Le smartphone suscite l’intérêt des producteurs TV

En fait. Du 4 au 7 avril s’est tenu à Cannes le 52e Marché international des programmes de télévision (MipTV), organisé par Reed Elsevier qui parle de
« contenus TV & digitaux ». Le téléphone mobile – le plus répandu des écrans audiovisuels, surtout chez les jeunes – suscite de nouvelles stratégies.

Droits de diffusion sportive : une « bulle » médiatique sur fond de bataille entre télé et web

Les droits de retransmission des événements sportifs s’arrachent à prix d’or – matches de football en tête, mais aussi rugby, basketball, tennis, hockey, … Jusqu’où la surenchère peut-elle aller, attisée par la nouvelle concurrence des acteurs du Net face aux chaînes de télévision qui n’en ont plus le monopole ?

Aux Etats-Unis, la National Football League (NFL) courtise les acteurs du Net tels que Amazon, YouTube, Yahoo ou encore Facebook pour proposer aux cord-cutters – ces désabonnés de la TV par câble traditionnelle préférant Internet – les retransmissions des matches en live-streamed. Début mars, Facebook a fait savoir qu’il était en discussion avec la NFL pour acquérir les droits de diffusion en streaming sur Internet. Le troisième opérateur télécoms américain Verizon est aussi sur les rangs, lui qui mise sur AOL – acquis en mai 2015 pour 4,4 milliards de dollars – et son service de vidéo pour mobile, Go90, lancé à l’automne dernier pour délivrer des contenus en partenariat avec notamment la NFL ou encore la National Basketball Association (NBA).

Yahoo, Amazon, AOL, … en embuscade
Amazon serait aussi en négociations avec la ligue de football américaine, dont il va diffuser à partir de l’été prochain des documentaires exclusifs baptisés « All or Nothing » produits par NFL Films. Une première. Par ailleurs, la firme de Jeff Bezos n’exclut pas d’acquérir des droits sportifs pour son service par abonnement Prime, comme l’avait indiqué fin décembre dernier son PDG dans un entretien au quotidien allemand Die Welt. C’est que le géant du e-commerce veut plus que jamais diversifier les contenus proposés sur sa plateforme Prime qui compterait – selon le Consumer Intelligence Research Partners (Cirp), faute de chiffres officiels… – quelque 47 millions d’abonnés rien qu’aux Etats-Unis (à septembre 2015). Amazon a par ailleurs fait l’acquisition en septembre dernier de Elemental Technologies, une société spécialisée dans des logiciels utilisés pour diffuser des vidéos en ligne et des images en ultra haute définition 4K, comme l’avait fait la BBC durant le Mondial de football de 2014.
Yahoo aussi n’est pas indifférent aux droits de diffusion de la NFL. Le portail média avait marqué son intérêt en octobre 2015 en diffusant sur Internet et en accès libre un match du championnat américain de football. Cette année, il a annoncé mi-mars dernier avoir signé un accord avec la National Hockey League (NHL) pour diffuser en ligne des matches accessibles gratuitement. Les retransmissions ont aussitôt démarrées, avec jusqu’à quatre matches de hockey par semaine assortis des « meilleurs moments » de la journée ou de la semaine ainsi que des « plus beaux buts » ou autres actions spectaculaires. Yahoo n’en est pas à son premier essai : le portail média diffuse aussi des matches de la Major League Baseball (MLB) et des rencontres de la Professional Golfers Association (PGA). YouTube, Amazon et maintenant Yahoo ont par ailleurs un autre point commun : celui de retransmettre en direct sur une plateforme dédiée des compétitions de e-sport (lire encadré page suivante).
Cette descente des GAFA sur le terrain de jeu de la retransmission sportive démontre leurs ambitions de proposer aux internautes et aux mobinautes plus de contenus
« premium » – qu’ils soient gratuits ou payants. Cela induit une nouvelle concurrence dans l’acquisition des droits qui ne manquera pas de faire monter les enchères entre les chaînes de télévision, lesquelles avaient jusqu’alors le monopole de ces retransmissions, et les plateformes numériques capables de proposer ce type d’événements sportifs en mondovision haut débit. Pour ses droits sportifs, la NFL mène le jeu en exigeant des chaînes de télévision CBS et NBC de partager la diffusion avec un acteur du Net. CBS veut tout de même contrer les plateformes numériques en améliorant son propre service en ligne « All Access ».
Une nouvelle ère sportive commence, même si la télévision reste encore le principal vecteur des live sportifs et n’a pas dit son dernier mot. Et elle en a les moyens financiers, du moins pour certains groupes audiovisuels capables de fédérer un large public. Ainsi, BeIn Sports a acquis les droits de diffusion en France de l’Euro 2016 (10 juin au 10 juillet) pour 60 millions d’euros pour les 51 matches du « Championnat d’Europe UEFA de football masculin 2016 », tout en laissant TF1 et M6 diffuser en clair les plus importants moyennant 25 millions d’euros payés par chacune. Il s’agira de se partager plus de 40 millions de téléspectateurs.

