Musique : la «taxe streaming» pourrait être adoptée dans le projet de loi de finances 2024

Bien qu’elle ne fasse pas l’unanimité au sein de la filière musicale (les producteurs sont divisés), la « taxe streaming » que prône le rapport Bargeton pourrait être adoptée à l’automne dans le projet de loi de finances 2024 alors qu’elle avait été rejetée dans le projet de loi de finances 2023.

La « taxe streaming », à savoir une contribution des plateformes de streaming (Spotify, Deezer, Apple Music,…) au financement du Centre national de la musique (CNM) telle que préconisée par le rapport Bargeton, fissure la filière musicale. D’un côté, l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), regroupant des labels et producteurs indépendants, y est favorable avec des organisations du spectacle vivant. De l’autre, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), représentant notamment les majors Universal Music, Sony Music et Warner Music, la fustige.

Financer le CNM, comme le CNC et le CNL
Ce projet de « taxe streaming » à 1,75 % serait à la musique enregistrée le pendant de la « taxe billetterie » à 1,75 % du spectacle vivant. Selon le rapport du sénateur Julien Bargeton (majorité relative présidentielle), lequel avait été missionné par la Première ministre Elisabeth Borne et la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak (photo), l’instauration de ce prélèvement « sur les revenus » de la consommation de musique en flux continu (streaming), aurait le mérite de mettre un terme à « l’asymétrie de financement entre spectacle vivant et musique enregistrée qu’on observe actuellement pour le financement du CNM ». Un an après avoir échoué à être adoptée dans le projet de loi de finances 2023, où trois amendements avaient été rejetés (1), la « taxe streaming » pourrait bien être adoptée à l’automne prochain dans le projet de loi de finances 2024.
Actuellement, la « taxe billetterie », prélevé sur les revenus des entrées aux spectacles de variétés représente environ 35 millions d’euros par an. Selon les calculs de Edition Multimédi@, la « taxe streaming » aurait pu rapporter 9,7 millions d’euros au titre de l’année 2022 où le streaming a généré en France 556,9 millions de chiffre d’affaires (2). Cette somme de près de 10 millions d’euros sont à comparer aux 20 millions d’euros de « rendement annuel » qu’attend le rapporteur Julien Bargeton (3) pour les prochaines années – anticipant ainsi une forte croissance du streaming musical par rapport à l’an dernier. La mission « de réflexion sur le financement des politiques publiques en direction de la filière musicale », qui a remis le 20 avril sa centaine de pages (4) à Rima Abdul Malak (5), estime que cette manne « supplémentaire » est indispensable – sur les 30 à 40 millions d’euros estimés nécessaires en plus par rapport au budget actuel (46 millions d’euros en 2023) – pour que le CNM puisse continuer à mener son action et à l’élargir. D’autant que l’innovation (data, livestream, blockchain, IA, NFT, VR, métavers, …) l’amène à assurer un « veille proactive » (accompagnement, formation, expertise), y compris via son think tank CNMlab. La « taxe streaming » a été préférée à deux autres pistes de financement que sont la contribution budgétaire complémentaire (Etat) ou une affectation de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSN).
Ainsi, créé en janvier 2020, soit plus de huit ans après que la mission Chamfort-Colling-Thonon-Selles-Riester sur le « financement de la diversité musicale à l’ère numérique » ait proposé sa création (6), le CNM – établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre de la Culture – devrait fonctionner sur le modèle du CNC pour le cinéma et du CNL pour le livre. Mais cette « taxe streaming » ne fait pas l’unanimité au sein de la filière musicale. Huit organisations représentatives de producteurs indépendants de musique enregistrée et de spectacles vivants – UPFI, SPPF, Camulc, Felin, Forces musicales, Prodiss, Profedim et SMA – se sont félicitées le 21 avril « de la priorité donnée à la “taxe steaming” [qui] s’impose comme la solution la plus réaliste, la plus soutenable et la plus cohérente » (7). De même, la Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD) s’est félicitée elle aussi de la proposition de « soumettre à contribution les opérateurs de streaming, payants comme gratuits, [qui] constitue la seule démarche permettant d’assurer pérennité et dynamisme des ressources et de construire un modèle de financement juste basé sur la mutualisation ». Même si la SACD trouve insuffisant ce taux de 1,75 % qui « gagnerait à être relevé » (8).

