Tarifs télécoms : même pas peur !

Armé de mon seul smartphone associé à sa tablette, me voici prêt à communiquer sans limite, à surfer ad libitum
sur mes contenus préférés et à parcourir le monde sans me soucier de mon abonnement Internet… Nous sommes bien en 2020, mais cette situation tarifaire idéale n’est pas encore totalement réalité. S’il existe bien aujourd’hui des formules d’abonnement très simples, complètes et à coût raisonnable, la vigilance reste de mise. La simplicité réclamée par les utilisateurs se heurte encore et toujours à des évolutions multiples, parfois opposées. La grande rupture heurta de plein fouet les opérateurs télécoms au tournant de l’an 2000. Jusque-là, ils commercialisaient des minutes d’appels via des téléphones fixe et mobile, ou des SMS. Dès 2010, plus des
80 % des communications se faisaient désormais via l’e-mail, la messagerie instantanée, la voix sur IP, les blogs ou les forums. Ces formes alternatives de communication échappent encore et toujours aux opérateurs et à toute forme de monétisation. Cette véritable révolution des usages s’inscrit dans un contexte plus général : baisse tendancielle des prix, augmentation vertigineuse des trafics et préservation des investissements conséquents dans les réseaux très haut débit, fibre ou LTE.

« Certaines stratégies tarifaires propres au marché mobile s’appliquent désormais au fixe, notamment le traffic cap »

Voyage aux Data Centers de la Terre

En ce mois étouffant de juin 2020, une manifestation d’un nouveau genre passe sous mes fenêtres grandes ouvertes aux cris de « Rendez-nous nos données, elles nous appartiennent ! ». Des slogans descendus dans la rue après avoir inondé la Toile et qui marquent une prise de conscience initiée dix ans plus tôt. Le nouvel écosystème numérique fait la part belle à des terminaux très sophistiqués connectés en continu et utilisant de manière croissante les ressources du « cloud » : nos données personnelles, nos photos, nos factures, sans parler de nos traces laissées sur le Net, tout autant que la musique et les vidéos que nous avons cessé d’archiver puisqu’ils sont toujours disponibles à la demande quelque part. Et ce, grâce à la mise en place progressive d’une nouvelle infrastructure constituée d’un ensemble de data centers, véritable réseau de « fermes informatiques » au niveau mondial.

« le cloud computing induit donc une certaine décentralisation, les applications et les données tendant désormais à être séparées de leurs utilisateurs ».

Numericable pourrait être mis en échec par Free

En fait. Le 11 mai, Numericable a lancé sa « révolution du mobile » : deux abonnements mobile avec appels illimités pour moins de 25 (à ses clients)
ou 50 (aux autres) euros par mois (pas de terminal subventionné). Le câblo-opérateur ne craint-il pas que Free ne lui porte un coup fatal en 2012 ?

