Audiovalley (Radionomy, Jamendo, Storever) veut une double cotation et doubler son chiffre d’affaires

L’année 2019 commencera pour Audiovalley sous le signe de la double cotation, à Bruxelles et à Paris. Objectifs : lever plus de fonds afin de poursuivre son développement international et doubler son chiffre d’affaires d’ici 2020, tout
en s’affranchissant totalement de sa dette envers Vivendi d’ici 2025.

« L’audio digital, partout, tout le temps ». Tel est le slogan de la société bruxelloise Audiovalley, fondée en 2003 par Alexandre Saboundjian (photo), son actuel administrateur délégué. Connu en France sous le nom de Radionomy, plateforme de webradios créée en 2007 et société rachetée en 2015 par Vivendi à hauteur de 64,4 % du capital (1), Audiovalley en a repris le contrôle en 2017 pour un total de 30,3 millions d’euros – dont 16,3 millions de créances détenues par Vivendi.

« Crédit-vendeur » remboursable à Vivendi
L’entreprise belge doit encore payer la quasi-totalité de cette somme au groupe de Vincent Bolloré. Aussi, pour à la fois rembourser Vivendi de la somme prêtée et poursuivre son déploiement international,  le groupe Audiovalley a prévu de déposer
en janvier 2019 une demande de double cotation à Paris et à Bruxelles via l’Euronext Growth, l’ex-Alternext dédié aux PME souhaitant être cotées en Bourse de manière simplifiée. Déjà cotée depuis fin juillet sur l’Euronext Growth Bruxelles où elle a levé
9,5 millions d’euros lors de l’introduction et où elle est aujourd’hui valorisée 41 millions d’euros, l’entreprise d’Alexandre Saboundjian vise la cotation à Paris au cours de la deuxième quinzaine du mois de février 2019. « Si nous rayonnons aujourd’hui internationalement avec des implantations directes dans neuf pays à travers le monde [Belgique, France, Luxembourg, Espagne, Allemagne, Pays-Bas, Suisse, Etats-Unis
et Chine, ndlr], nous entretenons toujours une relation privilégiée avec la Belgique où notre histoire a commencé. Notre projet de double cotation trouve ainsi tout son sens dans ce pays où nous bénéficions d’une reconnaissance forte et qui va nous rapprocher d’un bassin naturel d’investisseurs », a justifié Alexandre Saboundjian. Actuellement, il détient 67,7 % du capital de l’entreprise (3,8 % directement du capital et 63,9% indirectement à travers Maxximum, sa holding personnelle contrôlée à 100 %), le flottant en Bourse étant de 24,4 %.
Si la deuxième cotation ne donnera pas lieu à l’émission de nouvelles actions, elle devrait permettre à Audiovalley d’accroître sa visibilité et son attractivité internationales, sans pour autant envisager des acquisitions, tout en renforçant « la liquidité du titre ». Pour les investisseurs privées ou institutionnels, selon le jargon boursier, « Audiovalley bénéficiera d’un carnet d’ordres unique toujours accessible avec les codes ISIN BE0974334667 et mnémoniques ALAVY ». Cette double cotation devrait en outre permettre au groupe belge de rembourser le français Vivendi des sommes prêtées lors du rachat de Radionomy. Sur les 9,5 millions d’euros levés en juillet dernier, alors que Audiovalley en espérait 13 millions, 5,1 millions ont déjà été affectés au remboursement du « crédit-vendeur » accordé par Vivendi et le reste « pour faire face à ses besoins de trésorerie au cours des 12 prochains mois ».
Mais il reste environ 25 millions d’euros  à régler par annuités du 31 décembre 2019
au 31 décembre 2025, conformément au réaménagement en juillet de l’échéancier de paiement des sommes dues à Vivendi. Audiovalley a voulu reprendre le contrôle de Radionomy pour deux raisons : l’intégration de cette entité dans le groupe Vivendi ne s’est pas faite dans les temps, malgré la croissance de l’activité, et « cette situation a stoppé la dynamique enclenchée entre les trois pôles d’activité du groupe », est-il précisé dans le prospectus boursier d’Audiovalley daté de juillet dernier. Désormais réunis, ces trois pôles sont : Radionomy (53,4 % du chiffre d’affaires de 2017) spécialisé dans l’audio digital (agrégation de webradios, logiciel de streaming Shoutcast, player audio Winamp, et régie publicitaire TargetSpot) ; Storever (33,2 %
du chiffre d’affaires) spécialisé dans les solutions « in-store » audio et/ou vidéo pour
les points de vente (13.000 magasins de 170 enseignes répartis à travers le monde) ; Jamendo (13,4 % du chiffre d’affaires) spécialisé dans les droits musicaux sous licences « Creative Commons » auprès des professionnels (catalogue de près de 40.000 artistes proposant plus de 500.000 morceaux musicaux dont 270.000 sous le modèle de licensing).

