Le CSA a reçu le 4 janvier le projet de rachat de RTL en France par M6, qui veut devenir « multimédia »

La chaîne M6 fête ses 30 ans cette année, alors que sa maison mère Métropole Télévision ne veut plus – contrairement à ce qu’indique son nom – se cantonner à de la télévision. Son président Nicolas de Tavernost veut constituer un « groupe multimédia » en intégrant RTL et en se renforçant sur le Net.

Selon nos informations, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a reçu le 4 janvier dernier la notification du projet d’acquisition par le groupe M6 de la filiale française RTL Radio détenue actuellement à 100 % par
le groupe luxembourgeois RTL Group (filiale de l’allemand Bertelsmann). Ce dernier est en outre l’actionnaire de référence de Métropole Télévision (M6, W9, 6Ter, Paris Première) à hauteur de 48,26 % de son capital.

Pub, Net, synergies et cross-média
Si le CSA donnait son feu vert à cette intégration verticale, cette opération marquerait un tournant historique pour la maison mère de l’ex-« petite chaîne qui monte, qui
monte ! ». L’année 2017 sera alors une année de métamorphose sans précédent
pour Métropole Télévision (alias le groupe M6) que l’on serait tenté de rebaptiser
« Métropole Multimédia », tant la volonté de son président Nicolas de Tavernost (photo) d’en faire un groupe multimédia n’a jamais été aussi forte. « Nous devrions devenir pleinement un groupe multimédia », a-t-il encore déclaré début janvier (1), après que son groupe ait annoncé mi-décembre vouloir acquérir les radios de RTL en France (RTL, RTL2, Fun Radio) et leurs déclinaisons numériques (RTLnet), ainsi que leurs régies publicitaires (IP France et IP Régions). RTL Radio a réalisé 168 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015 pour 14,3 millions de marge brute d’exploitation.
Cette acquisition serait une aubaine pour le groupe de télévision, dont la chaîne historique M6 marque le pas. A 30 ans, la « petite chaîne qui monte »… ne monte
plus vraiment (lire page 4), bien qu’elle soit la seule chaîne historique à afficher une audience en croissance l’an dernier. Nicolas de Tavernost espère néanmoins la maintenir cette année à 10% de part d’audience, contre 10,2 % en 2016 et 9,9 % en 2015. Plurimédia et multimédia, le nouveau groupe M6 ne sera plus cantonné à la télévision et à la production audiovisuelle mais diversifié dans la radio et sur Internet. L’ensemble M6- RTL pèse à ce stade un chiffre d’affaire total de près de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Le rachat de RTL en France, qui devrait aboutir d’ici l’été prochain, permettrait au nouvel ensemble « Métropole Multimédia » d’instaurer des synergies publicitaires et numériques entre les activités télévision et radio – tout en développant le cross-média en France entre le premier groupe de radio privé et le deuxième groupe privé de télévision. Il s’agira notamment d’opérer, explique le groupe de Nicolas de Tavernost, un « renforcement des activités et services digitaux, car la croissance rapide de la consommation des deux médias en format numérique non linéaire exige une forte capacité d’innovation et d’investissement, qui sera plus performante avec l’action coordonnée des différentes équipes ». Le digital est au
cœur de cette intégration verticale, comme le justifie Guillaume de Posch et Anke Schäferkordt, les deux dirigeants de RTL Group : « Notre souhait de réorganiser nos activités de télévision et de radio françaises en une seule entité est avant tout suscité par notre objectif de devenir plus concurrentiels dans un univers médiatique de plus en plus numérique ». Dans le cadre de la transaction portant sur 216 millions d’euros, un accord de licence de marque sera signé entre les groupes luxembourgeois et français, afin que ce dernier puisse utiliser la marque RTL.

