Apple Inc. : entre optimisation et évasion fiscales

En fait. Le 28 avril, le « New York Times » démontre comment Apple économise
« des milliards » de dollars de taxes, via une de ses filiales basée au Nevada, où
la fiscalité des entreprises est nulle. Le 23 avril, « Le Soir » indique qu’iTunes en Europe dépasse le milliard d’euros de chiffre d’affaires.

Exclusif : le projet de loi « fiscalité numérique » que Philippe Marini déposera au Sénat en juillet

Le 14 février s’est tenu le Forum de fiscalité numérique parrainé par le sénateur Philippe Marini, et « père de la taxe Google » (abandonnée mi-2011). Le président
de la commission des Finances du Sénat explique à Edition Multimédi@ ce que prévoira son futur texte, s’inspirant de l’Arjel.

« En réponse à votre question concernant la date de dépôt et la teneur de la proposition de loi que j’ai annoncée, je vous indique que j’entame dès à présent un programme de travail pour l’élaboration d’une proposition de loi qui serait déposée en juillet prochain », écrit le sénateur Philippe Marini à Edition Multimédi@ le 23 février. Et de préciser : « Je procèderai à des auditions techniques et me rendrai à Bruxelles pour en examiner la recevabilité au regard du droit communautaire » (1).

Nommer un « référent fiscal »
Le sénateur UMP de l’Oise précise nous précise que « la préfiguration du dispositif (…) pourrait comporter deux volets » :
« D’une part, une obligation de déclaration d’un référent fiscal par les acteurs de l’Internet basés à l’étranger à partir de seuils d’activités qui ne viserait que les grands groupes (les ‘’Over-The-Top’’) sur le modèle procédurale de l’agrément accordé aux sites de jeux en ligne » ;
« D’autre part, deux séries de taxes, l’une destinée à rétablir l’équité fiscale en appliquant aux acteurs étrangers les taxes relatives au soutien de l’audiovisuel public et sur la copie privée versée aux ayants droits, l’autre portant sur la publicité en ligne et, le cas échéant, sur (…) la taxation de la valeur ajoutée ou des flux (clics, adresse IP, données, …) ». Enfin, Philippe Marini nous indique que « dans une perspective à plus long terme, deux propositions méritent un examen spécifique pour savoir si elles pourraient répondre à nos problématiques : les notions de cycles commercial et d’établissement stable ».
Un an après avoir vu le rejet de sa « taxe Google », par le Sénat le 22 juin 2011 après
que l’Assemblée nationale l’eut qualifiée d’« erreur » des sénateurs dix jours plus tôt (2), le président de la commission des Finances du Sénat repart donc à l’offensive contre Google/YouTube, Amazon, Facebook Apple ou encore Yahoo. Tous ces géants du Net sont implantés dans d’autres pays à la TVA plus attractive (Luxembourg ou en Irlande) et aux obligations de financements audiovisuels et culturels inexistantes, y gagnant en optimisation fiscale. « L’agrément et l’imposition fiscale à la manière de l’Arjel (3), constitue un exemple qui mériterait d’être transposé de manière général », avait estimé Philippe Marini lors du forum. Le sénateur intervenait après Jean-François Vilotte, président de l’Arjel, lequel a montré l’efficacité fiscale de la loi du 12 mai 2010 sur les jeux d’argent et de hasard en ligne. « Ce n’est pas impossible d’établir l’assiette [fiscale] et de recouvrer [l’impôt] quand les serveurs sont implantés dans le monde »,
lui avait répondu ce dernier.
L’instruction de la Direction générale des Finances publiques, datée du 14 mai 2010 (4), prévoit en effet que « lorsqu’une personne non établie en France est redevable de (…) prélèvements, elle est tenue de faire accréditer auprès de l’administration fiscale un [seul] représentant établi en France, qui s’engage (…) à acquitter le ou les prélèvements à sa place (5) ». Ce représentant fiscal peut être une personne physique, une filiale de l’entreprise étrangère, un établissement bancaire ou encore une entreprise spécialisée dans la représentation fiscale (6). Si la fiscalité numérique était appliquée en France selon le dispositif Arjel, Google – par exemple – aurait à envoyer
à l’administration fiscale française la lettre suivante : « Je soussigné, Eric E. Schmidt, président exécutif, agissant au nom et pour le compte de Google Inc. basé à Mountain View en Californie (Etats-Unis), désigne (…) Google France, 8, rue de Londres 75009 Paris, numéro de Siret 443 061 841 00039, en qualité de représentant pour (…) acquitter ces prélèvements et tenir à la disposition de l’administration fiscale (…) la comptabilité de l’ensemble des [transactions effectuées en France, ndlr] ». Une fois l’agrément octroyé à l’entreprise étrangère, le fic français aurait alors le pouvoir de contrôler (7) et de corriger l’assiette par rapport aux déclarations fiscales et ainsi prélever l’impôt numérique calculé au plus juste. Par exemple, les prélèvements (sociaux inclus) sur les jeux d’argent en ligne s’échelonnent
de 2 % pour le poker à 14,4 % pour les paris hippiques, en passant par 9 % pour les paris sportifs. Cela aurait rapporté à l’Etat l’an dernier un total de 258 millions d’euros (8).