Le Snep (dont les majors) en désaccord
En revanche, le Snep – représentant notamment les majors de la musique enregistrée (Universal Music, Sony Music et Warner Music) – fustige « la création d’un nouvel impôt sur le streaming dont notre secteur devrait s’acquitter » et « une analyse erronée de la dynamique actuelle du streaming et de ses acteurs », alors qu’« il existe des alternatives pour financer le CNM». Le rapport Bargeton, lui, pointe le fait que les données de stream et de vente physique soient consolidées par le Snep, ce qui « participe du climat général de méfiance autour de la réalité économique du streaming ». @

Charles de Laubier

La pression augmente sur la taxe de 30 % d’Apple

En fait. Le 28 novembre, Elon Musk s’en est pris à Apple soupçonné de « déteste[er] la liberté d’expression » (en ne faisant plus de pub sur Twitter) et ayant « menacé de retirer Twitter de son App Store » (sans dire pourquoi). Et comme Spotify et Epic Games, Twitter fustige les 30 % de « taxe » prélevés par Apple.

En clair. Le PDG d’Apple, Tim Cook, fait toujours la sourdeoreille en ne répondant pas aux tweets du nouveau propriétaire de Twitter, Elon Musk, qui l’a interpelé à plusieurs reprises sur les pratiques de la marque à la pomme. « Apple a pratiquement cessé de faire de la publicité sur Twitter. Détestent-ils la liberté d’expression en Amérique ? », a tweeté le milliardaire Elon Musk le 28 novembre (1), en insistant : « Qu’est-ce qui se passe ici @tim_cook » ?
Moins d’une heure après, l’hyper-twittos aux 119,6 millions de followers lançait un autre grief à l’encontre de la firme de Cupertino : « Apple a également menacé de retirer Twitter de son App Store, mais ne nous dira pas pourquoi » (2). Aussitôt après, il s’en est pris à la commission controversée de 30% qu’Apple prélève sur les transactions (au-delà de 1million de dollars par an réalisé par l’éditeur sur l’App Store, sinon à partir de 15 %) : « Saviez-vous qu’Apple impose une taxe secrète [sic] de 30 % sur tout ce que vous achetez via son App Store ? » (3). Elon Musk a aussi partagé un mème – supprimé depuis, mais capturé ici (4) – avec une bretelle d’autoroute : soit tout droit pour « Payer 30 % » (à Apple), soit à droite pour « Partir en guerre », la voiture « Elon » bifurquant au dernier moment pour… « Go to war » ! Ce n’est pas la première fois qu’Elon Musk fustige les 30 % que s’arroge Apple sur les transactions de l’App Store, pratique devenue la norme dans le monde des appli, Play Store de Google compris. « Le magasin d’Apple, c’est comme avoir une taxe de 30 % sur Internet. Certainement pas d’accord », a déjà critiqué Elon Musk dans un tweet daté du 3 mai (5). Mais son aversion pour cette « app tax » de 30 %, le patron de Tesla et de SpaceX l’avait exprimée dès le 30 juillet 2021 en pleine attaque de l’éditeur de jeux vidéo Epic Games (« Fortnite ») contre les abus de position dominante d’Apple. « Les frais de l’App Store d’Apple sont de facto une taxe mondiale sur Internet. Epic a raison », avait alors twitté Elon Musk (6). La première fortune mondiale rejoint aussi la cause d’un autre mécontent d’Apple : la plateforme suédoise de streaming musical Spotify (7).
La FTC aux Etats-Unis et la Commission européenne en Europe instruisent des plaintes contre Apple. La « guerre » d’Elon Musk contre Tim Cook ne fait que commencer et pourrait s’étendre à l’avenir à la voiture autonome : Tesla contre… l’Apple Car. @

Taxe « copie privée » : les industries culturelles lorgnent sur le « hors connexion » du streaming

Le rapport du gouvernement au Parlement sur la rémunération pour la copie privée préconise d’« exclure explicitement » le « hors connexion » qui permet aux internautes d’écouter ou de visionner un contenu sans être en ligne. Alors que les ayants droit veulent taxer ces « copies de confort ».

