Pourquoi des producteurs de musique demandent à taxer les opérateurs du Net

Alors que le cinéma s’inquiète sur le risque de remise en cause du financement
des films français par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) via le « Cosip », des producteurs de musique en appellent au chef de l’Etat pour bénéficier, eux-aussi, d’une taxe sur les accès au Net.

« Nous nous félicitons de la décision prise par le gouvernement d’arbitrer en faveur de
la pérennité de la taxe qui permet de financer la production cinématographique par une contribution des fournisseurs d’accès (extension de la taxe Cosip). Il nous paraît légitime et indispensable que la production phonographique puisse enfin bénéficier
d’un mécanisme identique », a écrit Stephan Bourdoiseau, président de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), au président de la République.

La musique veut aussi son « Cosip »
Dans un courrier adressé à Nicolas Sarkozy, daté du 10 septembre et rendu public le
15 septembre, il justifie sa revendication par le fait « que la musique enregistrée a servi
de produit d’appel pour subventionner le développement du haut débit avec un transfert
de valeur considérable en faveur des réseaux, sans aucune contrepartie pour les producteurs de musique ». Stephan Bourdoiseau, par ailleurs président de Wagram Music, a été élu président de l’UPFI le 10 juin dernier pour un mandat de deux ans.
C’est une fonction représentative qu’il connaît bien pour l’avoir assurée de 2004 à 2008.
« Il va s’attacher immédiatement à obtenir la mise en oeuvre rapide des principales mesures préconisées dans le rapport issu de la mission Création et Internet », précise l’organisation professionnelle qui réunit 80 membres revendiquant leur indépendance face aux majors (à l’opposé du Snep). Lors de la sortie du rapport Zelnik en janvier (voir EM@5), l’UPFI avait regretté que ne soit pas retenue sa proposition d’instaurer une taxe fiscale sur les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et sur les opérateurs télécom du haut débit. De plus, les producteurs indépendants souhaitaient « vivement » que la future « taxe Google » débouche sur un dispositif qui permette de financer aussi la production musicale en France. « A l’ère du mariage entre les contenus culturels et
les réseaux (…), les suites qui ont été données aux préconisations issues du rapport [Zelnik] ne nous paraissent pas être à la hauteur des enjeux », écrit Stephan Bourdoiseau, qui demande à rencontrer Nicolas Sarkozy. « Nous souhaiterions qu’à votre initiative, le gouvernement mesure à sa juste valeur les enjeux liés au déploiement des contenus culturels sur les réseaux et développe dans le secteur musical l’approche d’ensemble qu’il a su mener à bien dans celui du cinéma et de l’audiovisuel ». L’UPFI en appelle ainsi au chef de l’Etat pour que soit créé un compte de soutien à la production musicale, à l’instar du Compte de soutien aux industries de programmes (Cosip) mis en place en mars 2007 par la loi « Télévision du futur » et géré par le CNC, Centre national du cinéma et de l’image animée (1). Si cette idée – initiée par une partie de la filière musicale – de s’inspirer de ce qui a été mis en place pour le Septième art français ne date pas d’hier, elle n’a jamais été demandée avec autant d’insistance au plus haut sommet de l’Etat. Cette revendication intervient en pleine polémique sur la décision de l’Elysée de réviser à la hausse la TVA
– de 5,5 % à 19,6 % – sur la moitié du prix des offres triple play. Cette modification sera inscrite dans le projet de loi de Finances 2011 qui sera présenté en conseil des ministres fin septembre. Les FAI, eux, estiment que la « contrepartie » – le taux réduit à 5,5 % sur la moitié du forfait Internet-TV-téléphone contre financement de films français – est en conséquence remise en cause. Selon les services de Bercy, « il n’y a aucune remise en cause, même mineure, du financement du cinéma » (2). Nicolas Sarkozy aurait promis aux organisations du cinéma que la taxe « Cosip » prélevée sur les FAI en faveur des films français et européens serait aussi inscrite dans le projet de loi de finances 2011. En attendant d’en avoir le coeur net, les organisations du cinéma (Bloc, SPI, APC, ARP, Blic, SACD, …) s’inquiètent d’une remise en cause de la contribution des FAI au Cosip.

