Câble dissolution

Le « câble » est un de ces mots passe-partout pouvant désigner aussi bien une corde d’amarrage qu’un réseau
de communication extrêmement puissant. Mais un mot
qui se décline aujourd’hui au passé. Il faut fouiller dans
nos archives pour faire revivre cette fabuleuse histoire industrielle qui commença après 1945 aux Etats-Unis,
afin de résoudre en ville les problèmes de réception de la télévision hertzienne. Choix technologique qui, parce qu’il permettait de diffuser un grand nombre de chaînes, assura rapidement la puissance de grands networks et accompagna la montée en puissance de ce qui est encore aujourd’hui la première industrie mondiale audiovisuelle. Dans le reste du monde, les réseaux par câble se sont développés de manière irrégulière, le plus souvent dans des pays à forte densité, en Europe, en Asie ou en Amérique du Sud.
La France attendit le début des années 1980 pour lancer, puis abandonner en cours
de route, son Plan câble qui ne laissa qu’une trace marginale sur le territoire.

« Si l’on ne parle plus aujourd’hui du câble qu’au passé, c’est qu’il s’est finalement dissous dans les autres technologies de réseaux très haut débit. »

Pourtant, cette technologie coaxiale revenait régulièrement sur le devant de la scène : n’oublions pas qu’en 2012 le câble s’installait comme le principal mode d’accès à la télévision pour plus de 530 millions de foyers dans le monde, correspondant à 36 %
du nombre total de foyers TV. La dynamique s’est poursuivie durant quelques années.
La TV par câble était encore, en 2017, le principal mode d’accès à la télévision. Ce n’est qu’après, qu’il a commencé à céder le pas, progressivement, au satellite et à l’IPTV sur lignes de cuivre ADSL/VDSL puis FTTH. Si l’on ne parle plus aujourd’hui
du câble qu’au passé, c’est qu’il s’est finalement dissous dans les autres technologies de réseaux très haut débit. Longtemps distinct des réseaux de télécommunications, chacun ayant ses propres usages, le rapprochement a commencé avec la numérisation des réseaux qui permit aux câblo-opérateurs de proposer, outre les programmes de TV initiaux, des services d’accès Internet et de téléphonie. Ils ont su tirer bénéfice de cette évolution fondamentale en consentant des investissements considérables pour moderniser
leurs infrastructures, en généralisant des offres quad-play en ajoutant le mobile à leurs services par la conjugaison du Wi-Fi, d’offres en MVNO et d’acquisition de fréquences,
et en proposant avant tout le monde des débits supérieurs à 100 Mbits/s. C’est ainsi qu’aux Etats-Unis, où cette industrie était de loin la plus mature, la part de marché du câble continuait encore à progresser en 2013 : 85 % des foyers avaient déjà accès à
des débits de 100 Mbits/s, ou plus, grâce aux réseaux câblés.
A cette dynamique favorable, s’ajouta l’ouverture d’une « fenêtre de tir », presque inespérée pour cette industrie malmenée durant des décennies, qui mit les réseaux câblés au cœur de la grande réorganisation des télécoms des années 2013-2018. C’était au moment où les pays européens marquaient le pas dans leurs investissements dans les réseaux FTTH, donnant aux actifs du câble une valeur nouvelle. La France ne se retrouvait-elle pas, grâce à son câble, propulsée au premier rang des nations européennes en nombre d’abonnés très haut débit, alors même que
le réseau fibre ne se développait que très lentement ? La valeur des entreprises se mit à augmenter, à la faveur des surenchères d’acteurs plus puissants, mobilisés par un nouveau processus de consolidation globale et de course à la taille critique. C’est ainsi que Vodafone, contraint d’adosser ses marchés mobiles à des infrastructures fixes et de jouer à son tour la carte du quad-play, se porta acquéreur du leader allemand Kabel Deutschland. C’est également pour cette raison que le débat entourant le français Numericable aboutit à son mariage avec un opérateur télécom. Finalement, au bout de ces évolutions, entre concurrence et convergence, la notion de câble se fond désormais pour disparaître complètement dans les infrastructures de télécommunications fixe et mobile. Seuls subsistent des groupes, puissants gestionnaires de réseaux, que l’on continue d’appeler câblo-opérateur en souvenir de leur métier d’origine et de leur gloire passée. @

Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2025 » : Chaînes et OTT
* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, l’institut vient de publier son rapport
« Câble : perspectives pour le très haut débit »,
par Yves Gassot, DG de l’IDATE.

Réforme du Paquet télécom: un projet de règlement européen bien décevant pour tous

Si les intentions de Neelie Kroes sont louables pour parvenir à un marché unique des télécoms et à une régulation harmonisée en Europe, ses propositions de réforme du Paquet télécom risquent d’aboutir à l’émiettement des acteurs plutôt qu’à l’émergence de champions européens.

Les acteurs du Net affichent une croissance insolente

En fait. Le 28 mai, l’Idate a présenté la 13e édition de son DigiWorld Yearbook sur
le marché mondial du numérique : sérieux ralentissement de la croissance à 2,7 % en 2012 – contre 3,9 % en 2011 et 4,7 % en 2010 – pour atteindre 3.169 milliards d’euros. Seuls les services OTT affichent une croissance à deux chiffres.