Ce rapport du gouvernement au Parlement sur la rémunération pour copie privée, publié le 31 octobre dernier, a été réalisé par l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), lesquelles dépendent respectivement de Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, et de Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Parmi les 22 propositions faites par le gouvernement, il y en a une qui concerne le sort des copies dites de confort permettant d’écouter du contenu hors connexion ou offline.

Commission copie privée : réunion en vue
Faut-il taxer ces copies pour rémunérer la copie privée, ce droit des internautes de reproduire une œuvre pour y avoir accès dans le cadre d’un cercle restreint familial ? La réponse du gouvernement est non. « Encourager la commission [pour la rémunération de la] copie privée à clarifier le statut des copies dites de confort permettant les écoutes hors connexion, et à suivre la proposition de la mission IGF-IGAC préparatoire au présent rapport de les exclure explicitement du champ de la rémunération pour copie privée », préconise le rapport dans sa proposition n° 11.
Cette commission pour la rémunération de la copie privée, présidée depuis un an par le conseiller d’Etat Thomas Andrieu (photo), est donc appelée à ne pas taxer le hors connexion. Et ce, contrairement à la demande des ayants droit des industries culturelles de taxer ces copies de confort, sous prétexte que cela génèrerait – selon eux – un manque à gagner devant être rémunéré. Contacté par Edition Multimédi@, le président de cette commission dite « L311-5 » (1) nous indique que « la commission (copie privée) se réunira avant la fin de l’année et les conclusions du rapport IGF-IGAC seront à l’ordre du jour ». Les ayants droit, qui bénéficient d’un avantage lors des votes face aux représentants des industriels et des consommateurs en raison de la répartition des sièges, ont fait savoir à la mission gouvernementale qu’une rémunération pour copie privée se justifiait pour le offline du streaming. Ce n’est pas l’avis du gouvernement : « La question du traitement des possibilités d’écoute hors connexion offertes par les plateformes de streaming a été soulevée auprès de la mission [IGF-IGAC], certains ayants droit considérant que ces “téléchargements” constituent des copies privées devant être compensées. A ce stade, ces téléchargements à partir de plateformes de streaming payantes sont mesurés par les études d’usages mais ne sont pas inclus dans le volume de copies privées. En l’absence d’une décision de justice tranchant ce point, un faisceau d’indices amène à considérer que ces copies de confort ne relèveraient pas du champ de la copie privée créant un préjudice et devant donner lieu à compensation », estime le rapport. Si ces téléchargements aboutissent bien à une copie du fichier musical ou vidéo sur le terminal de l’utilisateur (smartphone, ordinateurs, tablette, …), cette copie est exploitable uniquement sur la plateforme de streaming : elle ne peut être transférée ou dupliquée. A cela s’ajouter le fait que ces copies sont éphémères et attachées à l’abonnement de l’utilisateur au service de streaming en question. Ces copies de confort permettent des écoutes hors connexion qui ne sont possibles que pendant la durée de l’abonnement au service payant. C’est par exemple le cas pour Deezer qui propose cette facilité dans son abonnement payant premium, afin de permettre au bénéficiaire de télécharger des albums et des playlists pour les écouter hors connexion quand il n’a pas de connexion Wifi disponible ou de réseau accessible. « Les plateformes de streaming rencontrées par la mission ont assuré que la possibilité de visionnage ou d’écoute hors connexion était prévue dans les contrats de licence et donne lieu à rémunération, dans les mêmes conditions que les écoutes ou visionnages classiques », souligne en plus le rapport, même s’il est difficile d’obtenir des informations certaines sur ce partage dans le cadre de ces contrats de licence soumis au secret des affaires.

Réguler pour mieux rémunérer le offline ?
Les copies de confort pour le hors connexion font-elles l’objet d’un traitement spécifique dans le contrat et d’une rémunération distincte, comme l’exige implicitement le code de la propriété intellectuelle (CPI) lorsque celui-ci dit que la cession d’un droit (droit de représentation ou droit de reproduction) n’emporte pas celle de l’autre (2) ? De plus, selon le même CPI, « la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée » (3). La mission part donc du principe que les contrats de licence entre plateformes de streaming et ayants droit sont conformes au CPI. En mettant en garde cependant : « Dans le cas contraire, ou si les termes des contrats sont trop vagues, l’exception de copie privée pourrait être invoquée ». Tout en excluant a priori une éventuelle taxe « copie privée » sur le hors connexion, le gouvernement suggère néanmoins aux parlementaires la mise en place d’« une régulation de la rémunération spécifique de la copie pour lecture hors connexion, par des tarifs négociés en commun entre toutes les plateformes et les OGC [organisme de gestion collective des droits d’auteur, ndlr] concernés, au niveau européen ».