Audiovalley veut doubler son CA d’ici 2020
Le poids de la dette-créance envers Vivendi présente un risque pour Audiovalley, qui
a réalisé en 2017 un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros (consolidé proforma) pour un résultat opérationnel négatif de 5,9 millions d’euros (« compte tenu notamment d’une dotation aux amortissements de 4 millions »). Mais Alexandre Saboundjian prévoyait encore l’an dernier un doublement de son chiffre d’affaires entre 2018 (a priori supérieur à 25 millions d’euros) et 2020 (50 millions). Il compte sur la croissance de la monétisation des webradios et de l’audio digital pour continuer à conquérir le monde
et s’affranchir de Vivendi. @

Charles de Laubier

Technicolor perd ses couleurs et échoue à mener à bien son plan stratégique « Drive 2020 »

Le groupe français Technicolor (ex-Thomson Multimedia), spécialiste des technologies de l’image et du son pour le cinéma, la télévision, les médias numériques et la maison connectée, a échoué dans son plan stratégique « Drive 2020 » lancé il y a plus de trois ans par son directeur général, Frédéric Rose.

Thomson (1893–1966), Thomson-Brandt (1966-1968), Thomson-CSF (1968-1983), Thomson (1983-1995), Thomson Multimedia (1995–2010) et aujourd’hui Technicolor (2010- 2019 ?). En 135 ans d’existence, c’est tout un pan entier de l’histoire des technologies de l’image et du son à la française (1) qui vacille malgré l’implication – jusqu’à la nationalisation (1982-1997) – de l’Etat français, encore aujourd’hui actionnaire via Bpifrance Participations et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à hauteur de 7,96 % du capital.