Bolloré derrière la révision stratégique de Vivendi

En fait. Le 26 février, Vivendi a présenté ses résultats 2012 : chiffre d’affaires
stable à 28,9 milliards d’euros (+ 0,6 %) et résultat net en chute à 164 millions d’euros (- 94 %), à cause d’une provision exceptionnelle (litige avec Liberty
Media aux Etats-Unis) et d’une dépréciation (Canal+ France).

Tarifs télécoms : même pas peur !

Armé de mon seul smartphone associé à sa tablette, me voici prêt à communiquer sans limite, à surfer ad libitum
sur mes contenus préférés et à parcourir le monde sans me soucier de mon abonnement Internet… Nous sommes bien en 2020, mais cette situation tarifaire idéale n’est pas encore totalement réalité. S’il existe bien aujourd’hui des formules d’abonnement très simples, complètes et à coût raisonnable, la vigilance reste de mise. La simplicité réclamée par les utilisateurs se heurte encore et toujours à des évolutions multiples, parfois opposées. La grande rupture heurta de plein fouet les opérateurs télécoms au tournant de l’an 2000. Jusque-là, ils commercialisaient des minutes d’appels via des téléphones fixe et mobile, ou des SMS. Dès 2010, plus des
80 % des communications se faisaient désormais via l’e-mail, la messagerie instantanée, la voix sur IP, les blogs ou les forums. Ces formes alternatives de communication échappent encore et toujours aux opérateurs et à toute forme de monétisation. Cette véritable révolution des usages s’inscrit dans un contexte plus général : baisse tendancielle des prix, augmentation vertigineuse des trafics et préservation des investissements conséquents dans les réseaux très haut débit, fibre ou LTE.

« Certaines stratégies tarifaires propres au marché mobile s’appliquent désormais au fixe, notamment le traffic cap »

Nous ne sommes plus dans la situation de tâtonnement qui prévalait encore en 2012, année où une habitante de Perth (Etats-Unis) reçut une facture de 160.000 dollars à la suite d’un séjour en Italie malgré son abonnement à 29 dollars par mois ! Les régulateurs ont émis des recommandations pour éviter ce bill shock. Après l’Europe qui a imposé aux opérateurs une limite de roaming, la FCC a obtenu que les abonnés soient avertis par des messages gratuits lorsqu’ils dépassent le plafond de leur abonnement.
Mais la nouveauté en matière de tarification tient à la fusion des tarifications fixe et mobile, sur fond de généralisation des offres quadruple-play. Certaines stratégies tarifaires propres au marché du mobile s’appliquent désormais au fixe, notamment le traffic cap :
les opérateurs proposent des offres structurées selon le volume consommé, même si certains opérateurs challengers continuent à proposer de l’illimité. Les Etats-Unis furent pionniers en la matière, avec notamment les volume caps des câblo-opérateurs et d’AT&T. Mais certains opérateurs européens (Virgin Media, BT, Deutsche Telekom, …)
ont très tôt mis en place ce type de restriction. Certaines pratiques sur le fixe ont été adaptées au mobile. La voix s’est ainsi définitivement banalisée : autrefois séparée, elle est désormais incluse dans les offres d’accès Internet fixe d’entrée de gamme. De leur côté, les opérateurs mobiles contrecarrent les offres OTT (Over-The-Top) avec des forfaits illimités de voix et de SMS, y compris à l’international. Les offres d’accès fixe, plus que jamais structurées par niveau de débit depuis que les offres d’accès en fibre optique se banalisent, sont dupliquées aux services de données mobiles comme l’offre très innovante de Swisscom lancée dès 2012. Mais ce sont sans doute les offres de Data Sharing qui se sont le plus rapidement développées à la forte demande des utilisateurs. Lancées par les précurseurs Verizon et AT&T, ces forfaits permettent de partager un abonnement entre plusieurs terminaux ou utilisateurs, pour un individu multi-équipé et/ou les membres de son groupe, connectés également à un réseau WiFi. La complexité tarifaire s’est portée sur la valorisation des contenus. Les marges y sont faibles pour un opérateur, à moins de disposer de contenus intégrés, à l’instar de Time Warner Cable ou de Comcast. Les opérateurs valorisent la qualité de service de leurs réseaux en faisant payer à l’abonné des niveaux de services, ce qui permet de valoriser l’explosion des usages OTT, ou en faisant payer les fournisseurs de contenu pour la distribution sur réseau managé. Au-delà, la nouvelle frontière vise à valoriser un ensemble de services, regroupés sous le terme générique de Smart Access (Rich Communication, Digital Home, Secure Access). Ainsi, les politiques de tarifications sont encore pour longtemps condamnées à la complexité. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Services de communication
* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, l’institut a publié son rapport
« Stratégies tarifaires des Telcos : Quelles politiques tarifaires
pour monétiser des trafics en explosion ? »,
par Sophie Lubrano.