En clair. Le pire concurrent de Numericable n’est pas France Télécom mais le groupe Iliad. La maison mère de Free pourrait dès 2012 prendre en étau le câblo-opérateur,
entre son activité Free Mobile et le déploiement de son réseau de fibre optique. Pour sa quatrième licence UMTS obtenue en 2009 et validée par la Commission européenne le
10 mai dernier (après avoir été contestée par Orange, SFR et Bouygues Telecom), Iliad
a déjà créé 2.000 emplois et vise les 5.000 emplois (directs et indirects) d’ici à cinq ans. Son réseau mobile, qui s’appuie sur celui d’Orange grâce à un accord d’itinérance signé en octobre 2010, nécessitera 1 milliard d’euros (1). Pour son réseau de fibre optique, Il faudra 1 milliard d’euros supplémentaire à Iliad pour achever sa mise en place. Pour l’heure, Free vise les 100.000 abonnés FTTH (2) à fin 2011. « Free investit chaque année 40 % de son chiffre d’affaires (de 2 milliards d’euros en 2010, soit 800 millions d’euros), contre 10 % pour les opérateurs historiques et 20 % pour les autres acteurs existants », a précisé Xavier Niel lors du colloque de l’Arcep le 4 mai (lire p. 7). Pour financer le tout, Iliad table sur un flux de trésorerie (free cash flow) de 1,1 milliard d’euros entre 2010 et 2012 et une ligne de crédit de 1,4 milliard contracté l’an dernier auprès de huit banques (3). Face à un Iliad très ambitieux qui revendique le fait d’être
« l’un des opérateurs télécoms les moins endettés en Europe », Numericable fait pâle figure en tant que l’un des opérateurs les plus endetté de la place : 3,3 milliards d’euros, « avec une grosse échéance en 2014 » (4). La holding Ypso France – détenue par les fonds Carlyle (38 %), Cinven (38 %) et Altice (24 %) – représente même l’un des plus lourds LBO (Leveraged Buy-Out) de France auprès notamment de BNP Paribas et de Alcentra. Numericable revendique 3,3 millions d’abonnés à la télévision par câble, 1,17 million à Internet et moins de 900.000 à la téléphonie (chiffres à septembre 2010). Il s’agit pour l’essentiel de liaisons coaxiales (fils de cuivre blindés) que Numericable modernise à la norme Docsis 3.0 : près d’une quarantaine de villes basculeront cette année. Pour la seule fibre optique, Numericable compte 322.000 abonnés. Ce qui est peu par rapport aux 4 millions de prises en fibre (sur 10 millions de logements câblés). A cela s’ajoute le désabonnement qui, bien que passé de 20 % en 2008 à 16 % en 2010, reste encore élevé. Free apparaît dès lors comme une sérieuse menace. @

Ovi est-il soluble dans l’alliance Nokia-Microsoft ?

En fait. Le 13 février, à la veille de l’ouverture du Mobile World Congress qui s’est déroulé sur quatre jours à Barcelone, le numéro un mondial des fabricants de mobiles, Nokia, a précisé les termes de son accord avec le numéro un mondial
des logiciels, Microsoft. Mais l’avenir d’Ovi semble en suspend.

En clair. Au-delà du fait que Nokia – détenteur encore 28,9 % de parts de marché en nombre de téléphones portables vendus en 2010 dans le monde (1) – va adopter Windows Phone comme «sa principale plateforme pour sa stratégie smartphone »,
la question de l’avenir d’Ovi lancé en 2006 et de sa version Store ouverte en mai 2009
se pose. « Nokia et Microsoft sont en train de finaliser les termes de leur accord.
En combinant nos actifs complémentaires dans le “search“, la cartographie, la géolocalisation, le e-commerce, les réseaux sociaux, le divertissemrent ou encore la publicité, nous espérons créer une nouvelle offre pour les consommateurs », répond Henna Pelkola, porte-parole de Nokia, à Edition Multimédi@. Les deux numéros un
ont annoncé le 11 février un « partenariat stratégique pour construire un nouvel éco-système global ». Les PDG de Nokia et Microsoft, respectivement Stephen Elop (2)
et Steve Ballmer, ont expliqué que « la boutique de contenus et d’applications de Nokia sera intégrée au Marketplace de Micosoft. Aujourd’hui, les développeurs, les opérateurs et les consommateurs sont plus exigeants sur les terminaux mobiles, qui doivent inclure
non seulement le portable, mais aussi le logiciel, les services, les applications et l’assistance ». Est-ce la fin programmée d’Ovi Store qui avait comme objectif de générer 2 milliards d’euros de revenus din 2011 ? « Nokia n’a pas retiré le nom d’Ovi Store », a tenu à préciser Kai Oeistaemoe, vice-président du groupe finlandais, à Bloomberg. Riche en applications, musiques, vidéos et jeux, Ovi concentre les efforts de Nokia dans les contenus face à Apple et Google.
Malgré le lancement à l’automne dernier de son smarphone N8, qui offre avec Ovi de
la TV à la demande (CNN, Paramount, National Geographic, …), les usages peinent
à décoller avec moins de 100 millions d’utilisateurs recensés sur Ovi Store (3). L’arrêt d’Ovi Music Unlimited (ex-Comes with Music) – lancé deux ans plus tôt – a été annoncé en début d’année, faute de succès face à iTunes malgré 6 millions de titres. En 2009, Nokia avait déjà dû fermer son service de jeux vidéo N-Gage. Néanmoins, Ovi Store s’enrichit grâce notamment à un partenariat annoncé en mai 2010 entre Nokia et Yahoo. Le fabricant apporte cartographies et géolocalisation (Ovi Maps), le concurrent de Google sa messagerie. En septembre dernier, un autre accord a été conclu avec Orange. Ce dernier aura son espace sur Ovi où les mobinautes pourront payer des contenus directement via leur facture France Télécom. @

