Mesures TV et Net : Médiamétrie se met en quatre

En fait. Le 6 mai, l’institut Médiamétrie a confirmé à Edition Multimédi@ qu’il propose aux chaînes, depuis le 19 avril dernier, la mesure dite « TV 4 écrans » (télévision, ordinateur, smartphone et tablette) et que le « GRP live 4 écrans » (performances publicitaires TV) sera évalué d’ici fin 2016.

Ebooks : Hachette, Editis, Madrigall et Média Participations passent à l’offensive face à Amazon, Apple et Adobe

Les quatre premiers groupes français de l’édition s’associent au sein de l’association EDRLab – présidée par Pierre Danet, bras droit « numérique » du PDG d’Hachette Livre, Arnaud Nourry – pour tenter d’imposer le standard ouvert ePub de livres numériques, face aux systèmes verrouillés d’Amazon, d’Apple et d’Adobe.

Le premier éditeur français Hachette Livre, partie intégrante du troisième groupe mondial de l’édition – Lagardère Publishing – présidé par Arnaud Nourry (photo), est la tête de file des cofondateurs et cofinanceurs d’une nouvelle association d’envergure européenne baptisée EDRLab (European Digital Reading Lab), créée l’été dernier et tout juste installée à Paris. Présidée par Pierre Danet, qui reporte directement à Arnaud Nourry en tant que directeur de l’innovation numérique d’Hachette Livre, cette association a pour mission de développer des logiciels libres (open source), permettant une interopérabilité totale des livres numériques fonctionnant sous le standard ouvert ePub 3, quel que soit le terminal utilisé par l’utilisateur et lecteur : smartphone, tablette, ordinateur, liseuse, … Il ne s’agit ni plus ni moins que de s’attaquer aux deux géants mondiaux du livre numérique que sont Amazon et Apple, ainsi qu’à Adobe, dont les systèmes respectifs de ebooks fermés et verrouillés, sont non-interopérables. Outre Hachette Livre, l’association EDRLab – à but non lucratif – compte parmi ses membres fondateurs les trois autres plus grands éditeurs français : Editis (La Découverte, Le Cherche Midi, Xo Editions, …), Madrigall (Gallimard, Flammarion, Casterman, …) et Media Participations (Dargaud, Dupuis, Le Lombard, Fleurus, …).

EDRLab : initiative française sous tutelle américaine
En plus de ces quatre groupes français de maisons d’édition traditionnelles, il y a aussi dans les fondateurs présents au « conseil d’administration » d’EDRLab le Syndicat national de l’édition (SNE), lequel représente 650 membres actifs en France, le syndicat Cercle de la Librairie (CL) et le Centre national du livre (CNL), ainsi que le ministère de la Culture et de la Communication, avec le soutien d’Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au Numérique. A cela s’ajoute le pôle compétitivité d’Ile-de-France, Cap Digital, qui héberge les bureaux nouvellement installés d’EDRLab et l’aide dans son financement auprès des pouvoirs publics. Pierre Danet est d’ailleurs aussi vice-président de Cap Digital (1). Ensemble, ces cofondateurs publics-privés ont injecté pas moins de 1,3 million d’euros dans l’association, officiellement déclarée au J.O. du 29 août 2015, pour qu’elle puisse accélérer ses développements logiciels en étroite collaboration avec deux organisations américaines dont elle dépend étroitement.

Budget initial de 1,3 million d’euros
Il s’agit d’une part de l’International Digital Publishing Forum (IDPF), qui a établi le format standard ouvert ePub (electronic publication) et ses évolutions pour le livre numérique, et d’autre part de la fondation Readium, qui, en tant qu’émanation de l’IDPF (2), a en charge de mettre à disposition des kits de développement logiciel – ou SDK (3) – pour accélérer l’adoption de ce standard ouvert pour ebooks sur l’ensemble des plateformes numériques du monde entier. Le format ePub permet ainsi de lire des livres numériques quel que soit l’appareil de lecture utilisé (sous Android, Windows, iOS, OSx ou Web), sans verrouillages ni restrictions, en toute interopérabilité. L’EDRLab, qui est ainsi sous double tutelle de l’IDPF (basé à Seattle, Etat de Washington) et de Readium (domicilié à Wilmington, Etat du Delaware), compte dans son conseil d’administration deux représentantes à la fois d’IDPF et de Readium : Cristina Mussinelli, experte du
« SNE » italien auprès du gouvernement italien, et Bente Franck- Sætervoll, directrice de Bokbasen en Norvège. Pour être membre d’EDRLab, il faut être membre d’IDPF ou de Readium. « Nous sommes l’état major d’IDPF et de Readium en Europe. Et une force de frappe qui va être significative pour l’open sourceautour de la lecture numérique », a assuré Pierre Danet, lors des 15es Assises du livre numérique organisées le 13 novembre dernier par le SNE, où fut présenté à cette occasion Laurent Le Meur fraîchement recruté fin octobre comme directeur technique d’EDRLab. Venu de la plateforme de VOD UniversCiné, ancien d’Allociné et du Medialab de l’AFP, il va « créer une petite équipe de développeurs – une sorte de commando [sic, ndlr] – pour accélérer le développement des logiciels Readium, sorte de ‘’moteurs de lecture’’ qui ne sont pas des logiciels de lecture complets de type ereader, mais plutôt leur ‘’réacteur’’ permettant de lire ces ebooks au format ePub 3 et de développer
facilement. ». Ces logiciels open source sont basés sur le principe du copyleft (4).