Frédéric Rose, DG depuis 10 ans
Et cela fait dix ans – depuis le 1er septembre 2008 – que le Franco-américain Frédéric Rose (photo) en est le directeur général, également membre du conseil d’administration. Cet ancien d’Alcatel-Lucent arrive chez Technicolor pour redonner des couleurs à une entreprise qui, en 2008 déjà, affichait un chiffre d’affaires en baisse et un endettement en hausse atteignant à l’époque 1,5 milliard d’euros. Il s’agit aussi de redonner une stratégie à l’ex-Thomson. Frédéric Rose n’est alors pas au bout de ses peines. C’est lui qui, en 2010, va changer le nom de l’entreprise Thomson pour Technicolor, dénomination héritée de la société américaine Technicolor Motion Picture Corporation fondée en 1914 et à l’origine du célèbre procédé de films en couleurs utilisé par les studios de cinéma d’Hollywood (dont Disney).
La compagnie américain Technicolor devint bien plus tard, en 2001, filiale du français Thomson qui s’est approprié le nom pour en faire une marque unique (2). Parmi ses clients : de grands studios de cinéma (Warner Bros., Disney, Paramount, NBC Universal, Fox, Lionsgate, …) ou indépendants, des éditeurs de jeux vidéo (Activision Blizzard, Electronic Arts, Ubisoft, …), des chaînes de télévision (Canal+, …), des producteurs de musique (Universal Music, Warner Music, …), des opérateurs télécoms (America Movil, AT&T/DirecTV, Bouygues Telecom, …) ou OTT.
C’est en 2015 que Frédéric Rose présente son plan stratégique « Drive 2020 », assorti d’un plan d’intéressement en actions pluriannuel pour impliquer les salariés. Se sentant pousser des ailes, le groupe a aussitôt, l’année suivante, revu à la hausse les objectifs de son plan en visant pour 2020 un excédent brut d’exploitation (Ebitda) supérieur à 750 millions d’euros – contre 500 millions d’euros initialement prévus – et un flux de trésorerie disponible supérieur à 350 millions d’euros – au lieu de 250 millions d’euros précédemment. Mais ces performances n’ont pas été au rendez-vous, contraignant le dirigeant à revoir à la baisse ses objectifs – y compris consécutivement au cours de ces deux dernières années. L’objectif de l’Ebitda en 2020 a été ramené à 350 millions (au lieu de 750) et le free cash flow à 130 millions d’euros (et non de 350). La dette nette du groupe s’élève à 910 millions d’euros au 30 juin 2018 – « un niveau élevé », reconnaît le groupe aux quatorze couleurs. L’agence de notation financière Moody’s, qui avait en mars dernier dégradé d’un cran sa note liée à l’endettement de Technicolor (de « Ba3 » à « B1 »), pourrait à nouveau abaisser cette note dans les prochains mois. A moins que l’entreprise, au bord de la faillite, ne soit vendue ou démantelée d’ici là, comme cela est envisagé d’après l’agence Reuters le 19 novembre. « Technicolor passe en revue et évalue régulièrement les options stratégiques envisageables pour ses activités, que ce soit sous forme d’acquisitions, de rapprochements ou de cessions (…). A cet égard, Technicolor souligne que les discussions sont à un stade préliminaire. Aucune décision stratégique ou engagement n’a été pris », a dû préciser – en guise de réaction « aux rumeurs de marché » – le spécialiste de la fourniture de services vidéo pour les créateurs et les distributeurs de contenus, pour le cinéma, la télévision et les médias numériques, ainsi que pour la maison connectée. Les aînés se souviennent qu’il y a plus de vingt ans, en 1996, Alain Juppé avait voulu céder Thomson Multimédia (3) pour… 1 franc symbolique ! Aujourd’hui – autres temps, autres mœurs – Frédéric Rose discute du sort de Technicolor « à la poursuite de l’intérêt social et de celui des parties prenantes de la société ».

Vendre l’ex-Thomson à vil prix ?
A la Bourse de Paris, où la capitalisation de Technicolor est passé le 26 novembre sous la barre des 400 millions d’euros (389,8), le titre a dévissé de 86 % entre son plus haut niveau en janvier 2016 (7,48 euros) et son plus bas le 26 novembre également, à moins de 1 euro (0,96). La chute est de 65 % rien que depuis le début de l’année. La vente en mars de ses activités de « licences de brevets », à l’américain InterDigital pour 420 millions d’euros, n’a pas été d’un grand secours. Selon Reuters, Technicolor pourrait vendre son activité « Maison connectée » @

Charles de Laubier

Déclin des ventes de tablettes iPad mais hausse des contenus et services digitaux : le paradoxe d’Apple ?

Apple a publié le 5 novembre, via le gendarme boursier américain (la SEC), le rapport financier de son année fiscale close le 29 septembre. Edition Multimédi@ y analyse deux tendances opposées mais paradoxales : la baisse des ventes de l’iPad et la hausse de celles des contenus et services en ligne.

