont il est l’actionnaire principal, a regretté l’absence d’explication donnée par l’Arcom : « On ne nous a pas communiqué les raisons pour lesquelles nous n’avons pas été retenus. On l’a dit publiquement : on avait l’impression d’une procédure perdue d’avance. (…) Je ne sais si nous reviendrons sur ces sujets. Nous pensons que l’on ne peut exister dans le monde de la télévision que si on a un des six premiers canaux » (7).
Son exclusion de la course au rachat d’Editis à Vivendi. Le 14 mars, Vivendi – maison mère du deuxième groupe d’édition en France – a annoncé son entrée en négociation exclusives avec International Media Invest (IMI), filiale de Czech Media Invest (CMI) du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. Objectif de Vivendi appartenant à Vincent Bolloré : céder au Tchèque 100 % du capital d’Editis – chiffre d’affaires 2022 en baisse de 8,1 % à 789 millions d’euros avec sa cinquantaine de maisons d’édition, dont La Découverte, Plon, Perrin, Robert Laffont, Presses de la Cité, Le Cherche Midi, Bordas, Le Robert, … – , afin d’obtenir d’ici juin prochain le feu vert de la Commission européenne pour s’emparer de la totalité du groupe Lagardère, maison mère du premier éditeur français Hachette. Xavier Niel, copropriétaire depuis novembre 2010, du groupe Le Monde (Le Monde, Télérama, L’Obs, …) au côté du même Daniel Kretinsky, lui aussi coactionnaire de la holding Le Monde Libre (8), se serait bien vu en plus à la tête du deuxième éditeur français. Mais le Tchèque, lui aussi magnat des médias via sa holding CMI (Marianne, Elle, Télé 7 jours, Femme actuelle, Franc-Tireur, …, sans oublier 5 % détenu dans TF1 et un prêt consenti à Libération), lui a coupé l’herbe sous le pied.
La candidature de Xavier Niel au rachat d’Editis avait été révélée le 25 novembre 2022 par La Lettre A, en lice face à deux autres prétendants : Reworld Media (9) et Mondadori. Editis est valorisé entre 500 et 675 millions d’euros, d’après le cabinet Sacafi Alpha. Avec un fonds d’investissement, qui pourrait être le new-yorkais KKR (Kohlberg Kravis Roberts) dont il est un administrateur depuis mars 2018, Xavier Niel aurait proposé un prix d’achat jugé insuffisant par Vivendi. • Son échec dans sa tentative de s’emparer du groupe La Provence. Le 30 septembre 2022, c’est le groupe maritime CMA CGM du nouveau milliardaire Rodolphe Saadé qui est confirmé pour reprendre les 89 % du groupe La Provence, comprenant aussi Corse-Matin. Xavier Niel, détenant les 11 % restant via sa holding personnelle NJJ, était pourtant considéré comme le « repreneur naturel » – y compris par feu son propriétaire Bernard Tapie (10) – du groupe La Provence, premier éditeur de presse de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). Le patron de Free détient 11 % du capital depuis que le belge Nethys lui a vendu en 2019 sa participation (11). C’est aussi grâce à Nethys que Xavier Niel a pu faire tomber dans son escarcelle fin mars 2020 le groupe Nice-Matin (GNM), éditeur des quotidiens Nice-Matin, VarMatin et Monaco-Matin dans les Alpes-Maritimes et le Var (PACA toujours). Et ce, au détriment du favori – l’homme d’affaires Iskandar Safa (propriétaire de Valeurs Actuelles via Privinvest Médias) – qui a jeté l’éponge. Après Lagardère (1998-2007), Hersant (2007-2014) et une reprise par les salariés via une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) grâce à un crowdfunding sur Ulule et le soutien de Bernard Tapie, GNM est propriété de Xavier Niel depuis trois ans. Le milliardaire-investisseur est aussi propriétaire de France-Antilles depuis mars 2020, et de Paris-Turf depuis juillet 2020.
Cependant, en août 2020, il échoue avec Bernard Tapie à jeter son dévolu sur le quotidien historique La Marseillaise qui est alors repris par Maritima Médias. Mais c’est surtout l’échec de la tentative de Xavier Niel à prendre le contrôle du groupe La Provence, incluant Corse-Matin que GNM – dont il devenu propriétaire – avait acquis en 2014, qui sera cuisant. Dès le 24 février 2022, son offre de 20 millions d’euros est rejetée par les liquidateurs au profit de celle à 81 millions de Rodolphe Saadé (12). S’en suivra le 3 mars des échanges houleux entre Xavier Niel venu au journal marseillais et des salariés hostiles à sa visite. « Vous m’avez mis dehors », lancera-t-il au PDG du groupe La Provence, Jean-Christophe Serfati. Le tribunal de Bobigny, où est instruite l’affaire, confirmera CMA CGM sept mois après. Entre temps, il a investi dans L’Informé.

