FTTH et UHD4K : deux lents décollages en France

En fait. Le 6 décembre, l’Arcep a publié son observatoire du haut et très haut débit au troisième trimestre : 4,3 millions d’abonnés FTTH. Le 7 décembre, l’association UHD Partners France a fait état des chiffres GfK sur le parc des téléviseurs 4K en France : 4,5 millions. Quel est le rapport entre les deux ?

Technicolor perd ses couleurs et échoue à mener à bien son plan stratégique « Drive 2020 »

Le groupe français Technicolor (ex-Thomson Multimedia), spécialiste des technologies de l’image et du son pour le cinéma, la télévision, les médias numériques et la maison connectée, a échoué dans son plan stratégique « Drive 2020 » lancé il y a plus de trois ans par son directeur général, Frédéric Rose.

Thomson (1893–1966), Thomson-Brandt (1966-1968), Thomson-CSF (1968-1983), Thomson (1983-1995), Thomson Multimedia (1995–2010) et aujourd’hui Technicolor (2010- 2019 ?). En 135 ans d’existence, c’est tout un pan entier de l’histoire des technologies de l’image et du son à la française (1) qui vacille malgré l’implication – jusqu’à la nationalisation (1982-1997) – de l’Etat français, encore aujourd’hui actionnaire via Bpifrance Participations et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à hauteur de 7,96 % du capital.

Frédéric Rose, DG depuis 10 ans
Et cela fait dix ans – depuis le 1er septembre 2008 – que le Franco-américain Frédéric Rose (photo) en est le directeur général, également membre du conseil d’administration. Cet ancien d’Alcatel-Lucent arrive chez Technicolor pour redonner des couleurs à une entreprise qui, en 2008 déjà, affichait un chiffre d’affaires en baisse et un endettement en hausse atteignant à l’époque 1,5 milliard d’euros. Il s’agit aussi de redonner une stratégie à l’ex-Thomson. Frédéric Rose n’est alors pas au bout de ses peines. C’est lui qui, en 2010, va changer le nom de l’entreprise Thomson pour Technicolor, dénomination héritée de la société américaine Technicolor Motion Picture Corporation fondée en 1914 et à l’origine du célèbre procédé de films en couleurs utilisé par les studios de cinéma d’Hollywood (dont Disney).
La compagnie américain Technicolor devint bien plus tard, en 2001, filiale du français Thomson qui s’est approprié le nom pour en faire une marque unique (2). Parmi ses clients : de grands studios de cinéma (Warner Bros., Disney, Paramount, NBC Universal, Fox, Lionsgate, …) ou indépendants, des éditeurs de jeux vidéo (Activision Blizzard, Electronic Arts, Ubisoft, …), des chaînes de télévision (Canal+, …), des producteurs de musique (Universal Music, Warner Music, …), des opérateurs télécoms (America Movil, AT&T/DirecTV, Bouygues Telecom, …) ou OTT.
C’est en 2015 que Frédéric Rose présente son plan stratégique « Drive 2020 », assorti d’un plan d’intéressement en actions pluriannuel pour impliquer les salariés. Se sentant pousser des ailes, le groupe a aussitôt, l’année suivante, revu à la hausse les objectifs de son plan en visant pour 2020 un excédent brut d’exploitation (Ebitda) supérieur à 750 millions d’euros – contre 500 millions d’euros initialement prévus – et un flux de trésorerie disponible supérieur à 350 millions d’euros – au lieu de 250 millions d’euros précédemment. Mais ces performances n’ont pas été au rendez-vous, contraignant le dirigeant à revoir à la baisse ses objectifs – y compris consécutivement au cours de ces deux dernières années. L’objectif de l’Ebitda en 2020 a été ramené à 350 millions (au lieu de 750) et le free cash flow à 130 millions d’euros (et non de 350). La dette nette du groupe s’élève à 910 millions d’euros au 30 juin 2018 – « un niveau élevé », reconnaît le groupe aux quatorze couleurs. L’agence de notation financière Moody’s, qui avait en mars dernier dégradé d’un cran sa note liée à l’endettement de Technicolor (de « Ba3 » à « B1 »), pourrait à nouveau abaisser cette note dans les prochains mois. A moins que l’entreprise, au bord de la faillite, ne soit vendue ou démantelée d’ici là, comme cela est envisagé d’après l’agence Reuters le 19 novembre. « Technicolor passe en revue et évalue régulièrement les options stratégiques envisageables pour ses activités, que ce soit sous forme d’acquisitions, de rapprochements ou de cessions (…). A cet égard, Technicolor souligne que les discussions sont à un stade préliminaire. Aucune décision stratégique ou engagement n’a été pris », a dû préciser – en guise de réaction « aux rumeurs de marché » – le spécialiste de la fourniture de services vidéo pour les créateurs et les distributeurs de contenus, pour le cinéma, la télévision et les médias numériques, ainsi que pour la maison connectée. Les aînés se souviennent qu’il y a plus de vingt ans, en 1996, Alain Juppé avait voulu céder Thomson Multimédia (3) pour… 1 franc symbolique ! Aujourd’hui – autres temps, autres mœurs – Frédéric Rose discute du sort de Technicolor « à la poursuite de l’intérêt social et de celui des parties prenantes de la société ».