Le Monde « n’a pas peur de Google et des autres »

En fait. Le 14 janvier, les trois nouveaux propriétaires du groupe Le Monde – Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, accompagnés par Louis Dreyfus, président du directoire – ont été les invités de l’Association des journalistes médias (AJM). Ils visent l’équilibre financier dès cette année.

En clair. Le trio Bergé-Niel-Pigasse entend sortir Le Monde de l’ornière dès cette année, en misant sur un « bouleversement » interne qui passe par un regroupement des différents titres du groupe (Le Monde, Télérama, La Vie, Courrier International, …) dans de nouveaux locaux. Matthieu Pigasse (1) table sur le « rapprochement web-papier déjà engagé » pour rationaliser le fonctionnement des deux rédactions du quotidien, composées respectivement de 50 journalistes côté numérique et de 270 journalistes côté imprimé. Face aux défis du Web et du numérique, les nouveaux propriétaires misent sur les marques « fortes » du groupe : « On a pas peur de Google et d’autres », a lancé Xavier Niel. « On a peur de rien », a surenchéri Matthieu Pigasse pour expliquer notamment le choix du Monde de ne pas participer au projet de kiosque numérique E-Presse Premium. Avec cette future plateforme, des quotidiens et des magazines espèrent reprendre la main face à Google News ou l’App Store d’Apple (2). En ironisant : « On n’ est pas obligé d’ériger des forteresses ou des forts Chabrol » !
Le Monde compte sur son futur directeur – Erik Izraelewicz s’il est élu le 7 février – pour concrétiser la « rédaction bimédia », dont l’un des freins « est de ne pas avoir encore réglé la question des droits d’auteur des journalistes » (3). Louis Dreyfus, le président du directoire du groupe a indiqué que « depuis [sa] nomination [le 15 décembre, ndlr], Sylvie Kaufmann [jusqu’alors directrice de la rédaction du Monde] est devenue directrice des rédactions ». Reste la question des 34 % que Lagardère possède dans Le Monde Interactif. « Il n’est pas indispensable de racheter la part de Lagardère pour rapprocher Le Monde Interactif et Le Monde, même si c’est notre souhait. Mais pas à n’importe quelle condition », a expliqué Matthieu Pigasse. Rappelons que Lagardère s’était dit prêt à céder sa participation pour 33 millions d’euros à l’autre candidat malheureux Perdriel-Prisa-Orange (lire EM@16, p. 3). Dans leur offre datée du 21 juin dernier, le trio avaient clairement dit que « cette activité [numérique] doit revenir au journal et se placer au cœur de sa nouvelle stratégie éditoriale » (EM@17, p. 5). Pour l’heure, le groupe Le Monde réalise « moins de 5 % de son chiffre d’affaires (380 millions d’euros en 2010) avec le numérique ». Sans se fixer des objectifs chiffrés, le trio Bergé-Niel-Pigasse entend développer « l’audience numérique de Télérama et du Monde en faisant travailler ces deux titres ensemble ». @