Réussir ses télécoms en Europe
Au-delà de ses démêlés en France avec l’Arcep, il reste encore au « trublion » des télécoms à faire d’Iliad un champion européen. La maison mère de Free est présente en Italie depuis 2018 et en Pologne depuis 2020. Après avoir échoué l’an dernier à s’emparer de la filiale italienne de Vodafone, le groupe de Xavier Niel s’est positionné pour tenter d’acquérir des actifs de TIM (Telecom Italia). En outre, depuis 2014, il contrôle personnellement via NJJ l’opérateur suisse Salt et détient une participation de l’opérateur irlandais Eir aux côtés de son groupe Iliad. En février, via sa holding Atlas Investissement (13), Xavier Niel a porté sa participation au capital de l’opérateur luxembourgeois Millicom à 19,6 %. Cette même holding est entrée en septembre 2022 à 2,5 % dans Vodafone. Déjà confronté à Orange en France, Iliad veut rivaliser avec Orange en Europe. @

La Provence, passée de Tapie à CMA CGM, se relance

En fait. Le 13 mars, Aurélien Viers prend ses fonctions de directeur de la rédaction du quotidien régional La Provence, dont le groupe est détenu depuis août 2022 par le milliardaire Rodolphe Saadé, PDG de l’armateur marseillais CMA CGM. Tandis que Laurent Guimier va diriger CMA CGM Médias présidée par le nouveau tycoon.

En clair. C’est le grand branle-bas de combat au sein du groupe La Provence, sous la houlette de son nouveau propriétaire milliardaire Rodolphe Saadé, PDG de l’armateur marseillais CMA CGM, 5e fortune française (1) et 31e mondiale (2). Face à un quotidien régional chroniquement déficitaire et endetté, la maison mère du groupe La Provence – à savoir la filiale CMA CGM Médias présidée par le nouveau tycoon français des médias et dirigée depuis peu (3) par Laurent Guimier (exdirecteur de l’information de France Télévisions) – renfloue et recrute. L’attention porte en priorité sur le numérique.
Ce lundi 13 mars, Aurélien Viers a pris ses fonctions de directeur de la rédaction de La Provence comme l’avait annoncé fin janvier Gabriel d’Harcourt, le directeur général et directeur de la publication du groupe « La Provence-Corse Matin » (4). Cette nomination intervient alors que ce dernier a fait appel à l’agence Upgrade Media pour conseiller le groupe sur son développement digital afin de retrouver un second souffle. « Notre accompagnement vise à mettre en place l’organisation numérique. Fort des premiers résultats, l’accompagnement a été reconduit », indique à Edition Multimédi@ son directeur fondateur, le consultant en stratégie numérique David Sallinen. La vidéo aura une place accrue pour booster l’audience en ligne de La Provence et de Corse-Matin, Aurélien Viers ayant été auparavant rédacteur en chef du pôle visuel (vidéo et photo print/web) au Parisien/Aujourd’hui en France (fonction qu’il a occupées à L’Obs). Du temps de Bernard Tapie qui était propriétaire du groupe La Provence, son fils aîné Stéphane Tapie – actionnaire chargé du numérique jusqu’en septembre 2022 – avant lancé en 2014 « La Provence TV », mais sans succès (5). Rodolphe Saadé devrait tirer parti de la plateforme vidéo Brut, dans laquelle viennent d’investir CMA CGM Médias et la holding de Xavier Niel, ce dernier étant actionnaire minoritaire (11 %) du groupe La Provence (CMA CGM Médias en détenant 89 %).
Selon La Lettre A, Stéphane Tapie est désormais consultant numérique de NJJ au quotidien France-Antilles repris par le fondateur de Free. Par ailleurs, CMA CGM Médias est monté au capital de M6 dont la filiale de l’armateur avait été candidate malheureuse à son rachat. Rodolphe Saadé devrait faire son entrée au conseil de surveillance de M6 le 25 avril lors de l’assemblée générale des actionnaires. @