Bloquer les mauvais payeurs ?
Et s’ils n’obtempèrent pas ? Faudra-t-il prévoir une autorité administrative indépendante
– comme l’Arjel – ayant le pouvoir d’injonction pour que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et les hébergeurs bloquent les sites web hors-la-loi fiscalement ? Ce blocage pourra-t-il aussi se faire sur décision en référé du TGI de Paris ? Jean-François Vilotte dispose d’une procédure dite de « blocage judiciaire » des sites, lui permettant de saisir en référé le président du TGI de Paris « aux fins d’ordonner à l’hébergeur du site et aux principaux fournisseurs d’accès de bloquer l’accès au site litigieux ». @

Charles de Laubier

Google France : « Arrêtez de parler de taxe Google ! »

En fait. Le 14 février s’est tenu au Sénat le Forum de ‘’fiscalité numérique’’, parrainé par le sénateur Philippe Marini, président de la commission des Finances et « père » de la taxe Google sur l’e-pub abandonnée mi-2011.
Il en est question à nouveau : Google France dénonce l’usage de son nom.

Stéphane Richard ne voit pas l’intérêt de créer le CNM

En fait. Le 22 février, France Télécom a présenté ses résultats annuels pour 2011 : le bénéfice net est en baisse de 20,1% à 3,895 milliards d’euros (mais « quasi-stable » à périmètre comparable), pour un chiffre d’affaires en recul de 1,6 % à 45,277 milliards. Son PDG a fustigé les taxes sur les FAI.

La loi « Copie privée » est contestée devant le Conseil constitutionnel et l’Union européenne

La nouvelle loi sur la copie privée, prolongeant d’un an les taxes (pourtant annulées par le Conseil d’Etat), fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et d’un recours devant la Commission européenne.
Les industriels français estiment payer « 100 millions d’euros de trop ».

Selon les informations de Edition Multimédi@, le Syndicat des industries de matériels audiovisuels (Simavelec) et le Syndicat national des supports d’image et d’information (SNSII) ont déposé ce vendredi 10 février leur recours devant le Conseil constitutionnel pour faire annuler la nouvelle loi sur « la rémunération pour copie privée » – datée du
21 décembre dernier et promulguée le lendemain au JORF (1).