Pour la première radio de France (en alternance avec NRJ), l’année sera également marquée non seulement pas l’anniversaire de ses 50 ans mais aussi par son déménagement prévu fin 2017, de ses locaux historiques des Champs-Elysées vers Neuilly-sur-Seine. Cette croissance externe, bien que menée avec la même maison mère RTL Group, est aussi une façon de se démarquer de son premier concurrent et numéro un de la télévision, TF1, qui n’est pas diversifié dans la radio contrairement aux groupes SFR (avec NextRadioTV) et NRJ. Le groupe M6-RTL prévoit en outre des
« innovations dans les contenus, dont l’information (…), mais aussi les divertissements et la musique ». C’est dans cet esprit que Nicolas de Tavernost a annoncé début janvier que le groupe M6 allait créer un studio baptisé Golden Network et dédié à la création de chaînes pour Internet, notamment sur YouTube à l’image de Golden Moustache, ainsi qu’à la production de séries pour les opérateurs du Net et de la SVOD.

Des chaînes YouTube et des MCN
Une autre entité, M6 Digital Studio, existe depuis 2014 pour fédérer les chaînes Golden Moustache, MinuteFacile, Rosecarpet, CoverGarden et No Pain No Game, tout en développant des MCN (Multi Channel Network). Rappelons que Antoine de Tavernost, fils de son père Nicolas, s’est impliqué dans des événements consacrés aux Youtubers (2). De son côté, Christopher Baldelli, le patron de RTL Radio, n’exclut pas de lancer des webradios (3). @

Charles de Laubier

Opérateurs télécoms et plateformes vidéo fustigent les taxes pour financer l’audiovisuel et le cinéma

Opérateurs télécoms et acteurs du Net sont vent debout contre les politiques qui tentent de les faire payer plus pour financer respectivement l’audiovisuel public (hausse de taux) et le cinéma (nouvelle taxe). Les deux mesures ont été rejetées lors des débats en cours sur le projet de loi de Finances 2017.

Les opérateurs télécoms et les plateformes vidéo ne seraient-ils pas devenus les vaches à lait des industries audiovisuelles et cinématographiques ? C’est à se le demander au vu des taxes qui ont été proposées dans le cadre du projet de loi de Finances 2017, lequel est débattu à l’Assemblée national jusqu’au 4 novembre.

Taxe « YouTube » et taxe « Copé »
Pour les plateformes vidéo, « qu’elles soient établies en France ou hors de France », la commission des Finances de l’Assemblée nationale avait adopté le 12 octobre dernier une « taxe YouTube » de 2 % sur les revenus publicitaires et de vidéo la demande (VOD) de ces acteurs du Net. La taxe était même portée à 10 % pour les œuvres pornographique ou incitant à la violence. Le CNC (1), dont la présidente Frédérique Bredin milite depuis longtemps pour cette taxe (2), devait recevoir 70 millions d’euros de cette taxe, le restant allant au budget de l’Etat. Pour les opérateurs télécoms, la même commission des finances avait décidé d’augmenter la taxe « Copé » prélevée sur leur chiffre d’affaires pour financer l’audiovisuel public, passant ainsi de 1,3 % à
1,4 % pour rapporter l’an prochain environ 355 millions d’euros (contre 320 millions en 2016). Cette taxe, surnommée aussi TOCE (3), a été instaurée en mars 2009, d’abord de 0,9 %, puis de 1,2 % en 2015 et 1,3 % en 2016, afin de financer France Télévisions après la suppression de la publicité en soirée. Accroître ce taux évitait d’augmenter la redevance audiovisuelle de 2 euros de la redevance audiovisuel en limitant cette hausse à 1 euro.
Mais le 21 octobre, la création de la « taxe YouTube » et la hausse de la « taxe Copé » ont été respectivement rejetée et refusée par les députés lors des débats. Seul l’adoption d’un amendement du gouvernement prévoit d’augmenter de 25,5 millions d’euros le plafond de la TOCE – donc inchangée au niveau de l’assiette – affectée à France Télévisions.
Avant d’en arriver là, les réactions des intéressés ne s’étaient pas faites attendre, via leur organisation professionnelle respective. La Fédération française des télécoms (FFTélécoms), qui regroupe Orange, SFR, Bouygues Telecom et dix autres, auxquels s’était associé ponctuellement Free (Iliad n’étant toujours pas adhérent…), avait fait
part dès le 14 octobre de leur « grand inquiétude » à propos de la « nouvelle hausse
de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (…) pour financer France Télévisions au détriment des priorités fixées par le gouvernement en matière d’aménagement numérique des territoires ». Pour les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), il fallait choisir entre les taxer pour financer l’audiovisuel public et les inciter à déployer le très haut débit en France. « Cet effort supplémentaire de plusieurs dizaines de millions d’euros se rajoute aux 1,8 milliard d’euros qui auront été acquittés par les opérateurs depuis la création de cette taxe [TOCE] en 2009 jusqu’à cette année, montant cumulé qui représente l’équivalent de 3,8 millions de prises en fibre optique
ou d’environ 18.000 installations d’antennes 4G », a calculé la FFTélécom, présidée
par Régis Turrini, directeur des affaires réglementaires du groupe Altice et secrétaire général de SFR (4).
L’Association des services Internet communautaires (Asic), dont sont membres Google (et sa filiale YouTube), Dailymotion (Vivendi), PriceMinister (Rakuten), AOL et Yahoo (tous les deux détenus par Verizon), ainsi que Facebook, Deezer (Access Industries), Microsoft ou encore Allociné (Fimalac), s’était pour sa part dite « inquiète du retour, chaque année depuis neuf ans à la même époque, au moment de l’examen du projet de loi de Finances, de propositions tendant à mettre en oeuvre une taxation spécifique pour Internet ».

