Publicité : fin de la prime au leader

Finalement, la bonne nouvelle pour la télé, c’est qu’elle a su s’adapter à Internet sans connaître tout à fait le sort, parfois fatal, de la plupart des autres contenus numériques. Ce super média qu’est la télévision bénéficiait d’une armure protectrice connue sous le nom de « prime au leader »,
cette différence constatée entre la part d’audience des chaînes leaders et leur part du marché de la publicité TV
en valeur, laquelle lui est souvent très supérieure. C’est ainsi que la puissance médiatique des chaînes historiques leur a longtemps permis de pratiquer des tarifs supérieurs à ceux des outsiders et de générer des revenus plus importants comparativement à leur audience ou au volume de publicité qu’ils diffusaient. Ainsi, en France, la chaîne TF1, qui enregistrait une part d’audience moyenne de 23 % sur l’année 2012 (en forte baisse par rapport aux années précédentes), captait 42 % du marché de la publicité TV en valeur. De la même façon, ITV, la première chaîne privée au Royaume-Uni en termes d’audience, captait 43 % du marché publicitaire en valeur pour une part d’audience de seulement 16 %.

« Si la pub TV a fait la preuve de son efficacité,
c’est sa notion même qui a perdu de son sens.
Les spots sont désormais distribués en même
temps en live ou en catch up. »

Le Snep doute du numérique comme relais de croissance

En fait. Le 31 mai, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) a présenté l’état du marché de la musique enregistrée pour le premier trimestre 2013 : les revenus numériques baissent, pour la première fois, de 5,2 % à 30,9 millions d’euros. Les producteurs s’inquiètent et appellent à l’aide.

En clair. Même si la première baisse des ventes numériques s’explique principalement, selon le Snep, par « deux phénomènes conjoncturels » (1), le marché de la musique en ligne stagne. « C’est préoccupant car le numérique est censé compenser la baisse des ventes physiques », a expliqué Guillaume Leblanc, qui a succédé fin mars à David El Sayegh au poste de directeur général du Snep. C’est d’autant plus inquiétant pour le syndicat représentant aujourd’hui 47 membres, dont les désormais trois majors (Universal/EMI, Sony et Warner), que « le marché numérique est supposé être le vecteur de croissance du marché de la musique enregistrée ».
Or, l’année 2013 ne se présente pas sous les meilleurs augures : le streaming musical par abonnement « peine à décoller » (+ 2,1% au premier trimestre,
à 8,1 millions d’euros) ; le chiffre d’affaires des plateformes de téléchargement évolue
« faiblement » (stable à 16,4 millions d’euros, hors phénomènes conjoncturels).
Selon GfK, les revenus du téléchargement sur Internet – plus de la moitié (53 %) du chiffre d’affaires total les producteurs – sont redescendus au premier trimestre à un niveau inférieur à celui de l’an dernier. « Alors que les titres étaient moteurs dans le téléchargement, ils enregistrent une baisse de 7,1 %, mais ils sont [heureusement] compensés par une hausse de 8 % des albums téléchargés », s’inquiète Stéphane
Le Tavernier, président du Snep, par ailleurs PDG de Sony Music France. Face à ces incertitudes, le Snep a tenu à « faire passer un message » au gouvernement : « Dans cette conjoncture, ce n’est pas le moment de nous imposer des mesures [comme la gestion collective obligatoire préconisée par le rapport Lescure, ndlr]. Il faut sanctuariser et pérenniser la réponse graduée avec une sanction suffisamment dissuasive, d’au moins 120 euros, soit au minimum le double de ce que propose le rapport Lescure. Et pour corriger le transfert de la valeur au détriment des producteurs, il faut un mécanisme de financement », explique en substance Guillaume Leblanc. Concernant la proposition du rapport Lescure d’élargir à d’autres industries culturelles, dont la musique, le compte de soutien du CNC, il préfère attendre « l’arbitrage du gouvernement » (Lire aussi notre chronique p 12). @

La presse et la radio se lancent à l’assaut de la télé

En fait. « Le 14 mai à 18h00, vous trouverez à cette adresse [Lopinion.fr] un nouveau média : L’Opinion », a annoncé Nicolas Beytout sur son site web avant
le lancement… vers 20 heures. A l’instar de la presse et de la radio, l’ancien patron des Echos mise sur la vidéo pour être plus visible et attirer la publicité.

