Les acteurs du Net affichent une croissance insolente

En fait. Le 28 mai, l’Idate a présenté la 13e édition de son DigiWorld Yearbook sur
le marché mondial du numérique : sérieux ralentissement de la croissance à 2,7 % en 2012 – contre 3,9 % en 2011 et 4,7 % en 2010 – pour atteindre 3.169 milliards d’euros. Seuls les services OTT affichent une croissance à deux chiffres.

En clair. Malgré les prolongations de la crise de 2008 provoquant la stagnation des pays développés, le retour au ralentissement du marché mondial du numérique l’an dernier et
la baisse des revenus des opérateurs télécoms empêtrés dans une guerre tarifaire destructrice de marge (mais bien profitable aux consommateurs), un segment de marché du numérique – celui des services dits OTT (1) – affiche encore une croissance insolente, de l’ordre de… 20 % par an ! C’est le paradoxe du rapport 2013 de l’Idate (2) : pendant que les opérateurs télécoms mangent leur pain noir, les acteurs de l’Internet – Google, Apple, Facebook, Amazon ou encore Microsoft – tirent leur épingle du jeu. Ces
« nouveaux services Internet » ont progressé de 18,7 % en 2012 pour atteindre
158 milliards d’euros de revenus au niveau mondial. La croissance de ces services
OTT (publicité en ligne et services payants sur Internet) était même de 22 % l’année précédente et devrait à nouveau être de 22 % en 2013, pour tutoyer la barre des
200 milliards d’euros (à 193 milliards précisément). « Les acteurs du Net fournissent
la raison d’être des opérateurs télécoms. Mais ces derniers doivent faire évoluer leur modèle économique et prendre des parts de marché dans les services OTT », estime Yves Gassot, directeur général de l’Idate. Evoluer ou mourir ! C’est particulièrement urgent en Europe, où les opérateurs télécoms accusent le coup sur un marché en stagnation (+0,1%) à 869 milliards d’euros en 2012. « Il apparaît désormais fort peu probable que l’on revienne à terme vers les niveaux de croissance du milieu des années 2000, encore moins vers ceux à deux chiffres de la fin des années 90… sauf pour les nouveaux services de l’Internet (OTT) », prévient Yves Gassot. L’Idate en profite au passage pour tordre le cou à « une idée fausse », selon laquelle les opérateurs télécoms seraient victimes des OTT. « Les opérateurs télécoms aux Etats-Unis sont tout autant exposés aux acteurs de l’Internet que leurs homologues en Europe. Or, les premiers enregistrent une croissance [+ 1,5 %] et les seconds un recul [- 1 %] », souligne-t-il. La raison est ailleurs : en l’occurrence, selon l’Idate, dans la fragmentation des opérateurs télécoms sur le Vieux Continent et dans la guerre des prix. @

Bolloré derrière la révision stratégique de Vivendi

En fait. Le 26 février, Vivendi a présenté ses résultats 2012 : chiffre d’affaires
stable à 28,9 milliards d’euros (+ 0,6 %) et résultat net en chute à 164 millions d’euros (- 94 %), à cause d’une provision exceptionnelle (litige avec Liberty
Media aux Etats-Unis) et d’une dépréciation (Canal+ France).