Financer des films pour la salle ou le Net ?
L’Asic, présidée par Giuseppe de Martino, par ailleurs directeur général délégué de Dailymotion, s’était en outre interrogée le 12 octobre sur la cohérence de cette volonté politique de mettre en oeuvre une nouvelle taxation des plateformes d’hébergement de vidéos au regard de la chronologie des médias : « Taxer les revenus des créateurs sur les plateformes de partage de vidéos au profit de l’industrie cinématographique soulève de nombreuses interrogations. D’une part, elle va vraisemblablement consister à demander à la jeune création, aux auteurs naissants d’abonder le CNC et ainsi financer les prochains films français qui sortiront, d’abord et en exclusivité au cinéma ». Les acteurs du Net préféraient que soient plutôt mis en place des mécanismes incitant l’industrie du 7e Art à exploiter ses films – et à « ne pas les laisser dormir sur des étagères » – en profitant de la puissance des différentes plateformes vidéo pour toucher un nouveau public. Face aux opérateurs télécoms et aux acteurs Internet,
les industries culturelles et leurs ayants droits s’étaient frottées les mains, tout en applaudissant ces deux taxes… avant de déchanter.

Les industries culturelles ont exulté
Avant que la « taxe YouTube » ne soit finalement rejetée, l’Union des producteurs
de cinéma (UPC), qui revendique être « le premier syndicat de producteurs cinématographiques en Europe » avec près de 200 producteurs de films membres, avait « remercié » le 14 octobre les députés d’avoir instauré la taxe de 2 % sur les plateformes vidéo pour, selon eux, « réparer une inéquité de régulation aboutissant à ce que ces opérateurs ne contribuent pas au financement des œuvres qu’ils mettent ainsi à disposition, contrairement aux autres diffuseurs de telles œuvres [tels que France Télévision ou Canal+, ndlr] ». La Société des réalisateurs de films (SRF) s’était elle aussi « réjoui[e] de l’adoption en commission des finances d’un amendement visant à créer une taxe sur les revenus notamment publicitaires ou de parrainage des plateformes vidéo sur Internet, de YouTube à Netflix », tout en se félicitant alors de
« ce premier pas fondamental pour enrayer la spirale de l’évasion fiscale des géants du Web ». Quant à l’Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) et au Syndicat des producteurs de films d’animation (SPFA), ils avaient ensemble fait part le même jour de « leur profonde satisfaction » concernant la « taxe YouTube » qui « renforce
le cercle vertueux par lequel tout opérateur qui tire profit de la mise à disposition des œuvres audiovisuelles et cinématographiques doit contribuer au financement de la création à venir ». Les deux organisations s’étaient félicitées que cette taxe de 2 % soit étendue à l’ensemble des modes de consommation en ligne des films et des séries, après la taxe sur les services de VOD payante à l’acte et de SVOD établis en France