Cour de justice européenne en vue
Le Simavelec et le SNSII ont le soutien d’autres organisations professionnelles, que
sont la Fédération française des télécoms (FFT), le SFIB (technologies de l’information), le Gitep TICS (télécommunications), le Secimavi (fabricants et importateurs d’appareils électroniques grand public) et la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad). Contestant déjà devant le Conseil d’Etat les décisions de la commission « copie privée », laquelle relève de trois ministères (Culture, Industrie et Consommation), le Simavelec et le SNSII ont le droit de soulever une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). La plus haute autorité juridictionnelle de l’Etat devra dire si la nouvelle loi « copie privée » porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution française garantit.
Les industriels veulent faire annuler cette loi, tant au niveau français qu’européen, en la contestant devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). « Fin février, nous allons saisir la Commission européenne qui jugera si elle transfert notre dossier devant la CJUE », nous précise un proche du dossier. Selon les plaignants, la loi « copie
privée » va à l’encontre non seulement de la décision de la Haute juridiction administrative  du 17 juin 2011, mais aussi de l’arrêt (dit « Padawan ») de la CJUE, et de la directive européenne du 22 mai 2001 sur « l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information » (DADVSI). En France, le gouvernement avait obtenu des parlementaires de voter (2) la loi « copie privée », laquelle prolonge d’un an (jusqu’au 31 décembre 2012) les barèmes actuels. Ces taxes sont prélevées sur tous – ou presque (pas les ordinateurs…) – les supports de stockage numérique (CD/DVD, clés USB, baladeurs MP3, disques durs externes, smartphones, « box », décodeurs à disque dur, …) utilisés pour y copier musiques, films ou autres. Pourtant, ces taxes – qui rapportent près de 200 millions d’euros par
an aux ayants droits (3) – avaient été annulées par le Conseil d’Etat à compter du 22 décembre dernier (4).
A la suite de l’arrêt du Conseil d’Etat de daté du 11 juillet 2008, lequel avait rendu illégales toutes les décisions de la commission « copie privée » (5), la nouvelle loi permet aux acquéreurs professionnels de ces supports numériques de se faire rembourser ou, dans certains cas, d’être exonérés. Ce que fustigent les industriels :
« Cette loi impose aux professionnels d’acquitter une rémunération pour copie privée dont le droit communautaire interdit pourtant qu’ils puissent être débiteurs ». Ce point sera attaqué devant la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle – dans son arrêt du 21 octobre 2010 (affaire « Padawan ») – avait exempté de la taxe les professionnels. Les industriels reprochent que les barèmes annulés par le Conseil d’Etat seront maintenus pendant 12 mois. « Une telle prorogation vient pénaliser les consommateurs qui pouvaient espérer que le nouveau barème vienne compenser seulement un manque à gagner pour les ayants droit du seul fait des actes de copie privée licite (6) », ont déjà expliqué les organisations professionnelles. Elles dénoncent donc le fait « qu’une intervention législative efface, du revers de la plume, les effets d’une décision du Conseil d’Etat et engage la responsabilité de l’Etat français devant les institutions européennes ». La saisine de la Commission européenne va intervenir au moment où cette dernière étudie une réforme des taxes pour copie privée (Private Copying Levies) pour éviter les abus et aboutir à une harmonisation au sein des Vingtsept (7). Pour les industriels, il ne s’agit pas de remettre en cause la « légitimité de la rémunération des ayants droit au titre de l’exception de copie privée » mais plutôt de remettre à plat le calcul : non pas en partant de la capacité des supports (méthode retenue à l’époque de l’analogique), mais plutôt du préjudice réel des ayants droit. Les industriels ont demandé au cabinet de consultants Eight Advisory d’évaluer ce « manque à gagner ».

Les tablettes taxées elles-aussi
Résultat : « Les constructeurs paient 100 millions d’euros de trop par an ! », a lancé Philippe Citroën, président du Simavelec (8), lors d’une conférence de presse le 6 février. Et ce n’est pas fini, car la commission « copie privée » a décidé le 9 février de taxer les tablettes jusqu’à 12 euros. Ce qui ajouterait jusqu’à 36 millions d’euros dans l’escarcelle des ayants droit, puisque 3 millions de tablettes seront vendues en France cette année (9). @

Charles de Laubier