En clair. Vivendi a toujours une idée fixe, depuis un an maintenant : « Nous voulons revaloriser le groupe dans son ensemble que la décote du conglomérat ne se justifie
plus », a redit Jean-François Dubos, président du directoire de Vivendi. Le cours de Bourse de la « holding » Vivendi oscille autour de 15 euros depuis un an. Mais Jean-René Fourtou, président du conseil de surveillance, est décidé à recréer de la valeur pour les actionnaires. Or, depuis le 10 octobre 2012, Vincent Bolloré est devenu le premier actionnaire du groupe de médias et de télécoms en franchissant le seuil des 5 % du capital et des droits de vote, après avoir cédé ses deux chaînes gratuites Direct 8 et Direct Star (1) à Canal+, filiale de Vivendi.
Et le 15 novembre, l’homme d’affaires breton a regroupé l’ensemble de sa participation dans Vivendi (66 174 684 actions) dans sa Compagnie de Cornouaille. Puis, sur proposition de Jean-René Fourtou, il a été coopté le 13 décembre pour entrer au conseil de surveillance de Vivendi – ce qui devra être ratifié lors de la prochaine assemblée générale (AG) du 30 avril.
Dans quelle mesure ce nouvel actionnaire de référence et membre du conseil de surveillance influence-t-il la « révision stratégique » du conglomérat, dont la feuille de
route devrait être clarifiée à l’AG justement ? Une chose est sûre, Jean- René Fourtou semble moins pressé de se débarrasser des télécoms pour se recentrer sur les médias
et les contenus (2). « SFR n’est pas à vendre pour l’instant », a insisté Jean- François Dubos, en ajoutant : « Rien ne sert de courir si l’on n’est pas pressé ». Et aucun commentaire sur l’intérêt que porteraient les actionnaires de Numericable – Carlyle, Cinven et Patrick Drahi – sur SFR (3).
C’est que l’esprit Bolloré, caractérisé par la prudence, semble influencer les autres membres du conseil de surveillance. Vincent Bolloré a l’habitude de se hâter lentement, surtout pour laisser le temps à son « portefeuille de participations » de 2 milliards d’euros de générer d’importantes plus-values. Ses 5 % dans Vivendi – et donc dans SFR – n’échappera pas à cette logique financière, à l’instar de ses 37,05 % dans Havas, ses 16,7 % dans Bigben interactive, 14 % dans Harris interactive, 9,6 % dans Gaumont, ou encore 6,4 % dans Aegis. Quitte à bousculer ses hôtes (Havas en 2005) ou à se retirer après un bras de fer (Bouygues en 1998). @

Tarifs télécoms : même pas peur !

Armé de mon seul smartphone associé à sa tablette, me voici prêt à communiquer sans limite, à surfer ad libitum
sur mes contenus préférés et à parcourir le monde sans me soucier de mon abonnement Internet… Nous sommes bien en 2020, mais cette situation tarifaire idéale n’est pas encore totalement réalité. S’il existe bien aujourd’hui des formules d’abonnement très simples, complètes et à coût raisonnable, la vigilance reste de mise. La simplicité réclamée par les utilisateurs se heurte encore et toujours à des évolutions multiples, parfois opposées. La grande rupture heurta de plein fouet les opérateurs télécoms au tournant de l’an 2000. Jusque-là, ils commercialisaient des minutes d’appels via des téléphones fixe et mobile, ou des SMS. Dès 2010, plus des
80 % des communications se faisaient désormais via l’e-mail, la messagerie instantanée, la voix sur IP, les blogs ou les forums. Ces formes alternatives de communication échappent encore et toujours aux opérateurs et à toute forme de monétisation. Cette véritable révolution des usages s’inscrit dans un contexte plus général : baisse tendancielle des prix, augmentation vertigineuse des trafics et préservation des investissements conséquents dans les réseaux très haut débit, fibre ou LTE.

« Certaines stratégies tarifaires propres au marché mobile s’appliquent désormais au fixe, notamment le traffic cap »

Les industriels attaquent la copie privée : saison 2

En fait. Le 1er janvier 2013 est entrée en vigueur la décision n°15 de la commission pour la rémunération de la copie privée fixant les nouvelles taxes à payer lors de l’achat de supports de stockage, mémoires et disques durs. Cette décision, datée du 14 décembre, est parue le 26 au Journal Officiel (1).

