Contributions à la création : « ça suffit ! », dit Free

En fait. Le 14 octobre, la Société civile des auteurs multimédia (Scam) a organisé
la 3e édition des rencontres Auteurdevue. EM@ a assisté à la table ronde “Quelles cultures par quels canaux ?” où intervenait Maxime Lombardini, DG de Free.
Il a notamment été interpelé par une juriste, Isabelle Feldman.

En clair. Entre culture et réseaux, c’est le dialogue de sourds ! Les ayants droits veulent taxer encore plus Internet pour financer la création. Tandis que les fournisseurs d’accès
à Internet s’estiment, eux, suffisamment mis à contribution comme a voulu l’expliquer Maxime Lombardini, DG de Free : « La première contribution [à la création] que nous apportons, c’est en distribuant des chaînes. Nous sommes aujourd’hui le premier distributeur de Canal+ en dehors d’eux-mêmes. Et vous connaissez les obligations
[de préfinancement du cinéma, ndlr] qui pèsent sur Canal+. Quand vous distribuez
450 chaînes, celles-ci ont aussi un ensemble d’obligations. Nous contribuons en outre à
la Sacem (1), à la copie privée, ainsi qu’au CNC (2). Nous finançons en outre la télévision publique à travers la taxe Copé. L’audiovisuel et les œuvres ont aidé Internet à croître. Aujourd’hui, Internet est dans 23 millions de foyers abonnés indépendamment des œuvres françaises. Encore plus de contributions ? (…) : je pense que ça suffit ! ». Présente dans l’amphi, Isabelle Feldman – directrice des Affaires juridiques et internationales de l’Adami (3) jusqu’à il y a peu – a interpellé Maxime Lombardini pour savoir « ce que représente le montant de la rémunération versée pour les titulaires de droits d’auteur et droits voisins d’auteurs par rapport au chiffre d’affaires que [Free] réalise avec les contenus protégés ? [applaudissements et bravos dans la salle, ndlr] ». Réponse du patron de Free : « ça, c’est un succès facile ! Moi, je vous le fais à l’envers : est-ce qu’on perdrait un abonné
si on retirait les contenus protégés ? Non. Donc, la réponse n’existe pas ».

Données personnelles : taxer les géants du Net ?

En fait. Le 24 septembre, Fleur Pellerin, ministre en charge de l’Economie numérique, a réuni à Bercy six de ses homologues européens (allemand, britannique, italien, espagnol, polonais, hongrois) pour préparer le Conseil des ministres de l’UE des 24 et 25 octobre prochains. Vers une fiscalité numérique européenne ?

En clair. C’est en s’inspirant du rapport du conseiller d’Etat Pierre Collin et de l’inspecteur des Finances Nicolas Colin rendu en janvier dernier (1) que le ministère de l’Economie et des Finances a imaginé une nouvelle taxe applicable notamment aux entreprises du Net qui échappent à l’impôt lorsqu’elles sont localisées à l’étranger. Il s’agit d’un projet de contribution fiscal calculée sur les volumes de transferts de données personnelles
hors d’Europe. Fleur Pellerin a présenté ce projet de fiscalité numérique à six de ses homologues européens lors du mini-sommet qui s’est tenu à Bercy, en présence de Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne chargée de la Stratégie numérique (lire p. 8 et 9). Sont principalement visées les entreprises américaines en position dominante sur Internet, les fameux « GAFA » (Google, Apple, Facebook et
autres Amazon), qui sont devenues les championnes de l’optimisation fiscale grâce
à la localisation de leurs ventes en ligne dans des pays à faibles taux d’imposition.
La ministre française propose de porter la question de la fiscalité numérique au niveau européen, comme pour répondre favorablement au Conseil national du numérique (CNNum) qui préconise dans son avis et rapport remis à Bercy le 10 septembre (2)
de ne pas instaurer de taxe à l’échelon national. La France suggère à la Commission européenne de réaliser une étude d’impact en vue de préparer un rapport sur la possibilité de soumettre à contribution les transferts de données hors d’Europe. Une telle taxe concernerait non seulement les GAFA mais aussi toutes entreprises dotées de systèmes d’information – autrement dit tous les secteurs de l’économie que le numérique « dévore » (écrit le rapport Collin & Colin). Pour peu que les entreprises transfèrent hors d’Europe ces données, opérations qui doivent préalablement être déclarées dans les pays européens concernés.