Vendre l’ex-Thomson à vil prix ?
A la Bourse de Paris, où la capitalisation de Technicolor est passé le 26 novembre sous la barre des 400 millions d’euros (389,8), le titre a dévissé de 86 % entre son plus haut niveau en janvier 2016 (7,48 euros) et son plus bas le 26 novembre également, à moins de 1 euro (0,96). La chute est de 65 % rien que depuis le début de l’année. La vente en mars de ses activités de « licences de brevets », à l’américain InterDigital pour 420 millions d’euros, n’a pas été d’un grand secours. Selon Reuters, Technicolor pourrait vendre son activité « Maison connectée » @

Charles de Laubier

Viacom(Paramount, MTV, Nickelodeon, Comedy Central, …) va au contact direct avec les Millennials

Le géant américain des médias Viacom ne peut plus se contenter de diffuser ses contenus audiovisuels — aussi « premiums » soient-ils — en mode linéaire à la télé, car la jeune génération est présente sur les médias sociaux et consomment plus court : vidéos, stories, sliders, carrousels, …

Six mois après avoir créé Viacom Digital Studios (VDS) aux Etats-Unis et trois mois après avoir racheté AwesomenessTV pour l’y intégrer, voici que la maison mère de Paramount, de MTV, de Nickelodeon ou encore de Comedy Central a choisi la France comme premier pays pour lancer VDS à l’international. Le coup d’envoi officiel de ce « studio de création et de production de formats mobiles et de contenus digitaux dédié aux marques » a été donné le 11 octobre dernier.