En clair. Rendez-vous devant le Conseil d’Etat ! Les industriels s’apprêtent en effet à saisir la Haute juridiction administrative (2) pour demander l’annulation cette décision instaurant – « de façon illégale », affirment-ils – de nouveaux barèmes de rémunération
de la copie privée pour remplacer ceux annulés par le Conseil d’Etat en juin 2011. Aucun support de stockage numérique, ou presque, n’échappe à ces nouvelles taxes que doivent payer les consommateurs lors de l’achat de supports de stockages. Et ce,
en contrepartie du droit de faire des copies à usage privée de musiques, de films ou d’œuvres audiovisuelles, écrites ou graphiques. A part le cloud computing qui n’y est pas encore soumis (3) et les disques durs internes des ordinateurs toujours curieusement épargnés, tout y passe : CD/DVD, décodeurs, « box », enregistreurs numériques, appareils de salon, clés USB, supports de stockage multimédias, disques durs externes, smartphones, tablettes, baladeurs, autoradios, navigateurs GPS, … Selon les organisations des ayants droits (auteurs, artistes-interprètes, producteurs et éditeurs réunis au sein de Copie France), les nouveaux tarifs sont « globalement inférieurs » aux précédents et promettent une « légère diminution des rémunérations perçues au cours
de l’année 2013 ». Mais en réalité, il en coûtera plus cher pour les tablettes, baladeurs
ou GPS. Cette décision n’est pas du goût des industriels d’appareils électroniques, dont les organisations (Simavelec, Sfib, Secimaci, Gitep Tics, SNSII) avaient le 15 novembre claqué la porte de cette commission présidée par Raphaël Hadas-Lebel et placée sous
la tutelle des ministères de la Culture, de l’Industrie et de la Consommation.
Cela n’a pas empêché l’adoption de la décision n°15 à une écrasante majorité : 15 voix pour (4) et 3 voix contre (Unaf, CLCV et Familles rurales). Deux membres se sont abstenus : l’Association droit électronique et communication (Adec) et de la Fédération française des télécoms (FFT). Cette dernière s’est pour la première fois désolidarisée
des industriels en ne votant pas contre « afin de marquer les avancées obtenues ces dernières semaines lors des négociations sur les nouvelles grilles [notamment sur les
« box », ndlr] » mais en s’abstenant « afin de signifier qu’elle n’adhère pas au dispositif actuel de gouvernance et d’élaboration des décisions ». @

Le numérique devient-il la vache à lait de la culture ?

En fait. Le 2 octobre, Aurélie Filippetti a présenté le budget 2013 du ministère de
la Culture et de la Communication – en baisse de 2 % par rapport à cette année,
à 7,4 milliards d’euros (dont 3,55 milliards d’euros pour la culture, la recherche
et les médias et 3.83 milliards pour l’audiovisuel public).

En clair. Bien que le numérique bouleverse de fond en comble les modèles économiques des industries culturelles, les budgets qui leur sont consacrés sont
« maintenus ». Il faudra attendre le printemps prochain pour savoir si le futur projet
de loi de Finances rectificatif 2013 prendra en compte les conclusions de la mission
de Pierre Lescure de l’ « Acte 2 de l’exception culturelle », lequel doit rendre son rapport final en mars prochain sur le financement de la création – cinéma, audiovisuel, musique, édition, presse, photo – à l’ère du numérique (1) et sur la Hadopi. Cette dernière voit son budget 2013 ramené à 8 millions d’euros (- 27 %), selon l’annexe
au projet de loi de Finances 2013. Pour le septième art, le gouvernement a décidé
de « préserver » le Compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels (Cosip). En particulier, il met fin à « l’écrêtement du produit de la taxe sur les services de télévision (TST) acquittée par les distributeurs [les FAI et les éditeurs de chaînes, ndlr] » (2). En 2013, elle représentera 537,2 millions d’euros (- 0,3 %), dont 247 millions prélevés sur les FAI. Cependant cette TST, réformée pour entrer en vigueur le 1er janvier 2013, est contestée par le Commission européenne qui y voit une taxation des opérateurs télécoms contraire à la directive Autorisation du Paquet télécom. En outre,
« afin de contribuer au redressement des finances publiques, le fonds de roulement du CNC (3) subira un prélèvement exceptionnel à hauteur de 150 millions d’euros », a confirmé la ministre, tout en précisant que cela impactera les investissements du CNC dans le numérique. La taxe VOD, elle, s’élèvera à 30,25 millions (-7 %).
« En définitive, les recettes fiscales affectées au CNC en 2013 devraient être stables », tente de rassurer Aurélie Filippetti. Pour la filière musicale, « les dispositifs existants
sont maintenus » – malgré l’inquiétude des producteurs de musique de voir le crédit d’impôt absent du PLF 2013.
La presse, elle, bénéficiera de 516 millions d’euros d’aides (- 3,24 % sur un an), dont
35,5 millions d’euros pour le Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) – comprenant notamment le Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne. Quant au livre, qui bénéficie de 250 millions d’euros, il a déjà vu en juillet dernier le taux réduit de TVA à 5,5 % rétabli au lieu des 7 %. @