« Luxembourg Leaks » : un pavé dans le numérique

En fait. Le 6 novembre, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a publié une enquête menée par 80 reporters de 26 pays
sur les accords fiscaux (tax rulings) conclus entre 340 entreprises et le Luxembourg. Des entreprises du numérique, de médias et des télécoms
figurent en bonne place.

En clair. Selon nos constatations, plus d’une douzaine d’entreprises du numérique,
des médias ou des télécoms font partie des 340 sociétés – la plupart multinationales – ayant bénéficié du Luxembourg d’avantages fiscaux (tax rulings) considérées comme des « aides d’Etat » déguisées. Ce scandale a été révélé – via Le Monde notamment – sous le nom évocateur de « Luxembourg Leaks » ou « LuxLeaks » (1). Ainsi, dans la catégorie de entreprises de technologies, on y trouve la filiale iTunes d’Apple que l’on ne présente plus, le géant du e-commerce Amazon avec notamment sa filiale luxembourgeoise Amazon Media, l’opérateur mobile européen Vodafone, l’opérateur télécom historique suédois Tele2, l’opérateurs télécoms américain Verizon, le groupe de conseil informatique Accenture d’origine américaine (ex-Arthur Andersen) mais basé en Irlande et présidé par le Français Pierre Nanterme, ou encore Tele Columbus qui est le troisième câblo-opérateur en Allemagne.

Fréquences : télévision et télécoms toujours opposées

En fait. Le 1er septembre, Pascal Lamy – ancien DG de l’OMC – a remis à la Commission européenne son rapport sur « l’utilisation future de la bande UHF pour la TV et le haut débit sans fil ». Il a été présenté « sous sa seule responsabilité » car télévision et télécoms ne se sont pas mises d’accord.

En clair. Ce sera à la nouvelle Commission européenne, qui sera installée en novembre prochain, de faire des propositions à partir de celles de Pascal Lamy, lequel a présenté le rapport « en son nom seul car des désaccords n’ont pu être résolus entre les représentants des deux secteurs [audiovisuel et télécoms] au sein du groupe de travail qu’il présidait ». C’est sur le dividende numérique – fréquences des 700 Mhz (1) libérées après l’extinction de la diffusion analogique de la télévision et convoitées par les opérateurs mobiles – que se situe la pomme de discorde.
Trois Etats membres, Allemagne, Finlande et Suède, ont déjà décidé d’attribuer une partie de ces fréquences à l’Internet mobile haut débit. La France, elle, s’apprête à
les suivre dans cette voie après les premières orientations confirmées en juin 2013
lors du congrès de l’ANFR (2) par Fleur Pellerin, alors ministre déléguée à l’Economie numérique (aujourd’hui ministre de la Culture et de la Communication). Certains pays européens sont ainsi tentés d’avancer le calendrier pour récolter des milliards d’euros espérés de la mise aux enchères de ces ressources rares. Pour éviter un patchwork dans l’affectation des fréquences Europe, avec le risque d’interférences avec les services audiovisuels, Pascal Lamy propose « une formule “2020-2030-2025” »,
à savoir : la bande de 700 MHz devrait être totalement affectée au haut débit sans
fil dans toute l’Europe d’ici à 2020 – « avec une tolérance de deux ans », de façon à pousser l’audiovisuel à investir de nouvelles technologies de compression (Mpeg4, DVB-T2, HEVC, …). En échange de cette perte d’environ un tiers de ses fréquences, l’audiovisuel (télévisons et radios) serait assuré de garder ses autres fréquences UHF (inférieures à 700 Mhz) jusqu’en 2030.
Cette perspective lointaine « préoccupe » la GSMA qui regroupe les opérateurs mobiles dans le monde et demande un calendrier plus resserré. Tandis qu’un bilan devrait être fait d’ici à 2025 pour « évaluer l’évolution des technologies et du marché ». Malgré six mois de discussions, la « mission de maintien de la paix » (dixit Pascal Lamy) entre l’audiovisuel et les télécoms n’a donc pas réussi à trouver de consensus. Pourtant le temps presse, avant la Conférence mondiale des radiocommunications (CMR) qui se tiendra en novembre 2015 à Genève sous la houlette de l’Union internationale des télécommunications (UIT). @

T-Mobile US : coup de bleuf d’Iliad envers Bouygues ?

En fait. Le 13 août, le directeur financier de T-Mobile US, filiale mobile américaine de Deutsche Telekom pour laquelle Iliad – la maison mère de Free – a soumis le 31 juillet une offre de 15 milliards de dollars pour s’emparer de 56,6 % du capital, a indiqué que cette offre était « très inadéquate ».

