Accord-cadre « CNM » : pourquoi la FFT n’a pas signé

En fait. Le 31 janvier, en marge des vœux de la Fédération française des télécoms (FFT), son directeur général Yves Le Mouël a expliqué à Edition Multimédi@ pourquoi son organisation n’avait pas souhaité signer l’accord-cadre créant
le Centre national de la musique (CNM) qui lui avait pourtant été soumis.

En clair. L’accord-cadre créant le CNM, cosigné le 28 janvier au Midem à Cannes par
les représentants de la filière musicale et le ministre de la Culture et de la Communication Frédéric Mitterrand, ne l’a pas été par les opérateurs télécoms réunis au sein de la FFT. C’est ce que nous a indiqué son directeur général Yves Le Mouël. « Nous avons été invités à signer l’accord-cadre mais nous avons refusé de le faire car nous n’avons
pas obtenu la garantie que le financement du CNM se fera en réaffectant une partie des taxes déjà versées par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) au Centre national du cinéma (CNC) dans le cadre du Cosip (1) », a-t-il expliqué. Au titre de l’année 2012,
les opérateurs télécoms vont contribuer au financement de la création audiovisuelle à hauteur de 192 millions d’euros. La FFT espère qu’une partie de cette contribution sera
« redéployée » vers le CNM.
Les opérateurs télécoms et les FAI pensaient avoir été entendus au plus haut sommet
de l’Etat depuis le rapport Création musicale et diversité à l’heure du numérique remis
le 3 octobre dernier à Frédéric Mitterrand et à Nicolas Sarkozy. Ses auteurs (2) prévoit
le financement du CNM par « le prélèvement d’une partie du produit de la taxe sur les services de télévision (TST) » que versent les FAI au CNC (lire EM@44, p. 4). Pour les opérateurs télécoms, justifient-ils, cela a un avantage : « La pression fiscale globale sur les FAI demeure inchangée ».
Hélas pour les FAI, le 33e et dernier point de l’accord-cadre dit bien que « cette taxe
dont le rendement sera, en 2013 et en année pleine, de l’ordre de 70 à 95 millions d’euros, interviendra sans augmentation de la pression fiscale sur les opérateurs de télécommunications ». Mais rien ne dit que les recettes du CNM seront prélevées sur celles du CNC (3). Le jour même de la signature de l’accord-cadre au Midem, la FFT a joué la prudence : « Les opérateurs seront donc particulièrement attentifs à l’absence
de toute nouvelle taxe pour financer le CNM et relèvent avec satisfaction les termes de l’accord-cadre prévoyant que le financement du CNM sera réalisé à pression fiscale constante (…) sur eux ». Reste une inconnue de taille : l’élection présidentielle. Favori
des sondages, le socialiste François Hollande a indiqué que, s’il était élu en mai prochain, il maintiendrait le CNM. @

La pression fiscale sur les opérateurs télécoms augmente au profit des industries culturelles

Vaches à lait, têtes de Turc,… Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) expriment un sentiment général de ras-le-bol envers les taxations de toute sorte que les pouvoirs publics leur imposent, à commencer par celles destinées au cinéma,
à l’audiovisuel et bientôt la musique

Par Katia Duhamel, avocate, cabinet Bird & Bird

Les taxes s’entassent sur la tête des opérateurs télécoms, sans doute coupables de faire encore des profits en temps
de crise. Alors qu’ils n’ont toujours pas digéré la taxe introduite par le gouvernement pour compenser la suppression de la publicité payante sur les chaînes publiques de télévision, de nouvelles idées de taxation du secteur germent dans l’esprit de certains. Après l’audiovisuel public, les opérateurs pourraient ainsi être mis à contribution pour financer la création musicale.

Les « Net-goinfres » sont dans le collimateur

En fait. Le 21 août, le DG de la Fédération française des télécoms (FFT) a dû monter au créneau – dans Le Parisien et Le Figaro – pour tenter de mettre un terme au buzz lancé par le site web Owni qui, le 19 août, a révélé que la FFT prônait « débit
IP maximum » et « plafond de consommation ».