En ligne de mire : les systèmes dits « propriétaires » d’Amazon et d’Apple, respectivement AZW (ou mobi) et iOS, incompatibles entre eux mais aussi avec Android de Google et vice versa. Face à ces systèmes fermés (walled gardens) d’acteurs du Net dominants, il s’agit d’opposer le format ePub 3, dont la version 3.0.1 actuellement en vigueur a été mise au point en juin 2014 et s’appuie sur le langage HTML5 du World Wide Web Consortium (W3C) – en attendant l’ePub 3.1 pour l’an prochain (5). « La validation de l’ePub 3.1 devrait avoir lieu vers octobre 2016. Un ou plusieurs drafts sont prévus d’ici là », indique Laurent Le Meur à Edition Multimédi@. En matière de protection, via le chiffrement des livres numériques, il s’agit aussi de s’émanciper des carcans imposés par les géants du Net. « Il faut sortir de cette logique des silos que l’on connaît aujourd’hui avec Amazon et Apple, et doter les logiciels Readium du système de protection LCP (Lightweight Content Protection) qui est
une alternative plus légère d’emploi par rapport à la solution DRM (Digital Rights Management) d’Adobe. Nous devons nous mettre en ordre de bataille pour pouvoir certifier des solutions de protection LCP développées par d’autres, et assurer l’interopérabilité de ces solutions de DRM pour que tous les types de logiciels compatibles LCP puissent le lire un livre numérique », a prévenu Laurent Le Meur. Objectif : ne plus être obligé de s’inscrire auprès d’une société précise (Amazon,
Apple, Adobe, …), ni de devoir être en ligne pour débloquer son livre numérique,
et de pouvoir le lire sur un nombre illimité d’appareils.
Le standard ePub 3.0 et les logiciels Readium apporteront même la possibilité aux maisons d’édition d’intégrer dans les livres numériques des enrichissements interactifs et multimédias tels que les vidéos, les animations, les fenêtres pop-up pour les notes, ou encore des fonctionnalités pour les personnes handicapées visuelles. Plus nombreuses seront les plateformes numériques à l’adopter, plus rentables seront les développements de ces ebooks enrichis. Ainsi l’ePub 3 pourrait donner un coup de vieux aux « livres noirs » digitaux (ceux édités en texte noir sur blanc uniquement), encore dominants.

Premier « ePub Summit » à Paris en avril 2016
Fort de ses soutiens publics-privés en France et de l’intérêt que lui porte la Commission européenne dans le cadre de son Agenda numérique, lequel vise notamment à favoriser l’interopérabilité et l’accessibilité des contenus digitaux (6), l’EDRLab vient
de se voir confier par l’IDPF et Readium l’organisation à Paris en avril 2016 – pour la première fois dans le monde – de la toute première édition d’un « ePub Summit ».
C’est Pierre Danet qui l’a révélé lors des Assises du livre numérique, tout en précisant que « l’EDRLab a établi un business plan sur trois ans, avec pour objectif de passer d’un financement public à un financement privé par les services du laboratoire ».
Et d’ajouter : « C’est le challenge pour 2018. Il y aura trois sources de revenu : la certification pour les implémentations de LCP ou de toute technologie, la formation,
et les événements ». Cette offensive des grands éditeurs français pourrait faire décoller le livre numérique en France, qui pèse encore seulement 6,4 % des ventes totales de l’édition en 2014 – soit 161,4 millions d’euros. @

Charles de Laubier

Bruno Chetaille, PDG de Médiamétrie : « Nous allons tester un audimètre individuel, miniature et mobile »

Médiamétrie vient d’avoir 30 ans. L’institut de mesure d’audiences, créé le 24 juin 1985, s’est imposé en France dans la télévision, la radio et Internet. Son PDG Bruno Chetaille explique comment l’audimètre devient aussi miniature et mobile. Et en fin d’année, la mesure globale TV et Net sera lancée.

Louis Dreyfus, groupe Le Monde : « Il est vital de basculer notre centre de gravité vers le numérique »

Président du directoire du groupe Le Monde depuis décembre 2010, Louis Dreyfus se dit « confiant » sur la capacité du « quotidien de référence » à séduire la nouvelle génération de lecteurs. Cela passe par une offre digitale accrue, dont un nouveau contenu éditorial chaque matin pour les mobiles.