En clair. La presse et la radio misent de plus en plus sur la vidéo, laquelle ne relève pourtant pas de leur savoir-faire historique. C’est une tendance de fond qui devrait brouiller à terme les frontières qui préexistaient avant l’ère numérique. L’écrit et l’audio
se mettent ainsi à marcher sur les platesbandes de la télévision. Nicolas Beytout parle
de « chaîne vidéo » et de « journal télévisé » (JT) sur L’Opinion, ce qui lui permet de s’immiscer à nouveau dans le PAF (1).
Il faut dire que l’ex-PDG du groupe Les Echos a toujours été attiré par la télévision, non seulement lorsqu’il était directeur de la rédaction du quotidien économique et financier Les Echos (doté de son propre studio télé) mais aussi lorsqu’il avait des vues sur la direction de l’information de TF1 (en 2007), en passant par ses différentes collaborations télévisées (LCI, iTélé, …).
Avec L’Opinion, présenté initialement comme un « bimédia » (web-papier), Nicolas Beytout renoue avec l’audiovisuel. Quelque 40 minutes de vidéo seront proposées chaque jour sur le site web du quotidien pluri-média, dont deux flashes d’information vidéo diffusés à 12 heures et à 21 heures, ainsi qu’un JT à 18 heures. « L’information vidéo aura la même ligne que le journal, c’est à dire libérale, européenne et probusiness », a tenu à préciser le directeur de la rédaction lors d’une conférence de presse le 13 mai dernier. Et contrairement à la majeure partie de L’Opinion qui est payante, la vidéo sera proposée gratuitement.
Cela se comprend aisément : la publicité sur vidéo en ligne (dite in-stream, c’est-à-dire intégrée dans le flux vidéo en streaming) affiche le plus fort dynamisme (+ 50 % à 90 millions d’euros en 2012) du marché français des recettes de la e-pub (2). Les autres médias traditionnels, comme Le Figaro côté presse et RTL côté radio, ne s’y sont pas trompés. Fin mars, le quotidien de Serge Dassault lançait un portail Figaro TV d’actualités vidéo (video.lefigaro.fr). De plus, le quotidien papier propose la fonction Figaro Play pour les détenteurs de smartphone qui souhaitent prolonger en vidéo un article imprimé. Fin avril, RTL commençait à diffuser sur Internet et en direct vidéo de ses studios la tranche 7h-12h30. Mi-mai, Europe 1 faisait de même sur la tranche 6h30-13h. Le journal vidéo et la radio filmée vont bousculer un peu plus la manière de regarder la télé. @

Marc Héraud, délégué général du SNSII : « Vouloir taxer les terminaux connectés n’est pas la solution »

Le délégué général du Syndicat national des supports d’image et d’information (SNSII) revient pour EM@ sur les propositions du rapport Lescure qu’il juge – avec cinq autres organisations professionnelles (Fevad, Secimavi, Sfib, Simavelec et Gitep Tics) – « inacceptables ». Il met en garde les industries culturelles.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : C’était une revendication du Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) depuis 2009 : le rapport Lescure propose de taxer les terminaux connectés à hauteur de 1 % du prix de vente. Comment accueillez-vous cette nouvelle taxe et quel impact aurait-elle en France ?
Marc Héraud :
Nous ne pensons pas qu’une nouvelle taxe, en plus de celles existantes, ne soit la solution pour aider l’industrie culturelle à se réformer. Doit-on créer une nouvelle taxe sur l’essence pour aider l’industrie automobile française à se restructurer ? De plus, cette nouvelle taxe – sur les ordinateurs, smartphones, tablettes, téléviseurs connectés, consoles de jeux, etc. – vient se superposer à la rémunération pour copie privée (RCP), dont le périmètre serait élargi avec la prise en compte du cloud computing et aux droits déjà réglés aux ayants droit dans le cadre de l’offre légale. Cette nouvelle taxe est estimée, dans le rapport Lescure, à environ 85 millions d’euros par an, soit 1 % des
8,579 milliards d’euros qu’a généré le marché français des terminaux connectés en 2012.
En taxant localement toujours plus l’industrie numérique, il y a un vrai risque à freiner le développement de celle-ci, alors que tout le monde s’accorde à dire qu’elle constitue un des principaux relais de croissance de notre économie. Ce type de nouvelle taxe n’aidera sûrement pas notre pays à améliorer son classement dans la prochaine édition du rapport du World Economic Forum qui vient de situer la France à la 26e position mondiale, pour ses infrastructures numériques, perdant trois places par rapport à la même analyse menée en 2012…

Le rapport Lescure dresse un bilan accablant de l’offre légale en France

C’est le diagnostique le plus sévère de la mission Lescure : l’offre légale d’accès aux œuvres et contenus culturels en ligne laisse encore à désirer, malgré toutes les promesses faites par les pouvoirs publics et les industries culturelles depuis les deux lois Hadopi de 2009.

Par Charles de Laubier

PLL’offre légale en ligne, encore insuffisante ou trop peu rémunératrice, doit affronter la concurrence d’une offre illicite gratuite et quasi illimitée », constate le rapport de Pierre Lescure (photo). « L’offre culturelle en ligne peine toujours à satisfaire les attentes, très élevées, des internautes. L’insatisfaction, quoique générale, est plus évidente encore s’agissant des films et des séries télévisées.
Les reproches les plus récurrents concernent les prix trop élevés et le manque de choix », poursuit-il.