Faisceau de quatre indices contre une taxe
La généralisation du streaming payant avec copie de confort pour une lecture offline justifie, selon les auteurs du rapport, de veiller à la rémunération des créateurs (auteurs et artistes-interprètes). Environ 70 % du prix des abonnements est reversé aux ayants droits – 55 % pour les producteurs et 15 % pour les organismes de gestion collective –, à charge pour eux de reverser aux auteurs et artistes interprètes la rémunération qui leur revient selon les indications fournies par les plateformes sur le comptage des streams. Mais quelle part concerne le hors connexion ? Sur ce point, c’est le flou artistique. Alors que le hors connexion est de plus en plus répandu. « Cette possibilité existe dans le cadre d’abonnements payants (offres premium) et constitue le plus souvent le facteur démarquant par rapport aux offres gratuites (freemium) de ces mêmes plateformes », relève le rapport gouvernemental. Selon les représentants des industries culturelle, ces copies à usage privé et de source licite dérogent au droit exclusif d’autorisation d’exploitation des ayants droit et génèrent un manque à gagner devant être rémunéré. Mais la mission IGF-IGAC a convaincu le gouvernement qu’un « faisceau d’indices » tend à exclure les copies de confort de la rémunération de la copie privée :
Bien qu’elles soient physiquement stockées dans la mémoire du terminal de l’abonné, ces copies sont cryptées, de sorte qu’il est impossible pour l’utilisateur de les dupliquer ou de les transférer (elles ne peuvent sortir de l’univers de la plateforme) ;
Ces copies sont éphémères puisqu’au bout de quinze jours sans reconnexion de l’utilisateur, la plateforme les supprime ;
Ces copies donnent déjà lieu à une rémunération car, pour les plateformes de streaming musical telles que Deezer ou Spotify, les écoutes hors connexion sont comptabilisées dans le nombre total d’écoutes qui sert de base à la rémunération des ayants droit ;
L’examen des conditions tarifaires de certains organismes de gestion collective montre que la rémunération qu’elles ont négociée avec les plateformes de streaming prend en compte les copies de confort.
Et le rapport de prendre l’exemple de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) pour l’écoute ou la visualisation de la musique en streaming par abonnement : la rémunération correspond à 15 % des recettes d’abonnement, assortie d’« un minimum de 1,20 euro hors taxe par abonné et par mois dans le cas d’une offre permettant la portabilité ainsi que l’écoute et la visualisation hors connexion » (4).
Toutes ces questions autour des copies de confort au regard de l’articulation entre droit exclusif et exception de copie privée amènent le gouvernement à appeler les parlementaires à « une réflexion plus large (…) concernant la juste contribution des plateformes de streaming, payantes et non payantes, au financement de la création culturelle ». Le rapport n’évoque cependant pas la dernière tentative de taxer le streaming pour « financer de façon pérenne » le Centre national de la musique (CNM), selon les députés à l’origine de trois amendements déposés fin septembre dernier mais tous rejetés en octobre (5) dans le cadre du projet de loi de finance 2023.
Tout en écartant une éventuelle taxe sur les copies de confort, qui reviendrait à taxer le streaming, le rapport « IGF-IGAC » du gouvernement reproche en outre à la commission copie privée le manque de transparence dans sa méthodologie de fixation des barèmes et de reversement de la rémunération en question.