MTV Networks et Game One : moins rentables
« Viacom Digital Studios France est la première manifestation à l’international d’une stratégie de Viacom aux Etats-Unis qui a créé Viacom Digital Studios comme producteur-maison de contenus mobiles, verticaux et formats courts à l’adresse de toutes les plateformes sociales – que cela Facebook, Instagram, Twitter, Snapchat,
etc. », s’était félicité, avant le jour-J, Thierry Cammas (photo), président de « Viacom International Media Networks France » (VIMN France) sur le « Buzz Media » du Figaro fin septembre. En réalité, VIMN France n’a pas d’existence juridique. « Viacom International Media Networks France est le nom “corporate” de l’ensemble MTV Networks SARL et Game One SAS. Pour l’instant, toute la gouvernance de VDS s’opèrera à partir de MTV Networks SARL », précise à Edition Multimédi@ Thierry Cammas, depuis 2005 gérant de MTV Networks et président de Game One. Ces deux filiales françaises du groupe Viacom, basées à Neuilly-sur-Seine et opérant depuis 2011 sous le nom commercial de « VIMN France », ont réalisé en 2017 un chiffre d’affaires cumulé de 51,5 millions d’euros – dont 34,5 millions par MTV Networks et 17 millions par Game One – pour un bénéfice net respectif de 1,3 million d’euros (effectif de 117 personnes) et 3,7 millions (23 personnes). Bref, le bouquet des dix chaînes diffusées
en France – MTV, MTV Hits, Bet, Nickelodeon, Nickelodeon Junior, Nickelodeon 4Teen, Game One, J One, Paramount Channel et, la toute dernière lancée le 4 octobre, Comedy Central – est encore une affaire rentable pour « VIMN France » qui est aussi
la régie publicitaire de ces marques. Mais cette profitabilité s’érode : – 11 % pour MTV Networks et – 4,5 % pour Game One SAS en 2017. Le jeune public, en particulier la nouvelle génération des « Millennials », sont moins enclins à aller regarder des chaînes linéaires comme la musicale MTV (1) ou la vidéoludique Game One, qui plus est payantes. L’effet cord-cutting (2) (*) (**) a aussi rattrapé la filiale française, mais elle n’a pas attendu sa maison mère pour délinéariser.« En France, on a plutôt une bonne expertise de construction ciselées de stratégie sociale, de narrations digitales : vidéo, stories, sliders, carrousels d’images… Sur YouTube, la première chaîne jeunesse est Nickelodeon Junior avec plus de 20 millions de streams par mois. Sur Snapchat, nous sommes au “Top” du Discover avec MTV et plus de 1 million de visiteurs uniques par jour. C’est pour cela que Viacom Digital Studios est lancé en France, Sa fonction sera, au-delà de nos propres contenus digitaux verticaux, d’en produire pour les annonceurs, les marques et les agences média », a expliqué Thierry Cammas, parlant aussi de
« brand content digital plus ou moins élaboré ». Comme Viacom l’a fait dans le domaine du cinéma en 1994 avec l’acquisition de Paramount à Hollywood, cette fois le conglomérat des médias et du divertissement piloté de Manhattan (New York) s’est emparé cet été de AwesomenessTV. Il s’agit d’une startup californienne qui était contrôlée par DreamWorks Animation depuis 2013. L’une de ses spécialités, en tant que Multi- Channel Network (MCN) dont elle fut l’une des pionnières (3) : éditer des chaînes diffusées sur YouTube, aujourd’hui au nombre de 90.000 créées à travers le monde.
Qu’il est loin le temps où le groupe Viacom, alors dirigé par le Français Philippe Dauman (4), ferraillait en justice (de 2007 à 2013) contre YouTube qu’il accusait de piratage, allant jusqu’à réclamer 1 milliard de dollars à la filiale de Google – avant d’échouer et d’enterrer la hache de guerre en 2014… Viacom veut maintenant démontrer avec VDS qu’il peut monétiser par l’audience ou par la transaction des programmes, mais aussi par la production pour le compte de tiers – annonceurs
et publicitaires – sur les médias sociaux. En France, « ce n’est pas une incursion opportune vers la monétisation digitale ; c’est plutôt le résultat d’une expertise et
d’une audience construites depuis plusieurs décennies », a assuré Thierry Cammas.

Distribution holistique et brand content
L’avenir dira s’il s’agit de relais de croissance viables et pérennes, par rapport au fonds de commerce – tel que Bob l’éponge ou Pat’Patrouille ! – diffusé en exclusivité sur Nickelodeon, mais aussi via TF1, iTunes, Google Play, TFou Max, CanalPlay, SFR Play, Amazon Prime (Video), Netflix, ainsi qu’en produits dérivés déclinés en textiles, jeux vidéo, magazines, livres, produits de maison, de décoration, jeux, jouets, etc. @

Charles de Laubier

Altice n’a toujours pas remplacé la marque SFR par la sienne, ce qui brouille un peu plus son image

L’opérateur télécoms SFR n’est toujours pas passé sous pavillon « altice », près de cinq ans après son rachat par Patrick Drahi. Il y a un an, le 9 octobre 2017, le groupe SFR était retiré de la Bourse – son capital étant détenu par Altice France (89,4 %) et Altice Europe (9,3 %). L’ « Altice Campus » n’affiche plus le logo SFR.

SFR n’a pas été rebaptisé Altice au premier semestre 2018, contrairement à ce que Patrick Drahi (photo) avait décidé l’an dernier lorsqu’il avait annoncé le 23 mai 2017 de New York qu’Altice allait devenir la marque unique de toutes ses activités dans le monde.
En France, la marque SFR – héritée de la « Société française du radiotéléphone » créée il y a 30 ans – devait disparaître. Il n’en a rien été et ce n’est pas pour demain. « Pas de changement prévu », nous a répondu le 4 octobre Alain Weill, DG d’Altice Europe, maison mère d’Altice France et de SFR dont il est PDG depuis près d’un an. Il venait, la veille, d’inaugurer les nouveaux locaux de BFMTV et de RMC au sein de l’immeuble « Altice Campus ».
Juste après l’éviction en novembre 2017 de Michel Combes, qu’Alain Weill a remplacé depuis, le président fondateur de la maison mère Altice Europe, Patrick Drahi, avait lui-même confirmé le 15 novembre (1) que le remplacement en France de la marque SFR par la marque Altice était « différé ». Pour autant, le milliardaire franco-israélien et actionnaire majoritaire du groupe basé au Pays-Bas n’avait pas donné les motifs de
ce report. Le passage de SFR sous pavillon « altice » n’est donc pas intervenu en début d’année, mais en réalité ce changement de marque a déjà commencé discrètement de façon désordonnée.