France TV veut taxer tous les écrans connectés

En fait. Le 3 septembre, le président de France Télévisions, Rémy Pflimlin, a déjeuné avec la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti.
Au menu, entre autre : la question de l’extension de la redevance audiovisuelle
à tous les écrans connectés recevant les chaînes publiques.

En clair. Le groupe public France Télévisions plaide pour l’extension aux ordinateurs, smartphones et tablettes de la « contribution à l’audiovisuel public » (ex-redevance audiovisuelle), laquelle est la principale source de son financement (2 milliards d’euros).
« Il doit y avoir aujourd’hui une analyse de la redevance liée au foyer plus qu’à la possession d’un téléviseur. (…) Cela permettrait (…) d’avoir un peu plus de recettes
(…) », a déclaré Rémy Pflimlin le 3 septembre dernier sur « Les Echos TV ». Avec
ou sans téléviseurs, les 27 millions de foyers français devraient alors tous payer la redevance. Le 27 août, lors de la conférence de rentrée de France Télévisions, le secrétaire général et directeur général délégué aux ressources du groupe, Martin Ajdari, avait aussi plaidé en faveur de cette extension de la redevance audiovisuelle à tous les terminaux recevant la télévision: «La redevance est un outil de financement fondamental des services publics en Europe. [On doit pouvoir] moderniser l’assiette de la redevance, l’adapter [peut-être] à l’évolution des usages comme cela a été fait précisément cette année en Suisse, en Suède ou en Allemagne ».
Aurélie Filippetti, qui y est aussi favorable, a saisi un groupe parlementaire sur cette question. Il ne resterait plus qu’au gouvernement à inscrire cette disposition dans le projet de loi de Finances 2014. A moins que Matignon y renonce (1).
Pourtant, la ministre de la Culture et de la Communication avait redit sur BFM TV/RMC
le 21 juin son attachement à la généralisation du paiement de la redevance audiovisuelle : « Le [contribuable] pourrait déclarer s’il consomme de la télévision publique, quel que soit le support ». Un an auparavant, le 30 juin 2012 sur RTL, elle s’était déjà exprimée en faveur de l’extension, écartant « tout tabou » : « Avec la TV connectée, la télévision va passer de plus en plus par les ordinateurs, est-ce qu’il faut étendre la redevance à ces écrans quand on n’a pas de téléviseur ? ». Très influentes auprès d’elle, la SACD (2) et
la Scam (3) militent elles aussi pour une redevance appliquée « à tous les écrans ». Pour l’heure, la France continue de ne retenir que le poste de télévision pour récolter plus de
3 milliards d’euros par an, lesquels financent pour les deux tiers France Télévisions.
Le reste va à Arte France, à Radio France, à l’Audiovisuel extérieur de la France et à l’INA. @

Fiscalité numérique : le CNNum manque de culture

En fait. Le 10 septembre, le CNNum a remis à Bercy – mais sans la présence des deux ministres destinataires (Bernard Cazeneuve et Fleur Pellerin) – son rapport sur la fiscalité numérique. Il renvoie le problème au niveau européen et international, tout en écartant toute taxe numérique.

