App Store et Apple Pay : ce que la Commission européenne reproche à la firme de Cupertino

La WWDC, grand-messe annuelle des développeurs de la marque à la pomme, s’est déroulée du 22 au 26 juin à San Francisco. Plus que jamais, Apple compte sur les commissions émanant de sa boutique App Store pour assurer ses revenus. Mais son écosystème fermé est dans collimateur de l’Europe.

La Worldwide Developer Conference (WWDC) de cette année 2020, qui s’est tenu à Cupertino, près de San Francisco, au sein de l’Apple Park, le fameux QG circulaire mondial de la marque à la pomme depuis plus de trois ans maintenant, avait beau avoir lieu à 8.898 kilomètres de Bruxelles, jamais l’Europe n’a été aussi proche de l’événement. Et pour cause : six jours avant que Tim Cook (photo de gauche), le PDG d’Apple, n’ouvre le bal, Margrethe Vestager (photo de droite), la vice-présidente exécutive de la Commission européenne, chargée de la concurrence (1), lançait deux enquêtes sur les pratiques douteuses de respectivement l’App Store et l’Apple Pay.

Le géant chinois Tencent accélère sa conquête du monde, notamment en Europe et en Afrique

Le « T » de BATX se déploie plus que jamais hors de Chine. Son président cofondateur, Ma Huateng, veut conquérir le monde. Après avoir pris 10 % dans Universal Music (Vivendi), il étend sa propre plateforme musicale Joox à l’international. Et multiplie les investissements tous azimuts : streaming musical, jeux vidéo, fintech, …

En avril, le cofondateur président de Tencent – Ma Huateng, alias Pony Ma (photo) – est devenu l’homme le plus riche de Chine, devançant son compatriote Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, se hissant ainsi à la vingtième place mondiale des milliardaires. Selon le classement Forbes, la fortune de Ma Huateng (48 ans) approche les 47 milliards de dollars (au 08-05-20).
Il possède encore aujourd’hui 8,58 % du capital du groupe Tencent Holdings Limited, qui est enregistré dans le paradis fiscal des Iles Caïmans, distantes de 15.000 kilomètres de Hong Kong où le géant du Net chinois a été créé en 1998 et où il est coté en Bourse depuis 2004. La valorisation boursière de Tencent est l’une des plus importantes au monde, avec 513,7 milliards de dollars (l’équivalent de 473,9 milliards d’euros au 08-05-20). Au point d’avoir dépassé un temps les capitalisations d’Alibaba et de Facebook ! Ma Huateng est en outre actionnaire, majoritaire cette fois (à 54,29 %), de la société Tencent Computer qu’il avait initialement cofondée il y a vingt-deux ans à Shenzhen, ville située dans le sud de la Chine et en périphérie de Hong Kong, où le groupe dispose de son siège social dans ses propres « twin towers » – les Tencent Seafront Towers – construites de 2015 à 2017.

Spotify fait gagner beaucoup d’argent aux labels et majors de la musique mais reste encore déficitaire

Fondée par Daniel Ek en 2006 et éditrice de la plateforme de streaming musical ouverte au public en 2008, la société suédoise Spotify reste désespérément déficitaire. Pourtant, grand paradoxe de la filière musicale, elle est la première à contribuer aux revenus de la musique en ligne dans le monde.

De Paris à Washington, les producteurs de musique – les majors Universal Music, Sony Music et Warner Music en tête – sont unanimes : les plateformes de streaming, au premier rang desquelles Spotify, leur rapporte de plus en plus d’argent. Le streaming musical est même devenu leur première source de revenu, loin devant les ventes physiques et les téléchargements de musiques enregistrées. Pourtant, depuis sa création en avril 2006, la société suédoise dirigée par Daniel Ek (photo) est toujours déficitaire.

Plateformes musicales et Sacem : accord clean claim

En fait. Depuis le 1er janvier 2020, est entré en vigueur un accord de bonne pratique appelé « clean claim » et signé entre trois plateformes musicales – Spotify, YouTube/Google, Apple Music – et les sociétés européennes de gestion collective des droits d’auteur telles que la Sacem. Fini la rétroactivité des droits.