L’Altice Campus inauguré sans SFR au complet
Edition Multimédi@ s’est procuré le message qu’Alain Weill a diffusé en interne le 9 octobre afin d’annoncer à ses salariés – non conviés – la soirée prévue ce jour-là pour « inaugur[er] officiellement l’Altice Campus en présence de nombreuses personnalités ». Seul le logo « altice » apparaît en en-tête, alors qu’il y parle pourtant d’ »expérimentation 5G » et de « télécoms et médias »… Mais officiellement, la marque SFR ne disparaît pas. « Nous avons pour l’instant renoncé à ce projet car en France
la priorité est la reconquête des clients », avait expliqué Alain Weill dans une interview à Stratégies en mars dernier. L’heure est aussi aux économies pour un groupe surendetté à hauteur de 50 milliards d’euros ; un changement de nom coûte très cher en marketing et communication. En tout cas, la pendaison de crémaillère en grande pompe s’est faite sans attendre que tous les salariés de SFR aient déménagé de la Seine-Saint-Denis pour intégrer cet immeuble du 15e arrondissement de Paris. Les 7.000 salariés télécoms et médias y seront au complet d’ici la fin de l’année.

« Abus de biens et de pouvoirs sociaux » ?
Alors qu’ils avaient été mis côte-à-côte dès mi-2017 sur la page d’accueil du portail Sfr.fr (3), le logo au carré rouge et le logo représentant un chemin n’apparaissent plus aujourd’hui ensemble sur le site web de l’opérateur télécoms – les trois lettres rouges restant seules dans leur coin… Il y a un an, des abonnés SFR et Red dotés d’un iPhone avaient même vu la marque « altice » accolée à celle de SFR au niveau des barres du signal de l’opérateur mobile (4). Aujourd’hui, quelques communiqués de presse arborent encore les deux marques, mais chacune dans un coin de l’en-tête, comme si elles se regardaient en chien de faïence ! Pourtant, ce projet de substitution de logos apparaissait comme une aubaine pour faire oublier la marque au carré rouge très écornée ces dernières années par de nombreuses défaillances techniques, tarifaires et commerciales, lesquelles avaient fait fuir jusqu’à 3,5 millions d’abonnés depuis la vente de SFR par Vivendi à Altice en avril 2014. De plus, changer de nom découlait de la volonté de Patrick Drahi d’adopter une marque unique pour mieux rayonner à l’international – au moment où il partait à la conquête des Etats-Unis.
« La marque SFR a été un peu abîmée en France au cours des années qui viennent
de s’écouler parce que l’on a été déceptifs vis-à-vis de nos clients », avait reconnu le
17 mai Michel Combes, alors encore dirigeant du groupe (5), devant l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef).
Mais cette décision de changer de marque n’a pas été du goût de tous les actionnaires du groupe SFR qui était encore coté à la Bourse de Paris (sur Euronext) jusqu’à son retrait il y a un an. Un fonds d’investissement qualifié d’« activiste », dénommé Charity & Investment Merger Arbitrage (CIAM) et cofondé par les Françaises Catherine Berjal et Anne- Sophie d’Andlau, avait déposé plainte le 16 juin 2017 contre les dirigeants d’Altice pour « abus de biens et de pouvoir sociaux ». Cette société financière, dont le fonds était actionnaire minoritaire de SFR à environ 0,11 %, estime dans l’un de ses trois griefs que l’abandon du nom de SFR pour celui d’Altice se fera au profit de Patrick Drahi, détenteur de la marque et du groupe Altice et dénonce le fait que SFR devra verser au bout de trois ans des redevances à celui-ci pour l’usage de sa marque Altice. Les deux autres griefs formulés par CIAM portent, d’une part, sur les 80 millions d’euros que SFR a dû payer à l’Autorité de la concurrence à cause d’un rapprochement Altice-SFR un peu précipité (selon le fonds, c’est à Altice de les payer), et, d’autre part, sur