Canal+/BeIn : « Je t’aime moi non plus »
La concurrence entre BeIn Sports du groupe Al- Jazeera et Canal+ du groupe Vivendi sur les droits du football était telle que la rivalité pourrait se terminer par une alliance sur cinq ans – sur fond d’accord de distribution exclusif – entre les deux chaînes sportives, lesquelles représenteraient ensemble pas moins de 80 % des droits sportifs en France. BeIn Sports détient sur l’Hexagone non seulement des droits de diffusion de la Ligue 1 de football et de la Ligue des Champions, mais aussi du basket américain de la NBA et ou encore le tournoi de tennis de Wimbledon.

Qui veut gagner des millions ?
A moins que l’Autorité de la concurrence, dont la décision est attendue d’ici fin avril après une consultation « test de marché » menée en mars auprès de la Ligue de football professionnel (LFP), ne s’oppose à ce rapprochement BeIn Sports-Canal+. L’association UFC-Que Choisir craint pour les consommateurs un « dérapage inflationniste » par une multiplication par trois ou quatre de leurs factures (1). France Télévisions détient de son côté non seulement les droits du tournoi de rugby des Six nations et ceux du XV de France, mais aussi ceux des Jeux Olympiques de Rio et de Tokyo en 2020 que le groupe audiovisuel public paie chacun entre 40 et 50 millions d’euros. La BBC, elle, partage avec l’américain Discovery les droits outre-Manche
de ces JO.
Pour l’heure, les chaînes de télévision sont concurrencées sur ce terrain-là par la maison mère de SFR-Numericable, Altice avec « Ma Chaîne Sport », qui s’est emparé des droits du championnat de foot d’Angleterre (English Premier League) pour 100 millions d’euros par an sur 2016-2019. Quant au groupe Orange, qui est recentré depuis 2010 sur son réseau après avoir été contraint de renoncer aux contenus exclusifs qui lui ont notamment coûté 203 millions d’euros dans les droits du foot de 2008- 2012 (Ligue 1), il pourrait s’intéresser à nouveau aux droits du foot mais en co-diffusion. Les opérateurs télécoms espèrent ainsi donner le change face aux GAFA
de plus en plus accaparants avec leurs centaines de millions d’utilisateurs à travers le monde. AT&T, le premier opérateur télécoms américain, a, lui, acquis en juillet 2015 l’opérateur télévision payante par DirecTV pour 48,5milliards de dollars afin offrir des bundles télé-Internet-mobile-cloud, avec du sport en live à la clé.
Partout dans le monde, la tendance est à la surenchère des droits de diffusion entre les chaînes et maintenant les acteurs du Net. Du côté des détenteurs des droits de ces événements sportifs, on se frotte les mains : tous médias confondus, près de 7 milliards d’euros empochés pour la Premier League (football anglais), 7 milliards de dollars pour la NFL aux Etats-Unis (hors contrat Amazon), près de 3 milliards par la Liga (football espagnol), etc. Pour la Coupe du monde de rugby de 2015, le groupe TF1 avait acquis pour 40 millions d’euros les droits de diffusion dont il a pu dégager un bénéfice net de
2 à 3,5 millions (d’après le CSA) – après revente d’une partie des droits à Canal+ pour 13 millions d’euros et recettes publicitaires de 28,5 millions d’euros. La finale
« Nouvelle-Zélande/Australie » a été la meilleure part d’audience de 2015 (54,2 %).
Jusqu’où peut aller cette bulle spéculative ? Le direct sur les réseaux sociaux et les plateformes vidéo directe telles que Periscope, Meerkat ou encore Live Video (2) peut-il faire éclater cette bulle ? Le sport risque le claquage. L’Union européenne autorise les Etats membres à interdire la retransmission « exclusive » d’événements qu’ils jugent d’« importance majeure » pour leurs habitants. Ainsi, en France, une vingtaine d’événements (Jeux Olympiques, Tournoi de rugby des Six Nations, Tour de France, …) sont à portée du grand public sur des chaînes gratuites – même si les droits de diffusion ont été achetés par d’autres médias. @

Charles de Laubier

Le direct live des réseaux sociaux pourrait faire de l’ombre aux chaînes de télévision