Taxe « copie privée » : 300 millions d’€/an
Les études d’usage sont jugées trop anciennes (2017 et 2018 pour les dernières). Ce sont quand même près de 300 millions d’euros qui sont collectés. La taxe est prélevée sur le prix des appareils permettant le stockage numérique (smartphones, tablettes, clés USB, CD/DVD, disques durs externes, etc.) – par l’unique organisme français mandaté pour collecter la redevance pour la copie privée : Copie France (6), lequel n’a pas vraiment apprécié ce rapport « IGF-IGAC » (7). Le gouvernement appelle aussi à une meilleure gouvernance de la commission copie privée. Sa réunion prévue avant la fin de l’année s’annonce donc chargée, alors même que son rapport 2021 n’a pas encore été publié. « Nous le publierons début 2023 », nous indique Thomas Andrieu. @

Charles de Laubier

Après le rejet de trois amendements taxant à 1,5 % le streaming musical pour financer le CNM, place à la mission « Bargeton »

L’UPFI la prône ; le Snep n’en veut pas ; des députés ont tenté de l’introduire en vain par trois amendements rejetés le 6 octobre dernier : la taxe de 1,5 % sur le streaming musical en faveur du Centre national de la musique (CNM) va refaire parler d’elle lors des auditions de la mission confiée au sénateur Julien Bargeton.

Une taxe sur le streaming musical de 1,5% sur la valeur ajoutée générée par les plateformes de musique en ligne. Telle était la proposition faite par des députés situés au centre et à gauche de l’échiquier politique, dans le cadre du projet de loi de finances 2023. Mais avant même l’ouverture des débats en séance publique le 10 octobre à l’Assemblée nationale (et jusqu’au 4 novembre), la commission des finances réunie le 6 octobre, a rejeté les trois amendements – un du centre et deux de gauche, déposés respectivement les 29 et 30 septembre. La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak (« RAM »), n’a-t-elle pas assuré que le budget du Centre national de la musique (CNM) pour en 2023 est « suffisamment solide » ? Le CNM sera doté l’année prochaine de plus de 50 millions d’euros, grâce à la taxe sur les spectacles de variétés qui, d’après le projet de loi de finances 2023 déposé fin septembre, rapportera l’an prochain 25,7 millions d’euros (contre 35 millions en 2019, soit avant la pandémie).

Julien Bargeton missionné par décret d’Elisabeth Borne publié le 25 octobre
S’y ajouteront un financement garanti par l’Etat à hauteur de 26 millions d’euros et une contribution des sociétés de gestion collective (1) de quelque 1,5 million d’euros. Pour autant, la question de son financement se posera pour 2024 et les années suivantes. Or la pérennité du budget de cet établissement public à caractère industriel et commercial – placé sous la tutelle du ministre de la Culture – n’est pas assuré. D’où le débat qui divise la filière musicale sur le financement dans la durée du CNM, aux missions multiples depuis sa création le 1er janvier 2020 – et présidé depuis par Jean-Philippe Thiellay. A défaut d’avoir obtenu gain de cause avec ses trois amendements, l’opposition compte maintenant sur le sénateur de la majorité présidentielle Julien Bargeton (photo) qui vient d’être missionné – par décret publié le 25 octobre et signé par la Première ministre Elisabeth Borne – pour trouver d’ici le printemps 2023 un financement pérenne au CNM. L’une des vocations de ce CNM est de soutenir la filière dans sa diversité, un peu comme le fait le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) pour la production cinématographique, audiovisuelle ou multimédia. Mais Continuer la lecture

Copie privée : les micro-ordinateurs vont-ils être taxés avant ou après l’élection présidentielle ?

Le conseiller d’Etat Thomas Andrieu, nommé en novembre 2021 président de la commission « pour la rémunération de la copie privée », débute son mandat avec un dossier très sensible politiquement : taxer les ordinateurs portables et de bureau pour les enregistrements d’œuvres qui y sont faits.

Avoir le droit d’enregistrer sur le disque dur interne d’un micro-ordinateur des copies numériques d’œuvres multimédias – que cela soit de la musique, des films, des jeux vidéo, des livres numériques ou encore des images – fera-t-il l’objet en 2022 d’une taxe lors de l’achat d’un nouvel équipement (PC portable, PC de bureau ou disque dur interne vendu séparément) ? Cette année devrait être décisive, puisque la commission « pour la rémunération de la copie privée » – rattachée au ministère de la Culture (1) – est censée analyser les résultats inédits d’une étude d’usage que l’institut de sondage CSA a finalisée et remise en octobre 2021.