le déménagement du siège de SFR (actuellement à La Plaine Saint-Denis) dans les bureaux « Altice Campus » aux loyers plus élevés, propriétés de Patrick Drahi qui les aurait acquis pour 1 milliard d’euros en 2016 et situés dans l’immeuble Qu4drans du 15e arrondissement de Paris. Bien que CIAM ne détienne plus d’actions SFR, à la suite de l’offre publique de retrait à l’automne 2017 suivie d’un retrait obligatoire visant les actions de la société SFR, la plainte devrait suivre son cours. C’est du moins ce que pense Catherine Berjal qui nous dit « ne plus avoir accès au dossier, car n’étant plus actionnaire ». C’est le 9 octobre 2017 – il y a un an – que le titre SFR a été retiré de la cote après qu’Altice France SA, Altice NV (Altice Europe) et Altice France Bis SARL – trois holdings de droit néerlandais et contrôlées au plus haut niveau par Patrick Drahi – aient déclaré détenir respectivement 89,4 %, 9,3 % et 0,04 %, soit un total de 98,78 %, de SFR Group (6) .
Mais le flou artistique persiste autour de l’enseigne du deuxième opérateur télécoms français. Avec Altice Campus, Altice France, Altice Media ou encore le site web Alticefrance.com dédié à… SFR, Altice trace son « chemin » petit à petit sur l’Hexagone. Si les activités télécoms restent encore estampillées « SFR », les activités médias, elles, arborent déjà l’enseigne « altice » – quand bien même les médias du groupe gardent leur titre (RMC, BFMTV, i24 News, Libération, L’Express, …). Exception qui confirme la règle : la chaîne de télévision de séries et de films s’appelle Altice Studio (ex-Altice Studios, avec un « s », jusqu’en 2017). Alain Weill a dit aux Echos le 3 juillet dernier qu’il recherchait des partenaires à cette chaîne-société de production pour mieux peser face à Netflix et Amazon, alors que Le Figaro affirmait le 31 mai qu’Orange et SFR discutaient d’une fusion entre OCS et Altice Studio.
Quoi qu’il en soit, l’Altice Campus est la concrétisation de stratégie de convergence télécoms-médias décidée par Patrick Drahi à l’international. « Il est le symbole du regroupement entre les groupes Altice et NextRadioTV, mais aussi de la convergence réussie entre les médias et les télécoms en France », s’est félicité Alain Weill lors de la visite guidée des nouveaux locaux flambant neufs.

Convergence télécoms-médias et télés-radios
Les équipements audiovisuels et multimédias, mutualisables entre les différentes chaînes de télé (BFMTV, RMC Découverte, BFM Paris, RMC Story, RMC Sport, i24 News, Altice Studio, My Cuisine) et stations radio (RMC, BFM Business) ont nécessité 35 millions d’euros d’investissement. « Chaque plateau est à la fois radio et télé ; tous nos programmes radio ont vocation à devenir des programmes télévisés », a précisé le patron d’Altice France. @

Charles de Laubier

Bataille entre télécoms et télévision : la 5G lorgne plus que jamais les fréquences de la TNT

La 5G n’est toujours pas sortie des limbes du processus de normalisation internationale qu’elle réclame de façon plus affirmée encore les fréquences de la TNT. C’est du moins ce qui se passe en France, où le régulateur des télécoms s’oppose à celui de l’audiovisuel sur l’avenir de l’audiovisuel.

La télévision numérique terrestre (TNT) va-t-elle être sacrifiée sur l’autelde la cinquième génération de mobile (5G) ? C’est le scénario qui se met progressivement en place dans la plupart des régions du monde. En termes de spectre de fréquences, à savoir la bande 470-694 Mhz, il s’agit de déshabiller Pierre (la TNT) pour habiller Paul (la 5G). Jusqu’à maintenant, cette partie de la « bande UHF » est attribuée à la diffusion hertzienne terrestre de la télévision. Ce sont ces ressources rares que lorgnent les opérateurs mobiles.