Lorsque, en janvier 2010, la marque à pomme a révélé son tout premier iPad, on allait voir ce qu’on allait voir ! La tablette fut présentée – par Steve Jobs à l’époque (photo de gauche) – comme « un appareil révolutionnaire », qui allait être multimédia, communiquant et tactile pour accéder à tous les contenus. Moins de trois ans après la sortie de son premier iPhone, Apple tenait enfin avec son iPad le « puissant ordinateur dans un livre » promis au monde entier par Steve Jobs en 1983.

Loin du pic des ventes de tablettes en 2013
Mais, plus de huit ans après le début de la commercialisation du premier iPad (en avril 2010), force est de constater que le rêve d’Apple – de voir la tablette devenir le grand écran tactile (9,7 pouces/246,3 mm de diagonale) que tout le monde s’approprierait pour accéder au contenus et services en lignes – s’est aujourd’hui évanoui. Au cours
de l’exercice 2017/2018 clos fin septembre, la firme de Cupertino n’a vendu que 43,5 millions d’iPad pour 18,8 milliards de dollars. Ce qui représente, sur un an, une baisse de 0,5 % en volume et de 2,1 % en valeur. La chute est autrement plus douloureuse si l’on compare au pic historique des ventes d’iPad en unités, c’est-à-dire aux 71 millions d’iPad vendus en 2012/2013 pour un chiffre d’affaires record de 31,9 milliards de dollars : – 38,7 % en volume et – 39,9 % en valeur. Ce désamour mondial pour l’iPad n’est pas faute d’avoir eu des tablettes à la pomme plus performantes. Et la sixième génération actuelle, apparue en mars avec le nouvel iPad boosté au processeur hyperpuissant A10 Fusion, ne démérite pas. Hélas, le marché mondial de la tablette n’a pas su s’imposer face au marché de masse des smartphones. Selon les derniers chiffres en date, publiés le 2 novembre par le cabinet d’étude IDC, les ventes mondiales de tablettes continuent de reculer de 8,6 % au troisième trimestre de cette année. Qu’elles soient sous forme d’ardoise (classiques) ou convertibles (détachables), rien n’y fait. Toutes déclinent. Sur ce troisième trimestre 2018, il s’est vendu dans le monde seulement 36,4 millions de tablettes – loin du pic du quatrième trimestre 2013, au cours duquel il s’était vendu un record de 78,6 millions de tablettes. Maigre consolation pour la marque à la pomme : elle est toujours en tête des ventes avec 26,6 % de parts de marché, encore loin devant Samsung (14,6 %), Amazon (12 %), Huawei (8,9 %) ou encore Lenovo (6,3 %). Le glas sonne-t-il pour les tablettes ? La presse fut la première industrie culturelle à miser dès 2010 sur l’iPad, qu’elle voyait comme le moyen de monétiser – « enfin » – ses journaux et leurs articles jusqu’alors livrés un peu trop vite et gratuitement sur Internet à partir des années 2000. L’engouement pour l’iPad fut tel que les éditeurs ne jurèrent un temps que par la tablette pour sortir de l’ornière (1) (*) (**).
Des journaux se sont même créés pour, tels Project de Virgin, premier e-magazine fonctionnant uniquement sur l’iPad, et The Daily de News Corp. Ces titres n’ont pas fait long feu. Les premiers kiosques numériques ont aussi vu dans l’iPad leur terminal. Mais les éditeurs de presse et les médias audiovisuels ont vite déchanté dans leurs relations difficiles avec l’écosystème fermé d’Apple (2). Aujourd’hui, Apple s’en tire à bon compte avec ses iPad, mais sur le dos des consommateurs qui doivent payer plus cher leur tablette à la pomme. Leur prix moyen de vente est en hausse, comme sait si bien le faire la firme de Cupertino pour conforter ses marges.
Le paradoxe est que la tablette devait devenir le point d’entrée privilégié aux contenus multimédias. Or ce ne fut pas le cas. C’est le smartphone qui est devenu le terminal universel dans l’accès à Internet et aux applis mobiles. Si les tablettes n’ont pas tenu les promesses d’Apple, les contenus, eux, continuent leur croissance auprès d’un large public – sur smartphones, phablettes, consoles portables ou encore Smart TV.