Dossier sensible pour Thomas Andrieu
Le problème est que cette commission « copie privée » a beau avoir un nouveau président depuis le 6 novembre dernier (2), en la personne de Thomas Andrieu (photo), conseiller d’Etat, elle ne peut reprendre ses travaux tant que ses autres membres ne sont pas nommés eux aussi. « Nous réunirons la commission une fois que l’arrêté de sa nouvelle composition – pas encore signé à ma connaissance [au 27 janvier, ndlr] – sera publié au Journal Officiel », indiquait il à Edition Multimédi@. Les mandats sont d’une durée de trois ans : celui du précédent président, Jean Musitelli, s’est achevé fin septembre, tandis que ceux des vingt-quatre membres (représentant les fabricants et importateurs de supports, les consommateurs et ayants droit) se sont arrêtés fin novembre (3). « Cette désignation relève de la compétence des ministères en charge de la Culture, de l’Economie et de la Consommation. Elle est indispensable pour que la commission [copie privée] puisse poursuivre ses travaux, et notamment procéder à l’analyse des résultats des études d’usages des pratiques de copie privée sur les microordinateurs », s’est impatientée la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), le 18 janvier à l’occasion de son bilan annuel (4). Elle est membre de Copie France, l’unique organisme français mandaté pour collecter la redevance pour la copie privée (5) et occupant pas moins de dix sièges au sein de la commission « copie privé ». Celle-ci fixe les barèmes des taxes sur les appareils high-tech dotés d’un support de stockage numérique (smartphones, tablettes, disques de sauvegarde externe, clés USB, box, etc.). Cette « redevance pour rémunération de la copie privée », présentée comme une contrepartie au droit des utilisateurs d’enregistrer des œuvres et de les partager dans un cercle restreint (entendez « familial »), s’applique au nouveaux appareils vendus (montant pouvant atteindre plusieurs dizaines d’euros en fonction de la capacité de stockage). Prochains sur la liste : les micro-ordinateurs. Cela fait près de trois ans que la commission « copie privée » prépare le terrain à cette taxation des ordinateurs personnels (portables ou fixes) et des disques durs internes vendus « nus » : c’est-à-dire pouvant être installés à l’intérieur d’un PC, d’un Mac, d’une box ou d’un boîtier NAS (6).
Mais, fraîchement nommé par Roselyne Bachelot (ministre de la Culture) et Bruno Le Maire (ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance), Thomas Andrieu (45 ans) se retrouve avec ce dossier sensible politiquement. Car, contrairement à l’Allemagne, à l’Italie et aux Pays-Bas qui assujettissent depuis quelques années les micro-ordinateurs de leurs compatriotes, la France, elle, n’a encore jamais franchi le pas. Aucun des gouvernements français qui se sont succédés ne se sont risqués à étendre cette redevance « copie privée » aux ordinateurs des Français. Non seulement cela serait malvenu au moment où l’on incite les foyers à s’équiper d’un ordinateur personnel – voire familial – pour faire les démarches administratives en ligne, télétravailler en période de crise sanitaire ou encore permettre aux enfants de suivre l’école en distanciel. De plus, alors que l’élection présidentielle est programmée pour les 10 et 24 avril prochains et que les législatives suivront les 12 juin et 19 juin, une telle taxe ne serait pas vraiment perçue comme populaire auprès de l’électorat… Pas sûr non plus que l’actuel chef d’Etat Emmanuel Macron – donné partant pour un second mandat et ancien ministre de l’Economie, de l’Industrie et… du Numérique (2014-2016) – donne son aval à une mesure qui grèverait le pouvoir d’achat des Français. Sans parler de la lutte contre la fracture numérique…

« Préjudice » pour les ayants droit ?
Une fois les vingt-quatre membres de la la commission « copie privée » désignés, Thomas Andrieu fixera une séance plénière pour tirer les conclusions des résultats de l’étude d’usage CSA (achevée depuis six mois). Selon NextInpact, 1.017 possesseurs de ces appareils ont été interrogés et, sans surprise, la copie d’œuvres sur ces supports est avérée (7). Pour les ayants droit, il y a donc « préjudice ». L’arbitre sera sans doute à l’Elysée. @

Charles de Laubier