En clair. Selon les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet (FAI) membres de la Fédération française des télécoms (FFT), ce n’est pas « la fin de l’Internet illimité » contrairement à ce qu’affirmait le site d’information en ligne Owni. « L’illimité est et restera accessible à tous », a tenu à rassurer Yves Le Mouël, DG de la FFT, dans Le Parisien.
« Aucun opérateur n’a de projet en ce sens aujourd’hui », ajoute-t-il dans Le Figaro. Seuls les internautes gros consommateurs de bande passante « pourraient être mis davantage à contribution » : « Pour ceux qu’on appelle les “Net-goinfres”, on verra sans doute des offres avec des tarifs plus élevés que ce qu’on voit aujourd’hui », explique-t-il dans le premier quotidien. « Ce sont ces 5 % à 10 % de consommateurs qui utilisent 80 % de la bande passante, car ils passent leur temps à télécharger des films, font de la vidéo en permanence, passent la journée sur Facebook avec de la vidéo, YouTube, Dailymotion », précise-til dans le second quotidien. La FFT a dû faire cette mise au point après la mise
en ligne de sa réponse de neuf pages à l’appel à propositions que l’Arcep avait lancé en septembre 2010 « pour promouvoir un Internet neutre et de qualité ». Dans l’annexe III
de la réponse de la FFT datée du 21 juillet 2011, ses membres (Orange, SFR, Bouygues Telecom, Omea Telecom, etc) ne parlent pas de « Net-goinfres » mais seulement
d’« usage raisonnable » ou anglais fair use : ils proposent non seulement un tableau
de « découpage par gamme pour la data mobile » (1), mais surtout – et c’est nouveau –
un « découpage par gamme pour le fixe » avec « débit IP [descendant] maximum de
l’offre », de « plafond de consommation » et de « limitation de téléchargement par
session ». Si l’Internet mobile est déjà soumis systématiquement à une telle gestion de trafic en raison de la ressource rare que constituent les fréquences mobiles, il n’en va
pas de même de l’Internet fixe aux capacités extensibles. Free, qui n’est pas membre de la FFT, a dit à Owni être « plus que réservé sur la pertinence d’une telle proposition ». L’association de consommateur UFC-Que Choisir estiment, elle, que « les opérateurs cherchent à rançonner des deux côtés : d’abord les fournisseurs de contenus comme Google, puis les consommateurs ». Les opérateurs de réseaux voudraient à la fois la
fin de la neutralité d’Internet et la fin de l’Internet illimité qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. @

Pourquoi l’Arcep doit devenir un “super-régulateur”

En fait. Le 28 juin, l’Arcep a publié une étude – qu’elle avait confiée au cabinet d’avocats Hogan Lovells (associé au cabinet d’études Analysys Mason) – sur
« le périmètre de la notion d’opérateur de communications électroniques ». Télécoms et Internet : la mission du régulateur ne peut plus être « cantonnée ».

En clair. Créée il y a exactement quinze ans maintenant par la loi du 26 juillet 1996 sous le nom de l’ART (Autorité de régulation des télécommunications), l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) s’interroge aujourd’hui sur les « opérateurs » qu’elle doit réguler. Car, avec la multiplication des fournisseurs de services sur Internet, des opérateurs de réseaux de distribution de contenus Internet ou CDN (1), des acteurs de cloud computing(lire p. 7), des opérateurs mobiles virtuels ou MVNO (2), des plates-formes d’échanges ou de partages sur le Web (3), ou encore les fabricants de terminaux interactifs (smartphones, tablettes, TV connectée), il y aurait pour l’Arcep de quoi en perdre son latin ! Dans cette étude, la seconde du genre en Europe (après la Suède), le cabinet Hogan Lovells estime que les CDN, comme Akamai, pourraient être qualifiés d’« opérateurs des communications électroniques et fournisseurs » (4) par l’Arcep. Il en va de même pour les prestataires de voix sur IP comme Skype.
En revanche, ne sont pas « opérateurs » les acteurs du cloud computing comme Amazon ou Microsoft, ainsi que les plates-formes vidéo, comme Dailymotion ou YouTube. Ne sont pas non plus « opérateurs » les éditeurs de presse en ligne commeLes Echos, pas plus que les éditeurs de livres numériques comme l’iPad d’Apple. Pour être fixée, l’Arcep doit procéder à des tests dits « de proportionnalité ». La disparition des frontières, sous l’effet de la convergence, entre les « opérateurs »
et les acteurs du Web lui complique la tâche : les deux peuvent offrir le même service.
« Si le périmètre de l’action de l’Arcep restait cantonné aux opérateurs de communications électroniques tels que définis traditionnellement, il pourrait s’avérer difficile pour [elle] d’atteindre l’ensemble des objectifs qui lui sont confiés par le législateur national et communautaire », prévient l’étude. Surtout que le tout-IP « aurait pour effet de restreindre le champ d’application de la réglementation ». L’avenir s’annonce donc complexe pour l’Arcep, tant la notion d’« opérateur » est devenue
à géométrie variable. Dès que le gouvernement aura transposé par ordonnance le Paquet télécom, soulignent les experts, « la compétence de l’Arcep se trouvera élargie et pourra s’étendre à des personnes qui ne sont ni fournisseur de services de communications électroniques, ni opérateur de réseaux ».
Le régulateur devra même faire respecter la neutralité du Net au profit des internautes
et des mobinautes (5). Un super-régulateur en somme. @

Pourquoi la séparation des réseaux et des services télécoms revient-elle sur le tapis

Vieille antienne de la régulation des télécoms, la séparation des réseaux et
des services de communications électroniques sur le marché de détail fait de nouveau débat, au point d’être présentée comme une solution au retard de l’Europe en matière de très haut débit.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

A l’occasion de son avis du 8 mars dernier (1), l’Autorité
de la concurrence a rappelé l’utilité, dans un certain nombre
de secteurs, de mesures structurelles visant à garantir une séparation entre les activités régulées – ou en monopole
légal – et les activités concurrentielles ou de diversification. L’Autorité de la concurrence a observé à cette occasion,
que parmi les industries de réseaux régulées, le secteur
des communications électroniques est celui pour lequel les mesures de séparation prévues à ce jour sont les moins fortes.