Contenus et services : 14 % des revenus d’Apple
Cette tendance se traduit pour Apple par une hausse sans précédent des revenus de contenus et services en ligne – ce que le groupe dirigé par Tim Cook (photo de droite) désigne par « Digital Content and Services » (iTunes, App Store, Mac App Store, TV App Store, Book Store et Apple Music), auxquelles sont rajoutés les revenus d’AppleCare, d’Apple Pay, de licences et autres. Au total, la ligne « Services » des résultats 2017/2018 affiche plus de 37,1 milliards de dollars grâce à un bond de 24% (3). Les contenus et services pèsent maintenant 14 % du chiffre d’affaires total d’Apple (4). Mais c’est encore insuffisant pour que la marque à la pomme diminue sa dépendance à l’iPhone, lequel représente encore 62,7 % de ses ventes mais dont les perspectives de vente sont pour la première fois à la baisse. @

Charles de Laubier

Viacom(Paramount, MTV, Nickelodeon, Comedy Central, …) va au contact direct avec les Millennials

Le géant américain des médias Viacom ne peut plus se contenter de diffuser ses contenus audiovisuels — aussi « premiums » soient-ils — en mode linéaire à la télé, car la jeune génération est présente sur les médias sociaux et consomment plus court : vidéos, stories, sliders, carrousels, …

Six mois après avoir créé Viacom Digital Studios (VDS) aux Etats-Unis et trois mois après avoir racheté AwesomenessTV pour l’y intégrer, voici que la maison mère de Paramount, de MTV, de Nickelodeon ou encore de Comedy Central a choisi la France comme premier pays pour lancer VDS à l’international. Le coup d’envoi officiel de ce « studio de création et de production de formats mobiles et de contenus digitaux dédié aux marques » a été donné le 11 octobre dernier.