L’Elysée cinéphile et mélomane ?
Même la Sacem (3) a également exprimé, le 13 septembre, sa crainte par la voix du président de son directoire, Bernard Miyet : « Face à l’augmentation probable du coût
de l’abonnement à l’ADSL, les consommateurs seront tentés de faire des arbitrages qui pénaliseront le développement des offres légales en ligne ». Alors que les services de Christine Lagarde (4), ministre des Finances, ont tenté de faire passer le message selon lequel le Cosip ne serait pas victime de la réforme fiscale du triple play, les indépendants de la musique ont compris qu’il y avait là une opportunité à saisir de demander à l’Elysée un « Cosip » musical pour leur filière. Inutile de rappeler que Carla Bruni-Sarkozy est musicienne… @

Charles de Laubier

Hervé de La Martinière : « Trop de plateformes pourrait nuire à la diffusion du livre numérique »

Alors que le groupe La Martinière (maisons d’édition Le Seuil, L’Olivier et les Editions La Martinière) attend le 18 décembre le jugement dans son procès pour contrefaçon contre Google, son PDG explique à Edition Multimédi@ les enjeux de sa nouvelle plateforme Eden Livres et comment il souhaite voir évoluer la loi Lang.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Votre plateforme « Eden Livres » est ouverte depuis un mois maintenant. Quel est son mode de fonctionnement et de rémunération vis-à-vis des libraires et des auteurs ?
Hervé de La Martinière :
La plateforme numérique Eden Livres a été créée par trois acteurs indépendants de l’édition, Gallimard, Flammarion et nous-mêmes, La Martinière Groupe. Elle est réservée uniquement aux libraires. C’est donc un outil nouveau mis à leur disposition. Le grand public, lui, n’y a pas accès. Son fonctionnement est simple. Un client s’adresse à son libraire. Si celui-ci est en compte avec Eden Livres, il peut commander un exemplaire numérique d’un ouvrage du Seuil, de Gallimard ou encore de Flammarion. Le libraire, qui a une clé et un numéro de compte, entre en contact avec la plateforme qui lui envoie immédiatement le fichier numérique demandé pour son client. Un livre en version numérique coûte environ 25 % moins cher qu’un ouvrage publié sur papier. Le professionnel qu’est le libraire bénéficie de « la remise libraire » évaluée entre 20 % à 25 % du prix affiché. Les auteurs conservent leurs droits à l’identique, indifféremment du support, numérique ou papier.

EM@ : Quel est le format du fichier, est-il lisible sur tous les terminaux ?
H. de La M. : Le lecteur reçoit son livre numérique en PDF ou en ePub. Ce dernier format électronique est soutenu par l’International Digital Publishing Forum (IDPF), où se retrouvent réunis des éditeurs et des acteurs des nouvelles technologies. Cependant, ePub n’est pas encore adapté aux livres illustrés. Ces deux formats permettent une lecture sur n’importe quel terminal : ordinateur, smartphone, tablette, baladeur multimédia, eReader… Les fichiers sont protégés par l’éditeur : soit par des mesures strictes (DRM Adobe ACS4 limitant la copie à 6 terminaux déclarés par l’utilisateur), soit par des mesures dites souples comme l’apposition d’un tatouage en filigrane avec des informations relatives à la personne ayant acheté et téléchargé l’ouvrage.

EM@ : Combien de références la plateforme Eden Livres compte-t-elle à ce jour ? Et quelle sera la richesse du catalogue à terme ?
H. de La M. : Eden Livres propose aujourd’hui un catalogue d’environ 2000 titres et cette plateforme monte régulièrement en puissance et devrait, en fin d’année prochaine proposer plus de 25 000 titres dont la provenance éditoriale est également répartie entre les trois groupes partenaires.

« Il me semble que la loi Lang n’a pas vocation
à 
différencier les livres selon leurs supports,
d’autant, qu’à mes yeux, le livre numérique est
somme toute un dérivé du livre papier. »

Le livre numérique cherche sa plateforme unique

En fait. Le 30 septembre, le ministre de la Culture et de la communication, Frédéric Mitterrand, s’est prononcé – au Centre national du livre – en faveur de la création d’une « plateforme unique d’accès à l’offre numérique en matière de livre » qui « devra réunir les éditeurs français ».