Avec une audience déjà grignotée par la VOD et la TV sur Internet, les chaînes
de télévision voient un nouveau front s’ouvrir : celui du direct et de la retransmission d’événements en temps réel. Car les réseaux sociaux se
mettent au live, avec des outils tels que Periscope, Meerkat, Live Video, …

Diffuser des vidéos en direct sur Facebook. C’est possible depuis que le numéro un des réseaux sociaux a lancé fin janvier la fonction « Live Video », laquelle permet – dans un premier temps aux Etats-Unis et à partir d’un iPhone – de diffuser en temps réel une séquence vidéo ou un événement filmé. Le reste du monde et Android seront concernés « dans les semaines à venir ». Une fois que la retransmission en direct
est terminée, l’internaute peut soit la garder sur le réseau social, soit l’enlever.

Twitter, Facebook, YouTube, …
Quelques jours avant le lancement de Live Video, le réseau social de Mark Zuckerberg lançait un nouveau service baptisé « Facebook Sports Stadium » pour suivre en temps réel des matches (de football d’abord, puis à l’avenir le basket-ball et d’autres sports). S’il n’est pas encore question de vidéos, ce service sportif propose lors des événements des scores en direct, des commentaires d’experts, des échanges avec
ses « amis » à travers le monde, mais aussi des liens pour pouvoir regarder les événements sportifs en live si possible.
Facebook entend ainsi concurrencer des applications de live sur Internet telles que Periscope de Twitter ou Meerkat développée par Ben Rubin qui l’a lancée il y a un an (voir encadré page suivante), ainsi que les directs en streaming vidéo sur YouTube ou Dailymotion. Ces annonces successives du réseau social aux plus de 1 milliard d’utilisateurs actifs quotidiens sont intervenues après que Twitter a intégré dans le fil d’actualité – la timeline de ses twittos – l’application de diffusion de vidéos en direct Periscope. Issu de l’acquisition de la start-up Bounty Labs en mars 2015 par Twitter, Periscope avait été lancé l’an dernier et totalisait – avant d’être intégré au site de microblogging – 100 millions de vidéos diffusées en live, le plus souvent à partir de smartphones. Twitter a aussi intégré Periscope sur son autre application vidéo, Vine, acquise en 2012 et permettant de diffuser de courtes vidéos de 6 secondes et de les partager.
Avec cette montée en charge du direct sur les réseaux sociaux et de partage vidéo, les chaînes de télévision perdent leur atout maître qu’était leur avantage à être les seules
à pouvoir faire de la rediffusion live d’événements d’actualité ou de divertissement – parfois en mondovision. Fort du (très) haut débit généralisé, de la puissance de l’encodage numérique et de l’engouement pour le streaming, Internet est en passe de détrôner la TV sur ce terrain. Si les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont d’abord été suivis en partie en direct sur CNN et sur les chaînes du monde entier, ceux des 7 janvier et 13 novembre 2015 à Paris l’ont été avant tout sur les réseaux sociaux, avec en plus la capture de l’instant par les Parisiens et les autres témoins retransmis instantanément sur Periscope ou Vine.
YouTube pratique depuis longtemps la retransmission en direct d’événements, de concerts ou de festivals. Ce fut par exemple le cas en 2012 lorsque près de 8 millions de personnes sur YouTube ont regardé en direct le saut spectaculaire en parachute à 39.000 mètres d’altitude du parachutiste autrichien Felix Baumgartner, lequel a franchi pour la première fois le mur du son en chute libre ! Le lancement aux Etats-Unis en octobre dernier de YouTube Red, la version payante sans publicités de la plateforme
de partage vidéo, est aussi la porte ouverte à des retransmission live d’événements premium. Son arrivée en Europe prévue cette année pourrait bousculer les bouquets TV payants Canal+ ou Sky. Rappelons en outre que, depuis fin 2013, YouTube permet à chacun de diffuser en direct (live stream) sans plus avoir besoin d’avoir au moins 100 abonnés à sa chaîne (comme c’était exigé auparavant). A condition cependant que le
« youtuber » respecte les droits d’auteur. YouTube s’est en outre lancé l’été dernier dans la retransmission en direct de parties de jeux vidéo ou de compétitions ludosportives (e-sports), avec YouTube Gaming, sur le modèle de Twitch, filiale d’Amazon.