MTV Networks et Game One : moins rentables
« Viacom Digital Studios France est la première manifestation à l’international d’une stratégie de Viacom aux Etats-Unis qui a créé Viacom Digital Studios comme producteur-maison de contenus mobiles, verticaux et formats courts à l’adresse de toutes les plateformes sociales – que cela Facebook, Instagram, Twitter, Snapchat,
etc. », s’était félicité, avant le jour-J, Thierry Cammas (photo), président de « Viacom International Media Networks France » (VIMN France) sur le « Buzz Media » du Figaro fin septembre. En réalité, VIMN France n’a pas d’existence juridique. « Viacom International Media Networks France est le nom “corporate” de l’ensemble MTV Networks SARL et Game One SAS. Pour l’instant, toute la gouvernance de VDS s’opèrera à partir de MTV Networks SARL », précise à Edition Multimédi@ Thierry Cammas, depuis 2005 gérant de MTV Networks et président de Game One. Ces deux filiales françaises du groupe Viacom, basées à Neuilly-sur-Seine et opérant depuis 2011 sous le nom commercial de « VIMN France », ont réalisé en 2017 un chiffre d’affaires cumulé de 51,5 millions d’euros – dont 34,5 millions par MTV Networks et 17 millions par Game One – pour un bénéfice net respectif de 1,3 million d’euros (effectif de 117 personnes) et 3,7 millions (23 personnes). Bref, le bouquet des dix chaînes diffusées
en France – MTV, MTV Hits, Bet, Nickelodeon, Nickelodeon Junior, Nickelodeon 4Teen, Game One, J One, Paramount Channel et, la toute dernière lancée le 4 octobre, Comedy Central – est encore une affaire rentable pour « VIMN France » qui est aussi
la régie publicitaire de ces marques. Mais cette profitabilité s’érode : – 11 % pour MTV Networks et – 4,5 % pour Game One SAS en 2017. Le jeune public, en particulier la nouvelle génération des « Millennials », sont moins enclins à aller regarder des chaînes linéaires comme la musicale MTV (1) ou la vidéoludique Game One, qui plus est payantes. L’effet cord-cutting (2) (*) (**) a aussi rattrapé la filiale française, mais elle n’a pas attendu sa maison mère pour délinéariser.« En France, on a plutôt une bonne expertise de construction ciselées de stratégie sociale, de narrations digitales : vidéo, stories, sliders, carrousels d’images… Sur YouTube, la première chaîne jeunesse est Nickelodeon Junior avec plus de 20 millions de streams par mois. Sur Snapchat, nous sommes au “Top” du Discover avec MTV et plus de 1 million de visiteurs uniques par jour. C’est pour cela que Viacom Digital Studios est lancé en France, Sa fonction sera, au-delà de nos propres contenus digitaux verticaux, d’en produire pour les annonceurs, les marques et les agences média », a expliqué Thierry Cammas, parlant aussi de
« brand content digital plus ou moins élaboré ». Comme Viacom l’a fait dans le domaine du cinéma en 1994 avec l’acquisition de Paramount à Hollywood, cette fois le conglomérat des médias et du divertissement piloté de Manhattan (New York) s’est emparé cet été de AwesomenessTV. Il s’agit d’une startup californienne qui était contrôlée par DreamWorks Animation depuis 2013. L’une de ses spécialités, en tant que Multi- Channel Network (MCN) dont elle fut l’une des pionnières (3) : éditer des chaînes diffusées sur YouTube, aujourd’hui au nombre de 90.000 créées à travers le monde.
Qu’il est loin le temps où le groupe Viacom, alors dirigé par le Français Philippe Dauman (4), ferraillait en justice (de 2007 à 2013) contre YouTube qu’il accusait de piratage, allant jusqu’à réclamer 1 milliard de dollars à la filiale de Google – avant d’échouer et d’enterrer la hache de guerre en 2014… Viacom veut maintenant démontrer avec VDS qu’il peut monétiser par l’audience ou par la transaction des programmes, mais aussi par la production pour le compte de tiers – annonceurs
et publicitaires – sur les médias sociaux. En France, « ce n’est pas une incursion opportune vers la monétisation digitale ; c’est plutôt le résultat d’une expertise et
d’une audience construites depuis plusieurs décennies », a assuré Thierry Cammas.

Distribution holistique et brand content
L’avenir dira s’il s’agit de relais de croissance viables et pérennes, par rapport au fonds de commerce – tel que Bob l’éponge ou Pat’Patrouille ! – diffusé en exclusivité sur Nickelodeon, mais aussi via TF1, iTunes, Google Play, TFou Max, CanalPlay, SFR Play, Amazon Prime (Video), Netflix, ainsi qu’en produits dérivés déclinés en textiles, jeux vidéo, magazines, livres, produits de maison, de décoration, jeux, jouets, etc. @

Charles de Laubier

Altice n’a toujours pas remplacé la marque SFR par la sienne, ce qui brouille un peu plus son image

L’opérateur télécoms SFR n’est toujours pas passé sous pavillon « altice », près de cinq ans après son rachat par Patrick Drahi. Il y a un an, le 9 octobre 2017, le groupe SFR était retiré de la Bourse – son capital étant détenu par Altice France (89,4 %) et Altice Europe (9,3 %). L’ « Altice Campus » n’affiche plus le logo SFR.