Début d’extinction de la TNT en 2025 ?
Les Etats-Unis et l’Asie-Pacifique sont les deux régions du monde à avoir déjà décidé de transférer cette bande 470-694 Mhz (ou 600 Mhz) vers les mobiles. Dès mars 2016, les Etats-Unis ont lancé des enchères inverséessur ces fréquences auprès des opérateurs de l’audiovisuel. Cette première phase américaine devrait être suivie d’ici la fin de l’année par des enchères classiques auprès des opérateurs mobiles (1). L’Europe, elle, a donné du temps au temps : le rapport Lamy de 2014 a garanti à l’audiovisuel (les chaînes de télévision) la disponibilité de la bande 470-694 MHz jusqu’en 2030, tout en prévoyant une clause de rendez-vous en 2025 pour faire le bilan au regard des évolutions des secteurs de l’audiovisuel et des télécoms (2) (*). En France, cette bande UHF reste affectée – sur les douze ans qui viennent encore – au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre ou TNT. Mais dans sept ans maintenant, alors que la 5G sera devenue une réalitédu très haut débit, le gouvernement français remettra un rapport au Parlement pour faire le point sur les forces en présence – télécoms et audiovisuel.
C’est ce décalage de calendrier entre l’Europe et les Etats- Unis qui inquiète l’Arcep : « Cette situation crée une asymétrie technologique sur les usages du spectre entre les différentes régions. Cet arbitrage technologique [la bande 470-694 MHz aux mobiles, ndlr], issu du deuxième plus gros marché mondial en matière de smartphone [les Etats-Unis], risque de créer une pression sur les pays des autres régions », écrit-elle dans son bilan et perspectives du marché des services de diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre publié le 20 juin dernier (3). Autre crainte exprimée par le régulateur des télécoms français sur le maintien des bandes de fréquences hertziennes au profit de la diffusion TNT : « La demande anticipée par les opérateurs mobiles fait craindre une saturation des capacités du spectre radioélectrique face à la forte croissance du haut débit mobile ». A ces deux craintes, l’Arcep ajoute le fait que la TNT peut difficilement répondre à la demande grandissante de services délinéarisés et interactifs de la part des chaînes de télévision (replay, VOD, réseaux sociaux, …). De plus, elle ne dessert que les téléviseurs et non pas les smartphones ni les tablettes. Ces mêmes téléviseurs sont en outre nombreux à être connectés aux réseaux haut et très haut débit. Et le régulateur des télécoms d’évoquer « l’extinction » de la TNT : « Le rendez-vous prévu en 2025 s’agissant de l’allocation de la bande de fréquence 470- 694 MHz pourrait marquer le début de l’extinction de cette plateforme ».
L’Arcep marche même sur les plates-bandes du CSA en n’excluant pas que l’arrivée à échéance des autorisations de diffusion délivrées aux chaînes de télévision – en 2020 pour Canal+ et 2023 pour M6 et TF1 – soit l’occasion pour ces dernières de « reconsidérer l’utilité de la TNT dans le mix de plateformes techniques qu’elles utilisent pour diffuser leurs services ». Tandis que les chaînes les plus modestes pourraient y regarder à deux fois avant de continuer à diffuser sur la TNT qui leur coûte en moyenne entre 6 et 8 millions d’euros par an. Autrement dit, c’est un peu comme si l’Arcep appelait les éditeurs de chaînes de télévision (TF1, M6, Canal+, France Télévisions, Altice/BFM TV, …) à ne plus mettre leurs œufs dans le même panier de la TNT. « En tout état de cause, les éditeurs de contenus devraient voir se multiplier des possibilités de diffusion alternatives à la TNT à mesure que se déploient les réseaux hauts et très hauts débits, qui au surplus leur offrent l’opportunité de promouvoir des usages innovants ».

Arcep et CSA, pas la même longueur d’onde
Ce n’est pas la première fois que l’Arcep sonne le glas de la TNT (4), mais cette fois le régulateur des télécoms a fait savoir qu’il ne voulait plus réguler le marché des services de diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre dominé par TDF face au seul opérateur alternatif : TowerCast (groupe NRJ). Car, en substance, cela ne servirait à rien ! De son côté, à l’occasion de la publication le 26 juin de son analyse prospective sur l’avenir de l’audiovisuel (5), le CSA a réitéré sa confiance en l’avenir de
la TNT. @

Charles de Laubier