Amazon lorgne les droits du football
Amazon, justement, compte bien être présent dans la retransmission d’événements sportifs tels que les matches de football, quitte à acheter des droits pour son service
en ligne par abonnement Prime. Mais son PDG, Jeff Bezos, qui ne l’a pas exclu le 26 décembre dernier dans un entretien accordé à Die Welt, la joue modeste : « Il est possible que ce domaine [du sport en direct, ndlr] se trouve pendant un certain temps encore entre de meilleures mains, chez les chaînes de télévision », a-t-il dit au quotidien allemand. Aux Etats-Unis, la NFL (National Football League) courtise les acteurs du Net (Amazon, YouTube, Yahoo, Facebook, …) pour atteindre les cord-cutters (les désabonnés de la TV par câble) en live-streamed. De son côté, Microsoft verrait bien la retransmission du Super Bowl américain prolongée en réalité holographique (1). Le petit écran n’a plus le monopole du direct de « contenus premium », tandis que l’année 2015 a confirmé que les Français, toujours plus équipés d’écrans que sont les téléviseurs, les ordinateurs, les tablettes et les smartphones (6,4 en moyenne par foyer, selon Médiamétrie), ne se contentent plus de regarder la télévision uniquement « à l’antenne » (live ou pas) mais aussi de plus en plus « à la carte » et/ou « en direct »
(en enregistrant leurs programmes ou en utilisant les services de replay).

Les chaînes se rebiffent
Ce phénomène du direct sur Internet donne des sueurs froides aux chaînes de télévision détentrices des droits de retransmission d’événement sportifs ou de diffusion de série. D’autant que certaines d’entre elles paient très cher – plusieurs centaines de millions d’euros – les retransmissions en live sur leur antenne, notamment de football. C’est le cas aussi pour la diffusion de séries qui se retrouvent « capturées », telles que la dernière saison de « Game of Thrones » qui s’est retrouvée sur Periscope au grand dam de la chaîne payante HBO qui a porté plainte au printemps 2015 contre Periscope. Son créateur, le fondateur de Bounty Labs, Kayvon Beykpour, avait alors assuré qu’il retirerait rapidement les contenus litigieux. Les conflits entre les ayants droits et les acteurs du Net ne datent pas d’hier : le groupe américain de télévision et de studio de cinéma Viacom (Paramount, MTV, Nickelodeon, …), dirigé par le Français Philippe Dauman (2), s’est distingué dès 2007 en réclamant 1 milliard de dollars à YouTube pour piratage : Google s’en est finalement sorti indemne en 2013, après avoir proposé un système de reconnaissance automatique des œuvres appelé Content ID (lire p.3).

En France, en attendant que Periscope ne prenne de l’ampleur, TF1, France Télévisions, Canal+ et M6 – via l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) – se sont plaints en mai 2015 auprès de Twitter et de Facebook (3) de la diffusion de vidéo pirates de leurs programmes sur les deux réseaux sociaux. Les chaînes de télévision françaises leur demandent d’adopter « une véritable politique
de sanctions » et « des technologies de filtrage automatique par reconnaissance d’empreintes numériques préalablement déposées par les détenteurs de droits, permettant de bloquer la mise en ligne de vidéos contrefaisantes ». La Ligue française de football (LFP) a aussi sévi auprès de Twitter France contre le piratage de ses matches (4).

Mais c’est aux Etats-Unis que la capture des matches en direct à partir de smartphones fait des émules sur Perisope ou Meerkat. La loi américaine « Digital Millennium Copyright Act », adoptée en 1998 sur la protection de la propriété intellectuelle à l’ère numérique, n’avait pas prévu ce phénomène de retransmission en direct sur les réseaux sociaux qui n’existaient pas encore (Facebook est créé en 2004, YouTube en 2005, Twitter en 2006, Periscope et Meerkat en 2015). En mai dernier, une polémique a commencé à partir du « combat de boxe du siècle » (5) qui s’est déroulé un samedi soir à Las Vegas : plusieurs smartphones avaient alors rediffusé en live sur Periscope et Meerkat l’événement – « en toute illégalité », selon les organisateurs qui avaient monnayé au prix fort les droits de diffusion auprès de chaînes payantes. @

Charles de Laubier

Blue Efficience, plus fort que Content ID de YouTube ?

En fait. Le 4 février, Blue Efficience s’est félicitée d’être « le nouveau prestataire technique de protection et lutte contre l’exploitation non autorisée des œuvres
du groupe TF1 », après un appel d’offre remporté en juillet 2015. Cette société française fait la chasse au piratage de films sur Internet.

Viacom: fin de règne pour le Français Philippe Dauman ?

En fait. Le 22 janvier, le groupe Viacom (Paramount, MTV, Nickelodeon, …) a déclaré avoir versé 17 millions de dollars en plus à Philippe Dauman – son PDG depuis dix ans. Ce qui porte à 54,2 millions de dollars sa rémunération (+22,3 %). C’est le Français le mieux payé aux Etats-Unis. Et après ?