SFR n’a pas été rebaptisé Altice au premier semestre 2018, contrairement à ce que Patrick Drahi (photo) avait décidé l’an dernier lorsqu’il avait annoncé le 23 mai 2017 de New York qu’Altice allait devenir la marque unique de toutes ses activités dans le monde.
En France, la marque SFR – héritée de la « Société française du radiotéléphone » créée il y a 30 ans – devait disparaître. Il n’en a rien été et ce n’est pas pour demain. « Pas de changement prévu », nous a répondu le 4 octobre Alain Weill, DG d’Altice Europe, maison mère d’Altice France et de SFR dont il est PDG depuis près d’un an. Il venait, la veille, d’inaugurer les nouveaux locaux de BFMTV et de RMC au sein de l’immeuble « Altice Campus ».
Juste après l’éviction en novembre 2017 de Michel Combes, qu’Alain Weill a remplacé depuis, le président fondateur de la maison mère Altice Europe, Patrick Drahi, avait lui-même confirmé le 15 novembre (1) que le remplacement en France de la marque SFR par la marque Altice était « différé ». Pour autant, le milliardaire franco-israélien et actionnaire majoritaire du groupe basé au Pays-Bas n’avait pas donné les motifs de
ce report. Le passage de SFR sous pavillon « altice » n’est donc pas intervenu en début d’année, mais en réalité ce changement de marque a déjà commencé discrètement de façon désordonnée.

L’Altice Campus inauguré sans SFR au complet
Edition Multimédi@ s’est procuré le message qu’Alain Weill a diffusé en interne le 9 octobre afin d’annoncer à ses salariés – non conviés – la soirée prévue ce jour-là pour « inaugur[er] officiellement l’Altice Campus en présence de nombreuses personnalités ». Seul le logo « altice » apparaît en en-tête, alors qu’il y parle pourtant d’ »expérimentation 5G » et de « télécoms et médias »… Mais officiellement, la marque SFR ne disparaît pas. « Nous avons pour l’instant renoncé à ce projet car en France
la priorité est la reconquête des clients », avait expliqué Alain Weill dans une interview à Stratégies en mars dernier. L’heure est aussi aux économies pour un groupe surendetté à hauteur de 50 milliards d’euros ; un changement de nom coûte très cher en marketing et communication. En tout cas, la pendaison de crémaillère en grande pompe s’est faite sans attendre que tous les salariés de SFR aient déménagé de la Seine-Saint-Denis pour intégrer cet immeuble du 15e arrondissement de Paris. Les 7.000 salariés télécoms et médias y seront au complet d’ici la fin de l’année.