et celle – en cours de validation par la Commission européenne – visant les services équivalents installées hors de France (voir encadré ci-dessous). La Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), forte de plus de 58.500 auteurs associés, s’était également « réjoui[e] » de l’adoption de cette taxe de 2 % qui, à ses yeux, faisait coup double. « Ce dispositif est un instrument utile et adéquat pour lutter contre l’optimisation fiscale des géants de l’Internet et pour moderniser le financement de la création audiovisuelle et cinématographique ». C’est en outre, pour la société de gestion collective des droits, une mesure qui permettait d’étendre aux plateformes vidéo en ligne la taxe de 2 % qui existait déjà depuis 1992 sur les ventes physiques de vidéo
(K7 vidéo, puis DVD/Blu-ray) et depuis 2013 sur la VOD. De son côté, la Société civile des auteurs multimédias (Scam) – qui gère les droits de plus de 38.100 ayants droits associés – avait aussi salué cette « taxe YouTube » comme « une décision positive »
et « une question d’équité ». Et d’ajouter alors : « Les revenus des plateformes gratuites proviennent de la publicité dont le montant est valorisé pour une large part par les œuvres audiovisuelles. A l’instar des chaînes de télévision et des opérateurs ADSL, il est logique qu’elles soient soumises au même régime fiscal et contribuent au financement de la création via le CNC ».

25,5 M€ en plus pour France Télévisions
Dans un second communiqué, la Scam avait tenu à faire part de sa « stupéfaction » quant à la limitation de la hausse de la redevance audiovisuelle à 1 euro (au lieu de
2 euros initialement prévus) contre une augmentation de la « taxe Copé » à 1,4 % :
« L’augmentation de 0,1 % de la taxe sur les opérateurs télécoms votée dans la foulée pour tâcher de préserver l’équilibre financier du COM [Contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, ndlr] ne saurait pour autant assurer sa stabilité dans la durée. Les recettes de cette taxe ne sont pas affectées intégralement au financement de l’audiovisuel public ». La société civile des Auteurs- Réalisateurs-Producteurs (ARP) s’est félicitée le 22 octobre des 25,5 millions d’euros supplémentaires accordés à France Télévisions. @

Charles de Laubier

Pour Eutelsat, l’obstination de la France en faveur du quasi tout-fibre relève de « l’obscurantisme »

En fait. Le 5 octobre dernier, Rodolphe Belmer, DG d’Eutelsat, l’opérateur satellite français, était auditionné par la commission des Affaires économiques du Sénat. L’ancien DG de Canal+ (passé après par France Télévisions) n’a pas mâché ses mots pour critiquer la politique très haut débit du gouvernement.

Eutelsat : la France et la fibre, de « l’obscurantisme »

En fait. Le 5 octobre, Rodolphe Belmer, DG d’Eutelsat, l’opérateur satellite français, était auditionné par la commission des Affaires économiques du Sénat. L’ancien DG de Canal+ (passé après par France Télévisions) n’a pas mâché ses mots pour critiquer la politique très haut débit du gouvernement.

Dailymotion : fuite d’effectifs et… chute d’audience

En fait. Le 11 octobre, Giuseppe de Martino – promu début 2016 DG délégué de Dailymotion en même temps que Martin Rogard (photo) – a confirmé à EM@ que ce dernier a quitté le groupe Vivendi « le 1er août » (il est DG de We Are TV). Après la perte de la moitié de ses effectifs, Dailymotion voit son audience chuter.