En clair. Le Conseil national du numérique (CNNum) prend le contre-pied des rapports Lescure et Collin/Colin en déconseillant toute « taxe spécifique ». Mais le fait que très
peu d’industries culturelles aient été consultées explique-t-il cet avis quasi-unanime (une abstention) ? « Nous assumons le fait qu’on ne veut pas que ce débat sur la fiscalité numérique soit un débat strictement sur le financement de la culture. Ce n’est d’ailleurs pas la question que l’on nous a posée. La première vague de la révolution numérique a
en effet énormément touché les secteurs culturels. Aujourd’hui, la seconde est en train
de toucher toute l’économie. Il fallait donc avoir une approche globale et pas uniquement sectorielle, car la prochaine onde de choc que le numérique va traverser sera l’économie traditionnelle. Ce n’est pas pour négliger les industries culturelles », nous a répondu Benoît Thieulin, président du CNNum.
Il a fait remarquer au passage la présence de Marc Tessier au sein des membres
du CNNum, afin de montrer qu’il y avait au moins un représentant des industries culturelles. Et Godefroy Beauvallet, vice-président en charge du groupe de travail fiscalité, d’abonder : « Nous n’avons pas choisi nos “concertés”. Nous avons proposé à un maximum de personnes la concertation. Du coup, nous avons concerté avec ceux qui le voulaient bien. Il manque aussi un certain nombre de GAFA [seul Yahoo ayant joué le jeu, ndlr]. Cela aurait été plus riche s’ils avaient été là. (…) Mais cela n’invalide pas les conclusions du CNNum ».
Résultat, sur plus de 120 participants à la concertation, seuls trois d’entre eux émanent des industries culturelles : la Sacem (1) (représentée par son secrétaire général David El Sayegh), le SNE (2) (sa déléguée générale Christine de Mazière) et la SACD (3) (son directeur des affaires institutionnelles et européennes Guillaume Prieur), auxquels il faut ajouter le CSPLA (4) (son président Pierre-François Racine). Ont aussi eu leur mot à
dire : Jacques Toubon, membre de l’Hadopi et délégué de la France pour la fiscalité des biens et services culturels (ministère des Finances), et Jean-Baptiste Gourdin, coordinateur de la mission sur l’adaptation de l’exception culturelle à l’économie numérique.
Trois syndicats de la presse (SPQR, FNPS et Spiil) ont été entendus, le Geste aussi. Tous les autres étaient des industriels du numérique. @

La TST-D est morte, vive la taxe « culture numérique » ?

En fait. Le 24 mai, l’hebdomadaire « Le Film Français » a publié une interview
du président du CNC, Eric Garandeau, dans laquelle il plaide en faveur du
« financement de la création par l’ensemble des plateformes de diffusion des œuvres », comme le préconise le rapport Lescure qui a repris ses propositions.

En clair. « Nos propositions ont été reprises par le rapport Lescure et sont aussi discutées au sein d’un groupe de travail lancé à Cannes par le CNC sur le financement
de la création à l’heure numérique, dans le cadre des EFAD [European Film Agency Directors, c’est-à-dire les directeurs des ‘CNC’ européens, ndlr] : neuf CNC européens
y participeront. Les premières proposition seront présentées cet automne au Forum d’Avignon », a indiqué le président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Constitué lors du Festival de Cannes, le 20 mai dernier, ce groupe de travail consacré au financement des films à l’ère digitale, a été présenté par Eric Garandeau comme « l’extension de la mission Lescure aux 28 Etats membres » (1). Pas moins.
Le sujet numéro un sera de porter au niveau européen l’idée d’une nouvelle taxe qui remplacerait, du moins en France, la fameuse taxe sur les services de télévision payée par les distributeurs – la fameuse TST-D – dont l’« assiette élargie » à l’ensemble des abonnements à Internet et à la téléphonie mobile par la loi de Finance 2012, n’a toujours pas été validée par la Commission européenne. La France souhaite, en effet, élargir l’assiette de la TST-D à tous les abonnements fixe et mobile, quel que soit le mode de commercialisation des services de télévision, pour ne pas limiter cette taxe aux offres triple play et afin d’empêcher des pratiques d’« optimisation fiscale » de la part de FAI (Free, SFR). « Ce qui est important, c’est de préserver la cohérence des systèmes fiscaux et l’intégrité des principes de financement de la création par l’ensemble des plateformes de diffusion des œuvres. Il faut aussi d’urgence fiscaliser les offres de rattrapage télé et des opérateurs de vidéo à la demande, financés par la publicité ou par abonnement », a expliqué Eric Garandeau.
Autrement dit, tous les acteurs du numérique donnant accès aux œuvres culturelles doivent être, selon le CNC, mis à contribution. Si le rapport Lescure suggère de
« maintenir constant le niveau de pression fiscale pesant, au titre de la TST-D, sur les opérateurs de télécommunications » (2), il propose d’« élargir la notion de distribution »
au-delà des « services gérés » (IPTV) pour taxer tous les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et opérateurs mobile qui donnent, par exemple, accès aux sites et appli des chaînes. @