« Abus de biens et de pouvoirs sociaux » ?
Alors qu’ils avaient été mis côte-à-côte dès mi-2017 sur la page d’accueil du portail Sfr.fr (3), le logo au carré rouge et le logo représentant un chemin n’apparaissent plus aujourd’hui ensemble sur le site web de l’opérateur télécoms – les trois lettres rouges restant seules dans leur coin… Il y a un an, des abonnés SFR et Red dotés d’un iPhone avaient même vu la marque « altice » accolée à celle de SFR au niveau des barres du signal de l’opérateur mobile (4). Aujourd’hui, quelques communiqués de presse arborent encore les deux marques, mais chacune dans un coin de l’en-tête, comme si elles se regardaient en chien de faïence ! Pourtant, ce projet de substitution de logos apparaissait comme une aubaine pour faire oublier la marque au carré rouge très écornée ces dernières années par de nombreuses défaillances techniques, tarifaires et commerciales, lesquelles avaient fait fuir jusqu’à 3,5 millions d’abonnés depuis la vente de SFR par Vivendi à Altice en avril 2014. De plus, changer de nom découlait de la volonté de Patrick Drahi d’adopter une marque unique pour mieux rayonner à l’international – au moment où il partait à la conquête des Etats-Unis.
« La marque SFR a été un peu abîmée en France au cours des années qui viennent
de s’écouler parce que l’on a été déceptifs vis-à-vis de nos clients », avait reconnu le
17 mai Michel Combes, alors encore dirigeant du groupe (5), devant l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef).
Mais cette décision de changer de marque n’a pas été du goût de tous les actionnaires du groupe SFR qui était encore coté à la Bourse de Paris (sur Euronext) jusqu’à son retrait il y a un an. Un fonds d’investissement qualifié d’« activiste », dénommé Charity & Investment Merger Arbitrage (CIAM) et cofondé par les Françaises Catherine Berjal et Anne- Sophie d’Andlau, avait déposé plainte le 16 juin 2017 contre les dirigeants d’Altice pour « abus de biens et de pouvoir sociaux ». Cette société financière, dont le fonds était actionnaire minoritaire de SFR à environ 0,11 %, estime dans l’un de ses trois griefs que l’abandon du nom de SFR pour celui d’Altice se fera au profit de Patrick Drahi, détenteur de la marque et du groupe Altice et dénonce le fait que SFR devra verser au bout de trois ans des redevances à celui-ci pour l’usage de sa marque Altice. Les deux autres griefs formulés par CIAM portent, d’une part, sur les 80 millions d’euros que SFR a dû payer à l’Autorité de la concurrence à cause d’un rapprochement Altice-SFR un peu précipité (selon le fonds, c’est à Altice de les payer), et, d’autre part, sur
le déménagement du siège de SFR (actuellement à La Plaine Saint-Denis) dans les bureaux « Altice Campus » aux loyers plus élevés, propriétés de Patrick Drahi qui les aurait acquis pour 1 milliard d’euros en 2016 et situés dans l’immeuble Qu4drans du 15e arrondissement de Paris. Bien que CIAM ne détienne plus d’actions SFR, à la suite de l’offre publique de retrait à l’automne 2017 suivie d’un retrait obligatoire visant les actions de la société SFR, la plainte devrait suivre son cours. C’est du moins ce que pense Catherine Berjal qui nous dit « ne plus avoir accès au dossier, car n’étant plus actionnaire ». C’est le 9 octobre 2017 – il y a un an – que le titre SFR a été retiré de la cote après qu’Altice France SA, Altice NV (Altice Europe) et Altice France Bis SARL – trois holdings de droit néerlandais et contrôlées au plus haut niveau par Patrick Drahi – aient déclaré détenir respectivement 89,4 %, 9,3 % et 0,04 %, soit un total de 98,78 %, de SFR Group (6) .
Mais le flou artistique persiste autour de l’enseigne du deuxième opérateur télécoms français. Avec Altice Campus, Altice France, Altice Media ou encore le site web Alticefrance.com dédié à… SFR, Altice trace son « chemin » petit à petit sur l’Hexagone. Si les activités télécoms restent encore estampillées « SFR », les activités médias, elles, arborent déjà l’enseigne « altice » – quand bien même les médias du groupe gardent leur titre (RMC, BFMTV, i24 News, Libération, L’Express, …). Exception qui confirme la règle : la chaîne de télévision de séries et de films s’appelle Altice Studio (ex-Altice Studios, avec un « s », jusqu’en 2017). Alain Weill a dit aux Echos le 3 juillet dernier qu’il recherchait des partenaires à cette chaîne-société de production pour mieux peser face à Netflix et Amazon, alors que Le Figaro affirmait le 31 mai qu’Orange et SFR discutaient d’une fusion entre OCS et Altice Studio.
Quoi qu’il en soit, l’Altice Campus est la concrétisation de stratégie de convergence télécoms-médias décidée par Patrick Drahi à l’international. « Il est le symbole du regroupement entre les groupes Altice et NextRadioTV, mais aussi de la convergence réussie entre les médias et les télécoms en France », s’est félicité Alain Weill lors de la visite guidée des nouveaux locaux flambant neufs.

Convergence télécoms-médias et télés-radios
Les équipements audiovisuels et multimédias, mutualisables entre les différentes chaînes de télé (BFMTV, RMC Découverte, BFM Paris, RMC Story, RMC Sport, i24 News, Altice Studio, My Cuisine) et stations radio (RMC, BFM Business) ont nécessité 35 millions d’euros d’investissement. « Chaque plateau est à la fois radio et télé ; tous nos programmes radio ont vocation à devenir des programmes télévisés », a précisé le patron d’Altice France. @

Charles de Laubier