Radio des objets

« Good moooooorning Paris ! ». Les ondes vibrent encore de ce cri qui réveille la capitale depuis plus d’un mois. Un salut tonitruant poussé chaque matin par l’un des présentateurs vedette de la nouvelle station Word Radio 1. Une radio d’un nouveau genre : des programmes diffusés en mode tout IP de New York, Shanghai, Sao Paulo, Berlin, Londres et Lagos, pour une audience sans frontières affranchie des limites de la diffusion hertzienne. C’est bien le pari insensé d’une poignée de jeunes passionnés de musiques et de cultures du monde que d’avoir réussi à lancer une radio d’un nouveau ton, s’adressant à des auditeurs avides des nouvelles de la planète. Ils ont su tirer parti des atouts historiques de ce média, en amplifiant sa puissance par l’intégration des nouveaux outils : podcasts, vidéos, réseaux sociaux et métadonnées.

« Au-delà des mobiles et des autoradios, ce sont
nos ampoules, nos vêtements ou nos robots domestiques
qui mettent à volonté ces nouvelles radios à portée de
nos oreilles. »

Cet étonnant succès ne doit pas masquer l’évolution radicale qui a fini par rattraper
le média radio, resté longtemps à l’écart de l’appétit des majors du Net en raison de barrières réglementaires et culturelles plus élevées que l’enjeu financier qu’il représente. A l’instar des autres médias, et peut être mieux encore, la radio s’est adaptée à tous les nouveaux « transistors numériques » : smartphones, tablettes, smart TV, sites web ou encore radios personnalisables, sans oublier les autoradios digitaux. Ce qui a permis de développer l’écoute digitale mobile, tout en ouvrant la voie à de nouveaux espaces de monétisation. Le combat a porté un temps sur les standards qui devait offrir une alternative à la radio tout-IP, comme la fameuse RNT qui fut, en France, à l’origine de tant de rapports et d’études. La radio numérique terrestre y fut finalement lancée laborieusement en juin 2014 sur les villes-test de Marseille, Nice et Paris. Et c’est l’Union européenne de radio-télévision (UER) qui lança à la même époque un projet visant à intégrer dans tous les récepteurs une « europuce » pour permettre d’écouter gratuitement la radio dans n’importe quel pays, avec l’idée de libérer l’industrie de sa dépendance des opérateurs télécoms.
Si la radio n’a pas disparu, elle a éclaté selon des lignes de fracture correspondant aux grandes familles de « stations ».
Les programmes musicaux ont été les plus touchés, tant les modes d’écoute ont été bouleversés par la montée en puissance progressive du streaming (lequel s’est imposé face au support physique puis au téléchargement). De véritables radios en ligne interactives – smart radio – ont progressivement pris le pouvoir : Pandora dépassait les 150 millions d’utilisateurs en 2013 et participa au processus de consolidation commencé dès l’année suivante par le rachat symbolique de KXMZ-FM, petite station hertzienne radio du sud Dakota. Pour de nombreux pays émergents, le streaming s’est très vite taillé la part du lion puisqu’il a représenté dès 2014 près de 50 % du marché
de la musique.
Au Brésil, en Chine, en Inde, au Mexique ou au Vietnam, le smartphone est en effet devenu le terminal de référence pour l’écoute de musique via les grands services de
radio en streaming. Cet engouement a touché tous les pays et permis aux plates-formes internationales, comme Spotify ou Deezer, d’atteindre une taille critique mondiale de plus de 40 millions d’abonnés, indispensable pour un niveau de rentabilité suffisant.
Après les radios musicales, les généralistes ont tenté de réinventer la télévision en transformant leurs émissions de plateaux en talk-show et en demandant à leurs journalistes de réaliser des reportages vidéo. Ces stations multimédias ont peu à
peu été englobées dans des groupes pluri-médias capables de décliner leurs contenus sur tous les formats (écrit, voix et vidéo). Finalement, c’est en capitalisant sur leurs fondamentaux que certaines radios ont pu cultiver avec succès une différence qui fait encore leur succès aujourd’hui : des concepts innovants servis par de grandes voix,
« éditorialisant » des émissions d’information, de sport, de musique, d’humour ou d’histoire, mais désormais accessibles sur une multitude d’objets connectés. Car au-delà des mobiles et des autoradios, ce sont nos ampoules, nos vêtements ou nos robots domestiques, entre autres, qui mettent à volonté ces nouveaux programmes
à portée de nos oreilles. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2025 » : Voiture connectée.
* Directeur général adjoint de l’IDATE,
auteur du livre « Vous êtes déjà en 2025 »
(http://lc.cx/b2025).