En clair. Il serait étonnant que la maison mère de Free, seule en lice depuis le retrait de Softbank, améliore son offre sur T-Mobile aux Etats-Unis (de 33 à 35 dollars par action). Ne serait-ce que pour une raison : si Deutsche Telekom (1) devait accepter une seconde offre de sa part, soit au-delà des 15 milliards de dollars proposés initialement, Iliad n’aurait plus les moyens de participer à la consolidation en cours du marché français, ni même à investir massivement dans l’Hexagone. Autrement dit, soit Free rachète T-Mobile aux Etats-Unis, soit il s’empare de Bouygues Telecom en France. Alors l’offre « sousévaluée » sur la filiale mobile de Deutsche Telekom est-elle un coup de bleuf de la part d’Iliad-Free ? Le groupe de Xavier Niel voudrait-il mettre la pression sur le groupe de Martin Bouygues pour que ce dernier se décide à vendre Bouygues Telecom qu’il ne s’y prendrait pas autrement. « Nous leur avons dit [à Bouygues Telecom] : soit vous nous dites que vous êtes vraiment à vendre, soit nous nous tournons vers d’autres options qui pourraient compromettre cette proposition dans l’avenir », a d’ailleurs expliqué le patron fondateur de Free dans le Wall Street Journal daté du 4 août dernier. Cette déclaration, faite quelques jours seulement après l’annonce de l’offre surprise du français sur T-Mobile US n’a pas manqué de faire réagir le groupe Bouygues soumis à un stress estival. Entre « un avenir autonome » ou une vente, Martin Bouygues semble encore hésiter. « Bouygues Telecom poursuit la mise en place de son plan de transformation (…) visant à lui garantir un avenir autonome.
De plus, le groupe n’a reçu à ce jour aucune offre de rachat pour sa filiale Bouygues Telecom », est-il indiqué dans un court communiqué du 4 août en réponse à Xavier Niel. Le seul moment où ce dernier a pu s’entendre avec Martin Bouygues, c’était en mars dernier – par avocats interposés – pour que Free rachète à Bouygues Telecom son infrastructure mobile et ses fréquences pour 1,8 milliards d’euros. Bouygues Telecom aurait pu ainsi, aux yeux de l’Autorité de la concurrence, s’emparer de SFR. Mais Vivendi (maison mère de SFR) lui a préféré en avril l’offre d’Altice-Numericable. Depuis, les relations entre Martin Bouygues et Xavier Niel – qui ne se sont jamais supportés – se sont à nouveau refroidies (2). C’est comme si chacun des deux milliardaires français attendaient que l’autre fasse un premier pas vers lui… @

Projet de règlement « Continent connecté » : étape difficile vers le marché unique des télécoms

Le projet de règlement « Continent connecté », étape ultime vers le marché unique des télécoms, vise de nombreux objectifs pour le moins ambitieux constituant autant de sujets sensibles qui peinent à trouver le consensus nécessaire entre opérateurs, OTT, Etats membres et institutions européennes.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Le Parlement européen a adopté, lors de la première lecture en avril 2014, d’importants amendements au projet de règlement présenté par la Commission (1). Après cette révision, ce projet de texte reste perçu plus que jamais comme une épée de Damoclès par les opérateurs télécoms qui dénoncent ses conséquences négatives sur les innovations et investissements. C’est donc maintenant au tour du Conseil de l’Union européenne (UE) de se prononcer sur le projet et d’arbitrer entre les différents groupes d’intérêt.

Le gouvernement veut faire de SFR une affaire d’Etat

En fait. Le 20 mars, la Caisse des dépôts (CDC) – bras armé financier de
l’Etat et actionnaire de Vivendi à hauteur de 3,52 % avec le Fonds stratégique d’investissement (FSI) – fait son entrée dans la danse des prétendants au
rachat de SFR, en apportant son soutien à Bouygues qui a relevé son offre.

En clair. Bien que Vivendi et Altice, en négociations exclusives jusqu’au 4 avril pour le rachat de SFR par le second, soient des entreprises privées, l’Etat français est quand même décidé à jouer les stratèges. Dès le 14 mars, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg déclarait sur France 2 que le rachat de SFR par Altice-Numericable n’était pas encore acquis. « Je crois que le débat continue. (…) Je ne suis pas certain (…) que les banques aient envie de s’exposer (…) outre mesure ». Deux jours après, c’était au tour de la Caisse des dépôts (CDC), de se dire prête, dans Les Echos (1), à « accompagner en capital un rapprochement entre Vivendi, SFR et Bouygues ». C’est donc chose faite depuis le 20 mars, puisque la CDC – actionnaire minoritaire non seulement de Vivendi mais aussi du groupe Bouygues – fait partie des
« actionnaires industriels et financiers de long terme » réunis par ce dernier pour relever son offre sur SFR (2).