En clair. Désormais, depuis le 1er janvier 2020, il n’est plus possible pour les musiciens et auteurs interprètes de toucher leurs droits d’auteur de manière rétroactive pour les diffusions de leurs musiques en ligne. C’est le résultat d’un accord signé l’an dernier entre la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) et ses homologues européennes (l’anglaise PRS, l’allemande GEMA, l’italienne SIAE, l’espagnole SGAE, …), d’une part, et les trois principales plateformes de streaming musical que sont Spotify, YouTube/Google, Apple Music, d’autre part. « Ce nouvel accord de bonne pratique est appelé “clean claim”. Son principe est clair : si l’œuvre n’a pas été déposée à la Sacem dans l’année de sa première diffusion, nous ne pourrons plus la revendiquer auprès des plateformes comme Spotify, jusqu’au dépôt formel. Nous ne pourrons donc pas facturer au titre de ses exploitations en ligne, sur la période préalable au dépôt », a prévenu Julien Dumon, directeur des droits phonographiques et numériques à la Sacem, dans le magazine des sociétaires de la Sacem (au nombre de 169.400 à ce jour) diffusé cet hiver. Auparavant, la Sacem pouvait revendiquer les œuvres qu’elle supposait signées de ses membres en attendant que les membres déposent vraiment l’œuvre (1). Désormais, cela ne lui est plus possible, afin d’éviter les « conflits de revendication » éventuels avec d’autres sociétés de gestion collective européennes. Par exemple, si la PRS en Grande-Bretagne revendique une œuvre et la Sacem fait de même, cette situation provoque le blocage du paiement des royalties par la plateforme musicale. « Aujourd’hui, nous devons prouver que cette œuvre est bien déjà déposée. Certes, un délai de rattrapage est quand même prévu, mais il est court. Au plus tard, l’œuvre doit être déposée dans les douze mois suivant sa première exploitation », indique Julien Dumon.
La Sacem indique en outre qu’« 1 million de vues sur YouTube génèrent environ 350 euros en moyenne, quand 1 million d’écoutes sur Spotify apportent environ 1.100 euros de droits d’auteur » (2). Et de comparer : une musique en ligne recevra 0,001 euro par stream (Spotify Premium) ; chaque titre d’un album de douze titres vendu sur CD percevra en moyenne 0,06 euro. C’est déjà mieux qu’une chanson écoutée sur NRJ qui rapporterait seulement 0,000004 euro par auditeur ! @

Vestager : surprise et mauvaise nouvelle pour Apple

En fait. Le 10 septembre, Margrethe Vestager a été reconduite – à la surprise générale – dans ses fonctions de commissaire européenne en charge de la Concurrence, tout en voyant ses attributions élargies au Numérique. Elle sera aussi vice-présidente exécutive de la prochaine Commission européenne.

En clair. En gardant le portefeuille de la Concurrence, Margrethe Vestager déroge à la règle non écrite selon laquelle un commissaire européen ne peut pas garder deux fois les mêmes attributions d’un mandat à l’autre. Nommée à la Concurrence en 2014 au sein de la Commission « Juncker », la Danoise n’aurait donc pas dû le rester dans la prochaine Commission « von der Leyen » (1) qui se mettra en place le 1er novembre. Mais, faute d’avoir pu elle-même devenir la présidente de la Commission européenne (2), elle n’avait pas caché son souhait de garder la Concurrence tant que les principaux dossiers – notamment ceux concernant les GAFA – n’étaient pas bouclés. La montée en puissance à Bruxelles de l’ex-ministre de l’Economie du Danemark et sociale-libérale n’est pas une bonne nouvelle pour le dernier des GAFA en date qui se retrouve dans le collimateur de l’exécutif européen, à savoir Apple. « Nous nous posons des questions, après la plainte du suédois Spotify – numéro un mondial de l’écoute de musique en ligne – contre la firme américaine Apple pour abus de position dominante », a-t-elle dit à l’AFP le 10 septembre, le jour de sa reconduction à la Concurrence et du renforcement de ses pouvoirs étendus au Numérique. Spotify a déposé plainte en mars dernier contre Apple, dont les tarifs et le partage de la valeur lors d’achats ou d’abonnements dans son écosystème « App Store/iTunes » sont contestés. Surtout que la plateforme suédoise se retrouve en concurrence frontale avec Apple Music, mieux loti. Sans présager du déclenchement prochain d’une enquête formelle et de l’issue de la procédure pour abus de position dominante, la marque à la pomme pourrait se voir imposer une baisse des frais (« app tax ») qu’elle ponctionne sur les contenus et services des tierce-parties. Cette affaire ne concerne donc pas seulement Spotify (lire EM@208, p. 3).
Celle que l’on a déjà surnommée « Margrethe III », en référence à la reine du Danemark Margrethe II, pourrait abolir les privilèges que s’octroie la firme de Cupertino en Europe. Ce n’est pas la première fois que Margrethe Vestager a maille à partir avec Apple, qui, en août 2016, a été épinglé par la Commission européenne pour avoir bénéficié d’avantages fiscaux indus en Irlande, lequel pays a été sommé de récupérer la somme de 13 milliards d’euros d’arriérés. Cette affaire se retrouve actuellement devant la Cour de justice de l’UE. @